sábado, 12 de agosto de 2023

9. 35. Second aage de ceux qui commenterent le Droict.

Second aage de ceux qui commenterent le Droict.

CHAPITRE XXXV.

Voila quel fut le premier aage du Droict, retrouvé dedans la ville de Melfe, & avec quelle sobrieté il fut mesnagé par ces bons vieux peres. Ceux qui depuis leur succederent que je mets pour le second aage, furent par la populace des Escoles nommez Scribentes, paravanture non sans cause: car ils ne furent que trop prodigues de leurs plumes sur ce sujet. Je les veux à la difference des Glossateurs appeller d' un mot plus sortable, Docteurs de Droict: Lesquels enfraignirent tout à fait les inhibitions & deffences faites par Justinian. Et le premier qui leur enseigna ceste leçon fut Guillaume Durant: auquel je veux pour cette cause donner son Eloge particulier, ayant esté le premier de cette seconde chambree, tout ainsi que j' ay fait à Azon l' un des derniers de la premiere. Cestuy extraict du pays de Provence (quelques uns disent de Montpellier qui n' en est pas esloigné) fut un personnage doüé de plusieurs belles singularitez de nature, & entre autres d' une prodigieuse memoire. Parce qu' ayant leu quelque livre en prose, ou en vers, il le recitoit tout soudain mot pour mot par cœur. Qui occasionna quelques uns de luy improperer, que cela ne luy provenoit d' un benefice de sa nature, ains d' un esprit familier enchassé dedans une bague qu' il portoit au doigt. Comme si Dieu ne pouvoit espandre ses graces la part qu' il luy plaist, & qu' il fallust avoir recours au diable pour cest effect. Il ne fut pas pourveu de cette excellence d' esprit. Parce que depuis luy, Ludovicus Pontanus, vulgairement surnommé Romanus (d' autant qu' entre tous les Docteurs de Droict il avoit choisi son habitation dedans Rome) fut pareillement d' une si heureuse memoire, que jamais il n' allegua loy, & en alleguant infinies, quand les occasions s' y presentoient, que tout d' une suite il ne recitast tout au long sans livre le texte d' icelle. Ainsi l' appren-je d' Aeneas Sylvius son comtemporain. Cela soit par moy touché en passant.

