martes, 6 de junio de 2023

3. 9. Du deschet, & desbauche de nos privileges, soubs la seconde lignee de noz Roys.

Du deschet, & desbauche de nos privileges, soubs la seconde lignee de noz Roys. 

CHAPITRE IX.

L' ignorance de nos Prelats envelopee des guerres civiles (qui ne produisent ordinairement autre chose que la desolation de l' Estat Ecclesiastic) ceste ignorance, di-je, commençant de tomber au temps de ce grand Nicolas, il ne faut pas trouver estrange s' il ne fut adoncques mal-aisé de nous faire descheoir d' un degré ou deux de nos anciens privileges. Aussi certainement est-ce luy dessous ceste seconde lignee qui y donna la premiere atteinte, & pour une tres-juste cause que l' on ne doit passer soubs silence, a fin que ce nous soit une leçon pour nous apprendre de n' abuser des benefices, qui nous sont accordez de Dieu. Je vous ay n' agueres recité un abus qui fut fait au Concil de Lion, ou bien de Soissons, tenu contre Louys le Debonnaire, je vous en raconteray maintenant un autre qui fut commis en la ville d' Aix, pour gratifier à la passion d' un Roy, qui n' estoit pas veritablement Roy de France, mais estoit l' un des successeurs de Charlemaigne, & si tenoit son Royaume dedans l' enclos de noz Gaules. Il prit opinion au Roy Lothaire second, petit fils du Debonnaire, de repudier la Roine Tutbergue sa femme, voulant espouser Uvaldrade (Waldrade) sa concubine, de l' amour de laquelle il estoit infiniement esperdu. Ce qu' il ne pouvoit faire sans scandale: car la Royne estoit apparentee de plusieurs grands Princes. Cela fust cause qu' il y voulut employer un faux pretexte de l'  Eglise, & abuser du remede *commun de la France, je veux dire de l' auctorité d' un Concil. Waldrade estoit niepce de Gontier Archevesque de Cologne, & grand Aumosnier du Roy, qui prend ceste affaire en main, & pour parvenir à son dessein, attire à sa cordelle Tutgrand, Archevesque de Treues. Le Concil est encommencé premierement dans Cologne, puis parachevé à Aix la Chapelle (siege du Royaume de Lothaire) ou par commune resolution de toute l' assemblee ce divorce fut approuvé, & le Mariage trouvé bon d' entre le Roy & Waldrade. Les parens de la pauvre Royne ne s' en peurent taire: Ils vont au recours des affligez en la ville de Rome: où ils trouverent le Pape Nicolas tres-disposé à embrasser leur complainte, lequel dés l' instant mesmes delegua Hagayer, & Rodoal Evesques, Legats en ceste France pour s' informer comme le tout s' estoit passé. C' estoit à parler François entreprendre à huys ouvert sur nos anciens privileges. Car auparavant vous ne trouverez point que jamais le semblable eust esté pratiqué en la France. Lothaire craignant la fulmination Apostolique s' excuse sur les Evesques de son Royaume, dit qu' il n' a rien fait que par leur adveu & authorité. Ces deux Legats luy conseillent d' envoyer par devers le Pape les deux Archevesques qui avoient presidé en ce Concil, a fin (comme il est à croire) que la punition qui seroit exercee sur eux, servit de bride non seulement aux autres Prelats, mais aux Roys. Le Roy les croit & de fait envoye Gontier, & Tutgrand à Rome pour prendre raison de leur fait. C' estoit un second deschet de nos privileges. Ils avoient affaire à un tres-advisé Prelat, lequel, bien qu' il estimast ses sentences n' être sujettes à controle que de luy seul, comme il avoit escrit à l' Empereur de Constantinople, si ne voulut-il franchir le pas pour le premier coup contre nous: Mais pour n' être veu deroger de plain faut à nos privileges, ne voulut employer sa puissance absoluë, ains nous combattant de nos mesmes armes, fit faire un Concil, par l' advis duquel il anathematiza ces deux Prelats, les priva de leurs Archeveschez, degrada de l' ordre de Prestrise, & reduisit pour tout soulas à la communion des Laiz. Et combien que ce jugement ne feust pas agreable à tous, comme nouveau, & non jamais au precedent veu dans la France, & que ces deux Prelats s' en plaignissent à l' Empereur Loys, frere de Lothaire. Disans que jamais Metropolitain n' avoit esté destitué de son siege entre nous, sans le vouloir du Prince, accompaigné de la sentence des autres Metropolitains. Ce nonobstant, ce decret sortit son plain effect, & ne peurent jamais ces deux Evesques obtenir restitution du Pape, encores que par deux & trois fois ils s' allassent jetter à ses pieds. Jugement certes tres-sainct, & tres-juste. Car si Dieu oste les Royaumes, & les transmet d' une main à autre, pour le peché des Roys, comme nous en voyons plusieurs exemples dans la Bible, hé vrayement quand il eust permis que tout à fait nous fussions decheuz de nos privileges anciens, nous n' eussions esté chastiez que selon noz demerites. L' exemple que je vous viens de reciter servit puis apres de grande planche. Car à la suitte de ce jugement, Nicolas voyant que Lothaire perseveroit en son peché, depescha Arsenius autre Legat, lequel passant plus outre que les deux autres, assembla de l' authorité Apostolique un Concil encontre Lothaire, l' exhorte d' abandonner sa concubine, & de retourner à sa vraye espouse, sur peine d' encourir les censures Ecclesiastiques. Ce que Lothaire fut contraint de faire. Et en ce mesme Concil le Legat excommunia Eugiltrude femme de Bosson, lequel elle avoit quitté pour adherer à Uvanger (Wanger), l' un de ses vassaux: Adjurant tous les Prelats des Gaules, Germanie, & Neustrie, par l' authorité de Dieu tout puissant, de S. Paul, & de Nicolas Pape universel, de ne recevoir ceste Princesse en leurs Eglises. 

Voila comment nostre Eglise Gallicane descheoit de ses anciennes libertez: Et combien que le sainct Siege eust lors attaint à tout ce que l' on pouvoit souhaitter de grandeur, comme mesmes l' on peut remarquer par le huictiesme Concil general de Constantinople tenu soubs Adrian second, toutesfois nostre Eglise ne pouvoit aisement souffrir que le Pape entreprist sur noz Ordinaires: & de ce s' en trouve un exemple fort notable soubs le mesme Adrian deuxiesme, du temps de Charles le Chauve, n' estant encores Empereur. Il s' estoit fait donner quelques biens de l' Eglise de Laon par Hincmare, lors Evesque de ce lieu. Don qui avoit esté bien & deuëment emologué. Depuis il redonna ces mesmes terres à un Gentil-homme, duquel, l' Evesque induit d' une repentance, les vouloit repeter: mais luy n' en voulant passer condemnation, fut soudain excommunié par l' Evesque. C' estoit un baston, dont lors & apres escrimerent trop librement les Superieurs de l' Eglise, & qui fit venir par succession de temps ces excommunications en nonchaloir, pour en user indifferemment, & les mettre en œuvre sans discretion. Le Gentil-homme en appelle, & releve son appel par devant Hincmare Archevesque de Rheims, lequel fut un tres-grand personnage de son temps. Apres que l' Archevesque eust cogneu du merite de ceste cause, & comme les choses s' estoient passees à l' endroict du Roy, il annulla la sentence, & renvoya le Gentil-homme absous des censures Ecclesiastiques. Dont l' Evesque de Laon indigné, appella en Cour de Rome. Ceste appellation trouvee insolente, & nouvelle, Charles le Chauve s' en remuë, & fait assembler les Prelats de la Province à Rheims, où par l' advis du Concil cest appel fut declaré non recevable, ny vallable. D' autant que par les anciens decrets de l' Eglise Gallicane, les causes ne devoient outre-passer les limites du Royaume, où elles avoient esté encommencees. Chose dont le Pape Adrian indigné, blasma grandement Hincmare Archevesque, & en escrivit mesmement lettres au Roy, pleines de courroux, & contumelie. Parquoy enjoignir à l' un & à l' autre par puissance, & autorité Apostolique, qu' ils deferassent à cest appel, & que les parties eussent à se trouver à Rome, pour y être la cause jugee. A quoy Charles aidé, comme il est vray-semblable, des instructions de l' Archevesque, respondit assez brusquement que c' estoit contre tout l' ordre ancien de Rome, & de la France, que le Roy ordonné de Dieu pour reformer toutes les fautes de ses subjets, permit que celuy eust recours à Rome, qui avoit esté condamné par un Synode Provincial en presence de son Metropolitain, & que jamais ses predecesseurs Roys de France, n' estoient tombez en cest accessoire: que les saincts decrets anciens, mesmes de Rome, resistoient à ceste nouvelle entreprise. Parquoy desiroit faire, non ce que le Pape, mais bien l' Eglise ancienne de Rome, ordonnoit. L' exhortant pour conclusion qu' il eust à l' advenir à se deporter de lettres de telle substance envers luy, & ses Prelats, a fin qu' ils n' eussent occasion de l' esconduire.

Telle fut doncq' la responce de Charles, beaucoup plus forte & vertueuse que celle qu' il fist puis apres, estant Empereur. L' ambition extraordinaire meurdriere de tous les Estats, n' hebergeoit lors en son cerveau, ny le temps, & l' occasion ne luy avoient encores suggeré les memoires, qu' il pratiqua depuis la mort de Louys Empereur d' Italie son nepueu. Cest Empereur decedant, avoit delaissé trois enfans, Carloman, Louys, & Charles le Gras, ausquels par droict successif devoit appartenir cest Empire, toutesfois Charles le Chauve par brigues & moyens sinistres, les supplanta, & se fit couronner Empereur de Rome par le Pape Jean huictiesme, avec lequel ayant lié sa fortune, il la voulut estayer par nouvel advis, & rendre grand à son possible celuy qui l' avoit gratifié de ce beau tiltre d' Empereur. 

