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jueves, 6 de julio de 2023

6. 11. Qu' il est quelquesfois dangereux de mesler les affaires d' Estat & du Palais ensemble,

Qu' il est quelquesfois dangereux de mesler les affaires d' Estat & du Palais ensemble, exemple icy representé, par le grand procés qui fut au Parlement de Paris, entre Madame la Regente Louyse de Savoye, mere du Roy François premier, & Charles Prince du sang, aisné de la maison de Bourbon, Connestable de France.

CHAPITRE XI.

Le Comte de Sainct Pol qui fut executé à mort l' an 1475. avoit ensevely avec luy la dignité de Connestable, jusques en l' an mil cinq cens quatorze, que le Roy François premier de ce nom sur le commencement de son regne la feit reviure en Charles Prince du sang, aisné de la maison de Bourbon. Ces deux Connestables esmeurent de grands troubles, mais comme le second estoit dans nostre France de plus grande estoffe, aussi porta-il plus de coup que le premier. Histoire dont j' ay le souvenir en horreur, laquelle merite d' estre enchassee dedans cest œuvre. Peut-estre servira-elle de quelque leçon à ceux qui sont prez des Roys. Et par ce que le commecement de cette grande tragedie fut joüé par gens de robbe longe, & le demourant par gens faisans profession des armes, je veux donner le present chapitre à la plume, & estre homme du Palais, & l' autre suyvant à l' espee, & me faire homme d Estat: Et d' une mesme main vous enfiler sommairement la genealogie des aisnez de la maison de Bourbon, & quelques actes que je pense appartenir au present discours, sans lesquels je ne pourrois vous faire bonnement entendre ce que je me suis projetté.

Du mariage de Robert (qui fut appennagé par le Roy Sainct Louys son pere du Comté de Clairmont en Beauvoisis) & de Beatrix, Dame de la Baronnie de Bourbon, nasquit Louys premier de ce nom: En cestuy on remarque deux choses: Une qu' il feit eriger la Baronnie de Bourbon en Duché & Pairrie, y annexant plusieurs villes & seigneuries pour le soustenement de cette grande dignité: L' autre que là où auparavant Robert son pere, & luy portoient le surnom de Clairmont, il prit celuy de Bourbon, pour luy & sa posterité, retenant toutesfois à soy les armes de France au baston de gueule, tesmoignage asseuré à ses survivans de son extraction Royalle: & de là en avant ce fut une loy en cette famille que le pere portoit le tiltre de Duc de Bourbon, & son fils aisné celuy de Comte de Clairmont. Ce Prince eut deux enfans, Pierre aisné, & Jacques puisné, qui est celuy auquel prit commencement l' illustre maison de Vendosme, dont nostre grand Roy Henry 4. prit sa source.

De Pierre Duc de Bourbonnois nasquit Loys second, & de luy Jean premier de ce nom, lequel en l' an 1400. espousa Marie fille unique de Jean Duc de Berry & d' Auvergne (oncle du Roy Charles 6.) lequel par le contract de mariage donna à sa fille (suivant la permission qu' il disoit avoir du Roy) le Duché d' Auvergne, faisant partie de son appennage, & encores le Comté de Montpensier qui estoit de son acquest. Et Louys donna aussi à Jean son fils le Duché de Bourbonnois, avecques les Comtez de Clairmont & Forest. L' une & l' autre donation faicte en faveur des enfans masles qui descendroient des futurs mariez. Et le jour mesme le Duc Louys feit une declaration, par laquelle il ordonna qu ' avenant que Jean son fils, & autres enfans masles nez ou à naistre, allassent de vie à trespas, sans hoirs masles, tellement que la ligne directe de masles vint à faillir, en ce cas les Duché de Bourbonnois, Comtez de Clairmont & Forest fussent unis à la Couronne. C' estoit à bien dire un troc, & au lieu du Duché d' Auvergne ancien domaine de France qui ne pouvoit tomber en quenoüille, ny par consequent és mains de la Princesse Marie, faire tomber en contreschange à la Couronne le Bourbonnois & Forest, ausquels elle n' eust eu aucune part defaillans les masles, sans cette nouvelle Ordonnance du Duc Louys deuxiesme de ce nom: Car quant au Comté de Clairmont, il n' en falloit aucune declaration, comme estant un appanage de France.

