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jueves, 14 de diciembre de 2023

Lexique roman. Tome second. 1836. Introduction.

Tome second.

1836.


Introduction.

Dans ce travail préliminaire je recherche et j' expose les nombreuses affinités; les rapports souvent identiques; des six langues néolatines:

La langue des troubadours,

La langue catalane,

La langue espagnole,

La langue portugaise,

La langue italienne,

La langue française.

J' entreprends, pour la lexicographie de ces idiômes, ce que j'ai tâché d' exécuter pour la comparaison de leurs formes grammaticales.

(1: Voyez le tome VI du Choix des Poésies originales des Troubadours; des exemplaires de ce volume avaient été tirés à part, sous le titre de Grammaire comparée des Langues de l' Europe latine dans leurs rapports avec la Langue des Troubadours. Paris, Firmin Didot, 1821 y in-8.)

J' ose espérer que le résultat de mes investigations démontrera  évidemment l' origine commune des diverses langues de l' Europe latine, et ne laissera plus aucun doute sur l' existence ancienne d' un type primitif, c'est-à-dire d' une langue intermédiaire, idiôme encore grossier sans doute, mais qui pourtant était dirigé par des principes rationnels, notamment quand il s' appropriait, sous des formes nouvelles, plusieurs des mots de la langue latine.

A l' époque où l' irruption des hordes du Nord eut conquis, ou pour mieux dire dévasté les provinces méridionales de l' empire romain, les hommes de l' invasion d' abord campés sur les débris de cet empire, et les anciens habitants qui avaient échappé aux périls et aux malheurs de la destruction, éprouvèrent également le besoin d' exprimer les uns aux autres les idées, les sentiments qui, à chaque jour, à chaque heure, à chaque instant, exigeaient une rapide et intime communication: mais les anciennes populations n' entendaient presque plus la langue latine, et les étrangers l' entendaient moins encore.

Cette crise morale et politique, ces nécessités réciproques, favorisèrent la création d' une nouvelle langue dérivée du latin, ce fut la romane rustique. (1: Voyez les Éléments de la Langue romane avant l' an 1000; tome Ier du Choix des Poésies originales des Troubadours. Paris, Firmin Didot, 1816.)

Me demandera-t-on à quelle époque précise la langue latine, ainsi modifiée et remaniée, devint un nouvel idiôme à l' usage des populations qui occupaient le midi de l' Europe?

Je répondrai, sans hésiter, que la transmutation était, sinon entièrement achevée, du moins très avancée, lors des serments de 842; j' aurais pu même dire long-temps avant ces serments, puisque leur existence suppose un langage déjà convenu dans une nation, entendu et compris par les princes, les grands et le peuple, qui figurèrent tour à tour dans ces actes solennellement politiques.

Ces serments ont conservé et transmis des exemples, des fragments, sans doute trop peu considérables de cette rustique romane, annoncée comme populaire dans les conciles de 813; toutefois ces débris suffisent à constater l' existence d' un idiôme fortement esquissé, qui déjà se suffisait à lui-même, parce qu' il possédait les habiles moyens de former, d' après un système à la fois facile et arrêté, les mots nécessaires aux communications de la famille et de la société, et à la marche de la civilisation; aussi j' ose dire que les serments de 842 n' appartiennent pas seulement à une époque de création, mais encore à une époque de progrès.

Cet idiôme rustique roman était évidemment celui des habitants de l' empire français, sujets de Charles-le-Chauve, auxquels s' adressait le serment de Louis-le-Germanique, comme parties intéressées à son exécution, et qui eux-mêmes, se rendant garants des promesses de Charles-le-Chauve leur prince, répondirent dans le même langage.

Je l' ai déjà dit, et je le répète: le style de ces serments est encore grossier et informe; il paraît barbare aux personnes qui n' ayant pas fait une étude approfondie des langues néolatines, n' ont pas étudié leur origine, et, pour ainsi dire, assisté à leur formation, aussi simple qu'  ingénieuse; mais j' espère fournir les moyens de juger moins sévèrement cette romane rustique.

Mettrai-je sur le compte des copistes quelques fautes de transcription qui leur sont évidemment échappées? Non, sans doute. Ne suffit-il pas que les textes des deux serments offrent, dans leur ensemble et dans leurs détails, plusieurs accidents lexicographiques et grammaticaux, singulièrement remarquables et incontestablement décisifs, soit par leur existence en 842, soit par leur influence sur les langues de l' Europe latine?

Voici le texte de ces serments:

Serment de Louis le Germanique.

Pro Deo amur et pro xristian poblo et nostro commun salvament d' ist di en avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in ajudha et in cadhuna cosa; si cum om per dreit son fradra salvar dist, in o quid il mi altresi fazet; et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui, meon vol, cist meon fradre Karle in damno sit. 

(1: 

1.° Les lettres capitales indiquent les mots qui sont restés dans une ou plusieurs des langues néolatines;

2°. Les lettres italiques, les mots qui, avec une très légère modification, telle que le changement ou la suppression d' une voyelle, d' une consonne, appartiendraient à une ou plusieurs de ces langues;

3°. Les caractères romains désignent les mots purement latins;

4°. Les gothiques, les mots qui n' entrent dans aucune de ces trois classifications.)

Serment du peuple français.

Si Loduuigs sagrament que son fradre Karlo jurat, conservat, et Karlus, meos sendra, de suo part non lo stanit; si io returnar non l' int pois; ne io, ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla ajudha contra Loduwig nun li iver.

Observations sur les serments.

Dans le serment de Louis-le-Germanique se trouve le mot salvament; il n' était pas fourni par la langue latine, qui n' a que salvatio.

Qu'on ne soit pas surpris de cette transmutation; la romane rustique possédait déjà l' artifice lexicographique de s' approprier la racine des mots latins, et d' y adapter des désinences différentes et spéciales. 

(2: Le mot salvamentum, comme latin de basse latinité, paraît, en 857, employé dans une allocution de Charles-le-Chauve, qui pourrait bien n' être que la traduction d' un texte roman, et qui conserve beaucoup des tournures des serments de 842.)

C'est une circonstance très remarquable que ce remaniement du mot salvatio par la romane rustique, mais ce qui est plus étonnant c'est que le substantif Salvament se retrouve dans les six langues néolatines:

Troubadours. Salvament. Cat. Salvament. Esp. Salvamiento.

Port. Salvamento. It. Salvamento. Fr. Saulvement.

M' accusera-t-on de me faire illusion quand je trouve, dans un fait aussi frappant, la preuve d' une antique et incontestable affinité entre les langues néolatines, c'est-à-dire l' évidence d' un type commun, d' après lequel chacune s' est ensuite développée, en s' abandonnant au caractère particulier qui l' a distinguée?

Objectera-t-on que c'est là un phénomène qu' une série de circonstances heureuses a produit? Je répondrai en citant un autre mot qui, dans le même serment, offre une pareille transformation. C'est le mot roman Ajudha au lieu d' Adjutorium latin; la rustique romane avait changé ce dernier substantif neutre en un substantif féminin roman, Ajudha, employé dans le serment de Louis-le-Germanique et dans celui du peuple français. (1)

Ce même mot, dont la transmutation était jusqu'à présent restée inaperçue, comme celle de salvatio en salvament, se retrouve aussi dans les six langues néo-latines.

Troub. Ajuda. Cat. Ajuda. Esp. Ayuda.

Port. Ajuda. It. Ajuto. Fr. Ajude.

Dans le même serment de Louis-le-Germanique, il est un substantif qui n' appartient pas à la langue latine, le mot Plaid, traité, accord, plaid. 

(2: Vossius, de Vit. Serm., lib. IV, p. 722-3.)

Ce mot est resté dans les six langues néolatines:

Troub. Play, plait. Cat. Plet. Esp. Pleyto (N. E. pleito; chap. pleite)

Port. Pleito. It. Piato. Fr. Plet, plaid.

