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miércoles, 21 de junio de 2023

3. 28. Du Concil de Trente,

Du Concil de Trente, & que l' Appel comme d' abus est un moyen par lequel on se peut pourveoir contre toutes les entreprises qui se font au prejudice des Libertez de nostre Eglise Gallicane. 

CHAPITRE XXVIII. 

Il y a doncques quatre pilliers sur lesquels est fondé l' Appel comme d' abus, la contravention aux saincts Decrets, aux Ordonnances Royaux, aux Arrests du Parlement, & l' Entreprise de Jurisdiction sur la seculiere. Pilliers que nous ne pouvons dire être nouveaux en ceste France. Car jamais ne fut que n' ayons combatu pour la manutention, & des saincts Decrets, & des Ordonnances du Roy, & des Arrests du Parlement depuis son establissement. Et quant à l' entreprise de Jurisdiction, bien que nous nous fussions relaschez, toutesfois depuis la venuë de Maistre Pierre de Congneres Advocat du Roy au Parlement, on ne passa plus par connivence ce desordre. Vray que tout ainsi que le Diamant brusque reçoit polissure par la main du bon Lapidaire, aussi l' Appel comme d' abus nous a apris de les sçavoir mettre en œuvre quand les occasions le requierent. Qu' ainsi ne soit, s' il advenoit maintenant qu' un Pape voulust de son authorité, envoyer en France un Legat, sans ample consentement du Roy, & de ceux qui y ont le principal interest en la France, nous ne tomberions en ce labyrinth, auquel se trouva Nanterre d' appeller du Pape à sa saincteté mieux conseillee: mais appellerions comme d' abus de l' execution (ou pour user du mot ordinaire de la fulmination) de ceste Legation, comme estant une entreprise sur les Ordinaires, au prejudice des saincts Decrets, qui leurs ont baillé leurs authoritez en & au dedans de leurs Dioceses. En cas semblable, s' il estoit advenu que par mal talent le Pape meit en interdiction le Roy, & son Royaume, pour l' exposer en proye au premier occupant, encores que nous fussions sur noz pieds d' en appeller au Concil futur: si est-ce que sans entrer en ceste involution, choisissant la plus courte voye, l' Appel comme d' abus nous y peut apporter remede, comme estant cecy une entreprise faite, non seulement contre les saincts Decrets, mais contre la parole expresse de Dieu, qui est plus forte, par laquelle il ne veut point que la Jurisdiction Ecclesiastique ait aucune puissance sur la Temporelle. Pour le faire court, nous pouvors sur ces modelles nous pourvoir contre toutes les entreprises qui pourroient être faites en la Cour de Rome, tant contre le Roy que les Ordinaires, voire contre les dispenses mesmes, quand on voit que par surprise, & obreption que l' on a fait au sainct Siege, elles tournent plus à la destruction, qu' edification de l' Eglise: Autrement, disoit Gerson, ce n' est user de la plenitude de puissance, mais abuser plainement de sa puissance. Et generalement nous pouvons user de ce remede contre tout ce qui viendra de Rome, qui sera prejudiciable à l' une de ces quatre propositions, esquelles nous avons reduit toutes les Libertez anciennes de nostre Eglise Gallicane. Et c' est pourquoy encores que le Pape en tous les mandemens qu' il decerne aux Ordinaires, leur enjoigne de proceder par Authorité Apostolique, quoy faisant ce seroit apporter prejudice à noz privileges: nous reduisons l' execution de ceste puissance Apostolique à l' Ordinaire, pour y observer les voyes Juridiques de France. Que si le Juge par luy delegué en usoit d' autre façon, & que l' on en appellast comme d' abus, on casseroit indubitablement tout ce qui avroit esté par luy edifié sur ces Bulles: voire que nous passons encores plus outre. Car combien que par les decisions communes de toute l' Eglise, le Concil general & universel fait par dessus la puissance du Pape: Toutesfois nous ne sommes tenus en ceste France d' obeyr à tels Concils, s' ils innovoient chose aucune au desadvantage de ces quatre fondemens generaux. Cela fut cause qu' au Concil de Constance fut envoyé Maistre Jean de la Riviere Advocat, pour être Procureur du Roy & depuis en son lieu, commis Maistre Jean Champenois le vingt-sixiesme Juin mil quatre cens seize, pour defendre les droicts & privileges de nostre Roy. Et par ce que ceste proposition pourra sembler trop hardie, il me plaist de la vous prouver par un exemple qui est né depuis trente ans en çà au milieu de nous. 