Du mariage de Jean de Bourbon & Marie de Berry vindrent deux enfans, Charles & Louys, & par partage fait entr'eux le 3. Fevrier 1417. Charles laissa a Louys son frere puisné le Comté de Montpensier, seigneurie de Combraille & autres qu' il n' est besoin icy de specifier.

Charles premier eut plusieurs enfans, mais entre autres trois, dont nous avons maintenant affaire. Jean second qui fut marié en l' an 1450. avec Jeanne de France, fille du Roy Charles 7. Pierre sire de Beaujeu qui espousa en l' an 1474. (son frere vivant encores) Anne de France, fille aisnee du Roy Louys unziesme. Et Marguerite qui fut conjointe par mariage avec Philippes Comte de Bresse, & depuis Duc de Savoye, dont issirent deux enfans, Philebert qui succeda à son pere au Duché, & Loïse de Savoye mere du Roy François I. de ce nom.

De Louys Comte de Montpensier nasquit Gilbert, qui eut cinq enfans, Louys, Charles, François, Loïse & Renee: Charles qui par la mort de Louys fut faict l' aisné de la maison de Montpensier, Loïse qui fut mariee à Louys Prince de la Roche-sur-yon, puisné de la maison de Vendosme, dont sont issus successivement Louys qui fit eriger le Comté de Montpensier en Duché, François son fils, & finalement Henry qui mourut en la ville de Paris en l' an mil six cens huict, sur la fin du mois de Fevrier, auquel est faillie la ligne masculine de Montpensier.

Je vous ay dict que le Roy Louys unziesme avoit baillé en mariage Anne de France sa fille aisnee à Pierre. Chose qui de premiere rencontre pourroit sembler estrange au Lecteur. Qu' un Roy de France eust voulu choisir pour son gendre un puisné de Bourbon, qui ne portoit qualité de Duc, Marquis, ou Comte, ains de simple sire de Beau-jeu, mesmes le Duc Jean son frere estant encores plain de vie: toutesfois quand vous entendrez la suitte de cette negociation, vous y verrez un Roy Louys unziesme tiré tout de son long au naturel. Il voyoit d' un costé Jean Duc de Bourbon, marié dix & neuf ans n' ayant enfans, & presque hors d' esperance d' en avoir: d' un autre costé un Pierre de Bourbon aucunement necessiteux: Parquoy comme il estoit Prince accort qui sçavoit aussi dextrement choisir ses advantages pour les mesnager sur du parchemin, que ses predecesseurs par les armes: Il estima ne devoir laisser envoler l' occasion qui se presentoit. Tellement que ce qui par un jugement commun le devoit destourner d' y entendre, au contraire par un particulier l' y porta: Le contract de mariage est fait & passé, auquel il ne voulut estre present, a fin qu' à l' advenir on ne dist que sa presence eust esté une contraincte cachee, mais pour suppleer ce defaut, quelques seigneurs de marque negotierent ce faict pour luy. Par le traicté de mariage entre autres conventions, le Roy donne pour les deniers dotaux de sa fille, cent mille escus, suivant la coustume de la maison de France (porte le contract) & en consideration de ce que Pierre espousa une fille de Roy, il consent & accorde entant qu' il le touchoit ou pourroit toucher (ce sont les propres paroles du mesme contract) que tous les Duchez, Comtez, & Vicomtez de la maison de Bourbon, advenant qu' il n' eust enfans masles de son mariage, appartinssent au Roy, & ses successeurs. C' estoit un Prince non grandement riche, qui recevoit manuellement cent mille escus, somme suffisante pour reparer aucunement les bresches de ses affaires, & exerçoit liberalité d' un bien auquel il n' avoit lors rien que par esperance. Qui ne fut pas un petit coup de rét jetté par Louys unziesme, vray que par la clause portant ces mots, En tant qu' il touchoit Pierre, ou le pouvoit toucher, apporta une obscurité, sçavoir s' il avoit entendu prejudicier à toute la famille de Bourbon, ou bien aux filles seulement qui descendroient de son mariage. Paroles qui appresterent matiere aux Advocats pour se joüer diversement de leurs langues au Parlement de Paris.

