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martes, 11 de julio de 2023

6. 24. Combien les maledictions des peres & meres contre leurs enfans, sont à craindre.

Combien les maledictions des peres & meres contre leurs enfans, sont à craindre.

CHAPITRE XXIV.

Encores que par le discours que j' entens icy faire, je passeray les bornes de nostre Royaume, si est-ce que l' exemple que j' ay cy dessus raconté me commande de le faire, pour vous monstrer que tout ainsi que Dieu permist que Henry duquel je faisois n' agueres mention, ait eut une longue suite, & continuation de lignee au Royaume d' Angleterre, pour la pieté qu' il exerça envers son pere: aussi au contraire il voulut, que pour l' abus qu' il commist en espousant sa femme, ses heritiers se trouvassent agitez de perpetuelles tempestes, & discordes les uns encontre les autres. Cecy doncques est un abregé de l' histoire generale d' Angleterre, depuis Henry premier fils de Guillaume le bastard, jusques à la Royne Elizabeth à present regnant, abregé toutesfois qui aboutira à l' histoire de nostre France.

Or pour discourir tout de son long cette histoire, convient entendre que Henry premier ayant gaigné le Royaume d' Angleterre dessus son frere Robert, qui pour lors sejournoit à la conqueste de Hierusalem, il luy prit envie d' espouser Mathilde sœur d' Edgare Roy d' Escosse, laquelle long temps auparavant s' estoit renduë Nonnain voilee en un Monastere, partant la fit plusieurs fois instamment demander: Mais comme cette devote Princesse demeurast en ferme propos de son vœu, oncques ne luy fut possible d' y attaindre, jusques à ce que Edgare craignant la fureur de Henry, fut contraint d' y faire condescendre sa sœur: laquelle voyant que ce luy estoit jeu forcé, fit priere à Dieu que la posterité qui viendroit d' eux fust en perpetuelles querelles. Que les benedictions ou maledictions des peres & meres emporterent quelque consequence, l' exemple present nous en fait sages, d' autant que cette maudisson de Mathilde ne s' estendit pas seulement jusques à la troisiesme ou quatriesme generation, mais bien jusques à nostre temps: de façon qu' il ne s' est depuis trouvé Roy regnant dessus l' Angleterre, qui pour regner en seureté n' ait esté contrainct ou induit de tuer ses freres ou proches parens, quoy que soit qu' il n' ait pour quelque temps  esprouvé des seditions civiles. Choses qu' il me plaist reciter, encores que par adventure le narré en soit plus espouventable, que plaisant. En premier lieu, il est certain que par la mort de Henry, le Royaume appartenoit à Mathilde sa fille unique, femme de Geofroy Comte d' Anjou: Ce neantmoins Estienne Comte de Boulongne, fils du Comte de Blois & d' Adelle l' une des filles de Guillaume le Bastard, usurpa sur elle la Couronne. De faire icy long recit des guerres, qui pour cette cause furent entre l' Angevin & l' Anglesche, ce seroit tramer une histoire de trop plus long fil que je ne me suis projetté: Mais tant y a qu' apres plusieurs guerres, par traicté de paix Estienne durant sa vie est reputé Roy de tout le pays d' Angleterre, duquel l' usufruict, & proprieté furent apres son decez reconsolidez en la personne de Henry deuxiesme fils de Mathilde. Il sembloit que la fortune favorisast en tout ce jeune Prince ayant du chef de sa mere ce grand Royaume d' Angleterre, ensemble le Duché de Normandie, & de la part de son pere, le Maine, Anjou, & Touraine: d' ailleurs par sa femme toute l' Aquitaine & le Poictou: Ce neantmoins la fortune se souvenant de l' imprecation de la premiere Mathilde, ne le voulut laisser en paix, ains suscita contre luy ses propres enfans, desquels l' aisné nommé Henry, ayant par luy de son vivant esté sacré Roy, voulut peu apres defrauder son pere de sa couronne, disant que par ce dernier sacre il s' estoit volontairement demis sur luy de toute la superintendance du Royaume: Guerre qui dura longuement jusques à ce qu' en la mort de ce fils Henry, elle se trouva assopie: Tellement que Richard, apres la mort de ses pere & frere, estant arrivé à la couronne en pensant avoir tous ses estats asseurez, entreprit avec nostre Philippes Auguste