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jueves, 22 de junio de 2023

3. 35. Des Dixmes infeodees.

Des Dixmes infeodees.

CHAPITRE XXXV.

Jusques icy nous avons deduict une police introduite en faveur des pauvres guerriers, qui s' est perpetuee jusques à nous, & la recompense que l' on leur fait sur les Religions & Monasteres, sous le bon plaisir de nos Roys. Reste maintenant à discourir des Dixmes infeodees, autre recompense, qui fut faite sur les Cures, en faveur des mesmes guerriers. Je recognoistray que tout ainsi que les Curez doivent residence actuelle sur leurs Benefices, pour l' administration des saincts Sacremens, aussi à eux appartiennent les Dixmes par la seule monstre de leur clocher, de droict divin & primitif. Toutesfois ces Dixmes recevrent selon la diversité des lieux, & des temps, divers changemens. Car quelquesfois les Evesques par une main plus forte & puissante, les firent tomber sous leur puissance, comme generaux Pasteurs, & en frustrerent les Curez. Qui fut cause qu' en l' an 1560. en l' assemblee qui fut tenuë en la ville d' Orleans, les trois Estats en firent plaintes & doleances par leurs cahiers, au Roy Charles IX. Mais le Roy craignant par ce nouveau remuëment, d' aporter des troubles entre les Ecclesiastics, passa ceste requeste par connivence, avec promesse d' y faire droict en temps & lieu. D' un autre costé aussi la commune police de l' Eglise permit que ces Dixmes peussent estre prescriptes par les autres Eglises, ores qu' elles ne fussent parochiales, par une possession de quarante ans. Pareillement s' estans sur le moyen âge de nostre Christianisme faicts nouveaux Ordres de Religions, plusieurs Evesques leur donnerent diverses Cures, esquelles ils pourroient commettre gens sous eux, qui seroient appellez Vicaires perpetuels, & administreroient en leur lieu les saincts Sacremens, se contentants d' une pension congruë pour leurs aliments * demourans pardevers ces Monasteres le droict de dixmer, sur tous les climats de la parroisse, comme estans Curez primitifs, encores que la charge, & deservissement residast pardevers leurs Vicaires perpetuels. Entre ces divers changemens s' en fit un plus grand & extraordinaire en la France. Car combien que les hommes Layz soient par disposition canonique incapables de tenir Dixmes, toutesfois il y a certains territoires en France, où ils reçoivent des Dixmes, que nous appellons Infeodees, ne leur estant ceste possession revoquee en doute par les Ecclesiastics, voire sont ces Dixmes si privilegees, que si un Curé veut agir contre eux, soustenant qu' elles luy doivent appartenir, & qu' à cest effect il les face convenir pardevant le Juge d' Eglise, auquel la cognoissance des Dixmes appartient naturellement: Toutesfois si ceux qui sont convenus alleguent que ce soient Dixmes Infeodees, ils ferment totalement la bouche à l' Official, lequel doit renvoyer les parties pardevant le Juge Royal, pour voir s' il en doit retenir la cognoissance, ou non, autrement il commettroit abus.