Ce Prince d' un esprit remuant, fantasque, & bisarre, homme de peu d' effect, auquel la famille des Martels doit principalement sa ruine, voulut pour se magnifier en qualité d' Empereur, faire tenir un Concil general en un lieu nommé Pontigon, où il se trouva lors en personne, habillé à la Françoise, non à la Grecque, & avec luy Jean Evesque de la Toscane, Legat du Pape Jean huictiesme: lequel dés la premiere seance fit faire lecture des bulles Apostoliques, par lesquelles le Pape leur permettoit l' ouverture du Concil: & aussi deleguoit Ansegise Evesque de Sienne pour son Legat, tant sur les Gaules, que Germanie, approuvoit, & avoit pour agerable tout ce qui seroit par luy faict, luy permettant d' y faire celebrer les Concils, comme si le Pape y eust esté en personne. Les Evesques grandement estonnez de ceste nouvelle commission, demanderent avant que de passer plus outre, d' en avoir copie. Ce que le Roy, qui s' entendoit avecq' le Pape, refusa, & ordonna que puis que sa Sainteté l' avoit ainsi ordonné, Ansegise tint la primace de toutes les Gaules, & en ceste qualité luy fit bailler siege par dessus tous les autres Prelats, baillant à l' Evesque de la Toscane le costé droit. Hincmare Archevesque de Rheims se leve sur pieds, & s' oppose fortement à ceste entreprise, soustenant hautement que c' estoit directement contrevenir aux decrets anciens de l' Eglise Gallicane. Bref les choses se passererent lors au contentement des Prelats, nonobstant l' intervention manifeste du Roy. Dont luy irrité retournant à ceste assemblee, lors habillé à la Gregeoise (comme Prince plain de vanité qu' il estoit) somma de rechef ces Prelats de satisfaire au vouloir du Pape en faveur d' Ansegise. A quoy ils respondirent que jamais ils n' avoient desobey aux commandemens reguliers du Pape, ny de ses predecesseurs. Et comme il les pressast d' avantage de franchir le pas, il ne peut obtenir d' eux non plus en la derniere session, qu' il avoit faict en la premiere. Qui monstroit qu' en eux n' estoit encor du tout esteinte ceste ancienne vertu, & liberté de nostre Eglise Gallicane. Et comme Jean huictiesme ne s' en fust voulu taire, ains eust escrit lettres plaines de commination aux Eglises, & Clergé de France, pour n' avoir voulu endurer son Legat, Hincmare fit une responce concernant les Privileges de nostre Eglise, & c' est ce que veut dire Flodoard, parlant de luy, quand il dict. Respondit etiam ad capitula quædam Episcopis Regni Francorum à Joanne Papa transmissa, de privilegiis sedium, per capitula septem: quoniam idem Papa nisus fuerat Ansegisum Senensem Episcopum, primatem constituere, ut Apostolica vice per Gallias, & Germanias frueretur, cui conatui venerabilis hic praesul Hincmarus obstitit. Il respondit, (fait-il) quelques articles envoyez aux Evesques de France par le Pape Jean, sur les Privileges des Eglises Cathedrales, & ce par sept Chapitres. D' autant que ce Pape s' estoit efforcé d' establir Ansegise Evesque de Sienne Primat, & son vicegerant par toutes les Gaules & Germanies. Auquel dessein ce venerable Prelat Hincmare resista: & neantmoins par ce que l' on luy improperoit calomnieusement que defendant nos privileges si fortement, il avoit en cela mespris contre le S. siege de Rome. Qui est une opinion qui peut aisément entrer en un cerveau morfondu. Voicy qu' en dit le mesme Flodoard. Scripsit & Apologeticum contra obtrectatores suos, qui calumniabantur eum diversis obtrectationum apetitionibus, scilicet apud Joannem Papam, quod nollet autoritatem recipere, & decreta Pontificum sedis Romanae, atque & tunc in Synodo Tricassina, & postea in hoc Apologetico respondit, refellens *convitiatores suos, & se decretalia Pontificum Romanorum à sanctis Conciliis recepta, & approbata recipere, & sequi discretè pro ut sunt sequenda depromens. Il escrivit (dit-il) un Apologetic contre ses mesdisans, qui le calomnioient diversement envers le Pape Jean, comme s' il n' eust voulu recevoir les decrets du Siege Apostolic de Rome. Chose dont il se purgea tant au Concil tenu à Troye, que par cest Apologetic, declarant qu' il adheroit aux decrets des Papes receus & approuvez par les saincts Concils, enseignant comment il y falloit distinctement obeyr. Qui sont passages dignes d' être notez pour l' ancienneté de nos privileges. Et à la mienne volonté que ce livre fust en essence. Et certes on ne peut oster à Hincmare qu' il ne fust un tres-grand personnage, & l' un des plus grands protecteurs en ce temps là de nos privileges: mais si vous tournez le fueillet, vous le trouverez aussi avoir esté sur son advenement, & selon les occasions, l' un des plus grands perturbateurs d' iceux. Et par ce que parlant de luy avec personnages de ce temps, studieux de l' antiquité, je ne leur pouvois faire accroire cela, je le vous veux representer par un exemple digne aussi du present subjet. Ebon Archevesque de Rheims avoit esté l' un des principaux entremetteurs de la conspiration qui fut dressee contre le Debonnaire par ses enfans, qui fut cause que cest Empereur estant depuis restably en ses Estats, s' en voulut ressentir contre luy, & le fit priver de son Archevesché par le Pape Sergius deuxiesme, & en son lieu fut mis Hincmare. Encores que ce personnage fust infiniement bien duict, & nourry aux privileges anciens de nostre Eglise Gallicane, & qu' il ne fust pas d' advis de les changer aisement, comme vous avez peu entendre par les choses que je vous ay presentement discourues: si est-ce que prevoyant ce qui advint depuis, & desirant se rendre asseuré de tout point, non seulement ne se contenta des voix & suffrages du Clergé, assistez de l' authorité de l' Empereur, mais voulut recevoir confirmation par le Pape, auquel l' Empereur adressa lettres patentes pour cest effect, si ne peut il toutesfois de telle façon obvier aux inconveniens que le Debonnaire estant mort, Lothaire son fils Empereur ne fist restituer Ebon en son ancien siege, avec le consentement de quelques Evesques, lequel aussi non content de ce, alla à Rome, où il fut receu par le Pape en sa communion, & de là retourna à l' exercice de sa charge, en laquelle il promeut quelques uns aux ordres, & aux autres il confera divers benefices selon que l' occasion s' estoit presentee. Mais aussi tost qu' Ebon fut decedé, & Hincmare de retour en son Archevesché, il les priva de tous les biens, degrez, & honneurs qu' ils avoient receuz du deffunct, comme ayans esté conferez par celuy qui n' avoit eu pouvoir de ce faire. Ce pauvre peuple ne s' en peut taire, & fut la matiere de telle façon ventilee, que l' on en vint jusques à un Concil qui fut tenu à Soissons, auquel lieu, par ce que la cause se traictoit contre le Metropolitain, il fut dit que les parties conviendroient de 2. ou 3. Juges, sous l' arbitrage desquels seroit la question terminee en la presence du Concil. C' estoit la forme qui estoit prescrite tant par un Concil Africain, que par les loix Synodales de Charlemaigne. Chose à quoy Hincmare condescendit liberalement, mais avec une protestation telle que l' on lit dans les actes de ce Concil, qui fut telle. Ego Hincmarus sanctae Metropolitanae Ecclesiæ Rhemorum Episcopus in hac dumtaxat caussa, quae ventilatur de his, qui se à Domino Ebone depositionem suam asserunt ordinatos, eligo mihi iudices, quos Canones Electos appellant, Uveinlonem (Weinlonem) Senonensem Archiepiscopum, Pardulsum dioceseos nostra Laudunensem coepiscopum servantem locum nostrum in hoc iudicio, nostræ authoritatis salvo in omnibus primatii Metropolis Rhemorum Ecclesia iure, & manente in suo statu, quod quidem ius cum aliis Metropolitanis mihi à sacris canonibus est collatum: salva etiam reverentia Apostolica sedis, quae in omnibus caussis debet reverenda adhiberi, sicut Innocentius Papa ad Victricum Rhotomagensem scribit Episcopum, & sancti etiam Canones præfigere dignoscuntur. C' estoit en bon langage un huis de derriere qu' il se reservoit & un recours au siege Apostolic, s' il luy fust mesadvenu de sa cause, contre l' ancienne usance de France. Là furent deduictes plusieurs choses sur la destitution, & restitution d' Ebon, & à vray dire, toutes les fleiches que l' on descochoit d' une part & d' autre, ne concernoient que la grandeur, & authorité du Siege Apostolic. Par ce que Hincmare remonstroit que Sergius Pape avoit reduit Ebon en une communion laicale, & privé de son Archevesché, mesmes sur ce que la congregation des Evesques de France luy en avoit escrit. Au contraire qu' il avoit esté receu, & instalé en ce siege par election du Clergé, & lettres patentes du Roy, ensemble par confirmation du mesme Sergius. Que suivant cela il avoit receu l' honneur du Pallium du sainct Siege: Que tout ce que ses adversaires alleguoient de la restitution faire par Lothaire, & quelques Evesques, estoit en partie supposé, & en partie contre les Canons Ecclesiastics. Surquoy, apres avoir ouy meurement les parties, il fut sententié pour Hincmare, & ordonné que les destitutions tiendroient. Toutesfois Hincmare non content de cela, en advertit encores le sainct Siege, & fit confirmer par Benoist Pape tout ce qui avoit esté arresté en ce Concil. Et non content de cela, Benoist donna d' abondant ce privilege à Hincmare, que nul de ses diocesains apres avoir souffert sentence de condemnation de luy, n' en peust appeller. Quoy faisant, il derogeoit grandement à nos privileges en ostant la voye ancienne d' appel du Metropolitain au Concil provincial. Hincmare pensoit s' être de ceste façon asseuré pour avoir d' un costé suivy la vieille discipline de France, j' entends d' avoir fait confirmer par Concils ses sentences: & encores la nouvelle forme, ayant fait par une abondance de seurté ratifier par le Pape, tout ce qui s' estoit passé à Soissons. Toutesfois ses parties adverses ayant fait consultation pour eux sur la protestation du mesme Hincmare vont à Rome, discourent leur fait avecq' humble supplication au Pape Nicolas premier successeur de Benoist, lequel casse & annulle ceste sentence Synodale contre eux donnee, & les restitue en entier. Par ce qu' il ne falloit imputer à ces pauvres gens à vice, si suivans la foy du public, & l' erreur commun de tous, qui vient au supplement du droict, ils avoient pris provision de celuy qui estoit par la commune voix du peuple en opinion d' être leur vray superieur. Nicolas estoit un grand Pape, mais il s' atachoit aussi à un bien grand Archevesque, lequel revenant comme d' un profond sommeil, & cognoissant la faute qu' il avoit commise en soy departant de nos anciens privileges, pour avoir recherché de là les monts ce qui naissoit dans nostre France, escrivit une lettre bien ample à Nicolas (avec tel honneur toutesfois que requeroit la dignité qu' il soustenoit, car il l' appelle son unique Seigneur, Pere des Peres) par laquelle lettre il luy remonstre modestement sans riens toutesfois obmettre qu' il ne devoit retracter ce qui avoit esté passé & conclud en un Concil National, le tout ainsi que nous aprenons plus amplement de Flodoard.

