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jueves, 17 de agosto de 2023

Pour-parler d' Alexandre.

L' ALEXANDRE. 

En ce Pour-parler, l' Autheur par forme de Paradoxe excuse tous les defaux que l' on impute au Roy Alexandre.

ALEXANDRE. RABELAIS.

Vraiement comme nous disons, ce furent de grandes merveilles, & eust esté fort mal aisé de penser qu' en un instant mon Royaume se fust eschantillonné en parcelles, ny que ce miserable Antipatre & ses complices, non assouvis de ma mort, n' eussent voulu contenir leurs mains à l' endroit de tous les Princes de mon sang: & pour un desir de regner, violer tout droit divin & humain.

RABELAIS. Il est ainsi comme je te dy, & croy que je n' ay esté le premier qui t' en ay apporté les nouvelles: & à bien dire de cette convoitise de regner tu t' en dois prendre à toy mesme, qui leur en baille le modelle.

ALEXANDRE. Tu t' abuses, car si tu fus oncques bien informé de mes faits, jamais il ne m' entra au cœur de commettre un acte lasche & meschant: ains tant que la justice, la foy, la magnanimité & courage ont peu avoir de credit en un Prince, tant l' ont elles trouvé en moy, voire jusques à exercer la vengeance, en faveur de mes ennemis, encontre ceux qui par voyes sinistres leur avoient joüé tours de lascheté. Et qu' ainsi ne soit je m' en rapporte à l' execution & supplice que je fey prendre de Bessus, qui avoit trahistreusement mis à mort son Maistre Darius, pour s' emparer des Bactriens: combien que peu apres à Porus voulant regner de bonne guerre entre les Indiens, & faisant tout devoir d' ennemy, mais toutesfois d' homme de bien pour se maintenir encontre moy en grandeur, tant s' en faut que je m' aigrisse en son endroit, qu' estant tombé à ma discretion, sans qu' il me requist pardon je le restably en tous ses Estats & honneurs, tellement que je n' eus jamais ennemy destiné quoy que je le guerroyasse, mais d' une gayeté de cœur j' entrepris de courir le monde (comme en un jeu de prix) pour faire espreuve de ma vaillance, contre celle des autres: aidé en cela d' un juste desir de vengeance des torts & outrages receus par la Grece, des anciens Roys de Perse. Au moyen dequoy mes grands ennemis furent forcez mesmes en leurs grandes infortunes favoriser ma fortune, & requerir aux puissans Dieux que s' ils avoient à les despoüiller de leurs Royaumes, ils ne permissent qu' autre que moy s' en investit. Et toutesfois apres avoir reduit en paix toutes les affaires de la Grece, apres avoir rendu tributaires une Cilicie, Carie, Lydie, Capadoce, Phrygie, Paphlagonie, Pamphilie, Pistie, Surie, Phenicie, Armenie, Perside, Aegypte, Parthie, Illiric, Bactrie, Hircanie, Scythie: & qui plus est l' Inde auparavant cogneuë seulement de son nom, apres tant de travaux & fatigues tu me contes qu' un chacun fit eschantillon de mon Empire à son profit, & que tous mes parens demeurerent non seulement en croupe, mais aussi furent miserablement meurtris, par ceux que j' avois eslevez.

RABELAIS. Ne t' en esbahis Alexandre, car toy mesme, lors de ton decés, respondis à ceux qui te demandoient lequel d' entr'eux il te plaisoit eslire pour ton successeur, Celuy, dis-tu, qui par recommandables exploits s' en rendra le plus digne: sententiant par ce moyen contre les tiens (lesquels ou par deffectuosité de sens ou d' aage, se trouverent inhabiles à soustenir si grand faix) leur faisant non seulement tort par cette sentence, mais donnant certaine ouverture de discordes & partialitez entre tes Capitaines, chacun d' eux pretendant que la Couronne par ton testament & ordonnance de derniere volonté luy devoit appartenir. Pour à laquelle faire sortir son effet, furent contraints d' en apprendre la decision par les armes, a fin qu' au plus habille d' entr'eux demeurast en fin la febue: toutesfois & trouvans égaux partirent entre eux le gasteau, demeurans les tiens supplantez.

ALEXANDRE. He! vrayement encores devoit-on avoir cognoissance de mes bien faits, & en faveur de moy tenir en quelque nombre les miens, comme ceux ausquels par droict successif appartenoit, sinon la Monarchie des Perses, pour le moins celle de Macedone.