Qu' il me soit permis d' appeler une attention plus spéciale sur le substantif indéterminé OM roman; d' homo latin, employé dans le serment de Louis-le-Germanique.

Non seulement OM y remplit la fonction de substantif indéterminé; comme il la remplit toujours dans la langue française; mais encore il paraît, par les plus anciens monuments des langues néolatines, que toutes l' avaient conservé avec la même acception.

Troub. Om, hom. Cat. Hom. Esp. Omne, ome.

Port. Ome. It. Uom. Fr. Hom, on.

Cette forme hardie, qui, par un seul substantif, exprime une pluralité indéterminée, est très ancienne dans les langues néolatines.

Le poëme de Boèce, écrit avant l' an 1000, en offre l' emploi.

No comprari' om ab mil libras d' argent. (v. 198.)

On n' achèterait pas avec mille livres d' argent.

Les lois de Guillaume-le-Conquérant; qui datent de la seconde moitié du XIe siècle; nous montrent plusieurs exemples de ce substantif indéterminé.

Et de tant os cum home trarad de la plaie.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. XII.

Et d' autant d' os comme on tirera de la plaie.

Si femme est jugée à mort u à defaçum des membres, ki seit enceinte, ne faced l' um justice dès qu' ele seit delivrée.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. XXXV.

Si femme, qui soit enceinte, est jugée à mort ou à destruction de membres, qu' on ne fasse justice jusqu'à ce qu' elle soit délivrée.

La langue latine n' avait pas indiqué aux peuples qui bégayaient la romane rustique cet art d' individualiser une généralisation et de faire connaître par un substantif spécial que plusieurs personnes pensent, parlent agissent, soit ensemble, soit de la même manière.

Que cette forme ait été inventée par la romane rustique, ou qu' elle ait été empruntée d' un idiôme alors existant, la création ou l' imitation, adoptée par toutes les langues néolatines; peut-elle laisser quelque doute sur l' existence d' un type commun et primitif?

La romane rustique présente deux fois, dans le serment de Louis-le-Germanique, l' adjectif relatif Cist, formé du latin hiC ISTe.

Une telle transmutation n' indique-t-elle pas une langue qui a l' art heureux de composer avec les éléments latins les mots qu' elle veut adapter aux besoins de l' expression?

Cadhun fut un mot singulièrement composé, puisque le radical Cada, auquel Un fut adapté, ne se trouve pas dans la langue latine.

Est-ce lors de ses premiers essais, et de ses tâtonnements encore indécis, qu' une langue nouvelle peut ainsi composer des mots hybrides? Non, sans doute; ce n' est que de progrès en progrès qu' elle parvient à s' approprier de telles ressources.

O, d' HOC latin neutre;

LO, régime, substantif relatif, le, s' appliquant aux choses;

L', élision de LO, régime, substantif relatif, personnel, le;

IL, substantif relatif, personnel, sujet, il;

LI, substantif relatif, personnel, régime indirect, à lui,

sont des créations ou transmutations qui démontrent un système grammatical et lexicographique déjà très avancé; une habileté très exercée dans l' art de dériver du latin les expressions nécessaires à la nouvelle langue.

Le que, adjectif relatif, qui est devenu à la fois sujet et régime dans toutes les langues néolatines, emprunté à l' accusatif latin quem, est un fait qu' il importe de signaler particulièrement. Ce que est devenu un mot essentiel et très usuel dans ces langues.

Troub. Que. Cat. Que. Esp. Que.

Port. Que. It. Che. Fr. Que.

Dans le même serment de Louis-le-Germanique, on lit l' adverbe altresi, composé d' alterum sic. Cette sorte de création lexicographique prouve évidemment l' existence non seulement actuelle, mais même très ancienne, de l' idiôme qui se donnait ainsi des adverbes composés. Ce fait seul serait très remarquable, très décisif; mais il y a plus, cet adverbe de la romane rustique s' est conservé dans les six langues néolatines.

Troub. Atresi. Cat. Altresi. Esp. Otrosi.

Port. Outrosi. It. Altresi. Anc. Fr. Altresi.

Cette décomposition de la langue latine et la recomposition romane ne démontrent-elles pas; jusqu'à la dernière évidence, que cette langue rustique, dont il nous reste ces deux fragments de l' an 842, possédait à un haut degré l' art de créer, avec les éléments latins, les mots qui lui convenaient pour exprimer ou plus clairement ou plus rapidement les sentiments et les idées?

De l' adverbe latin quomodo, la rustique romane, enlevant la désinence odo, produisit l' adverbe ou conjonction Quom, Cum, que les langues néolatines adoptèrent.

Joint à si; de sic latin, Com forma une conjonction composée qu' on trouve dans le serment de Louis-le-Germanique.

Le poëme de Boèce employa Cum et Sicum.

Lainz contava del temporal, cum es,

De sol et luna, cel et terra, mar, cum es.

Poëme sur Boèce, v. 97 et 98.

Là il contait du temporel, comme est;

De soleil et lune, ciel et terre, mer, comme est.

Si cum la nibles cobr' el jorn, lo be ma.

Poëme sur Boèce, v. 133.

Ainsi comme le brouillard couvre le jour, le bien matin.

Troub. Com. Cat. anc. Esp. anc. Port. anc. It. anc. Fr. Com.

It. mod. Come. Fr. mod. Comme.

Troub. Si com. Cat. Axi com. Esp. Así como.

Port. Assim como. It. Si come. Anc. Fr. Si com.

La préposition AB, employée dans le sens d' avec, comme le constate le serment de Louis-le-Germanique, n' est restée que dans la langue des troubadours et dans la langue catalane. (N. E. como si fueran distintas.)

Mais quoique AB n' ait pas été expressément conservé ou adopté par les autres langues néolatines, je dois dire que la préposition A, contraction évidente d' AB, quand elle offre le sens d' avec se retrouve dans ces langues. (1: (1) Voyez ci-après le Lexique roman, p. 3.)

N' était-ce pas aussi un habile remaniement de la langue latine que de former le verbe Retornar, employé deux fois dans le serment du peuple Français, dans le sens de ramener, détourner, en ajoutant l' augment RE au primitif latin tornare? (2: Voyez l' introduction contenant les preuves historiques de l' ancienneté de la langue romane, t. Ier du Choix des Poésies originales des Troubadours, p. IX.)

Ce verbe de la romane rustique retornar, a aussi été adopté par les six langues néolatines:

Troub. Retornar. Cat. Retornar. Esp. Retornar.

Port. Retornar. It. Ritornare. Fr. Retourner.

J' ai annoncé l' existence d' accidents grammaticaux qui prouvent que la langue romane rustique avait créé ou adopté des formes spéciales, des principes caractéristiques. J' indiquerai notamment quatre de ces accidents dont l' existence est constatée par les serments de 842.

1°. Il en est un qui paraîtra de peu d' importance; toutefois, uni aux autres preuves, il sert à les corroborer.

Dans mes travaux précédents (1) j' avais eu occasion d' énoncer que les prépositions DE et A, qui dans l' organisation de ces langues suppléent, par leur action, au défaut des désinences indicatives des cas, étaient souvent supprimées devant les noms propres, et on sait que cette

forme est long-temps restée dans la langue française, qui, aujourd'hui même, en conserve encore des vestiges dans les mots Fête-Dieu, Hôtel-Dieu, etc., etc., où DE est supprimé.

(1: Grammaire romane, articles. - Grammaire comparée, etc., pages 20-22.)

Cette forme spéciale se trouve dans les serments de 842.

Pro () Deo amur; DE supprimé;

() Cist meon fradre in damno sit; A supprimé;

Que () son fradre Karlo jurat; A supprimé.