A quel propos tout cecy? non à autre, sinon pour monstrer comme les affaires de nostre Eglise Gallicane se trouverent adoncques vagues & fluctuantes pour l' injure du temps, & que pour vray dire, il n' y avoit riens si certain que l' incertain. Par ce que ceux qui en tenoient la plus forte clef, embrouilloient à leur appetit la serrure, faisans sur un mesme subject le faict & defaict. Car vous voyez ce grand Prelat avoir du commencement sa retraicte à Rome, pour la manutention & asseurance de sa dignité, craingnant quelque algarade de Lothaire lors qu' il seroit Empereur: & d' avantage, qu' il proteste avoir recours vers le Pape en ce Concil de Soissons, sa cause se trouvant en balance. Toutesfois depuis s' estant avecq' le temps asseuré de la volonté de l' Empereur, il en ferma du tout la porte de Rome à l' Evesque de Laon: comme au contraire Charles le Chauve du commencement ne portant que tiltre de Roy, souz Adrian deuxiesme favorisa noz privileges, contre lesquels depuis il s' arma en faveur du Siege de Rome souz Jean huictiesme, par lequel il avoit esté sacré Empereur. Et qui approfondira ceste Histoire, trouvera qu' il n' y eut que l' ambition en l' un & l' autre, qui leur fit oublier l' ancienneté de nostre Eglise. Car a fin que l' on ne pense point que ce soit une charité que je leur preste soubz faux gages, Rheginon parlant du sacre & Couronnement de Charles le Chauve, dit qu' il l' achepta à beaux deniers contens, pour defrauder de l' Empire les vrays & legitimes heritiers. Carolus senior (dit-il) Romam secundò profectus, ubi iampridem Imperatoris nomen à præsule sedis Apostolicae ingenti pretio emit. Charles l' aisné vint à Rome pour la seconde fois, où dés pieça il avoit achepté du Pape le tiltre d' Empereur grande somme d' argent. Auquel lieu il appelle Charles l' aisné, à la diference de Charles le Gras l' un de ses nepueux fils de l' Empereur. En cas semblable Leon quatriesme pour attirer de toutes les façons qu' il peut Hincmare à sa devotion, luy envoya le Pallium avec une prerogative extraordinaire qu' il n' avoit jamais octroyee, comme Flodoard, faisant grande commemoration de luy, nous enseigne en ces paroles, quand il dit que, Pro sua sanctitatis, & sapientiae reverentia per interventionem Lotharii Imperatoris, Pallium ad quotidianum suscepit usum à quarto Leone Papa à quo iam aliud perceperat, ut designatis sibi solemnitatibus servandum: quem quotidianum Pallii usum nulli unquam Archiepiscopo se concessisse, vel deinceps concessurum esse, idem Papa in Epistola ad eum directa testatur. C' est à dire, Que pour la reverence de la saincteté & sagesse qui estoit en luy, Leon quatriesme luy avoit envoyé le Pallium par l' entremise de l' Empereur Lothaire, pour en user tous les jours, lequel il avoit une autrefois receu pour en user aux solemnitez à ce dediees, & protesta lors le Pape par lettres à Hincmare qu' il n' avoit jamais octroyé, ny n' octroyeroit à l' advenir ceste prerogative à nul autre. Il ne falloit point dire que Leon ne l' eust jamais octroyé. Car la verité est qu' au paravant nul n' en avoit usé de ceste façon. Et de faict sainct Gregoire en osta l' usage à l' Archevesque de Ravenne, qui maintenoit luy être permis par ancien privilege d' en user tous les jours. Que s' il vous plaist raporter chaque chose à son temps, il sera fort aisé de cognoistre d' où proceda l' entreprise qui fut faite par l' un & l' autre au prejudice de nostre Eglise. Car lors que Charles fit tenir ce deuxiesme Concil, dont j' ay parlé cy-dessus, ce fut soubz Jean, dont il avoit achepté la Couronne de l' Empire, & le Concil de Soissons fut celebré soubz Benoist successeur de Leon, lors, que la memoire n' estoit encores effacce en l' esprit de Jean, du bien fait qu' il avoit receu de son predecesseur, voulans chacun endroit soy favoriser ceux ausquels ils se sentoient obligez, aux despens de nostre liberté ancienne: & l' un des plus grands instrumens qui se trouva & lors, & depuis pour asservir noz Prelats, fut le Pallium, dont chacun se rendoit par une ambition particuliere esclave, a fin d' être comme Vicegerans du sainct Siege en ceste France: mesmes que les Papes se dispensoient fort aisément de l' envoyer non seulement aux Metropolitains, mais aussi aux simples Evesques. Quoy faisans, c' estoit apporter prejudice à ces Metropolitains, ausquels les Evesques chargez de cest honneur, se vouloient parangonner par le moyen de ceste gratification. Chose dont Foulques Archevesque de Rheims se plaignit envers Formose Pape, disant que cela apportoit deux maux, c' est à sçavoir, la confusion & desordre en l' Eglise Gallicane, & l' avilissement de cest honneur en la Romaine, pour être conferé sans acception de personnes autant aux indignes, comme à ceux qui le meritoient, & aux Evesques, comme aux Archevesques. 