Or dont soit procedee ceste espece de Dixme, c' est paravanture la chose la plus obscure qu' il y ait en nostre Histoire: Parce que la commune opinion en attribuë l' invention à Charles Martel, lors qu' il recompensa la Noblesse qui l' avoit suivie encontre les Sarrazins. Disant que depuis la possession s' en est continuee entre les Seigneurs temporels jusques à nous. A la verité ceux qui ont esté de cest advis ne sont denuez de bien grand pretexte. Car le mesme Prince passant plus outre, se desborda de telle façon, qu' il fut le premier qui donna des Archeveschez & Eveschez aux Capitaines. Toutesfois je ne fais nulle doute que ceste opinion ne soit faulse. Parce que nous n' avons pas manqué d' Historiographes, dont les uns nacquirent dans la seconde lignee de nos Roys, & les autres y attoucherent de pres, uns Aimoïn, Rheginon, Flodoard, Adon, Sigebert, & neantmoins nul d' eux ne s' est souvenu de remarquer ceste induë liberalité en Charles Martel, ny mesmes Flodoard, qui d' ailleurs ne l' espargne nullement dedans son Histoire. Car parlant de luy, il luy impropere d' avoir osté l' Archevesché de Rheims à Rigobert son parrain pour la donner à un nommé Milon Capitaine: & encores qu' au chap. des Regales j' aye copié une partie de ce passage, si est-ce qu' avecq' la permission du Lecteur, je le coucheray icy tout au long. Hic Carolus ex ancilla stupro natus, ut in annalibus Regum de eo legitur, cunctis qui ante se fuerant audacior Regibus, non solum istum, sed etiam alios Episcopatus regni Francorum, Laicis hominibus & Comitibus dedit: ita ut Episcopis nihil potestatis in rebus Ecclesiarum permitteret: verum quod contra hunc virum sanctum & alias Christi Ecclesias perpetravit malum, iusto iudicio Dominus refudit in caput eius. Et là il discourt comme l' on le tenoit pour damné, par la revelation qui en avoit esté faite par S. Richer. Si sous ce passage vous voulez comprendre les Dixmes, il me semble que c' est errer. Car ceste usurpation induë meritoit bien d' être expliquee plus ouvertement par cest Autheur qui en un autre passage monstre combien on abhorroit d' exposer les Dixmes au commerce, voire à une personne Ecclesiastique. Car Hincmare Archevesque de Rheims, ayant entendu que les Religieux, Abbé & Convent de S. Denis vouloient vendre à un Curé une dixme à eux appartenant, voicy que le mesme Flodoard en dit. Je suis bien aise d' inserer tout au long les passages signalez des Autheurs manuscripts, & qui ne courent par les mains du peuple. Wiligiso cum cæteris Sancti Dionisij monachis, de eo quod audierat eos à quodam Presbytero, pretium quærere pro decima: unde maximam verecundiam dicit se habere, propter alios homines qui hoc audituri erant. Quod quantum periculum sit, eis ex divina ostendit authoritate, & canonum promulgatione. Ac inde, inde absit (inquit) fratres ut alij Ecclesiastici & Religiosi viri hoc audiant, & quia monachi de sancto monasterio sancti Dionisij decimam dereliquerunt, ut de ipso pretio infernum comparent. Multo magis autem absit ut Laici audiant, Quod nemo etiam peccatis publicis implicatus in sua parrochia facere audet. Si enim aliquis de alio monasterio, quam de nostro (Hincmare parle ainsi, d' autant qu' il estoit Religieux de S. Denis) hoc attentare, quanto magis facere praesumeret, eum ab omni communione de parrochia mea excommunicarem.

Vous voyez combien Hincmare qui vivoit du temps de Charles le Chauve detestoit ce conseil, & combien il craignoit qu' il ne vint à la cognoissance du peuple, pour le scandale, & neantmoins ce n' estoit qu' un changement de Dixme de Religieux à un Curé: Flodoard à fort bien fait son profit de cest exemple. N' estimez point que si de son temps les gens Laiz eussent possedé des Dixmes, cela luy fust demeuré au bout de sa plume. J' adjousteray qu' en tous les Concils qui furent faits sous Charlemagne, Louys le Debonnaire, Lothaire, Louys second Empereur de ce nom, & Charles le Chauve, il n' en est faite mention, combien que la pluspart d' iceux soient remplis de la desolation, qui commençoit d' être en nostre Eglise, & de l' ordre qu' ils entendoient y devoir être remis.

Je sçay bien que les compilateurs de Madbourg de l' Histoire Ecclesiastique, en la huictiesme Centurie, remarquent qu' au livre second des Concils, on trouve que Carloman fit faire une assemblee de Prelats, en l' an 742. portant entre autres cest article, Decimas occupatas à prophanis restituimus, c' est à dire, Nous restituons les Dixmes qui ont esté occupees par les gens Laiz. Que si cest article est veritable, il n' y avroit pas grande difficulté pour ceste opinion. Car ce Concil avroit esté tenu soudain apres le decez de Charles Martel. Toutesfois j' ay voulu diligemment rechercher, & ce Concil, & cest article, certes je ne l' ay point trouvé en tous les quatre Tomes des Concils. Et m' esbahy infiniement, si ce Concil est veritable, dont vient qu' en tous les autres il n' en ait esté parlé, pour reformer une chose tant prejudiciable à l' Eglise, comme celle-là. Au Concil tenu à Aix, le quatriesme an du regne de Pepin, article dixiesme, il est dit, que si les Abbez sont si mols de laisser tomber leurs Abbayes és mains de personnes Layes, & les Moines pour le salut de leurs ames en veulent sortir, faire le pourront par le congé de l' Evesque: & en ce faisant seront translatez en autres Monasteres convenables. Au Concil celebré à Aix sous le Debonnaire, il est (comme j' ay deduict cy dessus) prié de ne conferer les Abbayes des hommes, & femmes, qu' à personnes dignes, presupposant par là, le defaut qui ja estoit en l' Eglise. Aussi dés son temps mesmes trouve-l'on un Hilduin son grand aumosnier, outre les autres communs Benefices, avoir eu les Abbayes de sainct Denis en France, sainct Germain des Prez de Paris, & sainct Medard de Soissons. En celuy tenu à Paris est faite mention des gens Laiz, ausquels les Abbayes commençoient d' être baillees, & prie-l'on le Roy de tenir la main que cela ne se face à l' advenir. En un autre celebré à Mets sous Charles le Chauve, on se plainct des exactions, & coustumes induës, que les Officiers du Roy tiroient du Clergé, & aussi des alienations du bien de l' Eglise, qui avoient esté faictes par les Roys, ensemble des Religions, & Monasteres, qui s' estoient mis pour les guerres sous la protection du Roy, dont le service divin avoit esté supplanté tout à faict. Brief tout ce Concil est confit des abus & entreprises que les Laiz faisoient sur les Ecclesiastics. Et en plus forts termes au Concil de Paris, sous Louys deuxiesme, petit fils du Debonnaire, il est parlé des Seigneurs, qui de leur privee authorité avoient osté les dixmes des vrayes, & anciennes Eglises, pour les transporter à des nouvelles par eux basties: & est ordonné qu' elles seroient restablies en leur premier estat: & neantmoins en toutes ces assemblees n' est parlé un tout seul mot, des dixmes, qui avoient esté occupees par les Laiz. Enquoy selon mon advis, il gisoit plus de reformation, qu' en toutes ces particularitez.