2.° La rustique romane, en acceptant les mots latins, retranchait ordinairement la désinence: de l' infinitif en ARE, elle fit AR, signe caractéristique du présent des infinitifs de la première conjugaison: 
aussi on lit dans les serments, Salvar, Returnar.

3° Un des artifices grammaticaux de la nouvelle langue, fut de composer son futur de l' indicatif, en adaptant, à ce présent de l' infinitif, le présent ou la désinence du présent du verbe haver; avoir.

Salvar suivi d' AI, première personne du présent de l' indicatif du verbe Aver, produisit la première personne du futur dans Salvarai. (1)

Prindrai fut formé de la même manière de l' infinitif Prindre, et d' AI première personne du présent de l' indicatif d' aver. (2)

Je ferai remarquer que l' existence de ces deux futurs, dans les serments de 842, démontre que la conjugaison du verbe aver employait AI à la première personne du singulier, et il est sans doute permis d' en conclure qu' à cette époque ce verbe possédait sa conjugaison régulière, telle qu' elle s' est trouvée établie par les preuves que des citations d' ouvrages très anciens ont fournies.

En effet, dans des actes de 960 (3) on trouve:

La seconde personne du singulier en AS, daras;

La troisième personne en A, devedara;

La première personne du pluriel en EM, darem;

La seconde en EZ, commonirez;

La troisième en AN, absolveran.

(1) J' ai eu occasion de dire et de prouver que le conditionnel roman fut formé de la même manière, en joignant au présent de l' infinitif l' imparfait ou la désinence de l' imparfait du verbe aver.

(2) Et ainsi des autres personnes:

Sing. 2e. Salvaras.

3e. Salvara.

Plur. Ire. Salvaravem.

2e. Salvaravetz.

3e. Salvaran.

De même de prindre, prendrai, prendras, prendra, etc.

(3) Choix des Poésies originales des Troubadours, t. II, p. 40 et suiv.


L' ancien français offre des exemples frappants de la forme primitive de ce futur, quand, au lieu d' aurai, aura, il dit averai, averad.

Celui qui l' averad troved.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. VII.

Ou vuelle ou non, je l' averai.

Roman du Renart, Chabaille. Var., p. 182.

La langue des troubadours avait une sorte de futur composé an a far; 

l' espagnole dit encore ho a far, etc.

La langue portugaise, outre le futur ordinaire, avero, averas, etc. a conservé un futur composé:

Ho de aver, j'ai à avoir.

Has de aver, tu as à avoir.

Ha de aver, il a à avoir.

Si l' on m' oppósait que des langues néolatines terminent la première personne du futur au singulier, non par AI mais par È ou O, etc., je répondrais que cette circonstance même confirme le principe; car les langues n' ont pas HAI à la première personne du verbe aver (N. E. Lo chapurriau sí, hai o hay + partissipi), mais HÉ, HO, etc., etc.; ensuite elles prennent à la seconde et à la troisième, AS, A; en se conformant toujours à leur propre conjugaison du verbe aver.

L' existence des deux futurs contenus dans les serments de 842, permet donc d' admettre qu'à cette époque les règles des conjugaisons des verbes, et surtout celles du verbe aver, étaient établies, connues et observées.

4°. Mais la circonstance qui, dans les serments de 842, achève de constater l' existence parfaite de la langue romane rustique, c'est d' y trouver son caractère le plus essentiel, sa forme la plus spéciale, le signe qui dès lors distinguait le sujet du régime par la présence ou l' absence d' un S final.

On y remarque:

Sujets. Régimes.

Deus, Deo.

Loduuigs, Loduwig.

Karlus, Karlo, Karle.

Meos, Mon, meon.

Neuls, Nul.

Aucun S final n' accompagne les autres mots employés comme régimes, amur, salvament, xristian, fradre, dreit, Ludher, plaid, vol, sagrament, etc.

Ai-je besoin d' insister sur les conséquences qu' on peut tirer de l' existence de cette règle avant 842? Qui ne serait convaincu de l' ancienneté de la langue rustique primitive, quand on reconnaît que, dès cette époque, elle employait un mécanisme aussi simple et aussi ingénieux, et surtout aussi utile à la clarté du discours?

Tels sont les signes principaux qui révèlent dans les serments de 842 l' existence d' une langue déjà formée, soumise à des principes constants et à des règles fixes.

Ces serments contiennent cent quatorze mots.

Quatre-vingt-cinq (1) appartiennent à la romane rustique primitive, puisqu' ils se retrouvent dans une ou plusieurs des langues néolatines.

(1) En voici les preuves:

Deus, Deo.

Les troubadours avaient Deus, sujet; et Deu, régime.

Anc. Port. Qual dona Deus fez mellor pareçer?

Canc. do coll. dos Nobres de Lisboa, p. 58.

Anc. It. Deo, voce che s' incontra frequente negli antichi, sebbene non

sia per lo più in uso presso i moderni:

Sol per servire alla magion de Deo.

Guitt. d' (Arrezzo) Arezzo, Not. 371, p. 274.

Amur.

Anc. Fr. Ai-jo vers Deu greignur amur.

Marie de France, t. II, p. 412.

Et, Et, Et, Et, Et, Et, Et (1: Je crois devoir répéter les mots aussi souvent qu'ils se rencontrent dans les serments), a été employé dans toutes les langues néolatines; quelques unes, celle des troubadours, l' ancien français, l' italien, ont parfois supprimé le T, surtout devant une consonne; l' ancien catalan et l' ancien espagnol disaient E, et; ensuite ces langues ont adopté en place la conjonction Y (N. E. o I).

Xristian, de christianus, latin. Voilà une opération de la langue romane rustique sur la langue latine. Ce mot a été formé par le retranchement de la désinence latine, caractéristique du cas.

Les troubadours ont toujours employé christian.

Le catalan employa cristiá, l' A accentué équivalant à AN; l' espagnol,

le portugais, l' italien, ont seulement ajouté l' O final euphonique, qui

a produit christiano (N. E. cristiano).

L' ancien français conserva long-temps, surtout dans le style de la

chancellerie, le type primitif de la romane rustique. On lit encore

dans les ordonnances de Louis XI:

Nostre dit Saint Père, comme bon père, et pasteur du peuple chrestian.

Ord. des Rois de France, 1478, t. XVIII, p. 425.

Poblo. L' ancien espagnol employait ce mot, qu' il a depuis modifié en pueblo.

Voyez le Fuero juzgo, passim, et le Glosario de Voces antiguadas (anticuadas), etc., qui est à la suite.

Nostro.

Anc. Esp. It. Nostro.

Commun, de communis, latin. La langue rustique l' avait modifié en

commun par le retranchement de la désinence latine.


Troub. Comun. Cat. Esp. Commun (comú; común). Port. Commum. 

It. Commune. Fr. Commun.

Salvament. J' ai déjà fait observer que ce mot était le produit d' une

opération systématique de la langue romane primitive.

La langue des troubadours, le catalan et le français conservèrent * cette désinence; le français, dans ce mot, ainsi que dans beaucoup d' autres, changea l' A intérieur en E, l' espagnol, le portugais, l' italien, joignirent à MENT la finale euphonique O.

D', DE. DE, latin, fut adopté par la langue des troubadours, par le français, le catalan, l' espagnol, le portugais, et même par l' italien, qui aujourd'hui emploie di; mais jadis il avait employé DE.

Quoique les dictionnaires de la langue italienne n' indiquent pas cette particularité, elle est constatée par des exemples tirés des auteurs anciens.

Lo cor fu paventato

De la sua annunciata.

od. VI.

Ma de la temperanza e pietate

La misericordia sì e nata.

Jacopone da Todi, cant. II.


IST, CIST, CIST.

Ist, d' iste, latin; cist, d' hiciste, latin.

La langue des troubadours adopta ist, est.