Les affaires de la France n' estoient lors arrivees à tel periode, où elles tomberent puis apres: mais toutes ces choses n' estoient qu' un fondement de la mutation qui devoit puis apres advenir tant en l' Estat Ecclesiastic, que seculier, dont le Chauve fut l' un des premiers Autheurs: aussi ne me peut-on denier que le lot qui luy escheut en partage, n' ait esté presque celuy dont noz Roys furent assortis, & que nous appelames depuis Royaume de France. Or depuis l' Empire du Chauve, jusques à la venuë de Capet, ne recherchez une vraye & asseuree face d' Estat, ny en la France, ny en Allemaigne, ains seulement un preparatif general de changement. Ce ne fut qu' un Chaos & meslange qui dura plusieurs longues annees. En tout cest entreject de temps, vous voyez un Bosson faict Roy de Provence, un Bauldouin se faire Comte de Flandre, un Raoul le Normant occuper l' Estat du pays, que nous appellons Normandie, un autre de mesme nom, celuy de Bourgongne, Guy, & Berenger, le Royaume d' Italie, Eude, & apres son frere Robert celuy de France, & apres luy Raoul son gendre: Arnoul Bastard, chasser Charles le Gras son oncle vray Empereur d' Allemaigne, pour s' en impatroniser. Pendant les quelles confusions, tout ainsi que la Majesté Royalle estoit tellement rabaissee, qu' à peine recognoissoit on le vray Roy de France, aussi s' evanouist la dignité de l' Eglise & des Prelats. Car combien que l' on fit contenance de proceder par election aux Eveschez, si estoient elles briguees, non par menees sourdes, pour couvrir la honte & pudeur, ains par la force & violence publique des plus grands: esquelles toutesfois pour apporter quelque asseurance, ils eurent recours à la voye qu' avoit suivy Hincmare. C' estoit de les faire confirmer & ratifier par le Pape, l' authorité duquel estoit lors arrivee en tel credit, que soudain qu' elle y estoit passee, on estimoit que toutes les fautes precedantes estoient couvertes. Et là où auparavant nous recherchions Rome ordinairement par devotion pour voir les saincts lieux, nous la recherchames de là en avant, pour couvrir & faire sortir effect à nostre ambition. Chose que je vous veux monstrer par un seul exemple pour tous; parce qu' en toute mon Histoire je ne me suis proposé que de cotter les plus signalez exemples d' entre plusieurs, & mesmement tirez des Autheurs qui furent ou du temps, ou fort proches des choses que je raconte. Seulphe (quatriesme en ordre en l' Archevesché de Rheims apres Hincmare) estant allé de vie à trespas, le Comte Hubert qui lors tenoit grand lieu en France, moyenna par les trafiques d' Abbon, & Bonon Evesques de Soissons, & Chaalons, que Hugues son fils, qui n' avoit encores attaint l' aage de cinq ans, fust éleu Archevesque de Reims: & pendant le soubz-aage de cest enfant, Raoul Roy, bailla à son pere par forme d' œconomat, le gouvernement du revenu de l' Archevesché: mais par ce que ceste election estoit indubitablement vitieuse, Heribert depesche messagers par devers Jean Pape, acompagnez d' Abbon, lesquels avec tres-humbles supplications, le requirent qu' il luy pleust par un privilege special confirmer ceste election. Ce qu' il fait: mais veut par mesme moyen qu' Abbon fut Vicegerant, & fist tous actes d' Archevesque en ce lieu au spirituel, jusques à ce que Hugues eust attainct aage complet pour être sacré. C' estoit mettre en œuvre à bonnes enseignes la proposition de Nicolas premier, lors qu' il disoit que tout ce qui estoit ordonné par le Pape, ne pouvoit être cassé, & qu' il donnoit dispense, ainsi qu' il trouvoit bon de faire, selon la qualité des personnes qui se retiroient devers luy. Cela estant ainsi depesché, Heribert commença de ravager en ceste Eglise, comme un loup affamé au meillieu d' un troupeau de brebis, & destituë Flodoard Chanoine de l' Eglise de Rheims, (duquel j' ay emprunté ceste Histoire) & autres siens compagnons, pour n' avoir voulu assister à ceste election. Et depuis Oldaric Evesque d' Aix s' en estant fuy de son Diocese, pour la persecution des Sarrazins, le mesme Heribert le fit commettre au lieu d' Abbon à l' administration du spirituel, luy laissant pour ses aliments le simple revenu d' une prebende & d' une petite Abbaye. L' indignité de ceste procedure fut cause que Louys d' Outremer arrivé à la Couronne voulut faire proceder à nouvelle election, par laquelle Artolde fut éleu & mis au lieu de Hugues, & peut estre n' y avoit-il pas plus de devotion en ceste-cy, qu' en la premiere. Car Heribert estoit celuy qui avoit fait mourir en prison Charles le Simple pere de Louys: toutesfois il y avoit plus de pretexte en ceste-cy qu' en l' autre, pour la qualité des mœurs & de l' aage. Artolde donc estant entré en la iouyssance de cest Archevesché il en est jecté dehors par Heribert, & Hugues le Grand son beau-frere, & à l' instant mesme pour oster tout obstacle, Hugues est remis en fort bas aage & sacré Prestre, puis Archevesque. Et vrayement & l' election, & la confirmation de Hugues, & tout ce qui avoit esté fait à la suitte de cecy par les superieurs de l' Eglise, estoit tant éloigné de droict divin & humain, qu' en ceste concurrence de deux Prelats, il n' y avoit que tenir pour luy: toutesfois encore n' osa l' on rompre ce qui avoit esté faict, que par les mesmes voyes dont l' on avoit usé en faveur de luy. Ce fut d' avoir recours à un Concil National dans Verdun, non toutes fois authorisé des Metropolitains, comme estoit nostre premiere coustume, mais souz l' authorité de l' Archevesque de Treues, president, non en ceste qualité d' Archevesque, mais comme Legat du sainct Siege. Et en ce Concil fut Hugues destitué de son Archevesché comme incapable.

Et si les Eveschez estoient en ceste façon mal menagees, encores y avoit-il aux Abbayes, & autres moindres benefices plus grand desordre. Par ce que les Roys s' estoient licentiez de conferer les Abbayes aux Princes, Seigneurs, & Gentils-hommes, pour les tenir leur vie durant, comme les Fiefs. Et comme en tels desordres generaux chacun veut faire le Roy, le semblable faisoient les autres Seigneurs à l' endroit de leurs favoriz, pour raison des moindres benefices. Ainsi lisons nous que Baudouin Comte de Flandres osta plusieurs Eglises parochialles aux vrais titulaires, pour en gratifier de sa propre authorité ceux que bon luy sembla. Desbauche qui estoit un prognostic tres certain du changement de ceste seconde lignee. Car il n' y a riens qui excite tant le courroux de Dieu, que de voir ses Eglises profanees, & tomber en la main de ceux qui se sont vouez au service du Prince temporel, & non du spirituel. Il me souvient avoir leu dedans Luithprand, que Hugues Comte de Provence, ayant esté infiniment heureux en tout le cours de ses affaires. (Car il avoit adjoinct sans grande difficulté à son estat toute l' Italie) Manasses Archevesque d' Arles son cousin le vint trouver, où apres luy avoir faict quelques services, Hugues pour le rendre grand, luy donna les Eveschez de Veronne, Tarente, & Mantouë. Lisez la suitte de ceste histoire, qui est expressement dediee pour ce Prince, vous trouverez que depuis qu' il eut en ceste façon licentieusement abusé des dignitez de l' Eglise, jamais il ne prospera, ains allerent tousjours les affaires en decadence jusques au dernier soupir de sa vie. Au contraire ce mesme Luithprand en son quatriesme livre nous recite qu' Othon premier Empereur de ce nom estant constitué en grandes angusties de guerre contre Henry son frere, & Gilbert son beau-frere Duc de Lorraine, un sien grand Seigneur Comte qui l' avoit suivy & servy fidelement en toutes ses guerres, le pria par lettres de luy vouloir donner une Abbaye lors vacante, riche & opulente en biens, & possessions temporelles, a fin que par le revenu d' icelle il eust moyen de stipendier ses soldats, & en soustenir plus aisément le defroy de la Guerre. A quoy l' Empereur d' un visage riant dit au Gentilhomme porteur de la lettre, qu' il avoit envie de faire response à son maistre plustost de bouche, que par lettre. Ce qu' entendu par ce Comte il fut infiniment resiouy, tenant ja pour accordé le Benefice qu' il avoit demandé. Et de ce pas s' achemina devers l' Empereur, le rechargeant de mesme requeste. Auquel ce Prince en presence de tout le peuple: Il faut (dit-il) plus obeïr à Dieu, qu' aux hommes. Car qui est celuy si peu clair-voyant qui ne voye que la requeste que me faites maintenant, n' est pas tant requeste, qu' une taisible, & ouverte menace pour la necessité en laquelle vous me voyez reduit? Mais il est escrit, ne donnez point aux chiens ce qui est sanctifié, lequel passage estant par les Docteurs pris en sens allegorique, j' estimerois donner aux chiens, si je donnois à celuy qui suit la guerre temporelle, un monastere, qui est dedié pour les Religieux qui guerroyent souz les estendarts de Dieu seulement. Pour ceste cause je veux bien que sçachiez en presence de tout ce peuple, que vous, qui me demandez avecq' telle arrogance un don tant desraisonnable, ne l' obtiendrez jamais ne (de) moy, ny autre chose dont me requeriez. Partant s' il vous vient à plaisir de prendre vostre vol vers ces autres rebelles, le plustost sera le meilleur.

Ces choses estans proferees d' une magnanimité digne d' un si grand Empereur, ce Comte non seulement ne tourna visage vers l' autre party, mais se jette aux pieds de son maistre, le priant tres-humblement de luy vouloir pardonner la faute, en laquelle il estoit inadvertemment tombé. Et à tant vivant cest Empereur en ce sainct propos, & ayant Dieu pour son protecteur au lieu des hommes, non seulement vint à chef de ses ennemis, mais qui plus est chassa sans esperance de retour, & Hugues, & Berenger, de l' Italie, la remettant souz l' Empire, dont elle avoit esté distraicte par deux ou trois successions d' Empereurs. Au contraire la posterité de Charlemaigne faisant lictiere des Eveschez & Abbayes, perdit la Couronne & fut cause d' eschanger l' ancienne discipline de nostre Eglise en une nouvelle, dont nous parlerons cy apres. 

lunes, 5 de junio de 2023

3. 8. Des libertez de l' Eglise Gallicane sous la seconde famille de nos Roys.

Des libertez de l' Eglise Gallicane sous la seconde famille de nos Roys. 

CHAPITRE VIII. 

*Estant la grandeur du Pape telle que j' ay cy-dessus discouruë, & infiniment respectee en ce qui dependoit de la foy, pour la grande religion qui tousjours avoit reluy dedans Rome, cela fut cause que Pepin qui avoit la force de France en ses mains desirant faire tomber la Couronne en sa famille, eut recours au Pape de Rome, (ainsi que j' ay deduit en un autre chapitre) par lequel il fut proclamé Roy de France, & apres son decez Charles son fils fut aussi couronné Empereur. Tellement que de là en avant les Papes commencerent de s' accroistre dedans ce Royaume, en prerogative & grandeur d' une autre façon qu' auparavant. Car plus d' authorité leur donnoit-on, & plus l' on confirmoit la Royauté de nouvel adjugee à ceste seconde famille, à la confusion de la premiere. Et lors commencerent aussi de prendre tiltres plus hauts. Parce que tout ainsi que du commencement, ils avoient esté seulement appellez Evesques de Rome, puis Papes: aussi dés lors en avant on commença de les appeller, tantost Apostoles, tantost Apostolics, sans autre suitte de paroles: & eux mesmes quand ils parloient de leurs actions, avoient accoustumé d' user de ceste maniere de parler. Nostre Apostolat ordonne telle, ou telle chose. Outre que cela se remarque fort souvent dans l' ancienneté, il n' y a lieu toutesfois qui soit plus digne d' être noté que de Rheginon Abbé, qui estoit sur la fin de ceste lignee, vers le regne de Charles le Simple. Cestuy au premier livre de son Histoire, où il parle sommairement de la premiere famille de noz Roys, n' a autre mot dans la plume que celuy de Pape quand il parle du siege de Rome: mais quand au deuxiesme, il descend à la lignee de Pepin, tout aussi tost commence-il d' appeller le Pape ores Apostole, ores Apostolic, & sur tout n' use jamais du mot de Pape, qu' il ne l' appelle Pape universel, voire que quelques Evesques ne rendans honneur condigne au Siege de Rome, dit qu' ils blasphemoyent contre le Pape: & encores que ce changement de style procede plus en cest Autheur d' une simplicité Monachale, que de discours: si est-ce que de ceste simplicité nous pouvons recueillir la verité de l' Histoire. Ayant Rheginon escrit de ceste façon selon le moins, ou le plus d' authorité qu' il voyoit avoir esté prise par les Papes, selon la diversité des temps & saisons.

