domingo, 13 de agosto de 2023

9. 38. Du nouvel ordre de Pratique judiciaire que nos ancestres enterent sur le Droict Civil des Romains.

Du nouvel ordre de Pratique judiciaire que nos ancestres enterent sur le Droict Civil des Romains.

CHAPITRE XXXVIII.

Le Droict Civil des Romains s' estant de la façon que je vous ay deduit, venu habituer dans la France, en vertu duquel les Universitez de Loix y furent basties, on fut contrainct d' avoir des Docteurs Regens, pour l' enseigner, qui introduisirent une nouvelle police de licenciez en Droict, (dont sous paroles couvertes nous avons quelque image dedans les Ordonnances de Justinian,) sur lesquels nous entasmes le College des Advocats, pepiniere des sieges Presidiaux, Lieutenans generaux criminels, & particuliers des Provinces, Advocats & Procureurs du Roy, Conseillers des Cours souveraines, Maistres des Requestes, Presidens, voire des Chanceliers mesmes. Et au lieu que auparavant les gens d' espee jugeoient, la longue robbe entra en jeu pour s' en faire croire, & prevaloir en ses jugemens de ce Droict: car à bien dire c' est à elle à laquelle les Universitez de Loix ont leur principale obligation. De là est venu que nul n' est receu au serment d' Advocat, ny d' Officiers de Judicatures és sieges Royaux, qu' il n' ait ses lettres de Licence; & non contens de ce degré, advenant que quelqu'un ait esté pourveu d' un Estat de Conseiller en Cour souveraine, apres avoir informé d' office sur sa vie & mœurs à la requeste du Procureur general, on l' interroge non seulement sur les Ordonnances Royaux, & Droict ordinaire de la France, ains sur celuy de Rome à l' ouverture du Code, en luy baillant quelque quinzaine de delay pour estudier la loy qui s' est casuellement presentee, auquel cas se trouvant capable, il est receu, & fait le serment à ce requis & accoustumé: autrement il est renvoyé aux estudes jusques à certain temps. Reigle que l' on observe d' abondant en toutes Cours souveraines à l' endroict de tous les Juges, dont les appellations ressortissent nuëment pardevant elles. Et neantmoins la verité est, que ny les Parlemens, ny leurs Juges inferieurs ne sont obligez de suivre ce Droict par leurs jugemens, sinon de tant & entant qu' ils le pensent se conformer au sens commun de la raison. Ce que Balde Docteur Italien a recogneu franchement. De ce mesme fonds est venu que les Advocats ayans pris leurs nourritures aux escoles de Loix, lors qu' ils en sortent, & entrent aux barreaux pour plaider, ils deffendent leurs causes par les authoritez des Empereurs & Jurisconsultes, & en leurs defaux ont recours à ceux qui les commenterent, ne demeurans jamais sans parreins, pour la diversité d' opinions qui se trouve des uns aux autres. De maniere que familiarisans de ceste façon avecques le Droict ancien de Rome, il fut fort aisé de nous transformer en luy, comme pareillement luy en nous. Et qu' ayons non seulement emprunté, ains transplanté en nostre France plusieurs reigles & propositions de luy, tant pour la direction & conduite des procedures judiciaires que decision de nos causes. Il nous a servy de leçon, & nos Juges par longs laps de temps, l' ont fait passer en forme de loy Françoise. Non (comme j' ay dit) pour estre sujets à l' Empire, ains à ce qu' il estoit bon, juste, & raisonnable dedans l' Empire. Il n' est pas que par long usage nous ne l' ayons faict passer par forme de Coustume en unes & autres Provinces, aux unes plus, aux autres moins. Lisez la Coustume de Berry, vous n' y trouverez presque autre chose que le Droict transcript, & quelque peu diversifié. Et en ce cas les Juges sont abstraints & necessitez de juger, sur peine de nullité. Chose certes infiniement esmerveillable, que lors que ce Droict fut redigé par l' Ordonnance de l' Empereur Justinian, vous ne le trouvez avoir esté en grande observance entre ses sujets: Et neantmoins apres avoir esté sinon perdu, pour le moins égaré par plusieurs centaines d' ans, l' ancienne Majesté Imperiale de Rome s' estant tournee en fumee, & n' en restant plus que la memoire du nom, toutesfois les peuples non sujets à une chose qui n' estoit plus, l' ayent non seulement embrassee, ains en ayent esté embrassez depuis deux ou trois cens ans en ça: Et depuis que cette invention s' est habituee chez nous, il seroit impossible de dire combien elle a produit de gens, non de l' espee, ains de la plume. Sous le regne du Roy François premier de ce nom, un Villanovanus fit un Commentaire sur Ptolomee, dedans lequel il disoit qu' en cette France il y avoit plus de gens de robbe longue, qu' en toute l' Allemagne, l' Italie, & l' Espagne: & croy certes qu' il disoit vray. Chacun alleché par le gain & honneur qui provient de cest estude, s' y achemine fort aisément. Et encores y a-il grande apparence qu' elle y prendra plus longue & favorable traite: car ayant banny la barbarie qui se trouvoit en l' exercice d' iceluy, & meslé l' elegance du stile, & les bonnes lettres avec ce Droict; je ne fais aucune doute qu' estant revestu de cette belle robbe, ce ne nous soit un bel appas, pour en continuer l' estude. Il me souvient que le Lucian de nostre temps, Rabelais, disoit en quelque endroit de ses œuvres, que ce Droict estoit une belle robbe bordee de fanges, entendant par ce mot de fanges les glosses qui sont aux environs de textes: Et quant à moy je pense plus veritablement parler, quand voyant le fruit qui en vient; je la diray estre une robbe d' argent, brodee d' or. Singulierement en ce temps icy, auquel je voy tant de beaux esprits l' avoir enrichy. Et cestuy est le troisiesme aage de son restablissement dont je vous veux gouverner par le Chapitre suivant.

9. 37. Universitez de Loix, & quand, & comment le droict Civil des Romains se vint loger en nostre France.

Universitez de Loix, & quand, & comment le droict Civil des Romains se vint loger en nostre France.

CHAPITRE XXXVII.

Sur l' avenement de tous ces grands Docteurs d' Italie, dont j' ay parlé, qui fut vers l' an 1300. la France fut du tout disposée à nouveautez sous nostre Roy Philippes le Bel. Un Pape Clement cinquiesme du nom, pour luy complaire s' habitua avecques toute sa Cour en la ville d' Avignon

La premiere Assemblée des trois Estats, pour secourir d' argent son Prince, sans murmure & mescontentement de ses subjects. Invention d' Enguerrand de Marigny. L' usage des Colleges tels qu' on a veus & voyons encores aujourd'huy dedans Paris. Car auparavant il n' y avoit que celuy de Sorbonne, & un ou deux autres pour le plus. Mais depuis que la Royne Jeanne femme du Bel eut en l' an 1304. fondé celuy de Navarre, les autres furent depuis instituez (si ainsi voulez que je le die) en flote. Le Parlement, & la Chambre des Comptes, qui auparavant estoient à la suite de nos Roys, furent faits resseans dedans Paris: nouveau Parlement creé dans Toulouse. Et sous ce mesme regne furent aussi introduites les Universitez de loix.

En la deduction desquelles je suis d' avis de reprendre de fonds en comble l' ancienneté de toutes nos Universitez, qu' il ne faut estimer avoir esté tout d' un coup moulées sur leurs commencemens, ains prindrent d' elles mesmes leurs naissances par leurs estudes continuelles, & les estudes dedans les Eglises Cathedrales, à ce faire semonces par les frequentes exhortations des Concils tant generaux, que nationnaux. A la verité toutes devoient contribuer d' une mesme devotion à ce noble exercice: toutesfois les aucunes se trouvans plus froides, celles qui furent plus chaudes, continuans leur ancienne route, obtindrent à la longue le nom d' Universitez du Magistrat souverain, avecques certains Privileges portez par leurs titres. Qu' ainsi ne soit, repassez par toutes les Universitez de la France, qui sont quatorze en nombre, elles sont toutes basties és Eglises Cathedrales, hormis celle de Caen, qui fut un ouvrage des Anglois. Le tout comme vous entendrez par le denombrement que je vous enfileray cy apres selon l' ordre & progrez des ans de leurs creations.

La premiere de toutes fut l' Université de Paris, laquelle un bien long temps merita, non le nom de premiere, ains d' unique: parce que jusques au pontificat de Gregoire IX. successeur immediat d' Honoré III. elle fut seule & generale Université de toute la France.

La seconde est celle de Thoulouse, qui fut pour telle authorizée par le mesme Gregoire l' an 1233. c' est à dire au mesme an qu' il fit publier les cinq livres de ses Decretales. Le sieur Cadan, mien amy Docteur regent en cette Université, personnage d' une singuliere erudition, m' a du consentement de Messieurs ses Confreres aidé de la Bulle, tirée des archifs bien & deuëment collationnée à son Original, dont je vous veux faire present. Car on ne sçavroit assez honorer telles anciennetez.