Mais pour ne me destourner de ma route encommencée; on remarque; en Guillaume Durant quatre particularitez signalées. Grand Poëte en son vulgaire, & pour cette cause mis avec honneur au Catalogue des Poëtes Provençaux; grand Theologien, grand praticien, grand legiste, duquel toute la posterité de la seconde Chambrée apprit de commenter le droict par un nouveau formulaire. En tant que touche la Poësie, s' estant comme Poëte mis en bute une Damoiselle de la maison des Balbs, en l' honneur de laquelle il composa plusieurs beaux Poëmes en son vulgaire Provençal, advint que cette Damoiselle estant malade pendant l' absence de luy, tomba en telle pasmoison, que comme morte fut ensevelie, & portée en l' Eglise, dont nouvelles arrivées à son serviteur, surpris d' une demesurée douleur, il mourut quelques heures apres. Au contraire la Damoiselle ayant dedans sa grotte retrouvé ses esprits, fut par les Prestres reportée en sa maison, où apres avoir repris son embompoint, advertie de la mort de son bien-aimé, dont elle avoit esté le seul motif, choisit une autre mort pendant sa vie, se rendant Religieuse voilée, auquel estat elle demeura jusques en l' aage de soixante ans qu' elle alla de vie à trespas. Belle devotion remplie de follie. Or comme cest honneste homme diversifiast son esprit en autant de façons qu' il vouloit, aussi comme Theologien fit il un gros livre intitulé, Rationale divinorum officiorum, divisé en huit parties, qui n' avoit rien de commun avec ses folies d' amour. Ny pour cela ne laissa d' estre en la conduite du barreau grand praticien. Et comme tel, & fut par les siens appellé pere de pratique. C' est luy auquel nous devons en cette France dedans nos contracts les renonciations au Velleian benefice de division, & ordre de discussion, ores que ne soyons subjects au droit des Romains, comme je discourray en son lieu. Et finalement c' est luy qui fit ce grand & laborieux ouvrage par luy nommé Speculum iuris, divisé en trois grands Tomes, controllé & honoré par les additions de Jean André, & annotations de Balde, tous deux Docteurs en droict de grande recommandation & merite. Le mit en lumiere en l' an 1261. & mourut l' an 1270. aagé seulement de trente ans. Je le voy estre representé par Gesnherus en sa Bibliotheque comme Evesque, & quant à moy je le vous pleuvy comme miracle vraiment de nature au peu qu' il vesquit. Lequel ayant donné à son livre le nom & titre de Speculum, servit de miroüer au second aage des Docteurs, qui regnerent dés & depuis l' an 1300. jusques en l' an 1500. & quelques années suivantes. Car ayant esté la bonde par luy levée, ils se desborderent en torrens en l' explication du droict, faisans à Durant tous unanimement cest honneur, que tout ainsi qu' entre les Theologiens, quand on se veut aider de l' authorité de Pierre Lombard premier promoteur de la Theologie scolastique, on ne l' allegue point par son nom, ains sous celuy de Maistre des Sentences, pour honorer de plus en plus la memoire de son ouvrage. Aussi entre les Legistes fait on le semblable en cettuy. Car il n' est allegué par aucun sous le nom de Guillaume Durant, ains sous celuy du Speculator, comme estant par son Speculum, le premier autheur de cette nouvelle oeconomie en l' explication du Droict, du depuis tant, & outre mesure familiere à ceux qui se mirerent en luy. Dinus qui mourut dedans l' an 1303. Cinus son Disciple, Jean Andrée Bartole, Balde, Alberic, Salicet, Fulgosius, Barbatias Imola, Angelus, Anchoranus, Ludovicus Romanus, Lucas de Penna, Sosin l' Oncle, Alexander, Paul de Castre, Jason, Decius, Sosin le nepueu, & infinis autres furent de ce party, dont je n' ay entrepris de vous faire le denombrement, & ores que je le voulusse je ne pourrois, pour en estre le nombre infiny. Et ne vous cotte en ce faisant que les Docteurs Italiens. Or le plus beau que je trouve en ce jeu est, que combien que tous les livres de tous ces Messieurs soyent diversifiez en gros Tomes, chacun en son endroit non moins gros que les Digestes, & Code glossez qui passent par nos mains, toutesfois l' Abbé Triteme qui florit sous l' Empereur Maximilian, le Pape Alexandre sixiesme, & nostre Roy Louys douziesme, parlant en son livre des Autheurs Ecclesiastiques, de Balde, Paul de Castre, Jason, & leur donnant à chacun diversement son eloge particulier, dit qu' ils composerent chacun endroit soy quaedam opuscula, sur le droit. Parole qui me semble du tout digne de mocquerie & risee. Au demeurant je vous diray qu' en l' an 1583. Franco Zillet fit imprimer à Venise un recueil de tous les Traitez & Repetitions de droict, contenans vingt & cinq Tomes, chacun desquels n' est moins gros que le Code avecques ses glosses. Et par le repertoire de son œuvre il y a trois cens cinquante sept Docteurs ou Autheurs de diverses nations, entre lesquels vous n' en trouverez que sept ou huict de la grande bande. Et combien que leur nouvelle maniere d' enseigner sous ces mots bizerres & farouches de conclusions, ampliations, fallences, limitations, ensemble leur langage barbare & grossier, deust destourner le monde de cet estude du droict, qui avoit esté si long temps caché, toutesfois sous leurs bannieres il commença de s' espandre par diverses nations. Et ne faut point faire de doubte qu' ores qu' il ne fust approuvé par l' authorité du Magistrat souverain de la France, si est ce qu' en l' Université de Paris on se dispensoit de le lire. Qui fut cause que comme ainsi soit que les loix sont specialement introduites pour remedier aux fautes qui se trouvent en une Republique; aussi le Pape Honoré III. fit expresses inhibitions & defenses d' enseigner le droit Romain en cette Université, dont nous discourrons par le prochain Chapitre.

