De la nomination que les Graduez des Universités ont sur les Ordinaires, & dont procede ceste ancienneté.
CHAPITRE XXII.
Par la Pragmatique sanction l' on extirpa tout d' une main, & les abus de Cour de Rome, & ceux qui estoient en France és Cours des Ordinaires, specialement par la nomination des Graduez, que les Evesques, bon gré mal gré estoient tenus de pourveoir à leur tour, sans gratifier leurs varlets: Toutesfois parce que ceste police fut incogneuë anciennement en l' Eglise, & que ce sont presque les premiers fondements qui en furent jettez, que ceux que nous recueillons de ceste Pragmatique sanction, il me semble n' être hors de propos, si je vous en dis deux mots en passant. Benoist XIII. voyant que tous les Ordres de la France s' estoient ahurtez à la substraction de son obeïssance, & qu' en ce fait il n' avoit point de plus fort, & redoutable ennemy que l' Université de Paris, qui lors ne tenoit pas petit rang, il remua toutes sortes d' avis à part soy pour destourner de luy ceste tempeste. Et à ceste cause fit present à uns & autres de choses qui ne luy coustoient pas beaucoup, aux despens des Ordinaires: & entre autres, comme j' ay touché cy dessus, envoya une forme d' Indult à l' Université de Paris, par lequel il luy permettoit de se nommer sur les Benefices des Diocesains. Ceste liberalité fut magnifiquement contemnee par elle: car aussi fut-elle faite vers l' an 1396. je veux dire lors que l' Université n' avoit encores eu le loisir d' esprouver l' ingratitude des Prelats de la France, comme elle fit puis apres: mais cecy luy servit d' amples instructions, & memoires, pour s' en fortifier encontre les Ordinaires. En l' an 1398. fust arrestee la premiere soubstraction de l' obeïssance de Benoist par l' Eglise Gallicane, & les Ordinaires remis en leurs anciennes, & primitives libertez pour la collation des Benefices: Toutesfois dés lors ils commencerent d' en abuser, & de les conferer à gens indignes, ne mettans en nulle ligne les gens, & supposts de l' Université, laquelle pour ceste cause dés l' an ensuivant, en fit plaincte au Roy: Et voyant que l' on ne luy faisoit nulle provision sur sa requeste, cessa de faire leçon tout un Karesme. C' est le premier mescontentement de ceste Université. Depuis par les practiques des grands, fut ceste ordonnance supprimee en l' an 1400. & neantmoins deux ans apres, remise sus: Toutesfois les Evesques s' oublians encores ce coup cy à l' endroict de l' Université: & mettans au rang des pechez oubliez les personnages de merite, distribuoient leurs Benefices à gens de peu d' effect, & valeur. Qui fut cause que l' Université commença de retirer son espingle de ceste querelle, & au lieu où par le passé elle avoit crié, & justement, contre les entreprises des Papes, elle cria encores plus justement encontre les abus que commettoient en cecy les Ordinaires. Vray qu' elle s' en dispensa licentieusement. Qui luy fut d' un costé cher vendu, d' un autre cela leur servit puis apres au cas de present. Car comme ainsi fust qu' en l' an mil quatre cens soixante quatre, le Pape Jean XXIII. eust obtenu en la Cour du Roy la suppression de l' ordonnance de l' an 1406. & neantmoins que depuis elle fut derechef publiee en Parlement le 15. Fevrier 1417. l' Université indignee que l' on remettoit les Ordinaires en leur ancienne franchise, dont elle recevoit si peu de bien, s' en formalisa, & appella de l' ordonnance du Roy, de la reformation des abus de Rome, devant le Pape: Quoy faisant, elle commettoit double faute, l' une appellant de l' ordonnance du Roy publiee au Parlement, l' autre, d' en appeller au Pape. En haine dequoy la Cour fit derechef publier ceste mesme ordonnance, le vingt-septiesme du mesme mois. A quoy se trouvans le Recteur, & autres supposts de l' Université, un nommé des Portes proposa: lequel apres plusieurs paroles, dit qu' il estoit appellant des Evesques, qui se vouloient attribuer toutes collations de leurs Benefices, & n' en bailloient point aux Graduez, requerant qu' on le laissast pourvoir pardevant le Pape, comme au precedent. Advoüé en cecy par le Recteur, & supposts, qui exhiberent publiquement l' acte de leur appellation. Sur cela, l' Advocat du Roy prenant la parole, remonstra qu' ils avoient encouru un crime de leze majesté, entreprenans sur les droicts du Roy, & que de luy on n' appelloit point. Le Dauphin qui lors estoit present, fit saisir, & arrester le Recteur en la maison d' un chantre de la saincte Chapelle: & quant à des Portes, il fut envoyé en la Conciergerie du Palais, & ensemble tous les autres qui l' avoient advoüé. Le premier jour de Mars ensuivant l' Université supplie la Cour pour les prisonniers: le deuxiesme renouvellement de prieres, & dit qu' elle n' avoit jamais entendu appeller des constitutions du Roy, ains seulement des Evesques, en fin les prisonniers furent eslargis: Mais à la charge qu' ils se transporteroient vers Monsieur le Dauphin, & luy declareroient que jamais ils n' avoient eu opinion d' appeller des Ordonnances Royaux, ausquelles ils vouloient obeïr, & entant que besoin estoit, se deportoient de leur appel. C' est paravanture le premier encombre que receut l' Université durant ces tumultes publics: mais encore rapporta-elle de ce mal un grand bien. Car combien qu' au Roy & au Parlement demourast la victoire, comme il estoit raisonnable, toutesfois ne desirant plus revenir en cest accessoire, & pour apprester occasion à l' Université de contentement, jamais on ne parla depuis de la reformation des entreprises que l' on faisoit à Rome sur les Ordinaires, qu' il ne fust aussi mis en avant de celles que faisoient les Ordinaires, au prejudice des gens d' honneur, & sçauans de la France, qui avoient pris leurs promotions, & degrez dans les Universitez fameuses. Et ce fut la cause, pour laquelle il en fut faite mention expresse en la Pragmatique sanction: & encores les choses mieux policees pour eux par le Concordat, comme le temps apporte tousjours pollisseure aux affaires, qui sur leur commencement semblent brusques.