Gregorius Episcopus, servus servorum Dei, dilectis filijs Universitatis, Magistrorum & scholarium Tolosanorum Salutem, & Apostolicam benedictionem. Olim operante illo qui vult omnes homines salvos fieri, & neminem vult perire. Per ministerium dilecti filij nostri. Portuensis electi, tunc in illis partibus Apostolicae sedis legati, inter Ecclesiam, & nobilem virum Comitem Tolosanum, pace praeeunte divina gratia reformata, idem legatus, tam provide, quam prudenter, attendens quod fides Catholica, quae paene penitus videbabatur (videba-batur: videbatur) de illis partibus profligata, inibi reflorere valeret, si illic litterarum studium crearetur, duxit proinde statuendum, ut in Tolosana civitate, cuiuslibet licitae Facultatis studia plantarentur, quorum Magistris, ut liberius possent vocare studijs, & Doctrinis, à iamdicto Comite fuit promissum certum salarium. Nos igitur quod super praemißis factum est, gratum & ratum habentes, ut eadem libertate qua gaudent Parisienses Scolares, vos omnes, & qui vobis successerint in hac parte, perpetuo gaudeatis, devotioni vestrae perpetuo duximus concedendum. Nihilominus ut cives Tolosani, domos vacantes ad habitandum, scholaribus locare sub competenti precio, taxando à duobus Clericis, & totidem laicis viris discretis, Catholicis & iuratis, communiter electis, à vobis locare cogantur. Et ut scholares Theologiae studijs insistentes, ac universi Magistri, in civitate commorantes praefati, Beneficiorum, & praebendarum suarum proventus, ac si in civitatibus quibus eadem obtinent, residerent (Quotidianis distributionibus quae illis qui divinis intersunt officijs aßignantur, duntaxat exceptis) concedantur. Integre statuentes sancimus praeterea, quod nulli Magistri, Scholares, vel Clerici, ac servientes eorum (quod absit) si contingeret eos in quocumque maleficio deprehendi, ab aliquo laico iudicentur, vel etiam puniantur, nisi forsitan iudicio Ecclesiae condemnati, seculari curiae relinquantur. Et ut laici teneantur studentibus in caussa qualibet coram Ecclesiastico iudice respondere, secundum consuetudinem Ecclesiae Gallicanae. Necnon & ut Comes iamdictus, cives Tolosani, Baillivi eiusdem Comitis & Barones terrae, personis & rebus Scholarium securitatem & immunitatem promittere compellantur, & à suis subditis faciant illud idem. Et si quid eos, vel eorum nuncios, in bonis ipsorum, pecunia, vel rebus alijs spoliaverint, ipsi vel emendare faciant vel emendent, & ut quicumque Magister ibi examinatus, & approbatus fuerit in qualibet Facultate, ubique sine alia examinatione, regendi liberam habeat potestatem. Et haec cum saepe praefatus Comes in reformatione pacis se obligaverit, praestito iuramento, ut certum salarium, usque ad certum tempus, certo numero Magistrorum exolvat, statuimus, & illud sine diminutione qualibet, persolvat. Nulli ergo hominum liceat hanc paginam nostrae tonceßionis & constitutionis infringere, vel ei ausu temerario contrario. Si quis autem hoc attentare praesumpserit, indignationem omnipotentis Dei, & beatorum Petri, & Pauli Apostolorum eius se noverit incursurum. Datum Lateran. tertio Kalendas Maij, Pontificatus nostri anno septimo.

Et au dessous de cette copie escrite en parchemin sont ces mots, Extraict tiré à son Original, dedans les archifs de l' Université de Toulouse, cotte B. dedans un sac inventorié un par moy Bedeau, & Secretaire de l' Université de Toulouse, y ayant un seau de plomb, Gregorius PP. VIII. & par moy remis dedans les dits archifs.

Beau titre certes & tres-authentique pour monstrer que l' opinion du Pape Gregoire estoit non de fonder une Université de Loix, ains de Theologie principalement. Le tout en la mesme maniere qu' en celle de Paris. Chose qu' il est aisé de recueillir si vous examinez ce titre en son tout. Car premierement la plus grande partie du Languedoc avoit esté infectée de l' heresie Albigeoise, tout ainsi comme le Comte de Toulouse son seigneur, qui estoit rentré en grace moyennant son abjuration, & articles portez par le traicté: mesme à la charge de payer l' espace de dix ans certaine redevance à ceux qui enseignoient la Theologie, le Decret, la Medecine, Philosophie, & la Grammaire dedans Thoulouse, ainsi que je vous ay touché par le precedant Chapitre. Qui occasionna l' esleu de Portueuse Legat en France, pour extirper tout à fait cette heresie d' y creer une Université. Ce qui fut confirmé par le Pape Gregoire. Je ne dy rien que ne trouviez porté par sa Bulle. Dautant que sur le commencement il discourt comme en faisant la paix avec le Comte de Thoulouse, & pour le salut de son ame, l' esleu Evesque de Portueuse son Legat avoit de luy stipulé, qu' il seroit tenu de payer certains deniers à ceux qui lisoient dedans Thoulouse, en consequence dequoy il y avoit estably une Université. Et sur la fin reprenant ses premiers arremens, il veut & ordonne que le Comte continuë les payemens jusques à la fin du temps prefix par la capitulation. Et sous cette condition veut que cette Université jouïsse des mesmes franchises & libertez que celle de Paris.

Lisez doncques le commencement, le milieu & la fin. Cette Bulle ne s' estendoit nullement à la lecture du Droict Romain, ayant esté cette Université seulement bastie à l' instar de celle de Paris. Et de là est venu, qu' uns Balde, Panorme, & Jason, exercerent leurs plumes sur cette question, sçavoir si l' Université de Paris estoit accruë de Privileges par nouveaux octrois, celle de Toulouse y devoit avoir quelque part. Et à vray dire ce ne luy est pas un petit honneur, qu' apres la grande ville de Paris elle soit la premiere de la France, en laquelle on ait assis Parlement & Université.

Or ne se tint elle pas longuement dedans les bornes de son institution. Et voicy comment. Le premier des Docteurs Italiens qui vint enseigner le Droict en la France fut Placentin, en la ville de Montpellier, qu' il trouva à sa bienseance, pour estre plus proche de son pays & y mourut l' an 1192. ainsi qu' apprenons de son tombeau, qui est en l' Eglise sainct Barthelemy joignant la ville de Montpellier, où ces quatre vers sont empraints.

Petra Placentini corpus tenet hic tumulatum, 

Sed petra quae Christu' est animum tenet in paradiso. 

In festo Eulaliae vir nobis tollitur iste, 

Anno milleno ducenteno minus octo.

Apres luy Azon mal mené des siens y vint lire, mais il fut depuis par eux r'appellé. Tellement qu' en ces quartiers là le droict commença de s' aprivoiser, comme aussi y eut il depuis Guillaume Autheur du Speculum iuris, duquel je vous ay cy dessus parlé. Cela fut cause que l' Université de Thoulouse estant establie, la Faculté de Loix s' y logea fort facilement. Et de fait je trouve dedans Bartole que François Accurse fils du Glossateur s' y estant par occasion transporté y leut la Loy unique De sent. quae pro eo quod inter. prof. Et que lors Iacobus de Ravenna, qui erat ibi magnus Doctor (ce sont les paroles de Bartole) in forma discipuli surrexit contra eum, & apposuit sic: Istud dictum glossae videtur contra textum huius legis. Nam textus & c. Quand je vous parle de Ravenna Lorrain de nation, c' estoit celuy duquel Cynus disoit, Quod ea quae à maioribus perspicuè & simpliciter erant tradita, ad Dialecticam arguendi, disputandique modum deduxerat. Par cela vous voyez que la porte estoit lors ouverte dans l' Université de Thoulouse aux lectures publiques de droict. Car Accurse estant decedé l' an 1229. & l' Université dressée l' an mil deux cens trente trois ce concert fut fait quelque temps apres. La Bulle de Gregoire portant que cette Université estoit instituee pour y lire, in quacunque Facultate legitima. Clause generale que les Thoulousains sceurent fort bien mesnager. Car ils comprindrent sous elle la Faculté de Droict avecques les autres, & ainsi l' ont tousjours pratiqué avecques honneur. Les Jurisconsultes disoient que sur les obscuritez qui se trouvoient en l' explication d' une Loy. Consuetudinem optimam legis esse interpretem. En cas semblable on peut dire, n' y avoir commentaire ny truchement plus fidelle d' un vieux titre que l' usage. C' est pourquoy elle se pretend la seconde Université de la France apres Paris, mais la premiere de toutes les autres, au fait de la Loy.