Or combien que l' authorité du sainct Siege Apostolic fut lors tres-grande, si ne faut-il estimer que pour cela s' esvanouist l' ancien usage de noz Concils, ny par consequent de noz privileges, ains furent diversement tenus soubz Pepin, Charlemaigne, & Louys le Debonnaire, sans en rien changer la forme qui avoit esté suyvie soubz noz premiers Roys, voire de plus grande efficace en plusieurs articles. Car entre autres choses il fut celebré un Concil à Verdun, pour la reformation de toutes les Eglises de France, & d' Allemaigne, par lequel en reprenant les arrhemens des anciens Peres, il fut ordonné qu' il n' y avroit en une Eglise qu' un Evesque: que les Evesques obeiroient aux Metropolitains, que l' Evesque avroit toute Jurisdiction sur son Clergé, tant regulier que seculier: Que deux fois l' an on tiendroit Concil en France, les premiers jours de Mars & d' Octobre, en telle ville qu' il plairoit au Roy: Que les Monasteres tant d' hommes que de femmes vivroient selon les reigles de leurs ordres, & s' ils refusoyent de ce faire, que l' animadversion en demoureroit par devers l' Evesque, & par appel par devant les Metropolitains, que le Roy entendoit constituer dessus les Provinces: Que les differends, qui pourroient sourdre entre le Metropolitain & l'  Evesque, seroient vuidez par la decision d' un Concil: Qu' une Abbesse n' avroit qu' une Abbaye, & defense à elle de sortir sinon par necessité, & encores avecq' le congé de son Evesque. Que l' excommunié ne pourroit entrer dedans l' Eglise, ny manger, ny boire avec un autre Chrestien, ny le saluër, ou approcher de luy pour prier Dieu qu' il ne se fust premierement reconcilié avecq' son Evesque. Et si dedans certain temps il ne se mettoit en devoir de faire lever les censures Ecclesiastiques, que l' on implorast le bras seculier encontre luy.

En ce Concil general passerent plusieurs autres articles notables, esquels n' est faite mention des Papes, non plus qu' en ceux qui furent tenus soubz Charlemagne, & Louys le Debonnaire, és villes de Paris, Compostelle, Strasbourg, Arles, Aix, Majence, Tours, Chalon, & autres situees, part en la France, part en Allemaigne, & Espaigne, lesquelles estoient souz la domination de ces deux Roys, & Empereurs. Et par especial est fait grand estat de cinq Concils, qui furent celebrez soubz Charlemaigne. Concilia quinque iussu eius (dit Rheginon, & apres luy Adon de Vienne) super statum Ecclesiarum per totam Galliam ab Episcopis celebrata sunt. Quorum unum Maguntia, alterum Rhemis, tertium Turonis, quartum *Cabilonis, quintum Arebate, congregatum est: & constitutiones, quae in singulis falta sunt, ab Imperatore sunt confirmata, quos qui nosse voluerit, in supradictis civitatibus investire poterit, quanquam & earum exemplaria in archivo Palatii habeantur. 

Les Evesques (dit-il) par le commandement de l' Empereur assemblerent cinq Concils parmy la Gaule, dont l' un fut à Majence, l' autre à Rheims, le tiers à Tours, le quart à Chalon, & le cinquiesme à Arles. Et toutes les constitutions qui furent faictes en chaque Concil, furent confirmees par l' Empereur: desquelles qui voudra avoir plus certaine information, il les pourra trouver en icelles villes, combien qu' il y en ait autant és archifs & thresor du Palais. Passage merveilleusement recommandable, pour montrer que non seulement la police Ecclesiastique de France s' assoit en ce temps là par noz Concils, mais aussi que l' on y requeroit l' authorité du Prince, tant pour l' ouverture, que confirmation d' iceux: Tout ainsi que pour le jourd'huy l' emologation d' une Cour de Parlement: Chose qu' il ne faut pas trouver estrange. Car aussi est-ce la verité que ces Concils, recognoissans prendre authorité par noz Roys, determinoient indifferemment ce qui concernoit tant la police seculiere, que Ecclesiastique. Qui fut à mon jugement cause que le mesme Rheginon, que j' ay cy dessus allegué, confond les mots de Synodus, & Placitum, combien que celuy-là fut seulement destiné pour les Ecclesiastiques, & cestuy pour les Seculieres. De là est pareillement venu qu' Ansegise Evesque reduisant par escrit les anciennes constitutions de Charlemaigne, & Louys le Debonnaire son fils, mesle & le spirituel; & le temporel dans icelles, le tout par un entrelas de puissance, a fin que tout ainsi que noz Prelats, par la tolerance, ou permission de noz Roys, jectoient l' œil quelquefois sur le reglement de la police seculiere, comme si ell' eust esté de leur fonds: aussi le Roy par le consentement general de tous les Prelats se donnoit Loy sur toutes les deux. Car il ne faut faire aucune doute que noz Roys n' eussent adoncques cognoissance de la discipline de leur Clergé. Et c' est aussi ce que nous enseigne Aimoïn au cinquiesme de son Histoire, quand il dict, que le Debonnaire fit publier un livre concernant la discipline Ecclesiastique. Ce dont cest autheur pouvoit seurement parler, d' autant qu' il estoit de ce mesme temps. Or dans ces Loix de Charlemaigne, & Louys, vous y pourrez recognoistre une infinité de sainctes constitutions, dignes de la grandeur de noz Roys. De quelle marque sont celles-cy. Qu' il ne fust loisible à un Evesque de promouvoir à l' ordre Ecclesiastic un Esclave, sans le gré & consentement de son maistre: Que les Vierges que lon vouloit faire Religieuses ne fissent profession qu' elles n' eussent attainct le vingt-cinquiesme an de leur aage: Que nul ne fust faict Prestre, qu' il n' eust trente ans passez, & accomplis: & que pareillement il n' eust esté bien & deuëment examiné: Injonction aux Prestres, c' est à dire aux Curez, de donner à entendre au menu peuple l' Oraison Dominicale, a fin qu' en priant Dieu, il sceust ce qu' il luy demandoit: Que les Evesques fussent éleuz par le Clergé & le peuple: & les Abbez par les Religieux: Commandement aux Evesques d' annoncer la saincte parole de Dieu à leur peuple: defenses de recevoir les enfans Religieux, ou Religieuses sans l' expres consentement de leurs peres: Que les hommes de franche condition ne peussent prendre clericature de l' Evesque sans prealable permission du Roy: & ce pour autant qu' il avoit entendu que plusieurs prenoient ceste qualité, non tant par devotion qu' ils eussent à Dieu, que pour s' exempter des charges seculieres qu' il leur convenoit supporter pour le service du Roy? Que chaque Seigneur fust tenu de nourrir ses mendians invalides sur sa terre & seigneurie, sans permettre qu' ils vaguassent ailleurs: Que les Eglises servissent à tous de franchise: De ne publier legerement, & sans grande cause des censures Ecclesiastiques: De n' ensevelir les morts dedans les Eglises, ains seulement aux Cimetieres: Que les Evesques donnassent ordre d' avoir escholes publiques en leurs dioceses pour l' instruction des enfans aux bonnes lettres. Defenses d' aliener le bien de l' Eglise, & aux Tabellions d' en recevoir les contracts, sur peine de bannissement: Que les dismes fussent conservees aux Eglises: Et plusieurs autres ordonnances de mesme subject que je passe pour briefueté souz silence, par lesquelles vous pourrez voir que ce n' est de ceste heure que noz Roys sont en possession d' avoir l' œil, & intendance sur la police Ecclesiastique.