le voyage de Hierusalem, au retour de laquelle entreprise il fut pris par le Duc d' Austriche, & longuement detenu prisonnier, qui occasionna Jean son frere de luy donner mille traverses, & fascheries pendant sa longue prison. Cela fut cause que Richard estant de retour, se voyant prez de sa fin crea pour heritier universel son nepueu Artur, Duc de Bretagne, dont sourdirent grandes querelles: car Jean estant creé Roy par les Anglois, & au contraire Artur favorisé des Angevins, Tourengeaux, & Manceaux, donna mille affaires au Roy Jean, qui eussent pris plus longue traite sans la miserable desconvenuë d' Artur, lequel en une escarmouche fut pris, & par la trahison de Jean mis à mort. Outre lesquelles querelles je puis tout d' une suitte adjouster que sur le declin du Royaume de Jean, plusieurs de ses Princes & Seigneurs quitterent son party, & appellerent à leur aide Louys pere de nostre sainct Louys, pour s' emparer de tout le droict du Royaume: laquelle entreprise bien qu' elle ne sortist effect par la mort prompte & inopinee de ce miserable Roy Jean, & que son fils Henry 3. luy succeda, si est-ce qu' encor ne peut-il evader la revolte de ses sujects, lesquels sous la conduite d' un Richard, se rendirent à Leolin. Et quelque temps apres, par une autre sedition il fut constitué prisonnier avec son fils Edouart. Bien est vray que cest Edouart depuis appellé à la Couronne, passa assez heureusement sa vie: mais en contrebalance, Edouard II. son fils receut une infinité de travaux: Au moyen dequoy il fit couper plusieurs testes à ses plus proches parens, mesmes à Thomas Comte de Lanclastre son cousin germain, & propre fils d' Aimond frere du I. Edouard: En quoy toutesfois il eut par traite de temps le vent si contraire, que sa propre femme Isabelle fille de France, & Edouart son fils troisiesme du nom le depossederent de son Royaume, & envoyerent tous ses favoris au gibet, & luy en une reserree prison, en laquelle par personnes interposees il finit miserablement ses jours. A la verité ce tiers Edouart, comme bien-aymé de fortune conduisit de là en avant assez sagement les affaires de son Royaume, & toutesfois encor ne peut-il se garantir qu' il ne soüillast ses mains dedans le sang d' Aimond son oncle, luy mettant par legeres imputations à sus qu' il avoit conspiré contre luy en faveur d' Edouart son frere puisné. Et certes combien que pour les vaillances de cestuy, fortune durant sa vie ne luy pourchassast aucune sedition de ses subjects, ou des Princes de son sang, ains au contraire en toutes choses le favorisast, si est-ce qu' apres son decés elle fit bien cher comparoir à ceux qui luy succederent, la mort & de son pere, & de son oncle. Pour autant qu' aux enfans de cest Edouart commença la premiere division de la maison de Lanclastre & d' Yort, sous les enseignes de la Roze rouge, que l' on attribua à Lanclastre, & la Roze blanche, que l' on appropria à la maison d' Yort: Division dis-je, qui depuis fut presque cause de l' entiere & universelle ruyne d' Angleterre, comme l' on peut voir dans ceux qui ont fondé leur subject en la deduction de telles histoires. Toutesfois pour ne me divertir de mon Richard, ayant succedé à Edouart son pere, outre mille indignitez qu' il endura de son peuple, pour les extortions qu' il faisoit, non content encores de cela, pour ne forligner de ses devanciers, fit prendre, & puis pendre en la prison Thomas son oncle, Duc de Glocestre, & bannir de son pays Henry Comte d' Erby, fils de Jean, Comte de Lanclastre son oncle: Qui fut contrainct de se retirer pour quelques annees en France, jusques à ce que r'appellé souz main par les Citoyens de Londres, à son retour il se saisit de la personne du Roy Richard, lequel il contraignit de luy resigner la Couronne en pleine assemblee des Estats, & non content de cela, le fit en fin mourir en prison. A cestuy Henry succeda son fils Henry cinquiesme de ce nom, lequel combien que tout ainsi qu' un Edouart troisiesme fit voler son bruit, & renom bien avant dedans nostre France, si est-ce qu' encores sentit-il la conjuration de Richard Comte de Cantabrige, laquelle posé que pour lors ne