Et toutesfois la premiere qui obtint le nom & qualité de Loix par son titre originaire est celle d' Orleans. Mais avant que de vous en parler je vous diray ces deux mots, combien que du commencement par une maxime, le magistrat ne se peust aisement induire à l' ouverture de ce nouveau droict, toutesfois il vint peu à peu en grand credit. Rigord dit que quand il fut question de sçavoir si le mariage du Roy Philippes Auguste, & de la Royne Ingeburge devoit estre confirmé ou declaré nul, le Pape ayant envoyé deux Cardinaux ses Legats, qui s' assemblerent avecques nos Prelats en la ville de Soissons. Post varias (dit-il) & multas Iurisperitorum disputationes. Le Roy emmena quant & soy sa femme sans leur en demander congé. Et en un autre endroit Innocent III. ayant en l' an 1207. envoyé en France le Cardinal de saincte Marie. In porticu Iurisconsultum, & bonis moribus ornatum, omnium Ecclesiarum visitatorem. Le premier traict de loüange qu' il donne à ce Legat est de la Jurisprudence. Et à peu dire le mesme Rigord parlant en quel estat estoit l' Université de Paris de son temps. Cum igitur in eadem nobilißima civitate (dit-il) non modo de trimo & quadrimo, verum & de quaestionibus Iuris canonici & civilis, & de ea facultate, quae de sanandis corporibus & sanitatibus conservandis scripta, plena & perfecta inveniretur doctrina ferventiori tamen desiderio sacram paginam & quaestiones Theologicas docebant. Par ce passage vous voyez que Rigord Medecin de Philippes Auguste, qui fit l' histoire de luy apres sa mort, nous enseigne par ce passage, que de son temps on enseignoit le Droict Civil dans Paris aussi bien que le Droict Canon, nonobstant les prohibitions precedantes faites par le Pape Honoré III. Et quand je voy cest Epitaphe qui est au Chapitre de nos Augustins joignant le Cloistre.

Hic iacet nobilis vir D. Philippus de Volognano, legum professore, qui obijt anno Domini 1317. die Dominica post Assumptionem Beatae Mariae Virginis, cuius anima requiescat in pace. Amen.

Quand je voy (dy-je) cest Epitaphe, je suis bien empesché de juger si ce defunt avoit esté professeur des Loix dedans Paris ou ailleurs. Car lors il n' y avoit que la ville d' Orleans qui portast le titre l' (d') Université de Loix, & me semble que s' il y eust leu, on l' eust particulierement declaré avoir esté professeur de Loix en icelle ville. Tout cela me fait dire que la promotion du Droict des Romains en France doit beaucoup à l' opiniastreté du peuple, encores que par traicte de temps il se soit rangé dans Paris aux defenses du Pape Honoré.

Opiniastreté que vous recognoistrez encores davantage en la ville d' Orleans. Cette ville estoit l' une des quatre villes, dont en la premiere lignée de nos Roys le Royaume par deux fois partagé, l' un des Roys portoit le titre de Roy d' Orleans. Et deslors cette ville sembloit faire profession des bonnes lettres. Gregoire de Tours au premier Chapitre de son huictiesme livre nous dit, que le Roy Gontran fils de Clotaire premier, retournant de quelque long voyage en sa ville, Proceßit ei obviam immensa turba cum signis atque vexillis canentes laudes, & hinc lingua Syriaca, hinc Latinorum, hinc etiam ipsorum Iudaeorum, in diversis laudibus varie increpabat. Qui monstre que deslors les langues y estoient diversement pratiquées. Et ne faut doubter que cette mesme devotion s' y continua. Et de fait Glaber Rodulphus au livre troisiesme de son histoire, dit que sous le regne du Roy Robert, un Heribert homme d' Eglise Sancti Petri Ecclesiae cognomento puellaris, capitale scholae tenebat dominium.

Or dedans cette ville l' opiniastreté principalement se logea pour enseigner le droict Romain, par dessus toutes les villes de nostre pays coustumier. Je voy un Yve Breton, que depuis nous avons appris pour sa saincte vie, avoir esté mis au Catalogue de nos saincts, apres avoir fait ses premieres estudes en la ville de Paris, s' estre transporté à Orleans poury faire ses secondes estudes en droict. Cela s' appelle vers l' an 1385. Je voy un Pape Clement V. recognoistre avoir emprunté sa grandeur des estudes de loix qu' il avoit faites en cette ville auparavant qu' elle fust recognuë pour Université de loix. Brief deux grands Jurisconsultes François y avoir enseigné le droict Romain publiquement. Gulielmus de Cuneo, & Petrus à Bella Pertica, avec un grand applaudissement pendant leurs vies, & apres leurs decez par les Docteurs en droit qui les survesquirent, comme on recueille de leurs escrits. Qui fut le premier des deux, ny pour le temps, ny pour la doctrine, je ne le puis bonnement juger. Bien vous diray-je que Petrus à Bella Pertica acquit un grand bruit. Car non content d' avoir longuement enseigné le droict dedans Orleans, il voulut passer les monts, & dedans la ville de Boulongne il le voulut renvier sur François Accurse. Car tout ainsi que passant par Toulouse cettuy-cy avoit leu avec grand honneur la Loy unique du Code. De sent. quae pro eo quod interest. Aussi fit le semblable le nostre, avec une singuliere admiration de tous. Ainsi l' appren-je de Bartole en la mesme Loy. Et depuis ayant fait surseance de ce mestier fut honoré de plusieurs belles dignitez en l' Eglise, comme nous tesmoigne son Epitaphe gravé sur une tombe de cuivre dedans le cœur de l' Eglise de Paris.

Hac iacet in cella Petrus cognomine Bella

Pertica, perplacidus verbis, factis quoque fidus, 

Mitis, veridicus, prudens, humilisque, pudicus, 

Legalis, planus, velut alter Iustinianus, 

Summus Doctorum, certissima regula morum, 

Parisianorumque decanus Canonicorum, 

Altisiodorica digne sumpta sibi sede, 

Tempora post modica, carnis secessit ab aede,

Anno sub mille ter & centum simul, ille

Sulpitij festo migravit ab orbe molesto

Det sibi solam Spiritus Almus, Amen.

Vers lourds, grossiers, & de mauvaise grace, mais par lesquels nous apprenons quel fut le cours de sa vie & mort. Premierement grand Docteur au fait des loix, puis Doyen en l' Eglise de Paris, en apres Evesque d' Auxerre qui mourut l' an 1300.

Advint en l' an 1303. que le Parlement qui estoit à la suite de nos Roys fut fait sedentaire à Paris, & au mesme an le Parlement de Toulouse creé. Le tout pour faciliter le cours de la justice aux pauvres parties à moindres frais. Et combien que les juges feussent composez part de gens d' espee, part de robbe longue, toutesfois la longue robbe se trouvant avoir plus d' avantage sur la partie, que l' espée, aussi commença l' on d' embrasser le droict des Romains à face ouverte.

Et ores qu' en la ville de Toulouse sejour ordinaire du Parlement fust l' Université de loix approuvée: toutesfois on ne fit pas le semblable en celle de Paris. Obstans les defenses à elle faites par Honoré III. mais en ce defaut fut choisie la ville d' honneur, la plus proche, qui estoit Orleans, pour y estre les loix Romaines enseignées.

Tellement que s' il vous plaist entendre de moy ce que je pense avoir introduit les Universitez de loix de nostre pays Coustumier, je vous diray qu' encores que du commencement l' estude du droict des Romains nous fust suspecte, craignans que par son moyen on assujectist le François sous une domination estrangere, toutesfois la longue opiniastreté des gens doctes, qui de leur propre mouvement l' enseignoient dedans Orleans, la fit passer en tolerance (comme il advient souvent és affaires d' Estat, pour esquiver plus grand mal) & de tolerance en necessité. Non vrayement pour tenir lieu de Loy en la France, telle que nos Ordonnances Royaux ou coustumes provinciales, ains pour puiser d' elles une infinité de beaux advis qui pouvoient en sens commun servir de guides aux juges tant à l' instruction que decision des causes qui se presentent devant eux, comme vous pourrez cognoistre par les patentes du Roy Philippes le Bel, que je vous representeray cy apres.

Cette ville est la premiere de toutes les autres qui sont au pays Coustumier, voire de toute la France, qui porta le nom d' Université de loix, & eut pour parreins le Pape Clement V. & nostre Roy Philippes le Bel IV. du nom. L' opinion commune est que ce fut en l' an 1303. Qui est un erreur. Car Clement ne fut fait Pape qu' en l' an 1305. (ainsi l' appren-je de Platine & Onufre) & neantmoins il ne faut faire aucune doubte qu' il en fut le premier Autheur: la teneur de ses Bulles estoit telle.

