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viernes, 9 de junio de 2023

3. 13. Que depuis la venuë de Hugues Capet, jusqu' au regne de S. Loys ...

Que depuis la venuë de Hugues Capet, jusqu' au regne de S. Loys les Papes s' authoriserent plus en grandeur sur les Evesques & Ordinaires, qu' ils n' avoient fait auparavant, et dont en proceda la cause. 

CHAPITRE XIII. 

Des le temps de l' Empereur Arnoul, avoit esté fait un Concil en la ville de Tibour l' an 895. portant entre autres articles cestuy: In memoriam beati Petri Apostoli honoremus sanctam Romanam Apostolicam sedem, ut quae nobis sacerdotalis dignitatis mater est, debeat esse magistra Ecclesiastica rationis. Quare servanda est cum mansuetudine humilitas, ut licet vix ferendum, ab illa sancta sede imponatur iugum, feramus & pia devotione toleremus. Ce Concil fut tenu en Allemagne, & ne sçay s' il fut observé selon sa forme & teneur, bien vous diray-je que tout ainsi que nos Evesques de France ne s' y trouverent, aussi n' en sceumes nous l' usage tant que la seconde lignee de nos Roys dura: Vray que sous la troisiesme, ce fut tout autre discours: Car jamais les Papes n' estoient arrivez à telle extremité de grandeur, comme ils se virent l' espace de cent ou six vingts ans, & me semble qu' il y eut deux causes qui les y pousserent. Nos voyages d' outremer, & le provignement de nouveaux Ordres de Religions & Monasteres. Les voyages d' outremer produisirent une infinité de Capitaines & Soldats, qui avec les armes materielles se promirent, sous l' authorité du S. Siege, de replanter la Religion Chrestienne au Levant: & les nouveaux Ordres de Religions, infinis guerriers, qui avecq' les spirituelles firent estat de restablir la discipline de l' Eglise, qui par les calamitez & desbauches des guerres estoient tombees en desolation.

Les voyages d' outremer commencerent sous Philippes Roy de France premier de ce nom, à l' instigation de Pierre l' Hermite, natif d' Amiens, sous l' authorité d' Urbain second, en un Concil tenu dans la ville de Clairmont en Auvergne. Auquel voyage le consentement general de tous les peuples Chrestiens condescendit. Et à la suitte de cestuy y en eust cinq autres, dont je parleray en leur lieu. En ces voyages pour les authoriser d' avantage, on avoit le premier recours au S. Pere de Rome. Puis chargeoit-on la Croix, le Bourdon, & l' Escharpe, comme si ce ne fust pas tant une guerre, qu' on alloit faire, qu' un pelerinage. Et s' estans les pelerins rendus diversement confez, ils s' acheminoient gaiz, & gaillards à ceste entreprise, comme asseurez d' acquerir par ce moyen Paradis. Ce que le Pape mesmes leur promettoit, leur donnant planieres absolutions de leurs pechez, & non sans cause. Car mourans en ces voyages pour la Foy & Religion Chrestienne, ils mouroient comme Martyrs. Or comme ainsi soit que deslors du premier voyage, chacun se voüast au sainct Siege de Rome, & que par son advis, il eust esté entrepris, au milieu de nostre Eglise Gallicane, aussi rapporta-l'on puis apres à luy tous les fruicts qui en provindrent. Dedans ces voyages se formerent quatre Ordres de Religieux portans les armes pour la deffence & protection de nostre Religion Chrestienne, les Chevaliers du sainct Sepulchre, les Chevaliers de S. Jean de Jerusalem, autrement Chevaliers de Rhodes, les Templiers, les Teutoniques, & Allemans, autrement Chevaliers de la Vierge Marie. Tous lesquels voulurent recognoistre pour leur seul Chef & Superieur le Pape.