Cette même langue, et celle des trouvères, conservèrent cist, et employèrent cest.

Les anciens écrivains italiens, entre autres Dante et Pétrarque, se sont servis d' ESTO, d' ESTA, mais on a prétendu, et le Tasse lui-même a partagé cette erreur (1: Dans ses annotations sur Dante.), qu' ESTE était la sincope de questo.

Il est évident qu' ESTO, italien, venait d' ist des serments de 842.

Le Vocabolista bolognese, p. 146 (2: Gio. Antonio Brunaldi, Vocabolista bolognese. Bologna, 1660, in-12.), cite d' anciens vers où on trouve:

Perch' egli è re del popol d' esto regno.

Ainsi, il faut admettre que l' italien avait conservé cet esto comme la langue des troubadours et les autres langues de l' Europe latine.

Troub. Ist, est, cist, cest. cat. Est. Esp. Port. Este, isto.

It. Esto, questo. Fr. Cist, cest.

Di, de Dies, latin, resté dans la langue italienne, se trouve dans l' ancien français; les troubadours ont employé DIA. Il ne paraît pas invraisemblable que le passage du serment DI EN eût subi en DI l' élision de l' A, Dia en; mais je renonce à ce qui n' est que conjectures, quelque fondées qu' elles paraissent.

En, de IN, latin.

Ici la langue rustique romane a elle-même changé l' I en E.

Toutes les langues néolatines adoptèrent cet EN.

Troub. Cat. Esp. En. Port. Em. Anc. It. Fr. En.

Les grammairiens et les lexicographes italiens ont reconnu que l' ancien italien usait d' EN au lieu d' IN; ce qui n'est pas surprenant, puisque EN et IN sont également employés dans les serments. Mais il est á remarquer, au sujet d' ist di EN avant, qu' EN est mêlé dans une phrase formant un adverbe composé; ce qui permet de croire que cet EN était très ancien dans la romane rustique.

Vedi da che sei indulto

En ogni opra que vuoi fare.

Jacopone da Todi, lib. II, cant. 30.

En questa gloria di mala ventura.

Jacopone da Todi, lib. V, cant. 23.


Avant.

Troub. Cat. Avant. Anc. Esp. avante. Anc. Port. Aván. Fr. avant.


In, in, in, in, in, in.

On trouve dans le poëme sur Boèce:

Tot a in jutjamen. (v. 17.)

Tout a en jugement.

IN est resté dans la langue italienne.


Quant.

Troub. Cat. Quant. Esp. Port. It. Quanto (cuanto). Fr. Quant.


Mi, Mi.

Troub. Cat. Esp. Me, mi. Port. Me, mim. It. anc. Fr. Me, mi.

Fr. mod. Me, moi.


Si, si, adverbes d' affirmation, de SIC.

Troub. Cat. Esp. Port. It. anc. Fr. Si. 

(N. E. No olvidar el oc, òc, och, hoc afirmación)

Si, si, conjonction conditionnelle, du latin SI.

Troub. Cat. Esp. Si. Port. It. anc. Fr. Se. Fr. mod. Si.


Salvarai, salvar. Deux formes grammaticales essentielles de la langue rustique romane, dont il a été parlé page XI.


Eo, Eo, d' Ego,

L' ancien italien a employé EO, comme la langue des troubadours,

et le portugais EU.

In questa gente ch' EO descrivo adesso...

Barberini, Docum. d' amore, p. 35 et 107.

Ce serait ici le lieu de comparer quelques uns de ces quatre-vingt-cinq mots de la langue romane rustique avec les analogues des anciennes langues germaniques et des divers idiômes du Nord; j' ose croire qu' il en résulterait sans doute des rapports curieux, et peut-être d' utiles éclaircissements sur les origines de plusieurs des langues européennes.

Je me borne à constater un fait grammatical qui me semble de haute importance. 

J' ai prouvé que la romane rustique et toutes les autres langues néolatines ont admis le substantif indéterminé, HOM, om, on, d' homo, latin, pour exprimer une généralité de personnes.

Cette forme grammaticale a existé aussi très anciennement dans les langues germaniques et dans celles du Nord.

Le dictionnaire d' Alberti dit expressément d' eo, “che si trova frequentemente negli antichi poeti.”

Fradre, fradre, fradre, du latin fratrem.

Troub. Fraire. Cat. Frare. (N. E. chapurriau flare.)

Anc. Esp. Los fradres de la casa, omes bien acordados.

V. de S. Millán, cop. 351.

It. Frate. Fr. Frère.


Karlo, Karlo, Karle, de Karolus, latin.

Troub. Cat. Carle (Karles). Esp. Port. It. Carlo. (Carlos) Fr. Carle.


Ajudha, ajudha. Voyez page IV.


Cadhuna, j' ai déjà dit que c'est un mot hybride de la romane rustique, Voyez page VII.

Troub. Cada us. Cat. Cada hú. Esp. Cada uno. Port. Cada hum.


Cosa, du latin causa. Il est resté en italien.


Cum, de quomodo. Voyez page VIII.


Om, d' homo. Voyez p. VI.


Per, du latin per. Cette préposition a été adoptée par les troubadours, par la langue catalane et par la langue italienne.

On la retrouve dans l' ancien espagnol:

Fablar curso rimado per la quaderna via...

Cuemo se partet mundo per treb particion.

Poema de Alexandro, cop. 2 et 254.

Voyez le Glosario de Voc. antig., placé après le Fuero juzgo.

Anc. Port. Per flechas que eron lançadas.

Coronica del re D. Joanno, part. II, p. II.

Port. mod. Pera.

Au reste, on lit dans Paul Orose (Paulo Orosio), lib. VII:

Ante biennium romanae irruptionis, excitatae PER Stiliconem gentes

Alanorum. (N. E. alanos)

Et dans la Chronique d' Idace:

Superatis per Aetium in certamine Francis...

De Africa per Placidiam evocatus.

Rec. des Hist. de Fr., t. 1, p. 597 et 617.


Dreit, du lat. directum.

Troub. Dreit. Cat. Dret. Esp. Derecho. Port. Diricto. It. Dritto. Fr. Droit.
(N. E. aragonés dreito, dreyto; ver drecho)


Son, son, de suum.

Troub. Cat. Son. Anc. Esp. So. (moderno su)

Mandato de so señor todo lo han a far. Poema del Cid, v. 434.

L' italien a aussi employé so.


O, d' hoc, latin; cela, le.

La langue des troubadours a conservé cet o.

On le retrouve dans l' ancien portugais:

Que assi o provaria.

Doc. de 1315. Elucidario, t. I, p. 451.


Il, lo, l', li, substantifs relatifs.

Il, d' ille, est resté dans le français comme sujet, et a été employé parfois en italien comme régime.

Lo, l', s' est retrouvé dans toutes les langues néolatines.

Troub. Cat. Esp. Port. It. anc. Fr. Lo.

D' une part, ce conseil lo trait...

Que c' il tainent lo chapelain,

Il lo metront en mal pelain.

Nouv. rec. des fabl. et cont. anc., t. 1, p. 116 et 117.


Li, du latin illi.

Troub. Li. anc. Esp. Lli. It. Fr. Li.


Altresi. Voyez page VIII.


Ab. Voyez page IX.


Ludher, régime venant du latin Lotharius. (N. E. Alemán Luther, Lutero)


Nul, nulla, du latin nullus.

Troub. Cat. Nul. It. Nullo. Fr. Nul.

En cette acception, nul manque à l' espagnol et au portugais.


Plaid. Voyez pages V et VI.


Prindrai. Voyez page XI.


Qui, que, cui, du latin qui, quem, cui.

Qui, cui ont été conservés du latin.

Troub. Qui, cui, que. Anc. Cat. Que. Esp. Qui, que.

Port. Que. It. Che, cui, que. Fr. Cui, qui, que.