Clemens Episcopus, servus servorum Dei, ad perpetuam rei memoriam & c. Je vous laisse tout le preambule, pour vous representer tout au long le dispositif. Cum igitur in Aurelianensi civitate litterarum studium in utroque iure, ac praesertim in iure Civili laudabiliter viguerit ab antiquo, & ad presens Deo favente refloreat, nos ipsum Aurelianense studium, quod nos olim essentiam minoris status habentes, legendi, & docendi in legibus, scientia decoravit: ad quod ex his & alijs condignis considerationibus, praerogativa quadam, intuitu nostrae affectionis adducitur, volentes opportunis confouere favoribus, & praesidijs communire, ut quanto utilioribus fuerit erectionibus stabilitum, tanto commodius, laudabilius, & uberius docentes & studentes ibidem aedificare valeant ad profectum, authoritate Apostolica statuimus ut scholasticus quilibet Aurelianensis, coram Episcopo Aurelianensi, vel de ipsius mandato, in capitulo Aurelianensi, vocatis ad hoc & praesentibus pro Universitate Scholarium duobus solis Doctoribus, in sua teneantur institutione iurare, quod ad regimen Decretorum, & legum, bona fide, loco, & tempore, secundum statum praefatae Civitatis, & honorem, & honestatem, & Facultatem ipsorum, non nisi dignis licentiam largientur, nec admittent indignos, personarum & nationum acceptatione substracta. Ante vero quam quemquam licentient, tam ab omnibus Doctoribus utriusque iuris, in civitate praesentibus quam alijs honestis viris & litteratis, per quos veritas sciri poßit, de vita, scientia, necnon proposito & spe proficiendi, & alijs quae in talibus sunt requirenda, diligenter inquirant, & inquisitione sic facta, quid deceat, quid expediat, dent vel negent bona fide, petenti licentiam postulatam. Doctores autem Decretorum ac legum quando incipient legere, praestabunt publice iuramentum, quod super praemißis fideliter testimonium perhibebunt: Scholasticus etiam iurabit, quod consilia Doctorum seu dispositiones eorumdem in malum ipsorum nullatenus revelabit. Neque pro licentiandis Baccalaurijs, iuramentum, vel obedientiam, seu aliquam exiget cautionem, neque aliquod emolumentum, seu promißionem recipiat pro licentia concedenda, iuramento superius nominato contentus. Caeterum illi qui in civitate praefata examinati & approbati fuerint, ac docendi licentiam obtinuerint, ut est de nunc, ex tunc absque examinatione, vel approbatione alia, legendi & docendi ubique in Facultate illa in qua fuerint approbati, plenam & liberam habeant facultatem, nec à quoquam valeant prohiberi. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostri statuti infringere, vel ei ausu temerario contraire. Si quis autem hoc attentare praesumpserit, indignationem omnipotentis Dei, & beatorum Petri & Pauli Apostolorum eius se noverit incursurum. Datum Lugduni VI. Kal. Febr. Pontificatus nostri anno primo.

Ce fut l' an mil trois cens cinq en la ville de Lyon, où Clement fit une grande & magnifique, mais tres-malheureuse entrée. Cettuy est le premier crayon de cette Université, qui receut depuis sa perfection par Philippes le Bel, sept ans apres. Et voicy comment l' Université croissant de jour à autre d' Escoliers, n' estant toutesfois en tout & par tout bien policée, survint une grande sedition qui la cuida mettre en desarroy, & fut cela cause que le Roy y voulut mettre la main à bonnes enseignes, mais avecques une protestation qu' il n' entendoit assujectir les siens au droict de Rome par cette ouverture.

Non putet igitur (portent ses lettres patentes) aliquis, nos recipere, vel progenitores nostros recepisse consuetudines quaslibet sive leges, ex eo quod eas in diversis locis, & studijs Regni nostri per scolasticos legi sinatur: multa namque eruditioni & doctrinae proficiunt, licet recepta non fuerint. C' est ce que je vous ay dit cy dessus que ce droict se lisoit en unes & autres villes par souffrance. Et neantmoins que le Roy en admettoit la lecture, comme celles desquelles on pouvoit puiser plusieurs belles raisons pour la decision du proces. Et quelques lignes apres. 

Sane cum inter cives Aurelianensis civitatis, in qua propter opportunitatem, fertilitatem, & amoenitatem loci sub alis progenitorum nostrorum, & nostris, liberalium artium, praecipue iuris canonici studium, & civilis noscitur floruisse, & eminentes personae temporibus retro actis, qui virtutum & scientiae fulgore splendentes, fructum multiplicem Deo gratum, & hominibus salubrem, per munti diversa climata reddiderunt, ac inter Doctores, Magistros & Scholares iuris canonici, & civilis ibi studentes, cernimus grave nuper scandalum fuisse suscitatum Universitatis, praetextu Doctorum ipsorum, & Magistrorum, Scholarium noviter institutae, videlicet ex eo studium illud nedum turbatum & impeditum enormiter, nisi celeriter occurreretur, prorsus posse (quod absit) in futurum sine reparatione destitui Universitatem huiusmodi quae caussam huic scandalo praestabat, nec fuerit authoritate nostra subnixa, tolli decrevimus. Quod enim in hoc favore studij fuerat dispositum, manifeste tendebat ad noxam. Caeterum ut Doctores, Magistri, & Scholares libentius ad studium ipsum declinent, & ferventius ibidem studentes proficiant quanto plus honorari se sentient, illud privilegijs, beneficijs, & libertatibus munientes, studium generale praesertim iuris canonici, & civilis, favente Deo, perpetuum ibidem esse volumus, & Regia authoritate firmamus. Hoc salvo quod Theologiae Magistri nullatenus creentur ibidem, ne detrahatur priviliegijs Romanae sedis studio Parisiensi conceßis.

A la suite dequoy sont les Privileges dont le Roy veut, & entend honorer cette Université, qui ne sont petits. Mais sur tout me plaist une clause pleine de curialité, par laquelle le Roy d' une debonnaireté admirable tasche de faire trouver bon aux autres bourgeois de la ville, si peut estre à leur desavantage, il advantage les Escoliers. Et si quod privilegium forsan à nobis vel nostris progenitoribus sit praedictis civibus concessum, quod huic adversetur, id propter favorem studij utilitatemque publicam ceßare volumus in hac parte. Nec cives eos pigeat. Ipsa namque civitas ex studio decoratur, ac ideo propter incrementum honoris, & utilitatis civitatis eiusdem, quod ipsi cives ex studio, si benemeritis oculos aperiant, sentire noscuntur, patienter ferre debeant, si forsan videatur eis paulisper ex talibus se gravari.

Qui me semble une belle leçon faite à tous les manans & habitans des villes, esquelles y a Universitez pour compatir avec ses Maistres & Escoliers. Je vous laisse toutes les autres particularitez des lettres patentes du Roy Philippes, lesquelles sur la fin portent ce date. Actum apud Abbatiam Regalem Beatae Mariae prope Pontiseram. Anno Domini millesimo trecentesimo duodecimo mense Iulij. C' est que ces lettres furent expediées en l' Abbaye de Maubuisson pres de Pontoise l' an 1312.

Il n' estoit rien impossible, ny au Roy Philippes le Bel apres qu' il se feut bravement aheurté aux bravades du Pape Boniface VIII. ny depuis à Clement V. ayant quitté la grande ville de Rome (premier & ancien sejour de la Papauté) pour se venir habituer avecques son Consistoire, en Avignon, pour lors ville d' emprunt.

C' est pourquoy ils ne doubterent chacun en leur endroict de nommer la ville d' Orleans Université de loix, & neantmoins encores voy-je que les deux villes qui depuis voulurent estre de la partie, qui furent Angers, & Poitiers, n' ozerent par leurs Requestes coucher du mot d' Universitez de loix, ains celle d' Angers, qu' il luy fust permis jouïr des Privileges de l' Université d' Orleans, celle de Poitiers, des Privileges de l' Université de Toulouse.

Encores que l' intention de ceux qui negocioyent pour l' une & l' autre ville, visast principalement à la lecture des loix, le Roy Charles V. ayant par ses lettres narré la Requeste qui luy avoit esté faite par Louys Duc d' Anjou son frere, affin que sa ville d' Angers joüist de mesme Privileges qu' Orleans, ordonne par ses lettres patentes du mois de Juillet mil trois cens soixante quatre ainsi que s' ensuit.

Notum facimus nos omnia & singula privilegia, seu eis consimilia, libertates, franchisias immunitates, gratias, ac etiam omnes alias quascumque libertates, privilegia, & franchisias concessas ac donatas studio Aurelianensi praedicto, ac studentibus in eodem retro actis temporibus, à praedecessoribus nostris Francorum regibus, de gratia speciali, certa scientia & plenitudine, potestate Regia commisisse, & donasse perpetuis temporibus studio Andegavensi, Doctoribus, Licentiatis, Baccalaureis, & studentibus in eodem. Mandamus Seneschallo, vel Praeposito Andegavensi & c. Datum Parisius anno Domini millesimo trecentesimo sexagesimo quarto, mense Iulij, per Regem in Requestis suis, vobis Dominis Episcopis Mannetensi, & Meldensi, necnon Magistris P. de Rouy, Ioanne Divitis, Decano Novionensi, Al. Caprarij, Aimaro de Magnaco, Philippo de tribus montibus Requestarum hospitij Magistris praesentibus. Signatum H. de Hac.