RABELAIS. Ce que tu dis est veritable: toutesfois quand quelqu'un s' est emparé à bonnes enseignes d' un Royaume, jamais il ne defaut de tiltres, pour le moins qui soient coulourez, ou d' une infinité de tesmoins, lesquels au lieu d' une plume & ancre signeront à la pointe de leurs espees, & aux despens de leur sang, que le Royaume leur appartient. D' avantage il y a depuis ton decés une certaine reigle qui a gaigné la vogue parmy les grands. C' est qu' en matiere de Royaumes, il faut estre chiche de foy & justice à ceux qui les veulent occuper. Car cette envie de commander n' entrant jamais qu' en grand cœur (comme tu sçais trop mieux de toy mesme) si est-ce que la plus part du temps, ceux qui t' esgalerent en courage, n' eurent pas la fortune en main comme toy: Ainsi sont-ils ordinairement semonds de se servir des occasions, selon que le temps leur en presente l' avantage: ores que ce soit contre droict, asseurez qu' estans arrivez à leurs fins, ils trouveront prou de pretextes honnestes, pour donner fueilles à leurs possessions & jouyssances. Chose qui ne se trouvera avoir esté requise en toy, qui eus une proüesse accompagnee de bon heur, & un bon heur en tous tes faits guidé d' une inestimable proüesse.

ALEXANDRE. Et quant à moy j' estime que s' il pleust aux Dieux me doüer de tant de faveurs, fut pour autant que j' en estois digne. Au contraire ceux dont tu parles, encores que pour quelques temps leurs affaires leur succedent bien, si demeurent-ils assiegez d' une perpetuelle crainte de ceux lesquels ils priverent de leurs Royaumes, qui se resentent à tousjours du tort qui leur a esté faict.

RABELAIS. Voila pourquoy les plus sages, pour asseurer leurs estats, ruinent de fonds en comble, & la memoire, & la maison des Seigneurs, sur lesquels ils ont pratiqué telles voyes, a fin qu' à l' advenir il ne ressuscite aucun, sous l' adveu duquel, on leur face teste, comme je te disois maintenant estre advenu à telle famille.

ALEXANDRE. Voire mais quand toutes choses leur seroient reüssies de ce costé la à souhait, si ne se sçavroient ils toutesfois asseurer de la part du peuple, qui d' un certain instinct est tousjours plus affectionné envers son Prince naturel, que d' un autre qui se fait adopter par moyens ainsi obliques.

RABELAIS. Le peuple favorise aux Princes selon le bon traictement qu' il en reçoit, d' autant qu' il eschet quelquesfois que les subjects mal traictez de leur propre Prince, ne demandent que changement: a fin que le nouveau receu, pour captiver leur bien vueillance, les remette en leurs anciennes franchises & libertez. Et au surplus il ne faut faire estat general de la vie ou mort des Roys, parce que leurs evenemens sont divers selon les jugemens de Dieu, & non selon ce que nous estimons estre en eux de merite. Qu' ainsi ne soit, si tu estois en l' autre monde, tu pourrois veoir advenir qu' un Roy d' une ancienne souche,

favorisé de la plus grande partie de son peuple, sera ce neantmoins par un je ne sçay quel desastre ou opinion, à tort imprimee de luy, mis à mort par les siens mesmes: comme tu pourrois bien sans chercher exemple plus loing, donner tesmoignage de toy. Quelque autre fois il adviendra qu' un autre, qui contre tout droict & raison aura usurpé la Couronne, voire depossedé le peuple (avec mil meurtres & massacres) de son ancienne liberté, receura tant de faveur des corps celestes, qu' il viura en tout honneur & seureté avec ses subjects, sans que sur la fin de ses jours il reçoive autre violence que de sa mort naturelle: Quoy? ne vois tu là cest Auguste, qui a le bras encores tout ensanglanté de la mort de tant de notables personnages zelateurs du bien public, estre neantmoins diapré & revestu d' un diademe, avec une singuliere amitié & reputation de tous? Tu me diras paraventure qu' apres avoir commis tant de meurtres, il se reconcilia à son peuple, par une infinité de grands dons. Voy je te prie aupres de luy ce Jules Cesar son oncle, qui apres la guerre Civile, par tels attraicts & allechemens voulut gaigner la faveur des grands & petits, si fut il miserablement mis à mort par ceux qui luy devoient la vie mesme. Tant ne peut faillir en nous ce qui nous est determiné: Et de forger apres humainement les raisons de tels accidens, c' est le fait d' un cerveau creux, & esgaré: ains faut attribuer tels definimens au grand Dieu, qui par un mystere caché s' en reserve la cognoissance. Et au demeurant, és grandes affaires user du present, sans se soucier du futur: guidans toutesfois de telle façon nos œuvres, que selon la conduite d' un bon jugement humain il ne nous en puisse meschoir.