Par ainsi je ne doute aucunement qu' encores que sous la seconde lignee de nos Roys la desbauche de nostre Eglise fut tres-grande, toutesfois cest octroy de Dixmes, que nous avons depuis appellees, Infeodees, leur fut du tout incogneu. Et si seray encores plus hardy: car nous fusmes pres de cent ans depuis la venuë de Hugues Capet sans les cognoistre. Ne me pouvant persuader, si elles eussent esté en usage, que l' on ne leur eust donné quelque attainte en ce grand Concil qui fut tenu sous Urbain II. l' an 1097. dans la ville de Clairmont, où pour l' avancement de nostre Religion Chrestienne, fut concluë la premiere Croisade, mesmes fut censuré le vice du Roy Philippes I. & croy que l' on n' eust oublié la hardiesse des Laiz qui à face ouverte possedoient non le simple temporel, ains le bien spirituel des Eglises. Maistre Jean de Luc, personne d' honneur, en son Recueil des Arrests en donne la premiere invention à Philippes Auguste, lors qu' apres avoir longuement guerroyé il voulut recompenser ses Capitaines aux despens de l' Eglise, mais il s' abuse. Car l' on ne trouve jamais le remede qu' apres la faute commise, ny la medecine devant la maladie. Philippes Auguste commença de regner l' an 1181. & dés l' an, 1179. avoit esté tenu le Concil de Latran, qui avoit condamné telles usurpations. C' est pourquoy apres avoir consideré tout le temps, je demeure fiché en ceste opinion, que ces Dixmes laïcales furent introduites lors que nous entreprimes le premier voyage d' outre-mer. Auquel chacun pensoit faire œuvre tres-meritoire envers Dieu d' y contribuer de tous ses moyens & facultez, & à tant que plusieurs Curez pour exciter les Seigneurs des villages où estoient leurs Cures, leurs firent present de leurs Dixmes pendant leurs vies: dont ces Gentils-hommes & Seigneurs se seroient appropriez à jamais par un droict de bien-seance. Chose qui fut passee par connivence l' espace de quatre vingts ans, ou environ, jusques à ce qu' au Concil de Latran, tenu sous Alexandre troisiesme par l' article quatorze, on ne fait non seulement doute que les hommes Laiz ne puissent posseder des Dixmes, mais est en outre prohibé à ceux qui les possedoient d' une longue ancienneté de les pouvoir transporter à autres personnes de leur qualité, ains seulement aux Eglises. La teneur de l' article estoit telle. Prohibemus ne Laici Decimas, cum animarum suarum periculo retinentes, in alios Laicos possint aliquo modo transferre, si quis vero receperit, & Ecclesiae non tradiderit, Christiana sepultura privetur. Depuis ce Concil nous n' avons point douté en France qu' il n' estoit plus permis aux gens Laiz de faire nouvelles infeodations de Dixmes, mais est une regle generale que si quelqu'un en possede qui luy soient disputees par un Curé, doit outre sa longue ancienneté alleguer qu' il les possede devant le Concil de Latran, autrement sa prescription, voire de deux & trois cens ans luy seroit inutile: D' autant que toute prescription est bastie sur une possession: & c' est une regle tres-certaine, que le Lay est personne du tout incapable de posseder, & consequemment de prescrire une Dixme. A la suitte de ce Concil, en Mars, 1279. sainct Louys fit un Edict, par lequel il ordonna que si les Dixmes feodales retournoient aux Eglises, elles reprendroient leur originaire nature, sans pouvoir puis apres être possedees par gens Laiz. Edict que nous avons entendu seulement pour les Eglises parrochiales, par plusieurs arrests, & non pour les autres, ausquelles elles ne sont naturellement deuës. Au demeurant, parce que ceste matiere n' est commune, qui voudra être plus amplement informé des regles d' icelle, je le renvoye au docte du Moulin, en son Traicté des Fiefs, chap. 46. Et neantmoins encores vous feray-je part de l' ordonnance de S. Louys telle que je l' ay extraicte du vieux registre de S. Just qui est en la Chambre des Comptes. 

