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miércoles, 14 de junio de 2023

3. 19. Continuation des calamités que produisit le siege tenu dans Avignon, & du grand schisme qui en provint.

Continuation des calamités que produisit le siege tenu dans Avignon, & du grand schisme qui en provint. 

(CHAPITR) CHAPITRE XIX.

Jamais conseil ne fut receu avec plus de faveur & applaudissement que celuy de Philippes le Bel, lors qu' il attira dans nostre France la Papauté: & jamais conseil ne despleut tant à Dieu, que celuy-là comme l' evenement le monstra. Ores que la Religion soit l' un des principaux instrumens par lequel toute Republique se contienne en son devoir, toutesfois c' est une impieté d' user de nostre Religion Chrestienne, comme d' un affaire d' Estat.

Clement V. venant establir sa demeure en France, lors qu' il fit son entree dans Lion, fut accueilly d' une infinité de Princes & grands Seigneurs. Les Roys de France, d' Angleterre, d' Arragon, Jean Duc de Bretaigne, s' y trouverent pour l' accueillir. Il est conduit par la ville d' un magnifique appareil & tout ainsi qu' Estienne Pape venant en France pour confirmer la Couronne Royale à Pepin, ce nouveau Roy pour authoriser ceste confirmation d' avantage envers le peuple, s' humilia de telle façon, qu' allant à pied, il conduisoit le cheval du Pape par la bride, lors qu' il entra dans Paris: Aussi à ceste entree du Pape Clement, les deux freres du Roy tenoient les resnes de son cheval des deux costez: toutesfois le malheur voulut qu' un pan de muraille tomba pendant qu' ils passoient, qui tua une infinité de peuple, mesme le Duc de Bretaigne, blessa les deux freres du Roy, fit tomber la Couronne du Pape, qui estoit dessus sa teste, où estoit une escarboucle de valeur inestimable, qui fut perduë. Les uns disent que ce fut au passer, les autres dedans l' Eglise. Mais soit l' un, ou l' autre, c' estoit un pronostic tres-certain des ruines, & calamitez que ceste nouvelle face d' affaires devoit apporter à nostre Eglise: mesmes qu' au long aller la Papauté perdroit la principale bague & joyau de son Estat par ce nouveau conseil: Je vous ay dit en l' autre chapitre, & suis tres-aise de le vous dire, que l' on ne veit plus de là en avant en ce Royaume, voire par toute l' Eglise generale, qu' une meslange & desbauche de toutes choses. Le Pape, & le Roy, fraternisans en conseils, se jettoient l' esteuf l' un à l' autre, au prejudice du Clergé. Le Pape accordoit levees des decimes au Roy sur le Clergé beaucoup plus à l' abandon que l' on n' avoit faict auparavant, soubz pretexte des voyages imaginaires d' outremer. Et le Roy en contr'eschange connivoit aux Graces expectatives, & provisions extraordinaires du Pape, sur les Benefices, ensemble aux exactions qu' il faisoit dessus tous les Beneficiers, pour entretenir son Estat. Ce nouveau changement advint vers l' an mil trois cens & six: & tout ainsi que tels remuemens de menage ne s' entrepreignent aisément que soubz la conduite de quelques hardis entrepreneurs: aussi ne peut-on denier que Clement V. ne fust un grand homme, & qui pendant sa Papauté en fit plusieurs braves demonstrations. Il fit prescher la Croisade contre quelques heretiques qui regnoient encores de son temps dans les montaignes de Piedmont, reliques des anciens Vaudois, & en extermina la race. Dés son entree (suivant les capitulations qui estoient entre eux deux) il donna planiere absolution au Roy Philippes, & leva à pur & à plain toutes les censures Ecclesiastiques de Boniface contre le Royaume, fit le procés aux Venitiens, qui s' estoient emparez de l' estat de Ferrare & les excommunia tous, les reduisant en ceste extremité, que François d' Andule leur Duc fut contraint de se prosterner à ses pieds pour luy venir demander mercy. Chose dont ce Pape ne fut satisfaict, mais (si quelques historiographes disent vray) il usa de luy en forme de marchepied quand il vouloit monter à cheval. Il celebra un magnifique Concil en la ville de Vienne, où se trouverent une infinité d' Evesques, Abbez, & Docteurs en Theologie, & y fut condamné l' ordre des Templiers, & la secte des Beguines, conclud un voyage d' outremer, pour la recousse de la terre saincte, & de là passa sur la reformation de l' Estat exterieur de l' Eglise: mesmes pour s' authoriser d' avantage, non seulement à l' endroict des vivans, mais de toute la posterité, il fit compiler le livre (que l' on appelle les Clementines) lequel il voulut être leu par toutes les fameuses Universitez, tout ainsi que les Decretales de Gregoire IX. & le Sexte de Boniface VIII. Mais si au bout de cela il vous plaist de considerer toutes ses actions, tout ainsi qu' il fut d' un grand entendement, aussi l' attacha-il aux extremitez, tantost de vertu, tantost de vice, selon qu' il en vouloit faire emploicte. Car la condamnation des Templiers ne s' est peu garentir, que plusieurs histoires anciennes ne l' imputent à une inimitié particuliere que Philippes le Bel avoit conceuë encontre eux, conjoincte à une avarice, pour s' enrichir d' une partie de leurs despouilles: & le voyage d' outremer, qui fust lors conclud, n' estoit qu' un faux pretexte mis en avant, pour tirer une decime sur le Clergé, mesmes que le traict practiqué contre le Duc de Venise (s' il est veritable) ne se peut bonnement excuser. Brief jamais l' Eglise de France n' avoit esté auparavant tant chargee d' exactions extraordinaires