ALEXANDR. Je t' enten, tu veux dire que pour crainte de mort ou de vie, il ne faut laisser eschapper les Royaumes en quelque façon que ce soit, quand les occurrences y sont. Et je te dy que quand il n' y avroit que le remords de conscience qui nous liure les premiers assaults à l' article de nostre mort, & ne nous laisse jamais, ains poursuit jusques à l' autre monde, que c' est un suffisant obstacle pour divertir nos pensees de telles malheurtez tiranniques. Qu' il soit vray, avises ce mesme Auguste, quoy que par superficielle monstre il face le bon compagnon, toutesfois comme il a par le derriere, le cerveau tenaillé de son propre remords. Estimes tu qu' il en soit moins de ces paillards Antipatre & Cassandre, & leurs complices, vers lesquels si tu tournes ta veuë, tu les verras n' estre tourmentez d' autre furie que deux (d' eux) mesmes? Et quant à moy combien que mon desastre sur la fin de mes jours fust tel que par les miens mesmes me fut presenté la poison dont finalement je mouru, si est-ce que ny à ma mort, ny apres, je ne me sentis jamais combatu d' aucune sinderése de conscience, par ce qu' en mon ambition il ne m' advint jamais faire acte qui ne fust Royal. Premierement a fin que par le menu je te raconte quelques discours de mon grand cœur, sur mon advenement à la Couronne encores que je fusse en bas aage, & trouvasse toutes choses en desarroy, tant par la mort inopinee de mon pere, que pour les partialitez & revoltes qui se brassoient encontre moy, si est-ce que, contre l' opinion de tous, j' asseuray de telle façon mon Estat, que chacun commença à concevoir une incroyable esperance de moy. De maniere que par une generale Diete je fus des Ligues de la Grece esleu Capitaine general, pour entreprendre le voyage de la Perside: En quoy je me portay d' une telle braverie, que là où les autres Princes aux grands appareils & entreprises sont coustumiers de sur-charger leurs pauvres peuples d' infinies tailles & imposts, au contraire je donnay exemption aux miens de toutes charges, horsmis seulement de la guerre: Et pour le regard de mon domaine j' en fis telle part à mes principaux Capitaines, pour les animer à ma suite, qu' il ne m' en resta aucune chose. Ce qu' apercevant l' un de mes favoris Perdicas s' enquist de moy qui me demeureroit de reserve? l' esperance d' une grande conqueste, luy respondis-je: qui fut cause que luy & les autres à son exemple remettans entre mes mans les liberalitez dont j' avois usé envers eux, voulurent avoir part au mesme butin que moy. Ainsi contre ma volonté je demeuray saisi de tout mon domaine, & toutesfois en grande reputation envers les miens. Quoy? à la premiere desconfiture de Darius, de quelle courtoisie usay je envers sa femme, sa mere & ses enfans? de quel dueil parachevay-je les funerailles de sa femme, & celles mesmes de Darius, quand au piteux estat qu' il estoit me despoüillay de mon manteau Royal, pour en couvrir son corps mort? Quelle faveur pratiquay-je envers sa fille aisnee que je ne desdaignay de prendre à espouse? Tellement que peu apres mon decés je feus adverty de quelques uns qui vindrent de l' autre monde que Sigigambis mere de Darius advertie de mon infortune, & portant plus d' amertume de ma mort que de celle de son propre fils, pour les grandes obligations qu' elle avoit receuës de moy, me voulut peu apres faire compagnie. Tant y a que je composay d' une telle façon tout le cours de ma vie, qu' encores qu' esmeu d' un zele d' extreme ambition & honneur je m' acheminasse à une si grande conqueste, toutesfois ne se trouvera qu' il y eut jamais en moy tache de vilenie, ou avarice: ny mesmes que pour arriver à cette extremité de grandeur, je soüillasse ma renommee d' un tour lasche & chetif. Aussi me vois tu icy franc & libre, & non accompagné du remords, comme la pluspart de ces autres Roys, voire que mes ennemis mesmes devant la face de Minos prindrent la cause pour moy.

RABELAIS. Cestuy certainement est un heur, mais tu ne dis que peut estre tes propres amis se firent parties formelles encontre toy; avec lesquels tu te portas de plus estrange façon qu' à l' endroict des estrangers.

ALEXANDRE. Comment? ay-je laissé quelque mauvaise bouche de moy apres ma mort?

RABELAIS. Que t' en va-il de pis ou mieux pour cela à cette heure que tu es icy, & que depuis deux mil ans en ça, ou environ, tu as satisfaict au commun devoir de nature?

ALEXANDRE. Ha! ja (à) Dieu ne plaise que je m' en soucie si peu, car ores que j' eusse fourny à nature, si n' avrois je satisfaict à mon propre contentement.

RABELAIS. Ouy bien si tu estois en l' autre monde, où quelques flateurs pourroient chatoüiller tes aureilles d' un honorable recit de tes faicts: mais à present ne vois tu que pour tes paradoxes proüesses, tu n' es rien plus que nous? D' ailleurs n' as tu pas peu apprendre de ton grand maistre Aristote le peu de compte qu' il fit d' un mesdisant? Qu' il me batte en mon absence (fit-il.) Aussi de te soucier apres ta mort quel tu sois envers le commun peuple, c' est un acte de trop grande curiosité: attendu que nous autres de l' autre monde devons avoir l' esprit si fiché en considerations plus hautaines, que ne sont ces choses basses, viles & terriennes, desquelles tu te ronges la pensee.