9. 34. Restablissement du Droict Civil des Romains, & premier aage de ceux qui le commenterent.

Restablissement du Droict Civil des Romains, & premier aage de ceux qui le commenterent.

CHAPITRE XXXIV.

Or pour n' enjamber sur les temps, le Pisan ayant ce Livre chez soy, permettoit en estre prises diverses coppies, l' original demeurant par devers luy. Le premier qui y meit la main sous meilleurs gages fut un Warnerius Alleman, appellé par quelques uns Garnerius, par une transformation des deux VV (W), en G, & finalement Irnerius, nom qui luy est demeuré jusques à huy. Cestuy enseignant les lettres Humaines en l' Université de Boulongne la Grasse, il luy prit opinion de fueilleter à Pise ces Pandectes, & en unes & autres Bibliotheques les autres Livres de Droict. Et non content de cette diligence, fit quelques extraits des nouvelles Constitutions de Justinian, les appropriant comme pieces de marqueterie, à certaines Loix anciennes du Code, que par ce moyen il modifia, amplifia, corrigea sur le modele de ces nouvelles. Et furent ces placards par luy nommez Authentiques. Tout d' une main fit quelques briefves annotations, tant sur les Pandectes, que Code: & non content de cette belle emploite, ayant empieté quelque faveur pres de l' Empereur Lothaire second, obtint de luy par l' intercession de la Princesse Mathilde, que ce Droit de Justinian fust enseigné en toutes les Universitez de son obeïssance. Ne dérobons point cette ancienneté à celuy qui nous en donna le premier advis, l' Abbé d' Uspergense en sa Chronique, apres nous avoir dit que sous l' Empire de Lothaire second, Gratian avoit fait son recueil des anciens Concils & Decrets, adjouste tout suivamment: Eisdem quoque temporibus Warnerius libros legum, qui dudum neglecti fuerant, nec quisquam in eis studuerat, ad petitionem Mathildis Comitissae renovavit, & secundum quod olim à Divae recordationis Imperatore Iustiniano compilatae fuerant, paucis forte verbis alicubi interpositis, eos distinxit. In quibus continentur instituta praefati Imperatoris, quasi principium & introductio Iuris Civilis. Edicta quoque Praetorum, & Aedilium Curulium, quae rationem, & firmitatem praestant Iuri Civili. Haec in Libris Pandectarum videlicet, & Digestis continentur: Additus his quoque liber Codicis, in quo Imperatorum statuta distribuuntur. Quartus quoque liber est Authenticorum, quem Praefatus Iustinianus, ad suppletionem & correctionem legum Imperialium superadcidit. Cet Abbé vivoit six ou sept vingts ans apres l' Empereur Lothaire second: & pour cette cause nous pouvoit bailler de certaines & fidelles instructions. Quant au surplus Lothaire fut fait Empereur en l' an 1226. & mourut l' an 1238. De maniere que cette nouvelle police d' estude introduite dedans cette douzaine d' ans de 26. à 38. Deslors commencerent plusieurs sous l' estendart d' Irnerius de s' employer à l' explication de ce Droict, dont je fais trois aages; Des premiers que l' on appella Glossateurs: des seconds qui se nommerent Docteurs en Droict: des troisiesmes qu' il me plaist appeller Humanistes, pour nous avoir meslé en beau langage Latin les lettres Humaines avecques le Droict.

Pour la premiere chambree je mets apres Irnerius uns Hugolinus, Martinus, Bulgarus, Aldericus, Pileus, Rogerius, Ioannes, Odofredus, Placentinus; dont la flotte dura jusques en l' annee mil trois cens, faisans à l' envy l' un de l' autre, & à qui mieux mieux, des Annotations (ainsi que leur premier pere) qui furent appellees Glosses. Mot que Quintilian en son premier Livre disoit signifier Linguae secretioris interpretationem. Et ainsi voulut-on peut estre dire que ces briefves touches & remarques, mettoient en evidence la moüelle du Droict Civil.