sortit effect par l' exemple & punition qu' il fit prendre de luy, ce neantmoins elle fut mise en pleine execution souz Henry sixiesme son fils, lequel s' estant veu, ce luy sembloit, tout d' un coup Roy de France & d' Angleterre, perdit premierement la France par la prudence & vaillantise des nostres, soubs Charles septiesme, puis son Royaume d' Angleterre, par le moyen de Richard Comte de Warvich: De sorte que l' Estat, apres le hazard de plusieurs batailles, tomba és mains d' Edouart, extraict de la maison d' Yort, qui fut le quatriesme de ce nom. Et depuis dix ans apres, le mesme Warvich poussé d' un mescontentement, l' en extermina, restablissant le Roy Henry sixiesme, lequel six mois apres en fut encor chassé par le mesme Edouart, perdant & son Royaume, & toute esperance de ressource. Edouart regna vingt & deux ans ou environ, ayant deux freres, Georges, qu' il fit Duc de Clarence, & Richard, Duc de Glocestre. Le malheur qui fut tel, qu' un Devin luy dit son successeur devoir porter pour premiere lettre de son nom un G. Qui fut cause qu' il condamna à mort Georges, lequel voulut finir ses jours dans une Pipe de Malvoisie, nouvelle delicatesse de mort. Ce Roy delaissa quatre enfans, deux masles, Edouart son aisné, & Richard, & encores deux filles, Marguerite & Elisabeth, lesquels il mit en la garde du Duc de Glocestre son frere: Qui fit le serment de fidelité és mains du Roy Edouart cinquiesme son nepueu, & neantmoins quelque temps apres le fit mourir avec son frere Richard, faisant declarer en pleine assemblee les deux filles bastardes, & ayant la force pardevers soy, se fit proclamer Roy d' Angleterre, au grand mescontentement de tous les gens de bien. En ce faisant la Prophetie du Devin fut aucunement veritable, par ce que cestuy portoit pour premiere lettre le G. sinon en son nom, pour le moins en sa seigneurie: C' est ainsi que les malins esprits se mocquent de nos folies. Il sembloit que le Royaume luy fust asseuré de tout poinct: Car à bien dire, de toute la maison de Lanclastre ne restoit plus qu' un seul Prince Henry, Comte de Richemont, que le Duc de Bretagne detint en sa Cour comme prisonnier: Toutesfois deux ans apres la promotion de Richard, le peuple de Londres indigné de ses meschans deportemens, sollicite souz main ce Comte, qui fait voile en Angleterre, assisté des François & Bretons, & en moins de rien occupe l' Estat sur l' autre, & le met à mort, & fut par les siens appellé Henry septiesme. Dés son arrivee, par un sage conseil, a fin d' oster tous les divorces de deux familles, il voulut espouser Elisabeth, de la maison d' Yort. De laquelle il eut trois enfans, Artur, Henry, & Marguerite. Artur espousa Marie tante de l' Empereur Charles cinquiesme. Cestuy mourut tost apres ce mariage, & pour entretenir l' alliance avec ce grand Empereur, on fit espouser cette Princesse avec Henry, qui de nostre temps fut appellé huictiesme de ce nom. Ce mariage protesté tant pour le bien de la paix, que aussi qu' on mettoit en avant qu' il n' y avoit eu aucune copulation charnelle du premier lit. De ce mariage vint Marie. Marguerite fille de Henry septiesme fut mariee avecques Jacques Roy d' Escosse. ayeul de Marie Stuart. Je vous laisse qu' Edouart, puis Marie, & finalement Elisabeth, enfans de divers lits de Henry huictiesme furent successivement appellez à la couronne apres son decez, & toutes les tragedies qui furent diversement excitees tant en temporel, que spirituel, pour n' estre le but de ce mien chapitre. Je me contenteray seulement de vous dire que combien que par le mariage de Henry 7. & Elizabeth, les deux rozes blanche, & rouge eussent esté reünies ensemble, pour ensevelir les divisions des deux factions: Toutesfois encores ne s' est peu le Royaume garentir de la malediction de Mathilde, femme de Henry I. Par ce qu' en l' an 1587. la Royne Elizabeth à present regnant fit mourir Marie Stuard Royne d' Escosse sa cousine, apres l' avoir detenuë en ses prisons l' espace de dix-sept à dix-huict ans. Quel sera le succez par cy-apres des affaires d' Angleterre? c' est un appenty du present chapitre, que je laisse à ceux qui me survivront.