Tout de ceste mesme façon nostre Eglise estant tombee en grand desordre par l' ignorance de nos Prelats, se planta une nouvelle devotion entre les bons & fideles Chrestiens, de fonder Ordres nouveaux de Religions & Monasteres. Qui fut l' accomplissement de la grandeur du sainct Siege, dessus tous les Ecclesiastics de la France. Car ceux-cy voyans le peu de soing qu' avoient eu les Evesques en la discipline Ecclesiastique sur leurs Dioceses, d' ailleurs que toutes les Abbayes anciennes lesquelles avoient pris source de S. Benoist, & ses disciples, estoient indifferemment donnees aussi bien aux gens Laiz, & seculiers, comme aux Ecclesiastics, pour ne tomber en ce desarroy, se voulurent affranchir des Ordinaires, qui leurs estoient mauvais garends envers les Roys, & avoir recours à la ville de Rome, sous la protection de laquelle ils se mirent, recognoissans le Pape principalement entre tous les autres. Encontr' eschange dequoy les Papes ne furent avaricieux en leur endroict. Car ils exempter les aucuns de la puissance de leurs Evesques, contre les coustumes anciennes de l' Eglise, & affranchirent les autres des dixmes qui estoient deuës naturellement aux Curez par la seule monstre de leurs clochers. Et de ces nouveaux Ordres le nombre n' en est pas trop petit, Clugny, Grandmont, la Chartreuse, Cisteaux, Premonstré, qui tous mesmement prindrent leur source & origine de ceste France. Et depuis se sont grandement espandus par toute l' Europe. Tellement que qui voudra considerer les affaires de nostre France de pres, ce n' est pas sans grande raison que l' on a donné à nos Roys le tiltre de Roys Tres-chrestiens de tout temps immemorial: Parce que chaque famille de nos Roys a dequoy se le vendiquer. La premiere, d' autant que quittant le Paganisme, auquel elle estoit nourrie se voüa non seulement à la foy Chrestienne, mais encores poussee d' un tresbon instinct, ne degenera point en l' erreur Arrienne, ainsi que firent plusieurs peuples qui butinerent l' Empire Romain. La seconde, pour autant qu' elle planta la Papauté en France. Et la troisiesme, pour avoir esté l' un des principaux motifs de ces voyages d' outremer, & que sous elle toutes ces grandes & sainctes Religions furent fondees en ceste France: à la suitte desquelles vindrent aussi les quatre Ordres des Mendians, qui pareillement eurent recours, ainsi que les autres à Rome. Lesquels depuis apporterent une infinité de fruit à la Chrestienté par leurs saintes exhortations. Qui m' a fait mille fois esmerveiller pourquoy Guillaume de sainct Amour, & apres luy Jean de Meun en son Romant de la Roze, les abhorroient, pour avoir voüé une pauvreté, tant en general que particulier. Car la mendicité dont ils font profession n' est une mendicité telle qu' est celle d' un tas de mendians valides & vagabonds, qui pour demourer perpetuellement inutiles à la Republique, vont caïmandans par les maisons. Au contraire ce pauvre peuple vacquant journellement au service de Dieu, & aux presches, se remet à la devotion des gens de bien, de luy faire aumosnes, selon qu' ils pensent le meriter. Et n' y a plus grand moyen pour ruiner la devotion, que la grandeur des biens, & possessions terriennes, que l' on donne à perpetuité aux Eglises. Parce que soudain que nature se trouve gorgee, & à son aise, elle quitte fort aisément ce qui despend de la necessité de sa charge, pour s' adonner à oysiveté, comme l' experience a depuis monstré en la plus part des autres Religions, lesquelles comblees de biens, semblent être demourees en friche, en ce qui dependoit de leur devoir: estant tout le faix tombé sur ces quatre Ordres derniers. Pour laquelle cause, quelques-uns voyans les demeures, ensemble les deportemens de tous ces Moines, dirent, que les Benedictins, qui furent les premiers Religieux prindrent pour leur partage les villes esquelles ils avoient choisi leurs domiciles: Et la pluspart des autres Ordres, les champs, forests, & montagnes: Tellement que s' estans de ceste façon accommodez des choses terriennes, ces derniers, qui portent le nom & tiltre de Mendians, prindrent pour leur lot seulement Le Ciel. Toutesfois soudain que l' on leur ouvrira la porte à la iouyssance des biens & possessions, comme il semble que l' on ait fait par le Concil de Terente, & qu' ils s' en trouveront remplis, il y a grandement à craindre qu' il ne leur en preigne comme aux autres. Si ne faut-il pas denier ce pendant que les premiers, aussi bien que ces derniers, n' ayent apporté tres-grande utilité à nostre Religion Chrestienne. Car ce fut le principal instrument, par lequel nostre Eglise fut reformee, & reduite en un meilleur train, du grand desbaux qui s' estoit trouvé en la France, sous la lignee de Charlemagne. Aussi au lieu que sous la premiere famille de nos Roys, & devant, on parloit des grands Evesques: sous ceste derniere on parla principalement des grands Abbez, & Religieux, qui florirent tant en ceste France, qu' ailleurs. D' uns Bernon, Odon, Odilon, trois premiers Abbez de Clugny, d' un Brunon fondateur de la Chartreuse, d' un S. Bernard de Clairvaux, d' un S. Dominique extirpateur par ses presches, de l' heresie Albigeoise, pour laquelle cause ceux de sa famille furent depuis appellez freres Prescheurs: d' un S. François premier, dont vindrent les freres Mineurs: d' un S. Bonaventure restaurateur de cest ordre: d' un S. François deuxiesme, qui fut Autheur des Hermites, que nous appellames Bons-hommes, parce que lors que ce sainct homme vint en France, à la semonce de Louys unziesme, la commune voix du peuple l' appella pour sa preud' hommie, Bon-homme. Et encores dans Hugues, & Richard Religieux de sainct Victor, d' uns Gratian, Raimond, Durant, Sigebert, Hugues Chartreux, Albert le Grand, & S. Thomas d' Acquin son disciple, tous deux de l' Ordre des freres Prescheurs, & une infinité d' autres que l' on peut recueillir de l' ancienneté, qui par oubliance ne tombent maintenant sous ma plume. Voire que les Evesques quittoient quelquesfois leurs Eveschez pour choisir ceste saincte conversation, comme fit Hugues Evesque de Grenoble coadjuteur de Brunon, & Albert Patriarche de Constantinople, l' un des premiers ordinateurs de la Religion des Carmes. Au contraire de leurs Religions estoient souvent appellez au premieres dignitez de l' Eglise, voire jusques à la Papauté. Car Eugene le tiers avoit pris l' habit de l' Ordre de Clairvaux de S. Bernard, & avons leu plusieurs Dominicains, & Franciscains être montez jusques à ce hault, & premier degré de l' Eglise. Sous la premiere lignee, c' estoit une forme de peine que de tondre, & releguer en une Religion un enfant d' ancienne maison. Sous ceste derniere, ce fut honneur. Et tout ainsi que sous les deux premieres lignees de nos Roys, les Evesques gouvernoient quelquesfois leurs maistres, aussi sous ceste derniere veit-on Hildebrand Moine de Clugny dans Rome, en ceste France Sugger Abbé de S. Denis, manier toutes les affaires, celuy-là de la Papauté, cestuy de nostre Royaume, & plusieurs autres de mesme qualité, pour les grands advantages qu' ils avoient aux lettres & sciences, soit en la Theologie, soit pour les anciens Decrets, & constitutions de l' Eglise, & pour les Histoires qui semblerent s' estre confinees dans leurs Cloüestres. Et mesmes sembloient thesauriser en livres dans leurs Monasteres, desquels jaçoit que l' ancienneté des ans, & le malheur de nostre temps nous en ait fait esgarer plusieurs, si recueille-l'on de leurs Biblioteques encores plusieurs beaux brins, dont l' on peut embellir le public.