Chacun est assez informé quel a esté le Concil de Terente, Concil, puis-je dire, qui est accompagné de plusieurs belles, & sainctes resolutions: Et mesmes en tout ce qui regarde la doctrine de nostre Foy, je puis dire comme chose tres-veritable, que c' est un abregé & recueil de tous les anciens Concils qui sont approuvez de l' Eglise. Or comme ainsi soit qu' apres plusieurs remises, il en fut en fin parachevé & conclud au plus fort des troubles de ceste France, & que la plus part de noz querelles procedassent de ce que ceux, qui se sont separez de nostre Religion, tendent principalement au terrassement du sainct Siege de Rome, mesmes que les pays d' Allemaigne, Angleterre, & Escosse s' en soient distraits, ceux qui se trouverent en ce Concil, pour faire contre-teste aux autres, voulurent de tant plus s' estudier à l' exaltation de la Papauté. Et de fait en toutes les reformations qu' ils apporterent à l' Eglise, ils voulurent que les Archevesques & Evesques y procedassent en leurs Dioceses de l' authorité Apostolique, & comme Vicegerans du Pape, pour monstrer en quel honneur, respect, & reverence, il falloit avoir le sainct Siege. Qu' ils peussent d' une Eglise parrochiale en faire deux en forme de secours, si la necessité les semonnoit de ce faire, au contraire de deux en faire une, quand la pauvreté estoit si grande à chacune, qu' il n' y avoit assez pour substanter leurs Pasteurs: Qu' il leur fust loisible de bailler Vicaires aux Curez negligens, & les salarier deuëment du revenu de la Cure: De mettre nombre suffisant de Prestres en une Eglise qui le merite, pour sa grandeur & frequence de peuple: De transferer une Eglise ruinee par guerre, ou ancienneté, d' un à autre, quand d' ailleurs elle ne peut être restablie en son ancien manoir. Qu' il leur fust permis de reformer les Abbayes, & Prevostez de leurs Dioceses par saisie de leur temporel. D' avantage qu' ils fussent executeurs de toutes dispositions pitoyables faites tant par donations entre vifs, que prenans traict à mort, eussent toute intendance sur les Hospitaux, Maladeries, Colleges, Confraities, & de toutes choses qui dependoient des Aulmones, & Charitez. Ouyssent les comptes mesmes des Marguilliers, & Fabriques, encores que l' exercice de toutes ces choses en appartint à gens Laiz: nonobstant tous Privileges, ou Coustumes à ce contraires, sinon que par la fondation de l' Eglise, ou Fabrique, il eust esté autrement ordonné. Auquel cas en rendant compte à d' autres, toutesfois si faudroit-il appeller l' Evesque, sur peine de nullité: Que les Evesques s' informeroient de la suffisance des Notaires Apostoliques, Imperiaux, & Royaux, & ne les trouvans suffisans, ou qu' ils eussent commis faute en leurs estats, ils les pourroient destituer ou suspendre, selon l' exigence des cas, nonobstant oppositions, ou appellations quelconques, & sans prejudice d' icelles. En toutes lesquelles particularitez nous avons trouvé tant de repugnance, & contravention à noz anciennez libertez, que jamais nous ne peusmes nous induire à recevoir ce Concil. Car premierement, d' oster à l' Evesque la reformation des Eglises de son Diocese, & ne luy en bailler sinon de tant qu' il luy en est distribué du sainct Siege, nous estimons, que c' est contre les anciens Decrets, & Canons, approuvez de nostre Eglise Gallicane. Ainsi c' est fouler les Evesques, & encores leurs inferieurs: de tant qu' en les reformant s' ils pretendoient leur être fait quelque grief, ce seroit leur oster le moyen d' avoir recours par appel au Superieur de leur Evesque, qui est contre la texture, & police des procedures, qui nous sont prescrites par la Pragmatique Sanction, qui n' a esté en cecy suprimee par le Concordat fait entre le Pape Leon & le Roy François premier. D' avantage laissant à part ceste entreprise, qui se faict d' Ecclesiastique sur l' Ecclesiastique, encores establit-on icy un nouveau Royaume, au prejudice des Roys, Princes, Barons, & des Jurisdictions temporelles, voulant que les Evesques procedent par saisie du