Tous ces premiers peres furent aucunement retenus, pour ne contrevenir aux prohibitions de Justinian: avecques lesquels j' adjouste Azon, qui acquit dedans Boulongne grande reputation par son Commentaire intitulé Summa Azonis: s' aydant en cecy du labeur de Placentinus; & merite l' Histoire de sa mort vous estre icy racontee, bien que ce soit une piece hors d' œuvre. Disputant du Droict avecques un quidam, il luy advint de le tuer à la chaudecole. Meurtre pour lequel il fut prevenu en justice: & comme quelques siens Escoliers le visitassent en la prison, & luy promissent tous bons offices, il leur dit brusquement, & en peu de paroles, qui luy furent depuis cher venduës, qu' ils allassent ad bestias, voulant dire qu' ils eussent recours à la Loy ad bestias, C. de poenis, qui veut que la peine soit moderee en faveur de celuy qui a delinqué, quand d' ailleurs il se trouve avoir bien merité du public, ou exceller par dessus les autres en quelque belle profession. Parole rapportee à ses Juges, & mal par eux entenduë, (estimans qu' elle eust esté par luy proferee à leur mespris) ils s' en aigrirent de telle façon qu' il fut condamné à mort, & executé. Et comme tel son corps ne fut ensevely en terre Saincte, mais aussi non jetté en la voirie; ains en contemplation de son excellence, luy fut dressé un tombeau de pierre haut eslevé dedans la ville de Boulongne, en une ruë non beaucoup esloignee de la grande place. De luy fut disciple Accurse, qui fit un Recueil general soubs le nom de Glosses de toutes les anciennes Annotations, y adjoustant plusieurs belles observations de son creu: dont il borda les textes de la façon que nous voyons. Ouvrage depuis grandement enrichy par François Accurse son fils: & en ces deux, pere & fils finit le nom de Glossateur.

9. 33. Que le Droict Civil des Romains, compilé par l' Ordonnance de l' Empereur Justinian, fut longuement perdu, & quelques centaines d' ans apres retrouvé.

Que le Droict Civil des Romains, compilé par l' Ordonnance de l' Empereur Justinian, fut longuement perdu, & quelques centaines d' ans apres retrouvé.

CHAPITRE XXXIII.

Puisque nous avons naturalizé en nostre France le Droict Civil des Romains, qui du commencement nous estoit Aubain, & basty sur les ruines plusieurs polices non cognuës, ny sous la premiere famille de nos Roys, ny sous la seconde, ny bien avant sous la troisiesme, je ne pense faire œuvre esloignee de mon projet, si je discours de quelle façon, ayant esté perdu, il fut retrouvé, & comme depuis par succession de temps il se vint loger en ce Royaume, dont nos Universitez de Loix prindrent leur origine. Histoire si je ne m' abuse, non aucunement traictée par aucun en son tout. En la deduction de laquelle si je passe les Monts, pour puis me trouver dedans nostre France, je ne me fourvoyeray non plus, que quand du commencement de cet œuvre, j' ay passé le Rhin pour recognoistre l' ancienneté de nos premiers Roys. D' une chose sans plus prié-je le Lecteur, vouloir recevoir de moy cette mienne estude d' un aussi favorable accueil, comme je luy en fais present.

L' Empereur Justinian ayant faict reduire les Ordonnances de ses devanciers en douze livres soubs le tiltre du Code, & les Advis des Jurisconsultes, soubs les noms de Pandectes, & Digestes en cinquante, & à tout cecy annexé ses nouvelles Constitutions, & les quatre livres des Institutes, abregé de tout le Droict en forme d' Art, prohiba tres-estroitement que nul ne fust si ozé d' y faire aucuns Commentaires de longue haleine, ains seulement des Paratitles, c' est à dire de briefs argumens sur les tiltres. Prevoyant la confusion qui pourroit advenir, & ne voulant qu' on tombast au mesme desarroy qui s' estoit auparavant trouvé par le nombre innombrable des livres faicts par les Jurisconsultes. On ne peut dérober à ce nouveau mesnage de Droict, qu' il n' y ait une infinité de belles Decisions, & singulierement que les Pandectes ne soient escrites en beau Latin, encore que de fois à autres on y trouve des paroles & manieres de parler esloignées du temps de Ciceron & Cesar. 