Tous ces Abbez & Religieux ayans reduit leurs Republiques devotes sous l' arbitrage du sainct Siege, & les Evesques estans à demy reduits dés la seconde lignee de nos Roys, les Papes attaignirent lors au comble de grandeur sur tous les Benefices de la France, dont ils furent estimez les Generaux & Universels protecteurs, & non seulement sur les Benefices, mais aussi sur tout ce qui sembloit appartenir à la police Ecclesiastique. Et de la mesme façon que les Religieux, le semblable fut pratiqué par les Chanoines des Eglises Cathedrales. On avoit quelques siecles auparavant erigé en Colleges les Clercs, qui assistoient aux Evesques en leurs Eglises, que l' on appella Chanoines: ceux-cy pareillement se mettans sous l' authorité du sainct Siege, commencerent de se separer de table d' avec leurs Evesques, & leur faire teste. Tellement que les choses se passans en ceste sorte, nous allames chercher dans Rome les Pardons, & Indulgences, la confirmation de tous nouveaux Ordres de Religion: à nul qu' au Pape ne fut permis de canoniser la memoire des ames beatifiees, à luy seul appartint la planiere ouverture des Concils Generaux, & plusieurs autres choses de mesme suject, que nous ne pouvons ny ne devons luy envier pour une infinité de raisons que je laisse aux Theologiens, m' estant icy proposé seulement d' escrire l' Histoire de la Papauté, & comme elle a pris divers plis.