Louys par la grace de Dieu Roy de France. Nous faisons à sçavoir à tous ceux qui sont cy presens, comme à ceux qui sont à venir que nous pour le regard de l' amour divine & pour le salut & remede de nostre ame, & ensemblément pour le salut & pour la remembrance des ames du Roy Louys nostre pere, & de la Roine Blanche nostre mere, & de nos autres predecesseurs. Nous voulons & octroyons que toutes les personnes Layes qui ont la possession des dixmes des autres gens de nostre terre, & en nos fiements qui muevent au mehain ou sans mehain, qu' ils les puissent delaisser & donner ou en quelque autre maniere que ce soit droicturiere & convenable octroïer à Eglises à tenir sans requeste nulle qui en soit faite desormais à nous ne à nos successeurs en telle maniere que nos hoirs ou nos successeurs ne se puissent opposer en nulle maniere encontre nostre octroyement que nous en faisons maintenant, ny empescher de ores en avant. Et a fin que ce soit ferme & estable & permaigne à perdurableté, nous y feimes mettre nostre seel. Ce fut fait en l' an 1279. au mois de Mars.

miércoles, 21 de junio de 2023

3. 29. De l' ancienneté de Regales en matiere des Archeveschez & Eveschez.

De l' ancienneté de Regales en matiere des Archeveschez & Eveschez. 

CHAPITRE XXIX. 

Je ne fais aucune doute que ceux qui avront les aureilles trop delicates, ne trouvent estrange ces mots d' Appellations comme d' abus, Regales, Oblats, & Dixmes infeodees, comme estans, ce leur semblera, mots plus propres pour l' usage commun des plaidoiries du Palais, que d' une Histoire: & encores avront plus d' occasion de s' en esbahir, quand ils entendront que la Regale est un droict annexé à la Couronne de France, comme l' un de ses plus beaux fleurons, par lequel advenant vacquation de certains Archeveschez, & Eveschez de France, au Roy en appartiennent les fruicts, & collation des Dignitez, Prebendes, & Chappelles, jusques à ce que l' Evesché soit remplie d' un nouveau successeur, & qu' il en ait presté le serment de fidelité au Roy. L' Oblat est le soldat ou gendarme pauvre, qui au service du Roy est demouré percluz, & estropié de l' un de ses membres, en recognoissance dequoy le Roy luy peut assigner ses aliments sur quelques Abbayes & Monasteres, qui se trouvent de la nature. Et les Dixmes infeodees sont celles que les Laiz, & personnes non Ecclesiastiques peuvent legitimement posseder. Car si l' Eglise a ses biens, & fonctions diverses d' avec les personnes Seculieres, qui est celuy je vous pri' qui n' ait juste occasion de s' esmerveiller de cest Ordre, lequel semble de prime face n' apporter qu' une confusion à l' Eglise: la Regale aux Evesques, & Ordinaires, l' Oblat aux Abbez, les Dixmes aux Curez? Souz lesquelles trois qualitez semble presque être comprise nostre Eglise universelle? 
& toutesfois, je puis dire, que tout ainsi que des fragmens soubterrains l' on recueille le plus souvent plusieurs antiquailles d' une Republique, aussi de ces Regales, Oblats, & Dixmes, pouvons nous recognoistre quelques anciennetez notables de la France, que le temps semble avoir ensevelies dedans le tombeau d' oubliance.