Vol, de l' indicatif du verbe volo.

Ce substantif, conservé par les troubadours, a été aussi adopté par

l' ancien français.

Troub. Don ieu dic que escurols

Non es plus lieus que sos vols.

R. de Tors de Marseille: Ar es dretz.

D' où je dis qu' écureuil n' est pas plus léger que sa volonté.   

Anc. Fr. Incontinent à son vueil obéirent.

Salel, trad. de l' Iliade, p. 127.


Loduuigs, Loduwig. Voyez page XIII. (Ludwig, Luis, Louis; Ludovico)


Sagrament, de sacramentum, conservé par les troubadours, le catalan et le français, avec la finale ment; et par les autres langues, en ajoutant à ment l' o euphonique.


Part, de l' accusatif latin partem.

Troub. Cat. Part. Esp. Port. It. Parte. Fr. Part.


Non, non, négation adoptée par toutes les langues néolatines.

Troub. Non, no. Cat. No. Esp. Non, no. Port. Não. It. Non, no. 

Fr. Non.


Jo, jo. Jo a été français et italien, yo espagnol (N. E. y catalán antes de Pompeyo Fabra). L' O, changé en EU, a produit chez les troubadours ieu, eu, et chez les Portugais eu; et depuis, changé en E, je dans la langue française.

Returnar. Voyez pages IX et X.


Ne, ne, de Nec, ni, latins, a été adopté par l' ancien provençal, par le français et par l' italien.

L' ancien espagnol l' avait employé:

En sacos ne en guilmas non podian caber.

Poema de Alexandro, cop. 1400.


Contra, du latin contra.

Adopté par toutes les langues de l' Europe latine, le français ayant seul changé l' A en E.


Le mot MAN, homme, a eu dans ces idiômes l' acception générale, et de plus l' acception particulière de substantif indéterminé.

Cette double acception se trouve dans l' anglo-saxon, dans le gothique d' Ulphilas.

Wachter, Gloss. germ., pense que cette forme a été fournie aux langues du Nord par la langue gothique. On trouve dans la traduction des Évangiles, par Otfrid:

Za nuzze grebit man ouh tar.

Ad utilitatem fodit homo quoque ibi,

Otfrid, Evang., lib. I, cap. 1, v. 137.

Voyez Ihre, Gloss. suio-gothic.

En danois, en suédois, en hollandais, en allemand (Mann; English man), MAN, substantif masculin, a conservé l' acception générale d' homme et l' acception particulière donnée à ON, roman. (N. E. alemán, man sucht, se busca, man macht, se hace, man weißt es nicht, no se sabe, etc.)

Je crois avoir prouvé que quatre-vingt-cinq mots des serments appartiennent à la romane rustique primitive.

Quant aux mots restants, 1°. il s' en trouve cinq purement latins. (1: Pro, pro, quid, damno, sit.)

2°. Cinq autres n' entrent dans aucune des classifications que j'ai indiquées; ils ne sont ni romans, ni latins. (2: Dist, doit; fazet, fera; stanit, tient; sendra, seigneur; iver, j' irai.)

3°. Dix-neuf mots peuvent, avec la plus légère modification, être comptés parmi ceux de la langue romane. (3:

Dunat, changé en dona par le changement de l' U en O et par la

suppression du T final.

Conservat, conserva,

Jurat, jura.)


Cette suppression en fait des troisièmes personnes du singulier au présent de l' indicatif roman.

Troub. Cat. Esp. Port. It. Dona, conserva, jura.

Le français a changé l' A final roman en E muet: donne, conserve,

jure.

Nunquam: il suffit de retrancher l' m.

Mica nonqua la te. Poëme sur Boèce, v. 14.

Mie jamais la tient.

Troub. Nonca. Cat. anc. Esp. Port. Nunca. Anc. Fr. Nonques.

Karlus, roman Carles (N.E. como Karles Puigdemont.).

Savir, podir; par une légère transmutation, saber, poder.

Troub. Cat. Esp. Port. Saber, poder. It. Sabere, potere. Anc. Fr. Saver, poer.


Meon, meon, meon.

Troub. Fr. Mon. (N. E. en chapurriau tamé: mon pare, mon germá, etc.)


Meos.

Troub. Meus. (N. E. en chapurriau tamé; estos llibres son meus.)


Fradra. Voyez page XVII, fradre.

Suo.

Troub. Sua.


Int, d' inde, latin.

Troub. Ent.

Ella 's ta bella reluz ent lo palaz. Poëme sur Boèce, v. 162.

Elle est si belle que le palais en reluit.

Anc. Esp. El non quiso ende parte nin óvo della cura. 

(óvo, ovo: hubo, tuvo)

Poema de Alexandro, cop. 1294.

Estaban maravilladas ende todas las gentes.

V. de Santa Oria, cop. 7.


Pois, pois, du latin possum.


Neuls, du latin nullus.

On a vu précédemment nul, nulla.

Nun, de non, latin.

Le véritable mot roman NON se trouve dans le serment du peuple français.


On ne saurait trop regretter qu' un document beaucoup plus considérable que les serments de 842 ne nous ait été transmis que dans une traduction latine, qui du moins constate son existence en romane rustique; je veux parler des allocutions que firent, en cette langue, Charles-le-Chauve et Louis de Germanie son frère, lors du traité de paix qu' ils conclurent en 860 à Coblentz (Koblenz, Coblenza), où ils avaient réuni des princes de leur famille, des évêques, des grands et leurs fidèles. On jugera aisément que les expressions de ce précieux document auraient confirmé ce que je dis sur l' existence et l' état de la langue romane au IXe siècle, et auraient fourni à mes assertions de nouvelles preuves et de nombreux développements.

Le roi Louis parla d' abord en langue théotisque; (1: Cette allocution fut longue, elle est traduite dans les capitulaires.

Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 141, 142, 143, 144.) 

Charles répéta la même allocution en langue romane. (2: Haec eadem domnus Karolus romana lingua adnuntiavit. Baluzio, Capit. Reg, Fr., t. II, col. 144.)

Louis de Germanie dit ensuite à son frère en langue romane: 

“Maintenant, si vous le voulez bien, je désire avoir votre parole au sujet de ces hommes qui me firent hommage de fidélité.” (3: Post haec domnus Hludouvicus ad domnum Karolum fratrem suum lingua romana dixit: “Nunc, si vobis placet, vestrum verbum habere volo de illis hominibus qui ad meam fidem venerunt.” Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 144.)

Et le seigneur Charles dit à haute voix en langue romane:

“Quant à ces hommes qui se conduisirent envers moi comme vous le savez, et vinrent auprès de mon frère, tous les méfaits dont ils se rendirent coupables envers moi je les pardonne à cause de Dieu et pour

son amour, et afin d' obtenir sa grâce: je leur accorde les alleux qu' ils ont eus par héritage ou par acquêt et par donation de notre Seigneur,  exceptant ce que j' avais donné moi-même, s' ils me fournissent l' assurance qu' ils seront en paix dans mon royaume, et qu' ils y vivront comme des chrétiens doivent vivre dans un royaume chrétien, et cela si mon frère accorde également à mes fidèles qui ne commirent aucun méfait envers lui, et qui m' aidèrent, quand il en fut besoin, les alleux qu' ils possèdent dans son royaume. Quant à ces alleux, et même quant aux fiefs que les autres obtinrent de moi, j' agirai envers ceux qui reviendront à moi, sans prendre d' engagement à cet égard, d' après ma volonté, comme je le déterminerai mieux avec mon frère.” (1)

Enfin Charles parla encore en langue romane, exhorta à la paix, et exprima le voeu, qu' avec la grâce de Dieu, tous les assistants retournassent chez eux sains et saufs; il mit ainsi fin aux allocutions. (2)

(1) Et domnus Karolus, excelsiori voce, lingua romana dixit:

“Illis hominibus qui contra me sic fecerunt sicut scitis, et ad meum fratrem venerunt, propter Deum et illius amorem et pro illius gratia, totum perdono quod contra me misfecerunt, et illorum alodes de hereditate et de *conquisitu, et quod de donatione nostri Senioris habuerunt, excepto illo quod de mea donatione venit, illis concedo, si mihi firmitatem fecerint quod in regno meo pacifici sint, et sic ibi vivant sicut christiani in christiano regno vivere debent. In hoc si frater meus meis fidelibus, qui contra illum nihil misfecerunt, et me, quando mihi opus fuit, adjuvaverunt, similiter illorum alodes, quos in regno illius habent, concesserit. Sed et de illis alodibus quos de mea donatione habuerunt, et etiam de honoribus, sicut cum illo melius considerabo, illis qui ad me se retornabunt, voluntarie faciam.”

Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 144.

(2) Et tunc domnus Karolus iterum lingua romana de pace commonuit, et ut, cum Dei gratia, sani et salvi irent, et ut eos sanos reviderent, oravit, et adnuntiationibus finem imposuit.

Baluzio, Cap. Reg. Fr., t. II. Col. 144.

La traduction de ces diverses allocutions romanes a fourni plus de six cent cinquante mots latins, et il faut observer que tous les discours romans n' ont pas été traduits.

Voilà donc sept à huit cents mots romans dont l' existence au IXe siècle est constatée, et qui auraient sans doute fourni le moyen de compléter la démonstration qu'à cette époque cette langue avait déjà reçu la plupart

des développements et des genres de perfection qu' on a remarqués dans les langues néolatines.

Mais si ces preuves utiles, quoique surabondantes, manquent, il me sera permis de recueillir et de rapprocher celles que fournissent divers fragments de cette langue romane rustique à l' époque de 960. (1)

Dans le peu de mots qu' ils ont conservés, ces fragments offrent une correspondance intime avec le style des serments de 842, et il n' est pas possible de méconnaître l' identité des formes grammaticales et lexicographiques. (2: Choix des Poésies originales des Troubadours, t. II, p. 49 et s.)

Serments de 842. Actes de 960.

Substantif, Sagrament. Sacrament, p. 50.

Subst. et adj, Li. Li tolra, li devedara, p. 40, 42.

Relatifs. Lo, l'. Lo tornara, p. 40.

O. Non o farai, si o tenra, p. 46, 42.

Que. Que combatre, p. 41.

Que no las, per so que, p. 42, 43.

Adj. indét. Nul. Nul, p. 45.

Verbes. Salvar, returnar. Trobar, p. 46.

Salvarai, prindrai. Tolrai, vedarai, prendrai, p. 41.

Négation. Ne, non. Ne las, ne no, p. 45.

Préposition. Ab. Ab ti, ab te, ab els, p. 44, 43, 46.

Per. Per bataillia, p. 41.

Ajouterai-je qu' il a existé, conformément aux conciles de 813, des homélies, des discours, qu' adressaient au peuple les ministres de la religion, expressément chargés dé prêcher en romane rustique

(1: Homelias quisque aperte transferre audeat in rusticam romanam linguam. Labbe, Concil. de 813, t. VII, col. 1263.)

Mais à défaut de ces documents qui expliqueraient et démontreraient toujours plus évidemment les principes ingénieux, les regles simples et habiles qui présidèrent à la formation et au développement de la romane rustique, on peut établir et indiquer avec succès la comparaison et les rapports des diverses langues néolatines; oui, l' homogénéité de leurs imitations de la langue latine, l' unité méthodique des modifications qu' elles ont ou faites ou acceptées comme de concert, fourniraient à elles seules la preuve incontestable de leur unité, et de l' existence d' un type primitif intermédiaire, d' après lequel chaque langue paraît avoir développé, ou plus tôt ou plus tard, les moyens communs à toutes, en marquant son individualité par des formes spéciales, des particularités caractéristiques.

Tableaux

miércoles, 2 de noviembre de 2022

XVIII. Carta restaurationis et dotationis Ecclesiae Collegiatae S. Mariae de Organniano an. MXC. (1090)

XVIII. 

Carta restaurationis et dotationis Ecclesiae Collegiatae S. Mariae de Organniano an. MXC. (1090) (V. pág. 57.)

Ex autogr. in arch. Eccl. S. Mariae de Organniano. 