Et ne fais aucune doute que Tribonian principal entrepreneur de cette tasche, n' en envoyast des coppies & exemplaires par les Provinces sujettes à l' Empire, tant pour contenter l' opinion de l' Empereur son Maistre, que la sienne propre. Toutesfois la question n' est pas petite de sçavoir s' il fut tout aussi tost observé; d' autant que quelques esprits hardis se mettans à l' essor soustiennent, que l' execution de cet ouvrage fut seulement un souhait (tout ainsi comme il nous en prend en ces longues Ordonnances Royaux, qui sont faites & assemblees, & sur les Remonstrances des trois Estats) & que jamais il n' eut cours, ny du vivant de Justinian ny depuis.

Long temps auparavant sa venuë (disent-ils) & apres, l' Empire fut non seulement troublé, ains amorcelé par les Huns, Alains, Vandales, Visigots, Ostrogots, Bourguignons, François, Pictes, Escossois, Anglosaxons, Lombards; le son de leurs tabours, clairons, & trompettes, fit que ce Droict ne peut estre oüy. L' Allemagne non jamais sujette au Romain, l' Italie, la Gaule, l' Espagne, & la grand Bretagne, voüees à autres Saincts; la ville de Rome estoit, si non escaue, pour le moins espaue de celuy qui premier s' en emparoit, tantost d' un Odoacre Roy des Heruliens, tantost d' un Theodoric Roy des Ostrogots. Et quant à Constantinople, sejour ordinaire du Prince, encore que Justinian fut tres-heureux hors sa ville contre les estrangers, par la conduite de son grand Belissaire, toutesfois il se trouvoit au dedans malheureux de la part de ses citoyens. Une infinité de bourasques, revoltes & seditions, dont sourdirent meurtres à tas, ruines des maisons & Eglises, mesme de celle de Se. Sophie, miracle de tout l' Univers, qui fut arse. Un Tribonian parrain de cette nouvelle oeconomie de Droict, ores banny de la Cour de son Prince, pour contenter la populace, ores restably. Sa fortune estoit lors bastie sur une boule. Et vrayement tant de particularitez concurrantes ensemble, me contraignent de croire que ce Droict nouveau mis en ordre, fut un avorton d' Estat aussi tost esteint comme né. Dont la memoire fut ensevelie l' espace de cinq ou six cens ans, & non renouvelée; sinon lors que la plus part des Provinces Occidentales, & Septentrionales, s' estoient eschangees en nouveaux visages. Car pour le regard des Provinces Orientales, je ne m' en donne pas grand peine, pour y estre aujourd'huy ce Droict totalement incogneu: Mais je parle de celles, ausquelles il est infiniement honoré & respecté, ores que lors de sa naissance, vilipendé le possible: Et neantmoins s' il vous plaist de repasser sur celles du Levant, combien que je n' aye aucun advis de l' ancienneté, si ce Droict y fut en usage; toutes-fois à discourir de ce faict par conjectures non impertinentes, s' il y fut autres-fois observé, cela dura jusques au temps de l' Empereur Basile, par le commandement duquel tout ce qui estoit en usage, tant de la part de Justinian, que des Empereurs subsequents, commença d' estre recueilly. Oeuvre depuis parachevé par l' Empereur Leon son fils: Auquel il donna le tiltre de Basilicon. A ce faire induit, ou pour favoriser la memoire de l' Empereur son pere, qui en avoit esté le premier promoteur, ou bien parce que le mot signifie en langue Grecque ce que nous disons en nostre vulgaire, Ordonnances Royaux, sur lesquelles il vouloit que son Estat fust reiglé. Tellement que je puis dire, comme chose vraye, qu' ores que ce Droict y eust regné quelque temps, si est-ce que ce regne fut de petite duree, & non de longue estenduë.