Entant que touche la Regale, je confesseray vrayement que pour être un subject qui passe souvent entre les mains de ceux qui manient les affaires du Palais, il y a plusieurs hommes qui en ont faict divers traictez, pour nous enseigner quand, comment, & en quel temps un Benefice vacque en Regale, & quels sont les Archeveschez, & Eveschez qui y sont sujets: mais qui nous en ait donné l' ancienneté je ne l' ay encores veu, & non sans cause. Car s' il y a obscurité en nostre Histoire c' est en ceste-cy. Les uns en rapportent l' origine à Clovis, disans qu' apres qu' il eust desfaict les Visegots, au Concil qui fut tenu souz luy en la ville d' Orleans, le Clergé luy octroya ce privilege: mais nous avons ce Concil en noz mains, & neantmoins il n' en fait nulle mention. Les autres l' attribuent au Concil, qui fut celebré dedans Rome soubz le Pape Adrian, lors que pour gratifier Charlemaigne, on luy permeit de pouvoir investir les Evesques, n' ayans ceuxcy autre tesmoin de leur dire que Gratian, lequel au lieu où il fait mention de ce Concil, dit avoir emprunté cela d' une vieille Histoire, mais qui en a esté l' Autheur, il nous le taist. C' est la cause pour laquelle quelques uns sont d' avis qu' il faut dire de la Regale, ce que presque estoit de la Loy Royale du temps des Empereurs de Rome. Car tout ainsi que ceste Loy fut grandement solemnizee par les Jurisconsultes Romains, publians que par ceste Loy le peuple de Rome avoit transporté en la puissance d' un seul homme tout ce qui estoit de sa Majesté ancienne du temps de la Republique, sans que toutesfois l' on cotte bonnement le temps que fut faicte ceste cession, & transport aux Empereurs: aussi combien que nostre Regale qui fraternize de nom avecq l' autre, soit grandement celebree par la bouche des Advocats de la France, comme une Loy, par laquelle les Prelats ont cedé à noz Roys ce droict de colation des Benefices: toutesfois nous ne pouvons bonnement descouvrir le temps de son origine.

De ma part, a fin que je le tranche court, j' ay tousjours estimé que ce nom de Regale ne luy fut point temerairement donné: & à bien dire, que tout ainsi que nous nommons ce droict, Regale, aussi est-il né avecques nostre Royauté, au moins dés lors que noz Roys eurent receu le sainct Sacrement de Baptesme. Droict qui est tant specialement affecté à la Royauté, que combien qu' un Prince Regent ait toute puissance souveraine au millieu de nous, si ne peut-il conferer les Benefices vacquans en Regale. Ainsi fut-il ordonné en l' emologation de la Regence de Dame Loyse de Savoye, mere du Roy François premier. Pareillement Charles cinquiesme Regent pendant la prison du Roy Jean son pere, fut contraint apres le retour du Roy, d' obtenir un Edict confirmatif de toutes les provisions par luy faites en matiere de Regale. Qui feut du quatorziesme Octobre 1360. verifié en la Chambre des Comptes le quinziesme Janvier ensuivant. Vray que comme toutes autres choses, aussi ceste-cy a pris divers pliz, selon la diversité dés temps, jusques à ce que finalement elle s' est fermee en la maniere que nous observons aujourd'huy. Car s' il vous plaist reprendre les choses de plus haut, on ne doit faire aucune doubte que soubz la lignee de Clovis nul ne pouvoit estre eleu, & receu à Evesque, sans la permission de noz Roys. Meilleur, ne plus fidele tesmoin ne pouvons nous avoir pour cecy que ce grand Gregoire de Tours, qui fut de ce temps là. Que s' il vous plaist repasser, & courir toute son Histoire, à peine que vous trouviez une seule provision d' Archevesché, ou Evesché, que ce ne soit par commandement du Roy, quoy que soit, de son consentement. Qu' ainsi ne soit, vous y lirez uns Onomace, Theodore, Procule, Divise, en la ville de Tours, Monderic, Papole, dans celle de Langres: Cantin à Clairmont, Theeodoze, Innocence, à Rhodez, Domnole au Mans, Sulpice à Bourges, Dodon à Bourdeaux, Loere à Arles, Vice à Vienne: Pasceme à Poictiers, Nomuches à Nantes, avoir esté successivement Evesques, mais par le vouloir de noz Rois: Nonobstant que les Elections des Prelats eussent lieu en France, suivant les anciens Canons & Decrets. Et est cela si certain & arresté en cest Autheur, qu' en tous les endroits où il parle des Provisions des Prelats, il dit cestuy avoir esté pourveu par le commandement du Roy, cestuy-là par son consentement, l' autre pour avoir esté de luy choisi: & sur tout, le Clergé pour un general refrain se rend suppliant envers le Roy, qu' il luy plaise avoir pour agreable l' Election par luy faite, comme estimant qu' elle seroit de nulle valeur, si le Prince n' y interposoit ses parties. Coustume qu' il ne faut point trouver estrange, qui considerera comme les affaires de l' Eglise passoient adoncq', d' autant que nous les empruntasmes nommément des mœurs de l' Empire. Car c' estoit une regle generale, que nul Evesque ne s' osoit immiscer en sa charge, sans que premierement l' Empereur l' eust receu: & est une chose certaine que de tous les peuples, qui butinerent l' Empire, il n' y en eut jamais aucun qui raportast toutes les remarques de la Majesté Imperiale, comme les François. Et tant furent noz Roys jaloux de ce droict, que combien que les Gouverneurs des Provinces eussent presque toute puissance en leurs gouvernemens, toutesfois Rois ne leur donnoient le pouvoir de consentir à telles elections, ains voulurent que l' on eust recours à eux. Et c' est la cause pour laquelle nous lisons qu' apres la mort de Ferrobe Evesque en Provence, Diname Gouverneur de ce pays là, ayant fait pourvoir Albin en cest Evesché, sans en advertir le Roy, Jovin receut commandement expres de luy, d' y en commettre un autre: mais Albin estant decedé avant ce mandement receu, & Diname ayant prevenu Jovin, & fait pourvoir Marcel Diacre, il en fut dechassé, comme ce droict de confirmation dependant nuement de la volonté du Roy, & non d' autre. Proposition qui s' est depuis à bonnes enseignes ramantue soubz la troisiesme lignee de nos Roys.