Regnante in perpetuum Jesu Christo filio Dei vivi Domino nostro, anno ab eius Incarnatione post millesimum nonagesimo. Era quoque millesima centesima vigesima octava, Indictione quarta, Hebdomada mensis Junii prima ante solemne festum Pentecosten, die Cillenia. Omnipotens Deus Pater, et Filius, ac Spiritus Sanctus inspiravit in cordibus suorum fidelium piorum proborumque Principum terrae, videlicet, Guitardi, natus Isarni, necnon et Gebellinae suae coniugi venerandae, quatinus visitarent Beatae perpetuaeque Dei Genitricis Mariae aulam, et a captivitatis nexibus, quibus hucusque ab exordio sui initii connexa fuerat, solverent eam, et, secundum quod coeli Reginam decet, illam facerent ingenuam, et ab omni prorsus servitutis iugo liberam. Quae sub decreto, ac consilio Domni Sanlani almae Urgellensis Ecclesiae Episcopi olim ab Isarno proavo illius Guitardi solo tenus extitit fundata in Sigeris fluminis (Segre) hora, in valle Caboecii nuncupata, et de suis propriis donis tunc temporis ditata, et a praelibato Episcopo fuerunt sibi firmata illa dona, et condotata. Deinde post tempora longa non fuerunt habilia Isarno genitoris praefati Guitardi illius aulae edificia, et sub consilio ac praecepto Beatissimi ac egregii Praesulis Sanctae Urgellensis Ecclesiae Hermengaudi fuerunt a fundamentis eversa, et sicut nunch evidenter patent cuncta reedificata, et multo melius, quam non erant, opitulante Deo restaurata; et haec edificia ab illo Isarno fuerunt cepta et consumata, et de suis propriis largitionibus accumulata. Deinde longa post spacia, postquam Sanctus Praesul Ermengaudus ab hac patria migravit ad supera regna, et Domnus divae memoriae Guilelmus Pontifex post Domnum Episcopum Eriballum successor extitit in almae Dei genitricis Sedis kathedra, invitatus et rogatus a jam dicto Isarno venit in locum illum, el honorifice ac legitime consecravit praefatam, quam Isarnus nuper edificaverat sub honore matris Dei, aulam, atque tradidit et condotavit ei omnia cuncta mobilia seu immobilia, quaecumque a fidelibus Dei a primordio sui initii fuerunt sibi oblata, vel quocumque modo tradita, et legaliter confirmavit ea in dotis scriptura; neque praetermissit ea quae deinceps esset adquisitura, quin necteret ea sub anathematis vinculo, simili modo sicut praeterita. Qui videlicet proavi atque avii, et genitores sepe dicti Guitardi, licet propriis donis mobilibus ac immobilibus ditarent, locupletarentque praenominatam Sanctae Mariae aulam, et quamvis ore proprio sponderent inde facere, aut Monasterium de Monachis, aut Abbatiam de Clericis Deo, inibi secundum Canonicam institutionem militantibus; tamen incongrue inordinatam eam relinquerunt, quia secundum Sanctorum Patrum normam eam stabilire haud curaverunt, et quia illi propter inscitiam et incuriam prout deceret ea, quae tunc pleniter corrigere debuerant, non correxerunt, propterea in male usitato improboque tunc temporis more hucusque domum sepius dictam Dei stare permisserunt. ¡Et eheu! ¡proh dolor! Quia quae debuerat esse prorsus Domina, hucusque fuit quasi ancilla. Ac per hoc nos moderni praenotati, scilicet, Guitardus, et irremota Comes mearum rerum, quamvis indigni et ad hoc opus non bene idonei, tamen timore Dei perterriti, cordeque compuncti ac fervore Sancti Spiritus accensi, assumpto clipeo fidei, ne ultione divina queamus hoc scelere puniri, amplius non sumus passi ut Ecclesiam almae matris Domini, in quantum nostra sit potentia et virtute, sinamus inhonorari, improboque more deinceps infestari. Ideoque armati gladio verbi Dei Adalbertinum quendam dictum Clericum prius fuimus aggresi, quatenus ab infando et inlegitimo coniugio purgassemus sponsam matremque Regis coeli; et omnibus ingeniis quibuscumque quivimus apud illum agonizavimus. At frustra laboravimus, quia nulla argumentatione illum vincere potuimus; adeo erat suo ductore plenus ac robustus. Qui Adalbertinus dudum saltim per sexaginta annos praescriptam tenuerat Ecclesiam, et magno dedecore consumpserat suis cum familiis consecratum victum vestitum que Christi Ecclesiae, et uxorius preposuerat nefandam Galatheam (falta el guión, Gala + salta linea + theam) super Virginem Dei Genitricem Mariam. Nos vero nunc blandis illum sermonibus persuasimus, nunc vi ac terrore Dei coarctavimus, quatinus linqueret carnalem concubinam propter spiritualem sponsam, et linqueret luteam domum propter coeleste regnum, et commutaret rem temporalem et perituram saltim in ultima aetate propter felicissimam et aeternam gloriam, et semper apud Sanctam Mariam staret, ubi nihil ei deficeret donec carne viveret. Sed hoc invenire nequivimus; tantum apud illum non pugnavimus. Ad ultimum quia vidimus, quod nihil prevaluimus, eum oravimus ut saltim nostrum nobis linqueret honorem cum omnibus rebus sibi jure competentibus; qui hoc nullo modo acquievit, sed tandem nobis ait quod secundum sententias Sanctorum Canonum, ac decreta Romanorum Pontificum satisfaceret nobis. Nos autem illi respondimus, quia hoc nisi coacti non faceremus, sed pacifice nobis responderet, quia nos nullum praeiudicium illi facere volebamus; et hoc ipsum nulla ratione apud illum adquirere potuimus. Interim dum haec agerentur, et nimia anxietate animi nostra corda agitarentur, aliud accidit nobis periculum, quod fuit nostrum magnum dampnum. Quia archa, quae erat in praefata Ecclesia, qua continebantur cuncta Ecclesiae ornamenta, nostro peccato, nescimus quo pacto, aut quo ingenio, nocte fuit ab igne combusta, et in ea omnia quae continebantur, fuerunt miserabiliter absque ulla reservatione consumpta, codices omnes atque superaltaria, scripturas de omnibus alodiis quaecumque habebat, et usque hodie adquisierat Ecclesia illa, Ecclesiae dotalia, et vestimenta Sacerdotalia, necnon et superpellicia; et nil evasit quin consumeret ignis preter Ecclesia paupera. Et inter utrasque anxietates, atque inter utraque tentationum discrimina adeo nostra fuerunt conturbata corda, ut pene caruimus sensibus, et ecclesiastica cura. Tamen recordati post longa et innumerabilia suspiria, dolore cordis intrinsecus et extrinsecus tacti, non nostra sponte, sed coacti invitavimus suplicando et omnimodis obsecrando Archidiaconos et Canonicos Sedis Urgelli, Canonicosque religiosos Sanctae Mariae Celsonae, et religiosos Canonicos Cardonae; et omnes hii convenerunt in unum ante nos in praelibato Sanctae Mariae Organnani claustrum, quo interfuerunt suprafati religiosi, et illius clericos loci, et Domnus Ennego Prior Sancti Andreae, et ex laicis Domnus Bernardus Trasuarii, Arnallusque Guilaberti, et Guillelmus Arnalli, atque Guillelmus Riculphi, et alli nonnulli, in quorum praesentia fuerunt valde discussa Adalbertini praefati negotia. Et licet diu recalcitraret, et sui evasionem periculi ardentissime quaereret; tamen secundum sententiam Sanctorum canonum et Decreta Romanorum Pontificum fuit inibi omnino convictus, et cum omnibus rebus quaecumque habuit pater illius, et cum omnibus rebus mobilibus et immobilibus, quaecumque ille quocumque modo habuit a die sui hucusque ortus, ut veniret in potestatem Sanctae Mariae et eius fieret servus, fuit omnino adiudicatus. Qui cum sententiae (pone sententias) suae dampnationis audivit, illico (pone ilico) eas veras proculdubio recognovit, et sua sponte, nullo modo coacte, concubinam carnalem dereliquit, et nexo in gutture fune, nullo illum cogente, coram omnibus servum Sanctae Mariae se tradidit, et honorem illum ex integro reliquit, atque scripturam de omni alodio, quodcumque ille et pater illius umquam usque hodie habuerunt in omni Urgello, tam de emptionibus, quam de plantationibus, et de aprisionibus, excepto solo illo alodio, quod advenerat ei ab avo, quod reliquimus ei intuitu miserationis, cum medietate ex omni suo mobile, scribere praecepit; quam sponte propria manu firmavit, et super altare Sanctae Mariae illam posuit; et sic Sanctae Mariae suaeque canonicae jure perpetuo habendum contradidit. Si quis sane requisierit, cur ita fuit judicatus, sciat quia pater illius cum omni sua hereditate Sanctae Mariae fuit oblatus, et ad eius titulum ordinatus, et quamdiu vixit fuit suus clericus, et in hoc proposito permanente patre, fuit Adalbertinus inlicite genitus; ideo fuit sic judicatus. Ideoque nos superius dicti Guitardus videlicet cum conjuge, propter has superius comprehensas infestationes et controversias, et quia metuimus ne repentinus preocupet nos interitus, haec negotia prolongare amplius noluimus; sed sub assensu et imperio Domni Sanctae Ecclesiae Urgellensis