On apporta plus de façon en l' erection de l' Université de Poitiers. D' autant qu' une bonne partie de la France estant occupée par les Anglois, le Roy Charles septiesme eut recours au Pape Eugene quatriesme, lequel narration faite de la semonce qui luy avoit esté faite par le Roy, & humble supplication des manans & habitans de la ville, poursuit en cette façon.

Ad Dei laudem & gloriam, Rei quoque publicae foelix incrementum in eadem civitate Pictaviensi studium generale authoritate Apostolica tenore praesentium erigimus, statuimus, ac etiam ordinamus ad instar ipsius studij Tolosatis, in perpetua Facultate licita, quod perpetuis futuris temporibus vigeat & praeservetur ibidem. Quodque omnes & singuli Doctores, & Magistri legentes & audientes, libertatibus, immunitatibus, privilegijs & indulgentijs, quibusvis Doctoribus & Magistris regentibus, & Scholaribus dictae Universitatis studij Tolosani existentibus, per sedem Apostolicam, & aliàs qualitercumque conceßis gaudeant in omnibus & singulis. Je vous laisse le demeurant par lequel il veut & ordonne que le Thresorier de l' Eglise sainct Hilaire en soit Chancelier, & au bout. Datum Romae apud sanctum Petrum, anno incarnationis dominicae milles. quadringentesimo primo Cal Iunij. Pontificatus nostri anno primo. M. de Bossis, sub plumbo, cum filo crocei & rubei coloris.

Sur ces Bulles de cette façon expediees en Cour de Rome, le Roy Charles VII. decerna ses patentes le 16. Mars 1431. verifiees au Parlement de lors seant à Poictiers, le 8. Avril au mesme an devant Pasques, par lesquelles il confirme en tout & par tout l' erection de l' Université de Poictiers, faicte sur le pied de celle de Toulouse par le Pape Eugene le quart, & passant outre veut qu' elle joüisse de mesmes privileges, que celles de Paris, Toulouse, Orleans, Angers, & Montpellier. Il me semble qu' il ne sera hors propos d' inserer icy le dispositif de ses lettres.

Nos igitur dictam ipsius sanctissimi patris dispositionem, voluntatem & ordinationem, huic nostro proposito, nostroque desiderio conformem, ad Dei & Ecclesiae laudem & gloriam, fidei & doctrinae exaltationem, totiusque huius nostri regni decus & honorem, clare redundare recognoscentes, ipsam grato animo excepimus & acceptavimus, & eam in quantum melius voluimus volumusque, & possumus de nostra certa scientia, plenariaque potestate, & authoritate Regia, iuxta plenarium ipsius sanctissimi patris nostri litterarum effectum, laudavimus, ratificavimus, & approbavimus; laudamus, ratificamus, & approbamus per praesentes ipsum studium generale sic in dicta nostra civitate Pictaviensi, authoritate Apostolica erectum, institutum, & ordinatum, nostra etiam ex parte nostraque authoritate in quantum in nobis est, servando, instituendo, & ordinando. Quod ut uberius succrescere solidiusque subniti, subsistere & perdurare valeat, cunctique ibi ad haurienda scientiae & doctrinae fluenta eo libentius conveniant, quo se maioribus favoribus, potioribusque gratijs senserint prosequutos, ipsum studium Pictaviense, & universos, & singulos Doctores, Magistros, suppositaque membra eiusdem sub nostro nomine, nostraque speciali protectione, gardia, & salvagardia, per has easdem praesentes recipimus & ponimus, ac ipsis eorumque singulis omnia & singula privilegia, praerogativas, exemptiones, immunitates, ac iura per nos, & praedecessores nostros Franciae Reges, ac Principes quoscumque Parisiensi praefato, Tolosano, nec non Aurelianensi, Andegavensi, Montispessulani studijs & universitatibus, hactenus quomodolibet data, indulta, concessa, & confirmata damus, concedimus, & indulgemus perpetuo duratura. Je vous obmets le demeurant par lequel il luy donne pour conservateur de ses Privileges le Lieutenant general du Seneschal de Poitou, & au bout. Datum Cainonae die decima sexta mensis Martij, Anno Domini 1431. & regni nostri decimo, & seellé en cire verte du grand seel en lac de soye, & sur le reply est escrit. Per regem Domino de la Trimoüille, Christophoro de Harcour, Ludovico d' Escars, & alijs praesentibus, Signé Gibier, & apres est le mot Visa: Et au dos est escrit Lecta & publicata Pictaviae, in Parlamento Regio, & ibidem registrata octavo die Aprilis, anno Domini 1431. ante Pascha, Signé Blois.

Je vous ay icy representé une bonne partie des lettres de Charles septiesme en forme de Chartres, pour vous monstrer non seulement quand l' Université de Poictiers fut bastie, quel respect les entrepreneurs portoient à la venerable ancienneté du Droict de la France, n' estant ce mot d' Université de Loix sorty de leurs plumes à face ouverte; mais aussi en ce que le Roy passant outre, veut que l' Université de Poitiers joüisse de mesmes Privileges que celles de Paris, Toulouze, Orleans, Angers, & Montpellier.

Ordre par lequel il sembleroit que l' Université de Montpellier fust posterieure à celle d' Angers, & neantmoins la verité est qu' elle la precede de temps: Parce que ceux qui y sont habituez & nourris, attribuent la premiere institution de cette Université au Pape Nicolas troisiesme l' an mil deux cens octante quatre, sur le moule de celle de Paris, & que depuis elle obtint ampliation en la Faculté de Loix sous Charles quatriesme l' an mil trois cens vingt-six. Le tout bien & deuëment confirmé par le Roy Jean l' an mil trois cens cinquante, & depuis par Charles septiesme l' an mil quatre cens trente sept, & finalement par François premier l' an mil cinq cens trente sept. C' est tout ce que j' ay peu apprendre d' eux, par l' entremise de quelques miens amis: car quant aux titres & enseignemens je n' en ay communication, comme de ceux des autres Universitez, mais j' en ay un tres-antique & authentique, pour monstrer qu' auparavant l' an mil trois cens vingt-six la Faculté de Loix y estoit exercee d' ordinaire. J' apprens cela de Petrarque en l' Epistre liminaire de ses œuvres qu' il dedie à la posterité; en laquelle apres avoir fait recit qu' il estoit né en l' an mil trois cens quatre, & que sur le neufiesme an de son aage, ses pere & mere s' estoient venus habituer est Avignon, où la Cour de Rome se tenoit, il estudia quatre ans entiers, tant en cette ville, qu' en celle de Carpentras, en la Grammaire, Rhetorique, & Dialectique, & de là il fut estudier en Droict à Montpellier l' espace d' autre quatre ans. Inde (dit-il) ad Montem Pessulanum legum ad studium profectus, quadriennium ibi alterum, inde Bononiam, & ibi triennium expendi, & totum iuris civilis corpus audivi. Par la supputation & calcul qu' il fait de son aage, il alla estudier en Droict à Montpellier l' an mil trois cens dix-huit. Il est doncques vray de dire que lors l' exercice des Loix Romaines y estoit d' ordinaire, & ne le faut trouver estrange: d' autant que Placentin & Azon y en avoient tracé les premiers chemins. Bien peut du depuis ceste ville avoir obtenu quelque confirmation de ceste Faculté par Charles IV. en l' an 1326.