Si ce privilege fut en nos Rois sous leur premiere famille, il ne faut pas estimer qu' il fust perdu sous la seconde. Car au contraire ceux-cy disposerent des Eveschez avec plus de liberté. Le defaut que l' on reprenoit aux premiers estoit qu' ils en gratifioient les Courtisans, & ceux qui auparavant n' avoient jamais fait profession de Clergie. Tellement qu' estans destinez par le Roy, du jour au lendemain ils prenoient la tonsure, puis les ordres, pour être consacrez. Et c' est la grande clameur qu' en faisoit sainct Gregoire par ses missives à la Royne Brunehaut, & au Roy Childebert son fils, ne s' estant au surplus jamais plainct en aucune de ses Epistres, de l' authorité que nos Roys interposoient en telles affaires. Qui me semble un grand poinct pour le fondement de nostre Regale. Le premier qui apporta de l' abus fut Charles Martel, n' ayant encores transporté en sa famille le nom & tiltre de Roy, ains seulement de Prince des François, ou Maire du Palais. Car il priva licentieusement Rigobert de son Archevesché, pour la donner à Milon Capitaine, qui l' avoit suivy és guerres contre les Sarrazins, & dict Flodoard à la suitte de cecy. 

Hic Carolus ex ancillae stupro natus, ut in annalibus Regum de eo legitur, cunctis qui ante se fuerant, audacior Regibus, non solum ipsum, sed etiam alios regni Episcopatus Laicis hominibus, & Comitibus dedit. 

Ce Charles (dit-il) qui fut engendré d' une servante, comme nous lisons és Annales des Roys, fut plus hardy que tous les Roys du passé: Parce qu' il donna non seulement cestuy, mais aussi tous les autres Eveschez de France à des gens Laiz, & des Comtes. En un Concil tenu sous Pepin, le quatriesme an de son regne, à Vernes, il fut ordonné que les Evesques chastieroient les Religieux ou Religieuses discoles, ou en ce defaut les Metropolitains, que le Roy entendoit distribuer par les Provinces. Dans Rheginon, Charles le Chauve donne l' Archevesché de Treves à Hilduin Abbé, l' un de ses favoris. Bref il ne faut point faire de doute que nos Roys sous ceste lignee n' eussent aussi bonne part aux promotions des Evesques, qu' ils avoient soubs celle de Clovis: & ne me puis persuader qu' ils l' eussent par privilege d' Adrian Pape, en un Concil celebré à Rome. Car il eust donné une chose dont luy, ny tous ses devanciers, n' avoient jamais iouy en ce Royaume, & mesmement à ceux qui en estoient en possession: & aussi que si ceste liberalité eust esté vraye, elle n' estoit point de si peu de recommandation, que les Historiographes, qui florirent sous ceste lignee (je veux dire Aimon, Rheginon, & Flodoard) n' en eussent laissé quelques memoires à la posterité. Desquels toutesfois nous n' en avons aucuns, fors de Gratian, qui est moderne, au regard d' eux, lequel comme j' ay dict, se vante avoir pris l' eschantillon, qu' il nous en donne, d' une ancienne histoire, sans nous donner le nom de l' autheur. Joint que de ce Concil, qui toutesfois estoit de marque, pour l' importance, on n' en trouve rien en tous les quatre tomes des Concils. Parquoy on me le pardonnera, si en cecy, où je voy l' ancienneté le dedire, je n' adjouste foy à Gratian, non plus qu' en la renonciation, qu' il dit avoir esté faite par le Debonnaire, dont il est le premier autheur, la rejettant sur les pactions qu' il dit avoir esté faites entre les Papes & ce bon Roy, desquelles mais que je voye les panchartes bonnes, & asseurees, j' y croiray, & non plustost. Aussi de le croire, ou de croire en cecy, c' est une chose indifferente, & qui ne tombe en article de foy. Ce n' est pas le premier, qui en telles affaires pour faire plaisir aux plus grands, s' en est voulu faire accroire. Nicephore pour favoriser son Prelat, fut si impudent de dire qu' au deuxiesme Concil de Constantinople la Primace de toutes les Eglises fut donnee à l' Evesque Constantinopolitain, au prejudice du Romain. Au contraire au sixiesme Concil, qui fut tenu en la ville de Cartage souz le Pape Boniface I. les Evesques estans en peine de trouver les anciens canons du vray Concil de Nice, Faustin Legat du Pape voulut persuader à toute la compaignie, que par le Concil de Nice, il avoit esté arresté, que si un Evesque accusé avoit esté condamné par ses Evesques comprovinciaux en plain Concil, & qu' il en apellast à Rome, la cause pouvoit être de rechef examinee par le Pape, ou par le Legat qu' il delegueroit sur les lieux, disant qu' il l' avoit ainsi apris. Toutefois fut cest article remis jusques à ce que ces Canons seroient extraicts de l' original du Concil, que l' on disoit être en la ville de Constantinople, par lequel fut trouvé qu' il n' y avoit rien de verité en ce que disoit ce Legat.