Toutesfois les affaires de la France ne demourerent pas longuement en cest estat souz ceste famille. Car tout ainsi que toutes choses violentes ne sont jamais de duree, aussi ceste famille estant en peu de temps arrivee en une extremité de grandeur, elle esprouva souz trois Roys, trois aages, sa jeunesse souz Pepin, sa virilité souz Charlemaigne, & sa vieillesse souz Louys le Debonnaire. Car tous ceux qui leur succederent, ne firent, à mon jugement que radoter, ainsi que nous voyons quelques uns par leur aage decrepit tomber au rang d' enfance. Ce ne furent que partialitez, que divisions, tantost entre les freres, tantost entre les cousins, puis avecq' leurs propres subjects, jusques à ce que pour closture de ces tragiques spectacles, ils descheurent en fin totalement de leur Estat, par la promotion de Hugues Capet, soubz la lignee duquel on establit une nouvelle forme de Republique. Pendant lesquelles divisions le Pape qui par la confederation qu' il avoit faite avecq' les trois premiers Roys, communiquoit fort souvent avecq' les François, se donna plusieurs grandes authoritez sur noz Roys, auparavant incogneuës: & encores dessus noz Prelats, lesquels mesmement tournans en abus les Concils anciens de la France, & ce qui estoit de devotion, s' oublierent tant que pour gratifier à l' ambition detestable des enfans Louys le Debonnaire qui ne feit jamais faute aux siens que par une trop grande simplicité, que nous avons couvert du mot de Debonnaireté) feirent un Concil à Lyon, quelques uns disent à Soissons, où ils excommunierent leur Roy, & le declarerent incapable, & indigne tant de l' Empire, que du Royaume, permettans à ses enfans de s' en emparer. Ce qui fut apres cher vendu à noz Ecclesiastics. Parce que depuis cest ambitieux Concil, je ne voy plus gueres en usage ceste dignité ancienne de Concils, ou par une juste vengeance de Dieu, pour avoir ainsi temerairement abusé de leur authorité au prejudice de leur Roy, ou bien que les Roys mesmes faicts sages par cest exemple, en voulussent retrancher l' authorité & l' usage. Car combien que l' on celebrast puis apres quelques Concils, si ne furent ils de telle efficace que les anciens. Quoy que foit, depuis ce temps là les Papes gaignerent grande puissance dessus nos Prelats, & au lieu où auparavant quelques uns d' entre eux affligez s' estoient retirez en la ville de Rome comme en une ressource de leurs afflictions pour en tirer quelque honneste support, & ayde, ainsi que firent Maxime, Brice, Salon, Sagitaire, Urcissin, on commença de là en avant d' abreger ce mot, & d' une ressource en faire un ressort, & appeller au Pape des torts & griefs, que les Ecclesiastics pretendoient leur avoir esté faits par leurs confreres. Pareillement le Pape eut souvent des Legats en France, qui s' en faisoient croire. Chose à quoy la porte fut d' autant plus aisec à ouvrir qu' avecq' l' ambition s' estoit en ce temps là logee l' ignorance chez nous. Car Rheginon nous tesmoigne que deux Legats du Pape estans retournez de France à Rome, rapporterent au Pape Nicolas premier, que jamais ils n' avoient trouvé tant d' asnerie, que celle qui estoit lors en nostre Eglise: n' y ayant un tout seul Prelat qui fust sainement nourry aux constitutions Canoniques. Au contraire à peine que Rome eut jamais un Pape de plus grand sens que Nicolas (je n' en excepteray ny Leon premier, ny S. Gregoire) en ce mesmement qui appartenoit à l' accroissement du siege de Rome. J' ay dit en quelque autre endroict qu' entre tous les Papes, il y en eut trois, ausquels la Papauté estoit grandement redeuable, qui furent premiers de leurs noms, Leon, Gregoire, & Nicolas, dont les deux premiers furent par la posterité surnommez les Grands. Leon comme grand Prelat qu' il estoit, pour le respect qu' on luy portoit, fut le premier de tous les Papes qui receut le titre d' Universel au Concil de Chalcedoine, par ceux qui presenterent requestes. Et ores que Gregoire premier combatist fortement contre ce tiltre, craignant que le Patriarche de Constantinople ne le prist, & que par ce moyen il ne se voulust prevaloir d' un degré dessus l' Eglise de Rome, comme celuy qui avoit quelque faveur pres de l' Empereur Maurice: si est-ce que ce grand & sage Prelat Romain couvoit ceste mesme grandeur dans sa poictrine, comme j' ay deduit ailleurs, mesmes qu' en l' une de ses Epistres il soustient que le Constantinopolitain estoit subject au Pape de Rome. Toutesfois ce procez, qui sembloit estre pendu au croc, fut bravement, & hardiment jugé par Nicolas premier, escrivant tant à Michel Empereur de Constantinople, qu' à Phocius Patriarche pour la defence d' Ignace, qu' il jugeoit avoir esté soubs un Concil feint, & simulé mal exterminé de son siege. Car il leur monstre par vifves raisons que le sainct siege Apostolic estably dedans Rome, ville par les anciens nommee Eternelle, tenoit ses privileges, non par emprunt d' un Concil de Constantinople, ou de Chalcedoine, ains en proprieté de Dieu, & de la saincte Escriture. Partant qu' il n' estoit en la puissance d' aucun Prince terrien de les deraciner. Qu' à S. Pierre, duquel luy, & les Papes estoient vicaires, avoit esté baillee puissance de par Dieu universellement sur toutes les Eglises du monde, & que le seul mot de l' Eglise Romaine contenoit ce que ce grand seigneur vouloit être compris sous le nom de toutes les Eglises, desquelles pour ceste cause luy appartenoit avoir le soin. Qu' il n' y avoit en tout cest Univers, auctorité quelle qu' elle fust, qui se peust parangonner à l' Apostolique, & que ce qui s' estoit passé par jugement, ne pouvoit être en aucune façon retracté. Que les anciens Canons avoient voulu que de tous les Climats du monde on peut appeller au sainct Siege de Rome, mais que nul ne pouvoit appeller de luy. Et adjoustoit puis apres, que nulle reigle, nulle coustume n' enseignoit que l' on peust sans l' expres consentement du Pape anuller une sentence par luy donnee. Bien la pouvoit-il luy mesmes reformer selon l' exigence des affaires. Que de toute ancienneté les Papes estoient en possession de ceste grandeur dés le bers mesme de nostre Eglise. Qu' ainsi Victor, qui n' estoit grandement eslongné du temps des Apostres, avoit excommunié les quartodecimains de l' Asie: Que Jules avoit donné assignation à Athanaise, & ses Coevesques de comparoir à Rome par devant luy: A quoy liberalement ils obeirent. Que Felix avoit destitué Acarius de son Evesché de Constantinople: & Agapit condamné Antoine Evesque du mesme lieu. Pour ces causes, que ce qui estoit ordonné par le S. Siege de Rome de son propre mouvement, & puissance absolue, ne pouvoit être revoqué en doute, quelque coustume à ce contraire que l' ignorance du temps eust apportee.

Plusieurs autres raisons alleguoit ce grand prelat, authorisees de maints exemples, dont ores que les aucuns peussent recevoir quelque contredit pour l' histoire seulement, si est-ce que qui lira ces discours, il les trouvera pleins de fonds, jugement & entendement, pour le subject qu' il traitte: & si j' ay quelque sentiment en ceste affaire, & que l' on me permette d' y interposer mon jugement, je croy qu' à cestuy appartenoit le surnom de Tres-grand, non qu' il excedast de sens, Leon & Gregoire premiers: mais il en eut autant qu' eux, tant de naturel que d' acquis, és choses, où il vouloit donner attainte. Et outre ce il trouva le temps propre, & favorable, pour mettre à execution ses desseins, qui est le poinct qui nous fait paroistre plus grands entre les hommes. Car * faut pas estimer que Pirrhus & Annibal fussent moindres en vaillance, ou conduitte, qu' Alexandre de Macedoine, ou Jules Cesar: mais lors que les deux premiers heurterent leur fortune contre l' Estat de Rome, il n' estoit encores disposé à prendre coup, pour une infinité de raisons, comme il fut du temps de Jules Cesar, & celuy d' Asie du temps d' Alexandre. Aussi ne fais-je aucune doute que si Leon ou Gregoire fussent tombez sous le siecle de Nicolas, où les affaires de nostre Eglise estoient en desarroy, ils n' eussent fait ce que fist Nicolas, & luy en leurs temps ce qu' ils firent & non plus. Mais puis que cestuy couronna l' œuvre, tout ainsi que ces trois Papes furent premiers de nom, & d' effect, aussi penseroy-je faire tort à l' histoire, si je ne donnois au troisiesme sinon le tiltre de Tres-grand, pour le moins le tiltre de Grand, tout ainsi qu' on fait aux deux autres. 

sábado, 3 de junio de 2023

3. 7. Du Pallium que le Pape Gregoire premier envoya à quelques Prelats de la France,

Du Pallium que le Pape Gregoire premier envoya à quelques Prelats de la France, & que l' ambition d' un costé, & l' affliction des Prelats d' un autre, cuiderent intervertir sous la premiere lignee de nos Roys, la Liberté de nostre Eglise Gallicane. 

CHAPITRE VII. 

La familiarité tant de ceste Royne, que de ses enfans, avecq' le Pape, encores que ce ne fust si ainsi le faut dire, qu' un esclair, si cuida-elle couster quelque chose à la liberté ancienne de nostre Eglise Gallicane, par l' ambition de quelques particuliers Evesques. Il y a deux choses qui ont nuit à nos libertez selon la diversité des temps: l' ambition, & en apres l' affliction des uns & des autres: & ces deux particularitez se sont aucunement trouvees en ceste premiere lignee. 

Car pour deduire sommairement le premier poinct, il ne faut faire nulle doute, qu' encores que nos privileges fussent tels que j' ay cy dessus discourus, & que nos Prelats passassent toutes les affaires de leurs Eglises dedans l' enclos de ce Royaume, si est-ce qu' il ne faut douter que le sainct Siege de Rome ne fust infiniement respecté par toutes les Eglises de l' Europe, & specialement en ceste France. De là vient que quand l' on escrivoit aux Evesques, toute la plus belle remarque d' honneur qu' on leur pouvoit bailler, estoit de les dire dignes du Siege Apostolic de Rome: Et ainsi Clovis escrivant aux Evesques de France, à l' ouverture du premier Concil d' Orleans, disoit: Domnis Sanctis, & Apostolica sede dignissimis. De là, si en leurs Concils ils ramenoient en usage quelque Decret ancien, ils pensoient beaucoup faire pour eux de le puiser de l' Eglise de Rome, comme de la source, & fontaine de nostre foy: ainsi que vous pourrez voir par les trois, & vingt-cinquiesme articles du troisiesme Concil d' Orleans. Et à peu dire, ce grand Gregoire de Tours parlant de la retraicte que Brice fit à Rome. Ad Papam urbis dirigit (dit-il) sans faire mention de Rome. Lesquelles paroles ne peuvent être renduës de telle force en nostre langue, comme elles sont en la Latine: mais, si je ne m' abuse, sortans de la bouche d' un si grand Prelat, nous pouvons aucunement par cest eschantillon juger que ce Siege estoit grandement respecté & honoré par les nostres.