Car quant à l' Université de Caen en Normandie, ce fut un ouvrage du Roy Henry sixiesme soy disant Roy de France & d' Angleterre, lequel estant en la ville de Rouen expedia ses patentes en langue Latine en l' an mil quatre cens un, portant l' erection nouvelle de cette Université en Droict Canon & Civil. Qui furent depuis presentees au Parlement de Paris pour estre verifiees, à quoy l' Université s' opposa par la bouche du Recteur en pleine Audience, offrant d' enseigner le Droict Civil dans Paris. Et par Arrest du douziesme Novembre 1433. il fut dit qu' elle bailleroit ses causes d' opposition par escrit, & que cependant sans prejudice d' icelles, les lettres seroient verifiees. Depuis c' a esté chasse morte: car non seulement il n' en fut plus parlé; mais au contraire par autres patentes du mesme Roy du quinziesme Fevrier mil quatre cens trente six, furent adjoustees les Facultez de Theologie, Medecine, & des Arts: & le Baillif de Caen deputé conservateur des Privileges Royaux. Privileges amplement declarez par autres siennes lettres donnees à Raneton pres Londres le dixiesme de Mars mil quatre cens trente sept. Et depuis à la supplication des trois Estats de Normandie, le Pape Eugene quatriesme en la ville de Boulongne decerna ses Bulles: 3. Kal. Iunij 1437. Et crea, & erigea entant que besoin estoit cette Université, avec les cinq Facultez cy-dessus mentionnees, ordonnant que l' Evesque de Bayeux en fust Chancelier; comme aussi la dota de tous Privileges en la mesme forme que les autres Universitez. Et par autres siennes Bulles les Evesques de Lizieux & Coustances pour conservateurs Ecclesiastiques & Apostoliques. En commemoration dequoy fut faite procession solemnelle, & chanté un Te Deum laudamus, en l' Eglise sainct Pierre de Caen le vingtiesme Octobre mil quatre cens trente neuf. Et comme ainsi fust que le pays de Normandie eust esté tout à fait reduit sous l' obeïssance du Roy Charles septiesme en l' an mil quatre cens cinquante, lors qu' il fit son entree à Caen, sur la Requeste que luy firent les manans & habitans, qu' il luy pleust confirmer les Privileges de leur Université par eux obtenus. Le Roy par meure deliberation de Conseil, ne voulant approuver ce qui avoit esté fait par l' Anglois, ayant esgard aux Bulles du Pape Eugene crea de nouveau cette Université de Caen, par ses patentes du penultiesme de Juillet 1450. lesquelles il amplifia par autre du quatorziesme May 1452. Et depuis fut donné un Arrest par le grand Conseil au profit de cette Université, pour la manutention de ses nominations qui merite d' estre icy inseré.

Extraict des Registres du grand Conseil du Roy.

Entre le Sindic des Recteur, Docteurs, Escoliers & supposts de l' Université de Caen demandeurs d' une part, & le Sindic des Prelats de Normandie deffendeurs d' autre: Veu par le Conseil les plaidoyez des dites parties, l' erection, fondation, & dotation de la dite Université de Caen, faites par les predecesseurs Rois, à la supplication des trois Estats du Duché de Normandie, avecques semblables prerogatives, & privileges que les autres Universitez de ce Royaume; Confirmations & Approbations des dites erections, franchises, & libertez du Pape Eugene quart, Calixte tiers, & Nicolas quint. Autre confirmation du Roy, lettres patentes du dit Seigneur du vingtiesme jour de May l' an mil cinq cens vingt & neuf, par lesquelles la cognoissance de la matiere est attribuee au dit Conseil. Arrest d' iceluy par lequel la dite matiere y a esté retenuë pour y estre jugee, decidee, & determinee. Arrests & jugemens donnez, tant en la Cour de Parlement de Rouen, Conseil d' Alençon, que pardevant le Baillif de Rouen, ou ses Lieutenans. Conclusions du Procureur general du Roy, & tout ce que par le dit demandeur a esté mis & produit pardevers le dit Conseil; & que de la part du dict deffendeur n' a esté aucune chose produit & en a esté forclos, & tout consideré. Dit a esté que les dits Recteur, Docteurs, Maistres, Escoliers, & supposts de la dite Université de Caen joüiront de l' effect des nominations, & autres privileges & libertez octroyez par les saincts Decrets & Concordats, comme compris en iceux aux Graduez, & deuëment qualifiez, tout ainsi & par la mesme forme & maniere qu' en joüyssent & usent les supposts des Universitez de Paris & Angers, & autres Universitez du Royaume. Et fait inhibitions & deffences ausdits Prelats de non les troubler, ny empescher: & les condamne aux despens envers les dits demandeurs, la taxation au dit Conseil reservee. Prononcé au dit Conseil à Paris le 26. jour de Mars mil cinq cens trente trois, & au dessous Riviere, & à quartier collation est faite.

Je donneray maintenant à la ville de Bourdeaux son lieu, selon l' ordre des creations, laquelle se peut glorifier d' avoir esté mere de ce docte Poëte Ausone, Precepteur de l' Empereur Theodose; ainsi qu' il nous tesmoigne en la description de sa ville.

– Nec enim mihi Barbara Reni

Ora, nec Arctoo domus est glacialis in Hemo,

Burdigala est natale solum.

Et sur la fin de cet Eloge.

Diligo Burdigalam, Romam colo, civis in illa, 

Consul in ambabus, cunae hic, ibi sella curvulis.

Theocrenus Precepteur de Messieurs les enfans du Roy François premier, extollant la ville de Bourdeaux de l' honneur que luy apportoit le nom & renom de ce grand Poëte, commence une Elegie par ces quatre beaux vers.

O salve Ausonij mater Graijque Poëtae,

Mirum, cum nec sis Graia, nec Ausonia,

Te tamen Ausonijs, & Graijs urbibus aequat

Filius, eloquio tantus utroque tuus: 

Et comme cette ville fut honoree de la naissance de luy; aussi eut elle plusieurs autres personnes de choix qui y firent Escoles publiques en Grammaire, & Oratoire, & autres nobles professions, tant en Grec que Latin, comme vous pouvez recognoistre par le livre du mesme Ausone par luy intitulé Burdigalenses Professores, auquel il honore diversement uns & autres qui y avoient enseigné la jeunesse, & conclud par cet Epigramme.

Valete manes inclytorum Rhetorum,

Valete Doctores probi,

Historia si quos, vel Poëticus stilus,

Forumque fecit nobiles,

Medicae vel artis dogma; vel Platonicum

Dedit perenni gloriae. 

Qui nous tesmoigne qu' on y enseignoit la Grammaire, l' Oratoire, l' Histoire, la Poësie, la Medecine, & la Philosophie. Estudes qui furent depuis continuees en la mesme ville, ainsi qu' il fut representé au Pape Eugene quatriesme, par la requeste des manans & habitans.

Quod potißime (porte la Bulle) in praedicta civitate, quae inter alias illarum partium civitates habetur & reputatur insignior, plerique litterarum studiis, & diversarum Facultatum scientiis semper diligenter incumbere, & in eis plurimum proficere consueverint: Ex quo Doctißimorum virorum copia semper efflorint, & insigniter pullulavit. 

Je vous laisse plusieurs autres clauses pour vous dire, que le Pape en enterinant leur Requeste, establit en la ville de Bourdeaux une Université à l' instar de celle de Tholoze, & institua pour Chancelier Pierre Archevesque tant qu' il vivroit, & apres son decez: Archidiaconum maiorem Ecclesiae Burdigalensis, Meldunensis vulgariter nuncupatum, &c. Datum Florentiae anno Incarnationis Dominicae 1441. 7. idus Iunij, Pontificatus vero nostro anno 11. à double queuë, cum sigillo plumbeo, in parte una cuius scriptum est Eugenius PP. IIII. & in altera parte duae facies super quibus scriptum est, S. Pa. S. Pe. pendens una cum cordula serica partim rubra, partim flava. Sic signatum, &c.

Et depuis le Roy Louys unziesme estant à Bourdeaux, approuva & alloüa l' erection de cette Université, la meit sous sa protection & sauve-garde, luy baillant pour conservateur le Seneschal de Guyenne, ou son Lieutenant à Bourdeaux, portant entre plusieurs clauses ceste-cy. Volumus, statuimus, & ordinamus ipsos Cancellarium, Rectorem, Doctores, Magistros, Licentiatos, Bacalarios, Scholares, Bedellos, Scindicos, Notarios, Stotiannarios, sive Librarios, Pergaminarios, Thezaurarium, & quaecunque supposita dictae Universitatis, eiusdem privilegiis, immunitatibus, iuribus, praerogativis, & libertatibus, deinceps perpetuis temporibus gaudere, & uti, quibus gaudent Cancellarius, Rector, Doctores, Magistri, Licentiati, Baccalarij studentes, caeteraque supposita dictae Universitatis Tolozanae, &c. Datum Burdigalae in mense Martij, anno Domini 1472, & regni nostri duodecimo, icellees à double queuë de cire verte, & au dessous du reply, & sur le haut bout d' iceluy ces mots sont escrits. Per Regem, de Beavieu, Gubernatore Aquitaniae, & pluribus aliis praesentibus. Ainsi signé de Sacierges, & sur l' autre bout y a Leuës & publiees en la Cour de la Seneschaussee de Guyenne, tenuë  au Chasteau Royal de Lombriere, par Maistre Martial Peinet Docteur és Droicts, Lieutenant en icelle, és presences de Maistre Guionot de la Brosse, Procureur du Roy en la dicte Seneschaussee, & de Maistre Pierre Palu, Substitut du Procureur de la ville de Bourdeaux l' an mil quatre cens soixante treize. Ainsi signé, Naudin Greffier.

Auparavant cette confirmation le mesme Roy Louys XI. crea l' Université de Bourges à l' instance, priere, & poursuite de Charles Duc de Berry son frere, comme il est porté par ses patentes, par lesquelles il dit ainsi. 