ALEXANDRE. Ha! pour Dieu ne m' uses point de ce langage: autrement tu m' inviterois à lamenter mes travaux, ausquels je ne m' exposay jamais sinon sous une brave attente de l' immortalité, & de mon nom, & de mes faicts. Pour cette cause si j' en suis bien memoratif fis je quelquesfois responce à aucuns de mes Capitaines plus soucieux de ma santé que moy-mesme, que je mesurois ma grandeur, non point au cours de ma vie, ains de la gloire que j' esperois quelque jour en recevoir. Ainsi considere, je te prie, quel regret ce me seroit de me voir maintenant frustré d' une si longue esperance. Partant conte moy je te prie quelles nouvelles couroient de moy parmy le monde, quand tu nous vins voir en ces lieux.

RABELAIS. En bonne foy toutes vieilles, & celles que tu viens presentement de deduire; que tu fus en premier lieu un parangon de tous les Roys qui oncques nasquirent dessous la chape du Ciel, entreprenant bravement, & executant heureusement tes entreprises. Car de prudence & moins de temerité quelques uns en desirent dans toy.

ALEXANDRE. Ceux qui la desirent en moy ont eux mesmes faute de prudence, ne cognoissent que j' avois certaine & asseuree cognoissance de ma fortune. Je ne te nie pas que par fois quelques uns par ignorance, ont plus de confiance en leurs entreprises que la raison ne voudroit: & aussi par fois, pour trop se fonder en raisons, les autres sont trop tardifs à executer leurs desseins. Mais quand on cognoist sa portee, sans se soucier des traverses qui peuvent s' offrir en chemin, il ne faut faire aucunement doubte de se soubmettre hazardeusement aux dangers, d' autant qu' il n' en vint jamais qu' une heureuse resource. Mais à ceux qui sont bien nez comme je me cognoissois, il faut penser que la nature ne nous accompagne jamais de hauts & magnanimes desirs, que semblablement elle ne nous baille la fortune pour nostre escorte. Mais pour n' entrerompre ton propos.

RABELAIS. On dit aussi que tu fus Prince chaste le possible, usant d' extreme diligence, hardy de ta personne, & qui est le comble de tes loüanges, juste (comme tu as recité) & droicturier à l' endroit de tes ennemis.

ALEXANDRE. Vray Dieu quel plaisir je reçois t' escoutant tenir tels propos.

RABELAIS. Mais escoute, ceux qui t' exaltent ainsi, disent que tu obscurcis ta gloire de plusieurs autres grands vices, lesquels mis en comparaison avec tes merites, on ne sçait de quel costé balancer. ALEXANDRE. Ha! que dis tu?

RABELAIS. Je ne te mens d' un seul mot: En premier lieu ils disent que tu t' oublias grandement quand né & extraict d' une nation Gregeoise, florissante dessus toutes autres, toy qui avois reduit sous ton obeyssance la Perside, & vaincu deux ou trois fois un Darius, toutesfois oubliant tes premieres façons, chargeas sur ta teste la Tiare Perside entremeslant tes habits avec ceux de ces Barbares, te descouvrant par ce moyen en vainquant avoir esté plus vaincu qu' auparavant ta victoire.

ALEXANDRE. Et bien n' y a-il que cela?

RABELAIS. Ils adjoustent la grande faute que tu commis, quand d' une outrecuidee opinion, vilipendant le lieu dont tu estois issu, te fis appeler fils de Dieu: & non content de cela, te voulus faire adorer des tiens, lesquels ce neantmoins tu sçavois estre de condition franche & libre, c' est à dire sortis du pays de la Grece, & non de nation barbare. De là, passant ailleurs, on dit que tu estois bon coustumier de te forboire. Chose toutesfois que de ma part j' ay tousjours trouvee excusable, excepté que pendant que ton vin cuvoit, tu estois de fort difficile accés, & tel qu' à ton grand deshonneur, tu ne pardonnas mesmement à ce tien grand amy Clitus qui estoit ton oncle de laict, & frere de ta mere nourrisse. D' avantage la plus part mesme ne se veut taire de la mort de Parmenion & Philote, par le moyen desquels & toy & ton pere aviez eu tant de victoires. Tous lesquels blasmes bien digerez donnent tel obscurcissement à tes loüanges, qu' il n' y a presque homme vivant qui n' en murmure contre toy, quand il y pense. 

ALEXANDRE. Et viença vien, qui sont ceux, par le moyen desquels le monde est aujourd'huy informé de tout cecy?