de la Cour de Rome, comme elle fut lors, pour subvenir aux opinions insuportables de ce Prelat. Leçon qui fut depuis fort bien suivie par tous ceux qui luy succederent dedans Avignon: Qui furent Jean XXII. Benoist XII. Innocent VI. Gregoire XI. Clement VI. & Benoist XIII. Et qui faict grandement à peser, c' est que pendant ceste desbauche extraordinaire, de laquelle les gens de bien ne se pouvoient taire par leurs escrits, le schisme se logea dans l' Eglise, sur lequel se planta l' heresie: Voyez, je vous prie, combien un premier inconvenient en atraine d' autres quant & soy: Louys Empereur d' Allemaigne, peut être conduict de devotion, peut être d' ambition, voulant reduire les affaires de l' Eglise en leur ancienne dignité, fit creer un Pape dans Rome, (durant le siege de Jean XII.) qui fut nommé Nicolas V. tant s' en faut que cela apportast remede, qu' au contraire il procura un nouveau desordre: parce qu' ils commencerent lors de ioüer à belles censures l' un contre l' autre: Mais en fin le champ de bataille, & la victoire demoura à Jean. Ce mesme malheur survint apres le decés de Gregoire XI. lequel d' un meilleur enclin desirant remettre l' Estat de l' Eglise en son premier train, quitta la ville d' Avignon, & ramena dedans Rome toute sa Cour, & ores qu' il semblast que son conseil luy eust aucunement reuscy, si est-ce que la racine de ceste calamité n' estant tout à faict amortie, elle commença apres sa mort de rejetter plus que devant. Car les Cardinaux au Conclave se trouvans particularisez en brigues, les François pour vouloir se maintenir en leur possession de je ne sçay combien d' ans depuis laquelle on n' avoit veu Pape que de la nation Françoise: au contraire les Italiens craignans de tomber au mesme accessoire qu' auparavant si on élisoit un François, jettoient toutes leurs opinions sur un qui fust de leur nation. En fin fut éleu Urbain VI. Italien, homme superbe le possible, & lequel pour avoir en peu de temps offensé tout l' Ordre, les Cardinaux abandonnerent, & procederent à nouvelle election d' un autre, qui fut Clement VI. lequel tint son siege en Avignon: De maniere que l' on vit lors d' ordinaire deux Papes en un mesme temps: l' un demourant dans la ville de Rome, qui estoit suivy de l' Allemaigne, & de l' Italie: l' autre en celle d' Avignon, duquel la France, l' Espaigne, l' Angleterre, & l' Escosse prindrent le party: & lors à beau ieu, beau retour, chacun ioüoit, non à qui mieux mieux, mais bien à pis faire: ayans diversement partissans qui s' employoient les uns en faveur de Clement, les autres pour Urbain: lesquels estans mis en la balance, ne valoient pas mieux l' un que l' autre. Le commencement de ce schisme advint (si je ne m' abuse) vers l' an mil trois cens septante six, & dura quarante ans entiers, au veu de tout le monde, sans qu' on y peut mettre remede bien à poinct. Urbain eut pour successeurs Boniface IX. Innocent VII. Gregoire XII. A Clement succeda Pierre de la Lune (tant rechanté par noz anciennes histoires) appellé Benoist XIII. Les Princes seculiers voyans ce desordre qui couroit à la honte, confusion, & desolation de toute la Chrestienté y veulent mettre la main. L' Empereur Sigismond, & le Roy Charles sixiesme s' entrevoyent à cest effect en la ville de Rheims. La reünion de l' Eglise est entre eux concluë: on depesche ambassadeurs vers le Pape Gregoire XII. & Benoist XIII. pour y apporter mesme devotion de leur part: & à ceste fin est choisie la ville de Pise pour y besongner. Les deux Papes font contenance d' y vouloir entendre: mais y apportent tant de remises, & longueurs, qu' il n' y eust celuy qui ne vit que c' estoient toutes hypocrisies, dont ils entretenoient ces deux Princes. Quoy voyans tous les Cardinaux, tant de l' un, que de l' autre costé, se trouverent en la ville de Pise, où ils tindrent un Concil, auquel furent les deux Papes destituez de leurs charges par defaux, & contumaces: & à l' instant mesmes fut éleu Alexandre V. Il sembloit que cela deust apporter quelque fin à tous ces troubles, toutesfois ce fut un rejetton de plus grande division, parce que nonobstant ce Concil les deux Papes anciens s' en voulurent faire croire comme devant: & neantmoins le dernier pensant être le vray Pape, prit mesme qualité que les autres, de façon qu' il y avoit lors trois Papes dedans nostre Eglise, Benoist XIII. Gregoire XII. & Alexandre V. auquel succeda Jean XXIII. Chacun d' eux r' envioit de sa reste. Car comme ainsi fust que leur grandeur despendist de l' authorité de leur consistoire, aussi creoient-ils à l' envy des Cardinaux par troupeaux. Et à la suitte de cecy, il falloit trouver une infinité d' inventions extraordinaires sur le pauvre Clergé, pour fournir au defroy de toutes ces grandeurs. Tous les Princes Chrestiens voyoient cela, nul n' y osoit bonnement toucher, parce que c' estoit le haut poinct: toutesfois nous autres François y apportasmes la premiere emplastre, par l' ordonnance de l' an mil quatre cens & six, dont j' ay parlé au chapitre precedent, & qui est un poinct infiniement remarquable, pour monstrer la grandeur des jugemens de Dieu: tout ainsi que ce fut en l' an 1306. que Clement V. se vint habituer en France, premiere interversion de l' Estat Ecclesiastic, aussi en l' an 1406. fut le premier restablissement. Dieu permit que cent ans entiers son navire fut agité des flots & vents, mais non toutesfois submergé.