Ad laudem divini nominis, & fidei sacrae dilatationem, ipsiusque civitatis, & totius Ducatus Bituricensis utilitatem, gloriam, & honorem, ex matura & accurata magni nostri Consilii deliberatione, concedimus & ordinamus, ut de caetero in civitate Bituricensi praelibata: generale studium, quod ad instar aliorum generalium regni nostri studiorum, per praesentes, quantum nostrae convenit Regiae authoritati, instituimus & erigimus, tam in Theologia, & iure Canonico, & Civili, quam in Medicina & Artibus, & alia qualibet licita & approbata Facultate: Utque Rector, Doctores, & Magistri, Regentes, Baccalaurei, & alii studentes ibidem, & eorum officiarii & servitores, omnibus privilegiis, libertatibus, immunitatibus, tam Magistris in Theologia, & Doctoribus, & Magstris aliarum Facultatum, ac etiam studentibus in Parisiensi, Aurelianensi, Tolosanensi, & Pictaviensi, aliisque Regni nostri Universitatum geralibus studiis, conceßis, & concedendis utantur & gaudeant, Bailliuum nostrum seu Seneschallum Bituricensis Ducatus praesentem, & futurum conservatorem dictorum privilegiorum Regiorum, etiam per tenorem praesentium constituimus, & ordinamus, ut praefati Rector, Doctores, &c. Je vous laisse le demeurant qui ne va qu' au Formulaire de l' execution du commandement du Roy. Datum in oppido de Marueil, prope Abbativillam mense Decembri, anno Dom. millesimo quadringentesimo sexagesimo tertio, & regni nostri tertio. Subscriptum in margine. Per Regem in suo Consilio, sic signatum Roland, & in buto dictae marginis scriptum est. Visa Contentor, & signé du Ban, & in dorso dictarum litterarum inscriptum: Registrata, & in repleto scriptum: Lecta, publicata, & registrata de mandato Regis, iteratis viribus facto, & sine praeiudicio oppositionum in hac parte factarum: Praesente Procuratore Regis, & non contradicente. Actum Parisiis in Parlamento penultimo die Martis, anno Domini 1469. ante Pascha. Signé Bouvat.

En ce que dessus vous voyez par la date des lettres de l' an mil quatre cens soixante trois, & verification faite au Parlement en soixante neuf, qu' il y eut oppositions formees, & croy que ce fut par les autres universitez: D' autant que la nouvelle erection de cette-cy diminuoit autant de leurs emolumens ordinaires, & que pour y mettre fin le Roy Louys unziesme s' en fit croire par jussions reïterees, lesquelles ne se tournerent au dommage; ains au grand profit du public. Et à la mienne volonté qu' en tous ses commandemens absolus, les affaires de France luy eussent succedé de mesme façon comme elles furent en la creation de cette Université.

Entant que touche celle de Cahors le docte Benedicti Conseiller au Parlement de Tholose, en fait le Pape Jean vingt-deuxiesme, né du pays de Quersi, fondateur. Argentré au douziesme livre de son histoire de Bretagne, dit que le Pape Pie second fonda celle de Mante (Nantes) à la supplication de François second dernier Duc. Au regard de Grenoble & Valence, je ne vous en puis rien dire, pour n' en avoir eu à mon grand regret aucuns memoires & institutions. Bien diray-je que Valence se peut vanter d' avoir eu en divers temps, trois braves Docteurs Regens, Philippus Decius, Aemilius Ferretus, Iacobus Cujatius, personnages tres-signalez en la doctrine des Loix, & Grenoble un Antonius Goveanus, qui y mourut.

La derniere est l' Université de Reims instituee par les Bulles du Pape Paul troisiesme octavo idus Ianuarii 1547. en toutes les Facultez par la permission du Roy Henry second du nom, & supplication de Charles Cardinal de Lorraine, Archevesque de Reims, qui la dota de plusieurs grands biens. Les lettres patentes du Roy, pour proceder à la verification de ceste nouvelle erection sont du mois de Mars mil cinq cens quarante sept. Verifiees au grand Conseil le vingt-sixiesme jour de Septembre mil cinq cens quarante-huit. Au Parlement le penultiesme de Janvier mil cinq cens quarante neuf, en la Chambre des Comptes le dernier de Fevrier ensuivant. Voila en somme quelles sont les Universitez de la France, Paris, Tholose, Orleans, Montpellier, Angers, Poitiers, Caen, Bourdeaux, Bourges, Cahors, Nantes, Reims, Grenoble, Valence. Toutes lesquelles, horsmis Paris, & deux autres pour le plus, ont pris le tiltre d' Universitez de Loix. Parce que cette Faculté produit sur les quatre autres, honneur & gain ensemblément, peres nourrissiers des Arts. Voila comme petit à petit se planta le Droict Civil des Romains en France, & y apporta nouveau visage d' affaires, dont je discourray au prochain Chapitre.

sábado, 12 de agosto de 2023

9. 36. Des defenses faites par le Pape Honoré troisiesme, d' enseigner le droit des Romains en l' Université de Paris.

Des defenses faites par le Pape Honoré troisiesme, d' enseigner le droit des Romains en l' Université de Paris.

CHAPITRE XXXVI.

Le siecle de l' an 1100. jusques en l' an 1200. apporta quatre nouveaux menages d' estudes, en la Theologie scolastique, Decret, Medecine des Grecs, & droict Civil des Romains. J' y en adjousteray un cinquiesme qui concernoit les langues & les Arts, non veritablement nouveau, sinon en un cas, parce qu' au lieu qu' auparavant ceux qui pensoient avoir quelque asseurance de leurs capacitez, se presentoient aux Eglises Cathedrales pour y faire quelques leçons sans autre solemnité, de là en avant premier que d' y estre receuz, il falloit qu' ils fussent passez Maistres és Arts, tesmoignage de leurs suffisances. Or de ces cinq, les deux premieres esquelles il s' agissoit de l' edification de nos ames, furent receuës sans aucun destourbier, & pareillement la derniere, comme estant un passe par tout, & acheminement à toutes les autres.

Mais quant aux deux autres, concernans la Medecine des Grecs, & les loix de Rome, on y voulut apporter quelque bride. Dautant que par un Concil general tenu l' an 1163. en la ville de Tours, où le Pape Alexandre troisiesme presida, il fut nommément defendu aux Religieux profez d' y estudier. Et depuis Honoré troisiesme renviant sur ces defenses & passant plus outre, voulut qu' elles s' estendissent, adversus Archidiaconos, decanos, plebanos, praepositos, cantores, & alios clericos personatus habentes, necnon presbyteros (c' estoient ceux qui avoient charges d' ames que nous appellons Curez) Defenses faites à eux tous, d' autant que leur estude devoit estre en ce qui regardoit l' edification de nos ames, non de nos corps ny de nos biens. Ces inhibitions & defenses estoient faites non seulement pour le particulier de la France, ains de toute la Chrestienté és lieux où on enseignoit les bonnes lettres. Honoré depuis voulut passer outre, & fit particulieres defenses à l' Université de Paris d' enseigner le droict Civil des Romains. Chose que ne peurent bonnement gouster les nostres. Car le Docte Canoniste Rebuffy, estimant qu' il y eust quelques cas à redire en ces inhibitions, mais ne l' ozant à cœur ouvert descouvrir, fait gloire & se vante d' y avoir trouvé un nouvel intellect, & qu' elles avoient esté seulement faites contre les personnes Ecclesiastiques. Mais nostre grand Jurisconsulte François du Moulin, par une liberté qui estoit née avecques luy, pour la protection des droits de nostre Couronne, soustient de pied ferme en une apostille par luy faite sur la Decretale d' Honoré, qu' il n' estoit en sa puissance de ce faire. Car apres avoir en un mot allegué l' opinion de Rebuffy. Ego vero (fait-il) dico, quod Papa non habuit potestatem prohibendi in regno Franciae sive Laicis sive Clericis. Quia regnum Franciae nullo modo dependet à Papa. 

Il vouloit dire qu' en ce qui ne despendoit de nostre foy & Religion, ains appartenoit à la Police seculiere de nostre Estat, le Pape ne pouvoit rien ordonner que sous le bon plaisir de nos Roys. Qui est une proposition non jamais revoquée en doubte par les nostres. Vray que depuis quelques années en ça nous avons receu je ne sçay quels hostes chez nous qui n' y veulent acquiescer.