temporel: Eux qui n' ont de droict divin, que la Censure pour toute cohertion & reprimende. Qu' ils cognoissent sur gens Laiz de reddition de comptes, ores qu' ils n' ayent Jurisdiction sur eux que des choses qui concernent les Sacremens de l' Eglise, & au bout de tout cela qu' ils puissent deposer des Notaires Imperiaux & Royaux. Qui seroit en bon François reduire les choses en ces anciens abus, qui furent reformez sur les memoires de Congneres, a fin que je ne discoure icy plusieurs autres particularitez de mesme suject, lesquelles je passe de propos deliberé, me contentant seulement de monstrer que noz privileges sont tels, que si un Concil, voire fut-il general, entreprend chose aucune sur eux, nous ne sommes obligez de le suivre. Et cecy me fait souvenir d' une opinion, que tint autresfois Maistre Nicole de Clamengis Docteur en Theologie de Paris, en une Epistre qu' il escrivoit à un sien amy escolier, sur le Concil de Constance, quand il disoit qu' il eust esté plus expedient de restituer la paix en l' Eglise, que de faire tant de Constitutions nouvelles, que l' on avoit faites en ce Concil, lesquelles n' avoient esté jamais cogneuës aux autres Concils precedans. Estant les nouveautez en tous schismes, tres dangereuses, & souhaittoit que les actes eussent esté authorizez, ou de la saincte Escriture, ou des saincts Decrets, ou des Concils approuvez, ou bien qu' ils eussent rendu quelque raison de leur dire. En quoy paravanture estoit ce bon Docteur trop difficile à contenter. De ma part, encores que je sçache bien que selon la corruption des mœurs il faut proceder à nouveaux remedes, si seray-je tousjours d' avis qu' il faut esprouver en chaque suject toutes extremitez, avant que d' annuller une loy ancienne, & qu' il n' y a chose en la Republique, où le souverain Magistrat doive apporter tant de circonspection, crainte, & prudence, qu' en la novalité de la Loy. Je ne suis point icy exposé pour controller ce grand Concil de Terente: mais j' eusse souhaité (je le diray si je puis avec le gré, & congé de ceux qui liront mes Recherches) que la devotion qu' on y apporta, eust esté accompagnee de toutes les parties, que les sages desirent en un bon zele, & qu' en anathematizant ceux qui sont heurtez contre le sainct Siege, ils n' eussent appresté matiere aux autres, qui ne s' en veulent soustraire, de n' obeïr à ce Concil, pour la plus part des constitutions qui y sont comprises, dont l' ancienneté n' avoit jamais esté repuë. Car en ce faisant, on a armé les adversaires du saint Siege, de ses propres armes contre luy. Et qui admettroit tous ces Decrets, au lieu de moyenner un ordre, on y apporteroit un desordre, & une Monarchie, non jamais veuë, au millieu de la nostre. C' est pourquoy sagement nous ne l' avons voulu admettre en France, encores qu' à chaque occurrence d' affaire les courtizans de la ville de Rome nous couchent tousjours de la publication de ce Concil, par lequel en un traict de plume le Pape acquerroit plus d' authorité qu' il n' avroit peu faire dés & depuis la fondation de nostre Christianisme.

Que si les libertez de nostre Eglise Gallicane sont de telle efficace & vertu, que ny l' authorité d' un Pape, ny d' un Concil, ne les puisse abroger, comme estans fondez sur une raison saincte & generale, qui ne peut recevoir alteration par le temps: raison, dy-je, qui ne tend qu' à l' edification de l' Eglise universelle, & destruction des schismes, avarice, & ambition, meres nourrices de l' heresie & de l' erreur, certes il ne faut trouver estrange si nous avons introduit entre nous cest Appel comme d' abus. Car lors toutes choses iront, & sainement, & sainctement en l' Eglise de Dieu, quand chacun demeurera dedans les bornes de son devoir, pour l' entretenement duquel fut l' Appel comme d' abus trouvé. Et si en tels objects & rencontres d' affaires il se trouve y avoir de l' abus, nul laps de temps, nul pretexte emprunté d' une longue ancienneté, nulle excuse rejectee sur la dignité de ceux qui s' en prevalent ne le peut authorizer.