C' est ainsi que quelques uns se joüent de leurs esprits, non paravanture sans cause: Et toutes-fois il faut croire qu' ores qu' il ne fust observé par forme de Loy és provinces par moy cy-dessus touchees; si est-ce qu' il estoit pour sa valeur logé en quelques Bibliotheques signalees, dont les doctes plumes sçavoient bien faire leur profit. Ainsi le voyez vous dedans Yves Evesque de Chartres en ses Epistres, sur les questions qui luy estoient proposees, pour la resolution desquelles, il s' aidoit premierement de l' authorité des vieux Peres de nostre Eglise, & incidemment par forme d' appenty, des Pandectes, Code, Constitutions nouvelles & des Institutes. Ainsi en ses lieux communs qu' il intitula Decret; & specialement en sa seiziesme partie qui en est pleine: ainsi dedans Gratian: Quoy plus? les Papes mesmes en ont ainsi par fois usé, non qu' ils pensassent leur authorité despendre des Loix par eux alleguées. mais pour donner plus de fueille à leurs Constitutions Decretales. Et vous diray que sous nostre bon Roy S. Louys nous eusmes un Pierre de Fontaine, qui composa en nostre vulgaire la Practique Judiciaire, qui lors estoit en vogue, pour monstrer en quoy nous symbolizions avec les Loix de Justinian, & en quoy nous estions discordans. Livre par luy dedié à la Roine Blanche mere de S. Louys.

Ny pour tout cela nous n' avions Universitez de Loix authorisées par le Magistrat. Advint l' an 1100. (cela s' appelle 500. ans & plus apres le decez de Justinian) que les Pisans ayans pris d' emblee, & pillé la ville de Melfe, au Royaume de Naples, ils y trouverent casuellement en un Tome, les 50. livres des Pandectes, qu' ils firent transporter à Pise, & garder tres-soigneusement, comme un bien grand & riche butin.

L' opinion de quelques uns est, que ces cinquante livres avoient esté auparavant pour la commodité du Lecteur, divisez en trois Tomes (si vray ou non, je m' en rapporte à ce qui en est) & qu' au premier on avoit mis vingt-quatre livres, au second quatorze, au troisiesme douze. Et sur cela font des comptes à perte de veuë, ou bien pour demeurer dedans les termes du vieux proverbe François, font des comptes de la peau d' asne; ausquels il n' y a rien que de l' asnerie. Disans que le premier ayant esté retrouvé, & quelque temps apres le second, celuy-là fut appellé le Digeste vieux, & cestuy-cy Infortiat, comme un renfort du premier. Et finalement le troisiesme avoir esté intitulé Digeste nove, comme celuy qui avoit esté retrouvé de plus fraische memoire que les deux autres grotesques, qui ne meritoient de vous estre representees: mais pour telles qu' elles m' ont esté debitees je vous en fais part. L' ignorance a produit cette distinction de livres, & ces trois mots goffes, & la mesme ignorance fait que nous ne sçavons quand elle fut introduite. Bien vous puis-je dire qu' elle est d' une bien longue ancienneté: car en nostre Chambre des Comptes de Paris nous trouvons au Memorial cotté C, que le 17. Janvier 1358. (c' estoit sous le regne de nostre Roy Jean) quoddam Digestum novum quod erat in armario Camerae Computorum Regis, & fuerat ibi diu custoditum, fuit traditum Magistro Iacobo de Passiaco, Magistro Camerae Computorum sub precio octo denariorum auri ad scutum, appreciatum per Fiderandum Librarium iuratum Parisiensem, morantem in Vico novo (c' estoit la ruë neufve nostre Dame, où lors une bonne partie des Libraires faisoit son habitation) praesentibus Magistris de Sancto Iusto, & Ioanne de Hiscomino. Passage lourd & grossier, duquel toutesfois je recueille, que ce Digeste avoit esté dés pieça mis és anciennes armoires de la Chambre, comme piece de merite, & que deslors il estoit appellé Digeste nove. Particularité que je ne vous ay pas touchee sans cause. D' autant que les 50. livres des Pandectes ayans esté trouvez dedans Melfe en un seul Volume, on commença de le respecter, comme une venerable & correcte ancienneté; c' est ce que depuis nous avons appellé Pandectes. Parce que les Florentins s' estans faicts Maistres de la ville de Pise, voulurent aussi que ce beau joyau fist son sejour en leur ville.