RABELAIS. Deux personnages qui se sont dediez de deduire par escrit toute ta vie.

ALEXANDRE. Sont ce personnages de marque?

RABELAIS. Non pas tels que tu dirois bien, ou que tu eusses souhaité, mais en deffaut de meilleurs, ils sont approuvez de la commune.

ALEXANDRE. Je te jure le grand Pluton que je cognois ja l' encloüeure, & tu peux par là descouvrir que non sans cause je desirois que mes gestes fussent redigez par Historiographes Royaux. Car si ceux dont tu parles eussent esté de bon discours, ils eussent tout autrement donné de moy à entendre qu' ils n' ont fait. Premierement en tant que touche ce premier defaut que tu m' imputes de changement de vestemens, je te supplie dy moy, que pouvois-je moins faire pour l' avancement de moy & des miens, m' estant par longues peines impatronisé de cette Monarchie des Perses, sinon pour m' en rendre paisible possesseur, & sans renouvellement de guerre, familiariser de quelque chose avec eux? Au moyen dequoy (comme si j' eusse esté leur propre Prince & naturel) je quitay les habillemens à la Macedonienne, pour faire paroistre à ce nouveau peuple conquis, que je ne pretendois estre Roy moins debonnaire en son endroit qu' avoit esté Darius. Et si m' aiday de luy en plusieurs expeditions & entreprises, comme ayant grande confiance en luy. Voire estant Darius decedé, je m' emparay de l' ancien cachet des Roys de Perse duquel je cachetois mes lettres, lors que j' escrivois aux Persans, non que pour cela neantmoins je laissasse de suivre mon train ordinaire, escrivant à mes Macedoniens. A ton advis pouvois-je mieux tenir les cœurs de cette grande Monarchie à ma devotion, que m' entretenant en cette façon avec eux? Pour cette cause quelquesfois leur commis-je la garde de mon propre corps: En quoy je les rendis tellement miens, que sans aucune difficulté je pouvois faire estat de leur vie comme de celle de mes Grecs. Et toutesfois quelque murmure qu' en fissent les Macedoniens, tu n' ouys jamais (comme je croy) dire que j' en traitasse les miens plus mal. Au contraire la plus part d' eux las & recreus des longues guerres, m' ayans demandé congé pour retourner voir leur famille, je leur abandonné à leur poste la somme de dix mil talens pour en prendre chacun d' eux à leur conscience, & sans aucun contreroolle, jusques à la concurrence de ce qu' il penseroit devoir à ses creanciers. Ce neantmoins tu me dis qu' au moyen de certains escrits le peuple est mal embouché en cest endroit de mon fait. He! vrayement tels escrivasseurs en ont devisé à leur aise: Mais entre le faire & le dire, il y a bien grande difference, & falloit (puis que la fortune sur mon premier abord m' avoit esté tant favorable à la conqueste) pour m' entretenir en reputation que je misse toute mon estude à conserver mon acquis. Tu m' improperes que par presumption aveuglee, je me fey en Aegypte appeller fils de Jupiter. Voy je te prie comme toy, ny ce sot populaire n' entendites jamais mes desseins. Et a fin que je t' oste de cest erreur, estimes-tu que lors que ce grand Prestre de la Loy au temple de Jupiter Amon, pour me bien veigner, m' appella d' entree son fils, je fusse si hebeté que je n' entendisse fort bien de quel sens estoit proferee cette parole? Et toutesfois comme estant d' un esprit remuant, speciallement és choses qui appartenoient à ma grandeur, faisant mon profit d' une parole non pensee, je luy fermay la bouche à ce mot: disant qu' avec mil reverences j' acceptois ce titre de fils de Jupiter Amon, & que de bien bon cœur je le recognoissois pour pere. Enquoy combien que ce Prestre eust volontiers ou retracté ou expliqué plus entendiblement son dire, si le chevale-je en tous ses propos de si pres, rapportant le demeurant si pertinemment à cette premiere parole, que luy mesme, soit qu' il me voulust gratifier, ou qu' il decouvrist le fonds de mon intention, condescendit à mon vouloir avant que nous departissions, non toutesfois que je ne fusse fort bien acertené de mon estre. Mais voyant que j' avois encores à exploicter long chemin, & que desja par mes hauts faits, la renommee de moy couroit par tout l' Univers, comme d' un autre Hercule, j' estois fort content d' imprimer cette opinion de divinité és contrees desquelles j' aprehendois la victoire. Qu' il ne soit ainsi tu trouveras que mille fois depuis le voyage d' Amon, je recognu Philippes pour mon propre pere, & sous cette impression je conquestay toute la Perse. Mais lors que je voulu prendre la route des Indes, alors veritablement m' estudiay-je de reimprimer cette opinion de deité prononcee au pays d' Aegypte: Et de faict, aidé des harangues d' un Cleon, je me fey sur cette mesme saison adorer de ceux de la Perside, non pourtant des Macedoniens, ayant tousjours esgard à leur rang. Et pour autant que je voyois qu' un certain escolier Calistene pensant contrefaire le sage, m' estoit unique refractaire en chose qui m' importoit de tant pour mon entreprise, je luy pourchassay sa ruine: mais quoy? 