Que si lors que l' ambition n' avoit gaigné tel pied en l' Eglise, comme elle a fait depuis, on voulut falsifier les Concils, à l' advantage des autres: je dy Concils mesmement si solemnels, que ceux de Nice & Constantinople, combien devons nous apporter de craintes & regards auparavant que de passer condamnation de toutes les choses que Gratian nous a baillees pour anciennetez asseurees, lors mesmes qu' elles sont sans autheur? Quant à moy, pour ne sortir des termes, & limites de mon discours, je ne puis me persuader que le Debonnaire ait fait la renonciation, dont ce moine parle, en faveur des Papes, pour n' en voir rien qui soit approuvé. Joinct qu' ils n' eussent pas laissé passer si long temps par connivence les Investitures des Evesques faites par les Empereurs, si ce droict leur eust esté delaissé, lesquelles toutefois eurent cours sans destourbier jusques à l' Empereur Henry IIII. Et au regard du Concil que l' on pretend avoir esté faict sous Adrian, s' il est vray (comme je n' y puis facilement condescendre) tant y a que je pense que noz Roys faisoient plus pour les Papes, que non les Papes pour eux: recognoissans tenir de la Papauté un droict, qu' auparavant ils tenoient de leur Royauté: tout de la mesme façon, que les Empereurs avoient estimé tenir les Investitures des Evesques, de la Majesté de l' Empire. 

Mais pour retourner à mon premier discours, encores que la desbauche de l' Eglise sourdit principalement sous ceste seconde famille en la France, si est-ce que la posterité de Charles Martel fut plus retenue que luy en la concession des Eveschez, ne permettans pas aisement qu' elles tombassent és mains de personnes layes, ains sans plus les Abbayes, Doyennez & autres dignitez de l' Eglise. Et neantmoins se donnoient les Eveschez tantost de la pure liberalité de nos Roys, tantost par elections confirmees par eux. Le premier improuvé par les Concils qui furent lors tenus entre nous, & le second approuvé. Car au premier Concil tenu dans Paris, les elections du Clergé, & peuple, furent par l' article huictiesme ramenees en usage, & defendu nommement que nul ne peut être appellé à la dignité Episcopale, que par le commandement du Roy, avec injonctions expresses à tous les Evesques sufragans, & Comprovinciaux, de n' en recevoir par autre voye, sur peine d' excommunication. Et au cinquiesme Concil d' Orleans article dixiesme, estoit porté. 

Ut nullum Episcopatum donis, aut comparatione liceat adipisci, sed cum voluntate Regis, iuxta electionem Cleri, ac plebis, sicut in antiquis Canonibus scriptum continetur, consensu Cleri ac plebis, à Metropolitano, vel quem Vice sua miserit, cum provincialibus Pontifex consecretur. 