Pontificis Bernardi, cunctorumque Archidiaconorum et Canonicorum Sedis Urgelli, Fulchonisque religiosi Proconsulis Cardonae, et religiosorum Canonicorum Sanctae Mariae Celsonae, cunctorumque sublimium virorum, tam religiosorum quam laicorum in omni Urgellico solo commorantium cupimus praelibatam Ecclesiam stabilire secundum institutionem sanctorum Canonum, et ut deinceps inibi degentes vivant et militent Deo secundum vitam Apostolorum, et secundum instituta Beati Augustini, et Sanctorum Patrum. Et ideo nos ambo praefati Guitardus cum coniuge, una cum semel dicto Domno ac venerabili viro Pontifice Bernardo pari voto et communi sensu tradimus, et per hanc dotem restauramus atque condotamus eidem Ecclesiae eiusque canonicae omnia alodia, possesiones, et praedia quaecumque olim ab aviis et proaviis, genitoribusque nostris, aliisque Dei fidelibus pro animarum suarum redemptione usque hodie a die qua sumpsit edificiorum exordia, quocumque modo, votive ac potentialiter sibi fuerunt collata, et ea quaecumque deinceps usque in aeternum erit undecumque acquisitura. In principio namque huius largitionis eidem Ecclesiae eiusdemque canonicae pro animarum nostrarum parentumque nostrorum redemptione tradimus et condotamus Ecclesiam Sancti Christophori de Aris cum tertia parte de decimis illius, et cum omnibus primitiis illius et oblationibus ac defunctionibus, et omnibus suis alodiis, sicut proavus meus Isarnus ab integrum hoc sibi tradidit, et condotavit. Simili modo tradimus et condotamus ei Ecclesiam Sancti Michaelis de Vilaris cum tertia parte de decimis, et cum omnibus primiciis suis, et oblationibus, ac defunctionibus, et alodiis suis, quam ipse Isarnus sibi dedit. Similiter ei condotamus Ecclesiam Sancti Martini de Spodilia cum tertia parte de decimis omnibusque primiciis suis, et oblationibus ac defunctionibus cunctis, et alodiis, sicut praefatus Isarnus ea sibi dedit. Simili modo condotamus ei tertiam partem de decimo de Villa Puioli, et de Villa de Amigdala (Almendra, Ametlla, Amela), et de Villa Serrae, et de Villa Puiali, et de Villa Organiani, et de Villa de Casclis, et de Villa de Fontanedi cum omnibus illarum Ecclesiolis, omnibusque illarum primiciis, ac oblationibus et defunctionibus cunctis, ac operibus et alodiis quae in praefatis locis habet Sancta Maria, et frequentationibus suae Ecclesiae; quae cuncta illi dedit praefatus Isarnus, eique condotavit apud Domnum Sallanum praelibatum Episcopum. Et cuncta haec praenuntiata habeat praedicta Sanctae Mariae Ecclesia eiusque canonica omni tempore absque districtu et vinculo ullius hominis aut feminae, et sine ullo servitio, quod non faciat ulli inde, nisi ad Sedem Sanctae Mariae faciant duos Sinnodos in anno, sicut constituit ipse Domnus Sallanus Episcopus, et habeat hoc sub senioratu Senioris Caboetii. Praeterea tradimus et condotamus eidem Ecclesiae eiusdem canonicae Ecclesiam Sanctae Fidei cum quantocumque hucusque conquisivit, et deinceps acquisitura erit usque in finem mundi; et condotamus atque ab integrum tradimus saepius dictae Ecclesiae et eiusdem canonicae omnem Villam de Fontanedi (Fontanet) cum omnibus hominibus commorantibus inibi, et deinceps usque in eternum in ea moraturis cum omnibus servitiis illorum et sensibus et operibus cunctis et totum quidquid facere deberent ulli homini de Villa illa, et de terminis illius, hostes, et mandata, et districtos, totum quantum facerent ulli homini, excepto duas partes de illorum decimo, sicut fuit ibi donatum a genitoribus nostris, quibus sit beata requies, et a memetipso Guitardo. Et insuper addimus eidem Ecclesiae, eiusdemque canonicae illam aquam quae venit de Fontanedi fonte (fuente, fontana de Fontanet), quam pater meus Isarnus dedit ibi, et per scripturam sua manu firmatam contradidit voluntarie sibi. Et adhuc addimus ei omnem Villam de Casellis cum omnibus hominibus habitantibus in ea, et cum omni illorum servitio quod facere debent homini ulli, excepto duas partes de illorum decimo. Et in Aris confirmamus ei duos mansos cum hominibus ibidem commanentibus, et cum omnibus illorum servitiis, et condotamus ei Capellaniam illam de Castellione etc... (en cursiva) Multa hic praeterea inseruntur dona, quibus parum, aut nihil proficit historia. Deinde sic prosequitur: Quae cuncta alodia, possesiones ac predicta mobilia atque immobilia superius tetro elemento specialiter et generaliter praesenti in pagina notata, nominata, et indicta, quae ab avis et proavis, genitoribusque nostris, et a nobismedipsis, et ab aliis Dei fidelibus, quocumque modo cum scripturis aut absque scripturis, praelibatae Ecclesiae eiusque canonicae dictu vel factu votive ac potentialiter ab exordio quo caepit edificii initium usque hodie pro animarum suarum ab averni ignibus liberatione, fuerunt oblata, et pro suarum votis cordium Sanctae Dei matris eiusdemque canonicae consecrata, et quaecumque deinceps ab hodierno die usque in aeternum quocumque modo a quibuscumque Dei fidelibus ultro pro animarum suarum remissione, aut pro quacumque tribulatione fuerint sibi collata, nos ambo sepissime suprafati, videlicet, Guitardus et comes mea sepe fata Gebelina, simul apud Domnum supra notatum, egregium catholicumque Praesulem almae Mariae Sedis Urgelli Bernardum pari voto ac communi sensu pro nostrarum culparum, parentumque nostrorum absolutione, et pro coelestis regni desiderio, quod Beatae Dei genitricis interventu post praesentem temporalemque vitam valeamus adquirere, irrevocabiliter tradimus et condotamus praefatae Ecclesiae Sanctae Mariae eiusdemque canonicae perpetualiter ad habendum absque blandimento et dominio ullius viventis hominis, cuiuscumque sit dignitatis aut mediocritatis aut parvitatis, nos exceptis, posterisque nostris. Quicumque ea, quae praemissimus, pro sui delicti remissione, et pro Omnipotentis Dei timore deinceps pleniter observaverit, et nullo modo inibi aliquid conturbaverit, sed pro Dei amore huius rei propagator et patrator existere curaverit, gratiam Dei Omnipotentis acquirat, praesentemque vitam absque ullo discrimine transeat, post hanc coeleste regnum sine fine possideat. Nos vero ea cuncta, quae superius impressimus, nominatimque nuncupavimus, sic ordinamus, et praedictae Ecclesiae eiusdemque canonicae connectimus, ut ab hodierno die usque in eternum neque nos ipsi, neque posteri nostri, neque ullus homo nobili, aut vili persona utriusque sexus masculini seu faemenini ausus sit ea divellere, vel vastare, aut surripere, aut invadere, aut in quoquam infestare, aut inhonorare. Si quis sane, quod absit, et quod non optamus, ausu temerario, instinctu diabolico, quocumque commento huius rei violator, aut temerator extiterit, aut quocumque ingenio convellere aut invadere, aut depopulare, aut deteriorare ea molitus fuerit, in primis iram Dei vivi incurrat, et cum proditore Juda, qui prius vir apostolicus, postea vilis apostata factus, luat penas in infernum damnatus, ibique in profundum stygii stagni (estany : estañ : laguna o estanque Estigio) demersus perpetualiter rotet eum per sonantia stagna vortex sulfureus; et insuper sit anathema et sacrilegus donec ad satisfactionem veniat, et res Ecclesiae in quadruplum sibi reddat, et secundum sanctorum instituta canonum poeniteat. = + Gitard Senior. = + Signum Gebeline: nos ambo accensi coelestis regni desiderio hanc dotem scribere oravimus et ardent animo eam confimavimus (confirmavimus), et firmare eam aliis rogavimus. = Sig+num Isarni Guitardi. = Sig+num Guillielmi Guitardi. = Sig+num Raimundi Guitardi. = Sig+num Mironis Guitardi. = Sig+num Raimundi Guillermi de Taus = Sig+num Arnalli Raimundi. = Sig+num Guillermi Arnalli. = Sig+num Guillelmi Riculfi. = Sig+num Berengarii Gauzeberti. = Sig+num Guillelmi Guitardi (el anterior es Guillielmi). = Sig+num Arnalli Gauzefredi. =  Sig+num Mironis Arnalli. = Guillelmus Arnalli Archidiaconus. = Miro Erimanni. = Berengarius Raimundi. = Petrus Canonicus Celsonae. = + Arnallus Mayoli, hac si indignus Canonicus. = + Bernardus Episcopus. = + Fulchone Vice-Comes. = + Petrus Abbas Sancti Saturnini coenobii subscribo. = Guillelmus Reimundi caput scolae subsc. = Miro Sacerdos. = + Guadallus Sacricustos. = + Raimundus Praesbyter. = + Stephanus Levita. = Lator legis ac juris Ermengaudus hanc à sumo usque deorsum scripsit dotem a praefatis Principibus jussus cum litteris suprapositis peractis XXIIII versibus et in epylogo solitum hoc + signum impressit libens ac devotus, in anno, et mense, ac die quo superius. = Raymundus Cardonensis Canonicus.