me sçavroit-on donner le tort de cette mort? Car comme tu peux imaginer, il n' eust fallu qu' un tel mutin pour arrester par ses folles persuasions le cours futur de mes victoires, & destourner cette opinion de divinité, laquelle m' apporta puis apres tant de profit sans coup ferir, que plusieurs petits Roitelets qui eussent peu tenir mes entreprises en bride, soubs ce faux bruit, se submirent à ma puissance, disans tous d' un commun accord, qu' apres Bacchus & Hercules, j' estois le tiers des enfans de Jupiter, qui de l' Europe avois passé jusques aux Indes. Au moyen dequoy pour l' espargne & de mon temps, & de mes gens, il fut expedient qu' un Calistene mourut, en la teste duquel il n' entroit qu' apprehensions scolastiques, & non discours dignes d' un Roy. Au demeurant tu n' ignores combien cette opinion de divinité produict entre les humains de merveilleux & incroyables effects. Cours moy de l' œil toutes ces contrees que tu vois estre en ces bas lieux, distingue les selon leurs bornes & limites, tu ne trouveras aucun personnage d' estoffe, qui pour auctoriser ses pensees n' ait voulu donner à entendre qu' il eust familiarité avecques les Dieux: Ainsi vois tu là ce Solon au canton des Atheniens leur faire accroire qu' il communique de ses secrets à Minerve, Licurge aux Lacedemoniens avec Apollon, aux Romains ce Pompilius Numa abuser du nom d' Aegerie la Nymphe, & un petit quidam de Sertorius tenir le cœur de ses soldats à l' occasion de sa Biche: Et si tu veux estendre ta veuë plus bas, ne vois-tu en cette arriere-coste, Mahommet, & non pas loing de luy ce Sophy, tous deux par ces mesmes moyens, s' estre emparez de la plus grande partie du Levant? Or furent tous ces personnages estimez de bon esprit. Moy ce nonobstant Alexandre, moy dis-je qui pour la grandeur de mes faits emportay le surnom de Grand, suis reputé lourd & goffe, pour m' estre dit fils de Jupiter: Et pense ce simple populaire, que pour une vaine vanterie, je voulusse me faire approprier ce nom ! Je meure encores un coup, Rabelais, si ceux qui m' estimerent si hebeté ne furent bien plus hebetez, d' autant qu' on a peu mesme descouvrir que, quoy que j' usasse ordinairement en mes entreprises de la superstition des Devins, si ne me rangeay-je jamais à leur volonté, sinon en tant que de leur art je pouvois tirer un rapport qui favorisast mes desseins, pour encourager soubs l' ombre de telles frivoles, le cœur de ma gendarmerie: voire & si contraignis Aristandre l' un de mes principaux Devins, voulant passer en la Scythie, de me donner response, non point suivant son advis, ains seulement suivant le mien. Qui me succeda si à poinct, que j' en rapportay telle victoire, qu' un chacun depuis peut sçavoir. Lesquelles choses te peuvent donner à entendre, que pour fin meilleure que le Vulgaire n' a estimé, j' usay à mon advantage de telles superstitions & de l' authorité de Jupiter.