Que nul (dit-il) ne parvienne aux Eveschez par dons, ou argent, ains par election du Clergé, & du peuple, avec le vouloir du Roy, ainsi qu' il est escrit aux anciens Canons, qu' il soit par le consentement du Clergé, & peuple consacré par le Metropolitain, ou son vicegerant, avec les autres Evesques. Qui est un Concil Gallican, par lequel vous voyez l' authorité du Roy être receuë pour les Eveschez, moyennant qu' elle soit jointe avec les elections. Suivant lequel on trouve une Epistre du Pape Formose à Foulques, Archevesque de Rheims, en laquelle il le reprend de ce qu' il ne vouloit consacrer Bertaire, qui avoit esté appellé à l' Evesché de Chaalons par election du Clergé, & consentement du Roy Eude. Et Hincmare, predecesseur de Foulques, qui siegea à Rheims l' espace de trente cinq ans, escrivit à Hilduin Abbé, qu' il moyennast envers Charles le Chauve, que l' on pourveust à l' Evesché de Terouanne par election: & depuis à Hugues autre Abbé, qu' il feist le semblable envers les Roys Louys, & Carloman, pour l' Evesché de Noyon suyvant les anciennes traces de leurs predecesseurs, & dit Flodoard qu' il adjousta à sa lettre ce qui s' ensuyt. Adiungens sacrorum Canonum promulgatam super electione canonicam authoritatem, & ostendens quod non Episcopi de palatio præcipiantur eligi, sed de propria qualibet Ecclesia: & quod de ordinando Episcopo, non Regis, vel Palatinorum debet esse commendatio*, sed cleri, & plebis electio, & Metropolitani in electione dijudicatio: deinde terreni Principis consensio, & sic fieri Episcoporum manus impositionem. Qui est à dire, Adjoustant à toutes ces remonstrances l' authorité ancienne des saincts Canons sur le fait des elections, & monstrant que ce n' estoit pas de la Cour du Roy qu' il falloit prendre les Evesques, ains de leurs propres Eglises & Dioceses: & qu' en l' ordination d' un Evesque, il ne falloit les recommandations ny du Roy, ny des Courtisans, mais l' election faite par le Clergé, & le peuple, puis la confirmation de l' election faicte par le Metropolitain, & en apres le consentement du Prince terrien. Et ce fait, les autres Evesques procedent puis apres à l' imposition des mains dessus cest esleu. Qui est un passage merveilleusement poignant, & à propos, pour monster de quelle façon on procedoit lors regulierement dans ce Royaume aux provisions des Evesques: Et sur tout, que nul Evesque ne pouvoit recevoir l' imposition de la main, jusques à ce que le consentement du Roy y eust passé. De toutes lesquelles choses nous pouvons recueillir que jamais l' on ne fit ny sous la premiere, ny souz la seconde lignee de nos Roys doute, qu' ils n' eussent bonne part à la promotion des Archevesques & Evesques. Car quant aux Abbayes, cela leur estoit tellement tourné non en coustume, ains en nature (comme il sera touché en son lieu parlant des Oblats) que nos Roys faisoient estat, qu' à eux seuls appartenoit la collation d' icelles. Au demeurant ne faut faire doute qu' ils n' appropriassent à eux le revenu des Eveschez quands ils vacquoient, & ce, peut être, pour autant qu' estant l' Eglise vefve & destituee de son espoux, & pasteur, elle n' en pouvoit pendant son interject de temps avoir plus fidele, & certain, que le Roy general patron, pasteur, & protecteur de ses Eglises. A ce propos lisons nous dans Flodoard, que Foulques Archevesque de Rheims, ayant l' œil, & l' aureille du Roy Charles le Simple son maistre à commandement, obtint unes bulles du Pape Formose, par lesquelles il vouloit qu' avenant le decez d' un Archevesque de Rheims, il ne fust permis aux Roys d' employer à leurs usages le revenu de l' Archevesché, ains qu' il fust reservé au futur successeur. Privilege que l' Archevesque de Rheims ne pouvoit obtenir, sinon pour se dispenser du droict commun de la France, introduit en faveur de noz Roys. Privilege toutes fois qui s' esvanoüit en fumee par la mort de Foulques, avec sa faveur. Par ce que non obstant ces bulles, il est certain que l' Archevesché de Rheims vacqua en Regale. Et n' estoit ceste coustume mal receüe de nos Prelats, ains d' une chose se plaignoient-ils seulement que noz Roys non contens de ceste iouyssance des fruicts, surpris par les embusches de leurs Courtisans, pendant ceste possession se disposoient d' aliener les biens immeubles des Eglises, lesquels ils assignoient à uns & autres en fiefs: Comme nous lisons qu' avoit fait Charles le Chauve pendant la destitution d' Ebon Archevesque de Rheims: & neantmoins à la postulation, & requeste d' Hincmare depuis restitua ce qui avoit esté par luy aliené. Et voyons en un Concil tenu à Mets sous le mesme Roy, que les prieres & supplications des Prelats tendirent principalement à ce qu' il luy pleust deleguer par les Provinces des Baillis (qu' ils appelloient Missos) pour cognoistre des alienations induës de telle nature de biens, a fin de les reincorporer aux Eglises, dont elles avoient esté eclipsees.