Laissons je vous prie, ces perplexitez de grandeur, tant des Papes, que de nos Roys, & recognoissons au moins mal qu' il nous sera possible, ce qui est de l' ancienneté de cette histoire. La maxime que je voy avoir regné en ce temps là dedans Rome, estoit qu' ils estimoient le fait de la plume, & par consequent des estudes, despendre du Pape, privativement de tous autres (permettez moy d' user d' un mot de pratique, voulant parler de la loy) & que ce qui concernoit l' espée appartenoit aux Roys & Princes seculiers. Proposition qu' ils croyoient devoir estre de plus grand merite & effect dedans cette France, en laquelle ceux qui faisoient profession des armes estoient ordinairement appellez pour chose dont nos Roys ne leur passerent jamais condamnation absoluë, ains estimerent qu' ils devoient contribuer avecques eux à cette belle devotion. Honoré troisiesme succeda immediatement à Innocent troisiesme, lequel entre tous les Papes avoit enseigné à ses successeurs d' empieter par une douce sagesse sur la puissance seculiere, tout ce qu' on pouvoit souhaiter de grandeur dans Rome. Car à vray dire ce fut l' unique en ce subject, & ne voy aucun Pape, ny devant, ny depuis luy, qui soit arrivé à son parangon. Honoré ayant ce miroüer devant ses yeux, estima pouvoir faire un coup de superiorité sur la France sans l' offenser. Qui estoit de prohiber à l' Université de Paris la lecture du droict Romain. Vous en entendrez cy apres la raison. Mettons doncques sur le tapis quelles furent ces prohibitions, & de quel artifice tissuës.

Sane (porte le texte) licet sancta Ecclesia legum secularium non respuat famulatum, quae aequitatis & iustitiae vestigia sequuntur. Quia tamen in Francia & nonnullis provincijs, Franci Romanorum imperatorum legibus non utuntur, occurrunt raro Ecclesiasticae caussae tales quae non poßint statutis canonicis expediri, ut plenius sacrae paginae insistatur &c. firmiter interdicimus, & districtius inhibemus, ne Parisius vel in civitatibus, & alijs locis vicinis quisquam docere, vel audire ius civile praesumat. Et qui contra fecerit, non solum ad caussarum patrocinium excludatur, verum etiam per episcopum excommunicationis vinculo innodetur.

Dechifrez cette Decretale de telle façon qu' il vous plaira, vous y trouverez un tel entrelas de paroles, que serez bien empesché de juger sur quel pied furent faites ces defenses. Parce que si vous jettez l' œil sur le commencement du Chapitre, il semble qu' il ait esté seulement conceu en consideration des causes qui concernoient la Cour d' Eglise. Autrement les quatre ou cinq premieres lignes seroient frustratoires. 

Et toutesfois s' il n' y avoit que cette seule consideration, en vain furent faites ces defenses à cette Université, veu que la lecture de ce droit pouvoit servir pour la vuidange d' autres causes, en faveur desquelles il devoit estre enseigné. Ambiguité ainsi artistement couchée pour laisser le Lecteur en doubte, & par mesme moyen n' apporter jalouzie à nos Roys, que le Pape Honoré voulust rien enjamber sur eux. Adjoustez qu' il defendoit ce qui n' estoit encores permis en France par l' authorité publique du Magistrat souverain. De maniere que c' estoit denfendre une chose de soy chez nous defenduë, n' ayant adoncques le droit Civil des Romains rien de commun avecques le droict commun de nostre France. Apres vous avoir representé ce que dessus pour fondement de ce mien discours, je veux passer outre, & vous dire que les defenses particulieres qui furent faites à l' Université de Paris se devoient estendre par tout le Royaume. Vous trouverez cette opinion paradoxe, toutesfois je la pense vraye. Pourquoy luy furent elles faites? par ce que ny elle ny les villes circonvoisines n' estoient subjettes au droict des Romains, ny ne le recognoissoient. Cette raison militoit par tout le Royaume. Partant les defenses ne devoient estre limitées. Je sçay bien que par cette Decretale, Honoré estimoit que la plus grande partie de la France vivoit sous le droict des Empereurs de Rome. En quoy il estoit tres-mal informé des affaires de nostre Royaume, & consequemment excusable. Nostre France est distincte & remarquée par deux manieres de pays, l' un que nous appellons Coustumier, l' autre de droict escrit. Quant au Coustumier je ne fais aucune doubte, qu' Honoré ne vouloit que le droict Romain n' y fust enseigné, comme ayant chaque Province sa coustume par laquelle elle estoit reglée. Mais au regard du pays de droict escrit, ce seul mot le pouvoit tenir en suspens. Toutesfois ceux qui habitoient en ce pays là usoient, non du droit compilé par le commandement de Justinian, ains de celuy de l' Empereur Theodose le jeune, qui avoit esté intitulé le Code Theodosian reformé par les Visigots, lequel par une ancienneté de cinq, & six cens ans s' estoit sous l' authorité de nos Roys tourné en coustume, dés & depuis qu' ils s' emparerent du Languedoc, & autres pays limitrophes. Par ainsi en concurrence de raison il falloit establir concurrence d' inhibitions, ou bien dire que les inhibitions portées par cette Decretale impliquoient en soy une contrarieté palpable de defendre à la ville de Paris & autres villes plus proches, la lecture du droict des Romains, par ce qu' elles n' y estoient subjectes, & neantmoins la permettre aux autres villes esloignées, ores qu' elles n' y fussent non plus subjectes. Qui seroit une absurdité, que nous ne devons aucunement croire.

Ceux qui pensent estre plus advisez sur le fait de cette ancienneté, disent que ces defenses furent faites expressement a l' Université de Paris, affin qu' elle qui lors estoit en grande vogue, ne s' advantageast au desavantage des Universitez de loix. Qui est une vraye asnerie. Car il est certain qu' il n' y avoit en ce temps là aucune Université de loix par la France: s' il y en avoit ce devoit estre au pays de droict escrit, & en iceluy dedans Toulouze ville Metropolitaine, laquelle de toute ancienneté avoit fait profession des bonnes lettres, comme nous apprenons de Martial, quand au neufiesme livre de ses Epigrammes, il dit.

Marcus, Palladiae non inficianda Tolosae 

Gloria.

Epithete qui luy fut de rechef baillé par nostre Poëte Ausone celebrant la memoire de Aemilius Magnus Arborius son Oncle.

Te sibi Palladiae antetulit toga docta Tolosae.

Et en un autre endroit voulant dire qu' il avoit fait ses premieres Escoles en la ville de Toulouse.

Non unquam altricem nostri reticebo Tolosam,

Innumeris cultam populis.

Qui monstre qu' il y avoit tousjours eu une continuation d' estudes publicques. Neantmoins ne faut faire aucune doubte que sous la Papauté d' Honoré troisiesme, non seulement l' Université de loix n' y estoit plantée, mais en plus forts termes qu' elle ne portoit le nom d' Université, ores qu' il y eust exercice d' estudes, ainsi que je vous verifieray par une demonstration oculaire. Le Pape Honoré troisiesme mourut l' an mil deux cens vint sept, & eut pour successeur Gregoire grand homme d' Estat, lequel trois ans apres son advenement annulla toutes les censures portées par le Concil General de Latran sous Innocent III. contre Raimond IV. du nom Comte de Toulouse, & le restabiit en ses dignitez, honneur & biens. Apres que ce Prince en presence de deux Cardinaux, & de tout le peuple, eut en pleine Eglise, la veille de Pasques, en chemise abjuré l' heresie Albigeoise, dont il avoit esté tout le temps de sa vie infecté, la capitulation qui fut lors faite, portoit plusieurs articles, entre lesquels estoit cettuy, comme nous apprenons de l' histoire Latine du Comte Simon de Montfort. Item quatuor millia marcharum deputabuntur pro decem annis ab ipso Comite, quatuor Magistris Theologicis, duobus Decretistis, sex Magistris artium liberalium, & duobus Grammaticis legentibus Tolosae, quae dividentur hoc modo. Singuli Magistri Theologiae habebunt singulis annis quinquaginta marchas usque ad decennium. Similiter annuatim uterque Decretista habebit triginta marchas, singuli Magistri artium viginti marchas, uterque Magistrorum Grammaticae habebit similiter decem marchas. Recueillez par parcelles toutes les sommes mentionnees par cest article, & les abutez avecques les dix ans, vous trouverez les quatre mille marcs assignez pour ceux qui lisoient en la Theologie, Decret, Philosophie (autrement appellee des Arts) & la Grammaire. Nulle mention que la Faculté de Loix y fust enseignée, non plus que la Medecine. Qui me fait tenir pour proposition infaillible, qu' il n' y avoit du temps du Pape Honoré troisiesme aucune Université de Loix en Toulouse. Et à tant que les deffenses portees par sa Decretale, n' estoient faites en faveur des Universitez de Loix, que lors on ne cognoissoit: ains s' estendoient ces deffenses generalement sur toute la France; au pays coustumier sans doubte, par les raisons contenuës dans le Chapitre, & le semblable à plus forte raison au pays auquel on tenoit le droict escrit pour coustume, veu qu' en la ville Metropolitaine la Faculté des Loix n' estoit mise au rang des autres. Voyons doncques quand & comment ces Universitez de Loix furent chez nous establies.