Et pour le regard de l' yurongnerie que tu m' as voulu mettre à sus, quand est ce, je te supplie, que le boire m' a fait oublier mon honneur? je sçay bien que tu m' objecteras la mort de l' un de mes Gentils-hommes Clytus, mais lequel est-ce à ton advis qui s' oublia le plus de nous deux, ou luy qui d' un esprit contradictoire, se voulut formaliser contre moy, jusques à belles injures, ou moy qui les ayant longuement remaschees en mon esprit, fus contraint en fin de tourner mon ire en furie, & executer contre luy ce que la colere issuë d' une juste douleur me dicta? Car quelle sottie estoit-ce à luy de passer de la comparaison des gestes de mon pere Philippes, à ne sçay quels reproches causez sur ma sole divinité? Sur la mort de Parmenion & Philote, & autres mil propos de pique, qui me touchoient de si pres, que s' il faut entrer en comparaison de luy à moy, chacun luy en bailleroit le tort: Tellement que le plus sobre homme, voire de la plus petite condition de ce monde n' eust tant sçeu commander sur soy, ce que lors une juste ire (j' ay cuidé dire une Justice) me commanda d' exploicter. Et comme tu sçais, un subject doit sçavoir comme il parle à son Prince: singulierement des choses desquelles la memoire peut esmouvoir une indignation ou esclandre de son peuple encontre luy. Et ores qu' il soit utile ne luy celer la verité, si est-ce qu' en cecy y est la discretion requise du temps, des lieux & des personnes. De maniere que ces choses bien considerees, on trouvera que ce Clytus s' estant oublié de tout poinct, avoit envie de mourir. Et te diray d' avantage s' il est loisible se repentir d' un bien faict maintenant que je t' entends ainsi parler, je ne suis point tant marry de la mort de ce Clytus, que de la penitence que j' en fey apres avoir recueilly mes esprits. Car le peuple qui juge seulement des choses, par la superficie & escorce, estimant que toutes repentances preignent leur source d' un peché, pensa incontinent qu' il falloit qu' il y eust du deffaut en moy: non toutesfois considerant que non ma faute, ains ma debonnaire nature fut cause du dueil que j' en menay. Parquoy tu fourvoyes grandement & toy & chacun de m' imputer cette mort, estant l' injure de cest audacieux personnage commise en la personne d' un Roy, & telle qu' elle ne se pouvoit reparer, ou pour mieux dire expier, que par la mort mesme. Au surplus dy moy, je te prie, quand me veit-on par mes banquets ou delices (si ainsi tu les veux appeller) mettre en nonchaloir mes conquestes? je ne te nie pas que par fois je n' aye esté excessif. Car rien ne pouvoit porter de petit, l' esprit de ce grand Alexandre, quelque part qu' il se trouvast: mais que je me sois aneanty, tu ne l' oüis jamais dire: ains combien, & qu' en la ville de Babylone, & en celle de Persepoly je regaillardise quelque peu mes esprits, si avois-je tousjours en bute la vaillantise & vertu. Au moyen dequoy ayant tousjours en imagination de poursuivre, jusques au dernier souspir, la vengeance de mon propre ennemy Darius encontre son meurdrier Bessus, qui avoit je ne diray point reduit, ains seduit sous son obeyssance les Bactriens, je croy que tu as peu entendre de la façon que je m' y portay. Car estant tout mon ost fort empesché de bagage, & neantmoins, comme je t' ay dit, ayant ce voyage fort à cœur, & de passer de là aux Indes, je fis apporter premierement toutes mes hardes en une belle campagne, puis celles de tous mes soldats, & attendant un chacun quelle yssuë prendroit ce spectacle, apres avoir mis le feu dans les miennes, commanday qu' on bruslast les autres: Si que sans aucun murmure, oublians les bons temps que nous nous estions par quelques jours donnez, je reduisis toutes choses en leur premier train. Et à tant j' entrepris le voyage des Bactriens, & des Scythes, où je ne reciteray les neiges, les froids, les gelees, & mesmement la famine que nous eusmes à supporter, quand au lieu de chair & de froment, fusmes contraincts nous repaistre d' herbage & poisson, & finalement, en ce defaut, de la chair de nos chevaux de voiture. Ce neantmoins tu peux penser que si j' eusse eu le vin, & delices en telle recommandation comme on dit, j' avois prou de pays à mon commandement pour passer aisément, & à mon plaisir cette vie, sans prendre la volte des Scythes & Bactriens, desquels, outre l' honneur, je ne me promettois rapporter aucun gain que des cailloux. Partant tu peux par là descouvrir, que je n' asseruy oncques mon esprit dessous les plaisirs, ains que j' asseruy seulement les plaisirs dessous mon esprit, faisant comme le bon soldat, lequel par fois choisit son aise quand il se trouve de repos, sans que pourtant il pretende s' exempter d' aucun travail, quand l' occasion se presentera. Au demeurant ce n' eust point esté acte de mortel si je n' eusse assaisonné mes travaux de quelques recreations, entre lesquelles si tu trouves estrange que j' usay quelquesfois de banquets demesurement, prens t' en à ce grand Philosophe Platon precepteur de mon Aristote, de la Republique duquel j' avois appris pendant mon jeune aage, qu' il estoit bon de fois à autres faire banquets & festins entre les siens pour plusieurs causes & raisons, par luy plus amplement deduictes.