Or s' estoit lors, & quelques annees auparavant introduict une coustume en l' Eglise de Rome d' envoyer le Pallium à uns & autres Evesques, qui estoient ses diocesains: & ceux ausquels il estoit envoyé se ressentoient presque de mesmes prerogatives & authoritez que le sainct Siege, comme si ç' eussent esté les Collateraux du Pape. Presque de la mesme façon qu' estoient à l' endroit des Empereurs sur le declin de l' Empire ceux qui estoient par eux honorez de la dignité de Patrice, laquelle estoit non seulement donnee à ceux qui estoient de la suitte des Empereurs, mais aussi diversement à uns, & autres Princes estrangers. Ce fut la cause pour laquelle quelques Evesques Bourguignons, & Provençaux, desirerent en ceste France être gratifiez de cest honneur par sainct Gregoire, a fin de preceder tous les autres Evesques de ceste France par une nouvelle entreprise. Le premier qui le poursuivit fut Vigile Archevesque d' Arles, & interposa à cest effect l' authorité du Roy Childebert deuxiesme du nom, qui en escrivit à Sainct Gregoire: lequel ne voulant perdre l' occasion d' user de son benefice, par le moyen duquel il gagnoit autant, en donnant, comme l' autre en recevant, le luy confera tres-volontiers. Mais avecq' un grand appareil de langage, comme estant une nouvelle leçon qu' il vouloit enseigner à la France, laquelle vous trouverez au quatriesme de ses Epistres. Nous vous commettons (escrivoit-il à Vigile) pour nous representer avecq' l' aide de Dieu en tout le Royaume de Childebert nostre fils, comme il est aussi observé en tous les Metropolitains par ancienne usance, vous envoyant le Pallium, pour en user seulement dans l' Eglise, lors qu' on celebrera la Messe. Que si quelque Evesque veut deguerpir son Diocese, & aller voyager bien loing, defenses à luy de ce faire sans vostre permission. Et au surplus s' il se presente quelque difficulté sur la Foy, ou autres causes de consequence qui ne puissent être bonnement vuidees par un seul, appellez douze Evesques avecq' vous pour la terminer, & si en vostre assemblee n' en pouvez venir à chef, renvoyez le tout à nostre sainct Siege. 

Ceste legation ainsi donnee à Vigile sous le pretexte de ce Pallium, sainct Gregoire en escrit puis apres à tous les Evesques des Gaules, & leur enjoint de luy obeïr, comme à un Vicegerant du sainct Siege. Mesmes que s' il intervenoit quelque different entre les Evesques, il soit decidé par Vigile. Et specialement que toutes & quantesfois qu' il voudroit assembler un Concil par la France, on eust à luy obeïr. Et au bout de tout cela, il escrit à Childebert, que pour le gratifier, il avoit donné à Vigile le privilege tel que dessus. C' estoit en bon langage une entreprise nouvelle sur les anciennes franchises & libertez de nostre Eglise Gallicane en trois articles. L' un en ce que si cela eust sorty effect, on prejudicioit à tous les Metropolitains de la France, ausquels on donnoit un Chef, lequel pouvoit prendre Jurisdiction sur ceux qui n' estoient de sa Province. Le second que l' on ostoit l' usage des Concils Provinciaux, remettant au Consistoire des douze Evesques tels qu' il eust pleu à Vigile de choisir, la decision tant des causes, que de la foy. Et finalement S. Gregoire, vouloit que les grandes causes fussent renvoyees devant luy à Rome. Ce qui n' estoit jamais auparavant advenu: car le dernier ressort de tous les differens de la Cour d' Eglise en ceste France, estoient les Concils qui se faisoient par le Metropolitain avecque ses Evesques Provinciaux.

De mesme façon voulut-il gratifier Hiagre Evesque d' Autun, par les prieres & intercession de Brunehault. Toutesfois je ne trouve point que jamais l' indult octroyé à ces deux Prelats, ait porté coup, ne qu' ils eussent jamais iouy de ce privilege extraordinaire, & ay mesmes de propos deliberé fueilleté tous les Concils de ce temps-là, pour voir si en la soubscription, Vigile, & Hiagre avroient eu quelque particuliere preseance, mais je n' en ay trouvé un tout seul. Qui monstre que ce fut seulement un tiltre de parade, qui demoura pardevers eux sans aucun effect. 

Voilà l' un des premiers traicts, par lequel l' ambition de quelques Prelats de la France voulut prejudicier à nos anciennes Libertez: & ainsi que l' ambition des uns, aussi l' affliction des autres faillit d' y apporter quelque dommage & nuisance. La grandeur des Papes s' est faite par deux voyes du tout contraires. Au spirituel, pour avoir supporté les plus foibles contre les Ecclesiastics, les plus forts, & authorisez de puissance, leur baillant aisément la main pour semondre un chacun à les reclamer. 

Au temporel, en s' allians des Princes les plus forts, & laissans le party des plus foibles, quelque ailiance qu' ils eussent auparavant avecq' eux. J' ay dit que l' affliction de quelquesuns faillit de nous prejudicier. Ce fut que quelques Evesques comdamnez par la voye ordinaire de France, je veux dire par les Concils Provinciaux, ne s' en voulurent contenter, ains brisans la discipline commune, choisirent la voye de Rome. Enquoy neantmoins nos affaires se conduisirent de telle façon, ou que les Papes sagement n' en voulurent prendre cognoissance, comme ne pensans qu' ils le deussent faire, ou s' ils le firent, cela n' eut pas longue suitte. Or de ceux-cy, encores n' y eut-il pas de grands exemples, non plus que des ambitieux, & neantmoins il y en eut quelques-uns. Le premier des nostres que je voy s' estre retiré à Rome, fut Maxime Evesque Gaulois, devant la venuë de nos Roys, lequel estant accusé de l' heresie Manichienne, & luy ayant esté baillé assignation pour comparoir à un Concil que l' on devoit assembler à ceste fin, se retira par devers le Pape Boniface premier, pensant par ce moyen rompre le coup à la poursuitte que l' on faisoit contre luy: mais le Pape ne voulut prendre aucune cognoissance de son fait, ains pria par lettres nos Evesques de luy vouloir accorder certain delay pour comparoir devant eux: A la charge que s' il defailloit dans le temps qui luy seroit prefix, il seroit declaré attainct & convaincu du cas à luy imposé. Il y avoit beaucoup d' apparence au Pape de se mettre de la partie en la cause de Brice successeur de sainct Martin, lequel ayant esté dechassé par le peuple de son Archevesché sans cognoissance de cause, pour un adultere dont on l' accusoit, & s' estant retiré en la ville de Rome, vous ne trouverez que le Pape y interposast jamais son Decret. Mais bien Brice temporisa sept ans dans Rome à son infortune, jusques à ce qu' adverty de la mort d' Anthoine, qu' on avoit surrogé en son lieu, & du changement de la volonté de ses ennemis, il retourna à son Siege, auquel il fut restably tout de la mesme façon qu' il en avoit esté jecté, sans cognoissance de cause. Ceux qui semblent avoir fait plus grande bresche à nos privileges sous la premiere lignee de nos Roys, furent deux Evesques recogneuz tres-scelerats par l' ancienneté, Salon Evesque d' Ambrun, & Sagitaire Evesque de Gap, dont l' Histoire est escrite dans le septiesme livre de Gregoire de Tours. Ces deux cy accusez par un autre Evesque nommé Victor, de plusieurs outrages qu' ils luy avoient faicts & à d' autres, firent contenance de s' en vouloir purger: & à ceste fin prierent le Roy Gontran, duquel ils n' estoient point mal voulus, comme l' evenement le monstra, que leur fait passast par Concil. Ce que leur aiant accordé, ils furent par Concil tenu à Lyon, privez de leurs Eveschez. Mais eux ayans quelque part en la bonne grace du Roy, luy remonstrerent qu' ils avoient esté injustement condamnez, le suplians de leur permettre de se retirer pardevers le Pape: A quoy le Roy condescendit comme celuy qui les portoit, & avoit conceu un maltalent de ceste condamnation. Estans doncques arrivez à Rome devant le Pape Jean, ils luy remonstrerent qu' à tort ils avoient esté chassez de leurs Sieges: Au moyen dequoy sans plus ample cognoissance de cause, le Pape, auquel ceste cause avoit esté sous main recommandee par le Roy, commanda qu' ils fussent restablis, nonobstant le Decret Conciliaire de nostre Eglise. Ce que Gontran qui conduisoit sourdement ceste orne, fit executer du jour au lendemain, & en outre, moyenna une reconciliation entre Victor accusateur, & les accusez, pour apporter quelque pretexte à ceste sentence extrordinaire. A quoy les Evesques de France ne peurent resister, ores qu' ils y obeïssent malgré eux: & toutesfois encores ne se peuvent-ils lors rendre. Car ils ne s' attacherent pas à ces deux qu' ils voyoient être notoirement portez par le Roy, mais bien excommunierent Victor. D' autant que luy accusateur au prejudice de la sentence donnee à son instigation & pourchas, avoit receu ces deux pretendus Evesques à sa communion. Et au surplus Dieu plus juste, sans comparaison que les hommes ne sont injustes, monstra bien par l' evenement, combien peu luy plaisoit le jugement donné à Rome. Parce que soudain que ces deux Evesques furent restablis en leurs Sieges, ils recidiverent plus que devant. Tellement que tout ainsi que le Roy d' une puissance absoluë  assistee de l' authorité du sainct Siege les avoit remis, aussi puis apres par une volonté de Dieu plus absoluë, il fut contraint de les confiner en des monasteres, & leur bailler gardes, pour leurs deportemens vitieux. Je n' ay point leu d' acte ny devant, ny durant la premiere lignee de nos Roys, plus hardy que cestui-cy, par lequel ceux qui presiderent dans Rome s' en voulurent faire croire contre les Libertez anciennes de nostre Eglise Gallicane. Et toutesfois qui voudra meurement sonder ceste Histoire, il ne s' en esmerveillera pas grandement. Parce que toute ceste tragedie se conduisoit par la volonté de Gontran. Et c' est une reigle generale dont son se doit perpetuellement souvenir, que toutes & quantesfois que quelques mignons, & favoris de la Cour conjoingnirent par brigues le consentement de nos Roys avecq' l' authorité du sainct Siege pour obtenir quelque chose qui contrevint à nos privileges, c' est là où nos anciens Evesques se trouverent infiniement empeschez. Et au surplus ce passage, qui semble de prime-face combattre nos Libertez, fait, si je ne m' abuse grandement, pour nous. Car apres ceste sentence Synodale de Lyon, ces deux Evesques ne s' oserent pourvoir à Rome, sans permission expresse du Roy. Qui nous enseigne que ce fut par privilege special qu' ils se pourveurent, & non par le droit ordinaire & commun de la France: car autrement il n' eust esté besoin d' obtenir ceste permission. 

Et a fin de vous faire toucher au doigt, & voir à l' œil ceste liberté ancienne de nostre Eglise, je la vous representeray icy comme sur un grand tableau par un exemple notable. Il n' y a nul, selon mon advis à qui la Papauté doive tant pour l' accroissement de sa grandeur en spirituel, qu' à sainct Gregoire. Car combien qu' il combatit la qualité d' Evesque oecumenique & universel contre Jean Patriarche de Constantinople, & qu' il soustint qu' il n' appartenoit à nul Primat de se dire tel: toutesfois sous le tiltre de Serf des Serfs, qu' il emprunta de Damase, il exerça par effect ce tiltre d' Universel sur ceux qui estoient de l' ancienne obeïssance de Rome: Adonc la Sicile, la Dalmatie, la Sardaigne, & une bonne partie de l' Affrique se recognoissoient estre exposees sous la primace du sainct Siege, ainsi que l' Egypte sous le Patriarchat d' Alexandrie, & la Palestine sous celuy de Hierusalem. Lisez toutes les Epistres de sainct Gregoire, il destine tantost un Pierre Soudiacre, tantost un Maximian Evesque de Syracuse, Legats en la Sicile, pour le presenter par tout ce pays-là, & prendre cognoissance de toutes causes, tout ainsi qu' il eust peu faire, fors & excepté toutesfois qu' il se reserve la decision des plus grands, qu' il veut luy estre renvoyez. Il confere des Eveschez à uns, & autres de sa propre authorité, sans attendre l' eslection du Clergé, ny la confirmation du Metropolitain. Il commande que Reparat soit esleu Evesque en la ville de Salonne en Dalmatie, autrement il ferme les mains aux Eslecteurs: transporte ainsi que bon luy semble les Eveschez d' un lieu à autre: Unit quelquesfois une, deux, trois parroisses à un monastere, à la charge que les Religieux y avront des Vicaires bien & deuëment stipendiez: Les Eveschez estant ruinees à l' occasion des guerres, il recompense les Evesques d' autres Eveschez, sans attendre autre consentement: prend cognoissance des Moines, au prejudice de leurs Ordinaires: confere Diaconez, Archidiaconez, & Cures, (qu' ils appelloient lors Prestrises) assisses en & au dedans des Eveschez de son obeïssance: Delegue oeconomes, qu' il appelle Visitateurs, aux Eglises veufves & denuees de Pasteurs (pendant que l' on procede aux eslections) ausquels il donne toute puissance, fors de conferer les Ordres: Dispensant selon que les occasions l' admonnestent: cognoist de la cause de Paule Evesque d' Affrique, que Colombe Evesque de Numidie, & ses Comprovinciaux avoient condamné, & le restituë en entier sans s' arrester à leur sentence: commet Hilaire Moine d' Affrique pour cognoistre d' une cause contre Argense Evesque, de ce qu' en l' Eglise il avoit preferé en l' ordre de Diacre, deux Donatistes, à deux Catholiques, & luy enjoinct à ceste fin d' assembler un Concil: commande à Sylvaire, Patriarche d' Aquileïe de venir à Rome, pour faire penitence condigne de l' opinion erronee, en laquelle il estoit inadvertemment tombé: Enjoinct à Maria Evesque de Ravenne de venir proceder devant luy en Cour de Rome, pour une controverse qu' il avoit contre un certain Abbé, & luy remonstre qu' il ne falloit point qu' il eust honte de ce faire, veu qu' autresfois le Patriarche de Constantinople avoit suby pareille Jurisdiction: & en un autre endroit il exhorte l' Evesque de Corinthe, de ne prendre plus argent pour les Ordres Ecclesiastiques, ou bien qu' il exerceroit contre luy la severité de la cohertion Canonique. Il mande à Noel Evesque de Salonne, qu' il ait à restablir Honoré en son Archidiaconé, dont il l' avoit destitué, & s' il ne le fait qu' il le privera de l' usage du Pallium, duquel il l' avoit gratifié: & si apres cela, il persevere en son opiniastreté, il luy interdira la communion de l' Eglise. Et ce fait, dit-il, nous verrons puis apres si ceste excommunication n' emporte à la longue quant & soy perte du tiltre de l' Evesché. 

Toutes lesquelles rencontres, (qui ne sonnent autre chose que la puissance d' un Evesque universel, & souverain) ny aucunes d' elles ne se trouvent avoir esté practiquees par ce grand Pape encontre aucun des Evesques de France, encore qu' il addresse diverses lettres à uns & autres, & que comme vous avez entendu cy dessus en ce que j' ay discouru de Vigile, & Hiagre, il ne fust pas sans desir d' estendre sa puissance Apostolique dessus les Prelats de la France, tout ainsi que sur ceux que j' ay presentement recitez. Urcissin condamné sous le Roy Gontran au Concil tenu à Lyon, s' estoit retiré pardevers luy pour en rapporter quelque aide, toutesfois S. Gregoire se donne bien garde de cognoistre de la cause, mais seulement en escrit à Theodebert, & Theodoric Roys, à ce qu' ils le veulent remettre en son ancienne dignité, comme aussi prie-il Hiagre Evesque d' Autun, qui avoit grande part en la bonne grace de Brunehault leur ayeule, qu' il voulust se rendre intercesseur envers elle pour ce pauvre destitué. Il n' en usa pas ainsi (comme j' ay dit cy dessus) à l' endroit de Columbe Evesque de Numidie, & ses Comprovinciaux en la cause de Paule.

Il y avoit lors deux vices en ceste France qui s' estoient rendus fort familiers aux eslections des Evesques, la Simonie, & l' abus que l' on commettoit en faveur des grands Seigneurs. Parce que sous le nom d' eslection on vendoit par brigues sourdes les Archeveschez & Eveschez. Quoy que soit les Roys y interposans leurs authoritez, ceux qui les approchoient, s' en faisoient trop plus que souvent croire, au grand scandale de l' Eglise: & de là s' ensuivit un autre desordre. Car les Seigneurs s' estans rendus asseurez pour celuy, pour lequel estoit tissuë  la tresme, on luy bailloit les ordres du jour au l' endemain, en intention de le faire tout à coup chef de l' Eglise. Ce dernier poinct avoit esté autresfois pratiqué en faveur de sainct Ambroise à Milan, & de Nectarius à Constantinople, mais non par brigues, ains pour leurs grandes suffisances & capacitez. D' ailleurs les benedictions, que Dieu par sa saincte grace distribuë à quelques-uns, ne se communiquent pas à tous, & est grandement errer de les vouloir tirer en consequence pour les autres. Ces vices doncques regnans grandement en nostre Eglise de France, Sainct Gregoire n' y apporte point le cautere, comme il fait contre les Evesques de Corinthe & de Salonne: Mais par une bonté naïfve qui estoit en luy, prie Vigile Archevesque d' Arles, prie Hiagre Evesque d' Autun, bien venus envers noz Roys, de s' estudier totalement à l' extermination de ces deux monstres. Et non content de ce, en escrit lettres expresses à Brunehault, & en apres à Theodebert, & Theodoric, les suppliant (si ainsi le faut dire à jointes mains) qu' ils voulussent donner ordre à la reformation de tels abus, & ne permissent que ceste zizanie provignast plus en un Royaume Chrestien comme cestuy. Et certes je ne penseray jamais que ce grand & vertueux personnage y eust procedé d' un pied si mol, ne qu' il eust tourné sa puissance absoluë en humbles prieres, pour deux si grands & scandaleux vices, s' il eust estimé que cela dependoit de sa jurisdiction, luy (di-je) qui n' obmit jamais la moindre occasion qu' il pensast pouvoir servir à l' augmentation de la dignité du sainct Siege. De toutes lesquelles choses je croy qu' il n' y a si peu clair-voyant qui ne voye que devant, & durant la premiere lignee de noz Roys, encores que nous vescussions souz la foy Catholique & Apostolique de Rome, comme dependant d' elle, l' unité de l' Eglise universelle: si est-ce que ny noz Roys, ny noz Evesques n' estoient tenus de passer les monts, ny pour le fait de la discipline de leurs Eglises, ny pour les causes Ecclesiastiques. Et à tant je feray icy une pause pour reprendre un peu mon haleine, & vous discourir cy-apres quelle fut la police de nostre Eglise Gallicane souz les deux autres lignees de noz Roys.