Et quant au Parmenion & Philote que tu dis nonobstant leurs merites avoir par mon commandement esté mis à mort, si tu sçavois combien la jalousie est familiere à tous Roys, mesmes au faict de leur Estat, tu ne m' en accuserois. Je receus plusieurs services de l' un & l' autre, lesquels je recogneus sans mesure tant qu' ils firent leur devoir, mais quand ils tournerent leurs robbes, descouvrant par plusieurs demonstrations, l' animosité qu' ils avoient conceue à ma ruine, je leur joüay de contreruse, & telle qu' elle fut trouvee bonne par l' advis de mon conseil estroit. Ne sçais tu pas les lettres qui furent surprises de la part de Parmenion? La confession de Philote en mourant, & autres telles presomptions si poignantes, que je ne pouvois de moins faire pour ma seurté, que de vuider le pays de deux tels personnages, qui apres moy avoient toute preeminence dessus ma gendarmerie? Et pour ce je te supplie Rabelais de digerer mieux ces affaires, & penser si de tout ce que j' ay deduit on me doit blasmer, ou si on le doit rapporter à ceux qui temerairement & contre mon ordonnance voulurent publier mes faits: t' advisant au demeurant, qu' il ne faut qu' homme du monde entrepreigne de mettre la main à la plume pour escrire une histoire, s' il n' est digne par mesme moyen de manier les affaires, autrement le plus du temps soubs umbre d' un jugement d' escolier, & seulement par ce que pour n' avoir rien veu, il luy semblera qu' ainsi il le faille faire, renversera par son beau parler les plus braves entreprises des Princes, & extollera le plus sottes: Et ce pendant un simple peuple, qui se laisse du tout manier au plaisir de ces beaux escrits, demeure à tort & sans occasion mal informé de nous autres.

RABELAIS. Tu n' es point certes, Alexandre, hors propos. Et de moy pour te dire le vray, je ne m' amusay jamais à reprendre telles petites particularitez, mesmement en ce qui appartient au vin. Car si tu aimois le meilleur, aussi tant que j' ay peu, je ne beu jamais du pire. Mais j' ay trouvé tousjours fort estrange que tu travaillasses ainsi, non point pour toy, ains pour les autres, ausquels tu donnois les charges des grandes provinces, lors que pour contr'eschange, tu te partageois seulement des grandes peines & fatigues: en ce cas, ores que tu pensasses beaucoup faire pour toy, n' estant neantmoins autre chose que serviteur de tes serviteurs, subjet de tes propres vassaux, lesquels dormoient à leur aise (bien que sous ton nom) pendant que tu veillois, rioient lors que tu te tourmentois, reposoient quand tu travaillois, lesquels actes n' estoient autres que de Royauté, & les tiens estoient plus serviles.

ALEXANDRE. J' aimerois tout autant que tu disses que l' homme fust serf de la beste, par ce qu' il advient aussi par le commun cours de nature, que la plus part de tous les autres animaux n' ont aucune aisance de viure que par l' industrie de l' homme: Et toutesfois tu sçais bien quelle prerogative a l' homme par dessus tout autre animal. Parquoy ce que l' homme est sus la beste, aussi fus-je dessus tous les miens, n' estimant aucunement mon plaisir, sinon en tant qu' il se conformoit à ma grandeur. En quoy d' autant me reputay-je plus heureux, que j' eu tousjours la fortune correspondante à mes souhaits: Voire qu' il est certain que lors que mes ennemis me penserent plus nuire, pour mettre abregement à mes jours, ce fut l' accomplissement de mon heur: Par ce qu' ayant atteint au sommet de la fortune elle eut tourné sa rouë d' autre sens, n' estant (comme il est à presumer) attachee avec cloux de diamans. Qui m' eust apporté pendant ma vie trop plus de morts, que celle à laquelle, quelque chose que je retardasse, il me falloit arriver.

RABELAIS. Et bien quel profit sens tu de cette grandeur maintenant? en és tu autre que moy?

ALEXANDRE. Je te diray, Rabelais, si entre les vanitez de ce monde il y en a aucune qui emporte quelque poinct par dessus les autres, vrayement c' est cette-cy, qui prend son addresse à l' honneur, duquel si tu fais aucun compte, tu ne mettras semblablement aucune separation entre la vertu & le vice. Tant y a qu' il me suffit pendant le cours de ma vie avoir eu assouvissement de tous mes desirs, & apres ma mort servir aux braves Capitaines de Patron en vaillantise & proüesse.

RABELAIS. Et je te dy Alexandre, quelque chose que tu penses estre de plus grand que tous tant que nous sommes en ce lieu, qu' entant qu' à moy est, je ne m' estime à present moindre ny en grandeur, ny en contentement que toy: estans toutes tes grandes conquestes esvanouïes à neant, mesmes qu' il ne t' en souvient qu' à demy, & à mesure que les derniers venus en ce lieu te les remettent en la teste. D' avantage si tu en as souvenance, le regret que tu as maintenant de te voir petit compagnon, te doit causer telle fascherie, qu' il te seroit beaucoup plus expedient qu' avec ton corps tu en eusses perdu la memoire. Joinct que cette grande divinité qui se presente maintenant devant tes yeux, te doit faire mettre en oubly & nonchaloir, toutes les vanitez de l' autre monde.


Fin du Pour-parler d' Alexandre.


TABLE DES MATIERES PLUS REMARQUABLES CONTENUES ES RECHERCHES DE LA FRANCE.

(pag. 1051 du Pdf – Omis.)