Le Duc Jean mourut quelques annees apres sans hoirs procreez de son corps delaissant par ce moyen pour son heritier son frere Pierre, lequel n' eut qu' une seule fille de son mariage qui fut appellee Suzanne, laquelle devoit estre mal lotie apres la mort de son pere par le moyen de la clause cy dessus mentionnee. Cela fut cause que sur l' advenement du Roy Louys douziesme à la couronne, le Duc Pierre obtint en l' an mil quatre cens quatre vingts dix-huict, trois patentes diverses, de mesme datte & substance, l' une pour le Duché de Bourbonnois, l' autre pour celuy d' Auvergne, & la troisiesme pour le Comté de Clairmont, par lesquelles le Roy permettoit que sans avoir esgard à la declaration de Pierre portee par son contract de mariage, Suzanne sa fille, & les enfans masles ou femelles, qui descendroient d' elle, peussent jouyr des deux Duchez & du Comté. De ces lettres presentees à la Cour de Parlement de Paris les deux concernans l' Auvergne & Clairmont ne furent publiees, ains seulement celles qui concernoient le Bourbonnois, & à publication s' opposa Louys aisné de la maison de Montpensier, dont il eut acte, & pour le surplus fut dit qu' elles estoient leuës, publiees & verifiees entant que touchoit l' interest du Roy seulement. Sage arrest, pour ce que la Cour estima que le Bourbonnois estoit naturellement de l' ancien estoc & patrimoine des seigneurs de Bourbon, ausquels nos Roys ne pouvoient rien pretendre sans la cause contractuelle de Pierre, à laquelle le Roy pouvoit facilement renoncer, & faire retourner les choses en leur premiere nature: mais quant au Duché d' Auvergne, & Comté de Clairmont, qui originairement estoient du Domaine de la France, c' eust esté pecher contre les reigles fondamentales de nostre Estat de les faire tomber en quenoüille. Le Duc Pierre voyant ce refus fiança en l' an mil cinq cens, sa fille aagee seulement de huict à neuf ans, avecques Charles de Vallois Duc d' Alençon, esperant par l' union de deux familles, de Vallois & Bourbon, estayer de telle façon sa cause que par multiplicité de jussions, il obtiendroit enfin du Parlement, ce dont il avoit esté refusé. Il meurt en l' an mil cinq cens trois, delaissee Anne de France sa vefve, chargee de sa fille, & encores de Charles de Bourbon son nepueu, Comte de Montpensier, jeune Prince, qui lors n' estoit aagé que de quinze ans, lequel avoit esté nourry & eslevé dés son bas aage en la maison du Duc Pierre, sa grande jeunesse ne permettoit qu' il eust cognoissance de ses affaires, & quand il en eust esté esclaircy, l' obligation qu' il avoit en cette famille, luy ostoit la volonté de reprendre les arrhemens de l' opposition formee par feu Louys son frere aisné. Toutesfois Louys, Prince de la Roche-sur-yon son beau-frere, s' en remua pour luy, & supplia Anne Duchesse, Doüairiere, de ne vouloir trouver mauvais, si pour la conservation des droicts de la maison de Montpensier il obtenoit lettres Royaux en forme de complaincte, sous le nom de Charles son beau-frere, pour la faire assigner en qualité de tutrice & curatrice, naturelle & legitime de sa fille Suzanne en la Cour de Parlement, sur ce qu' il pretendoit que tous les grandes biens de la maison de Bourbon estoient fondus par la mort du Duc Pierre en la personne du Comte Charles de Montpensier, aisné de cette famille. Cette premiere desmarche estonna aucunement la Duchesse, & la fit tenir sur ses gardes, toutesfois priee & interpellee plusieurs fois d' en communiquer avecques son conseil, enfin elle luy lascha la bride, ce qu' elle ne pouvoit empescher: Les lettres sont obtenuës, signifiees, & assignation à elle baillee en la Cour de Parlement à la requeste de Charles Comte de Montpensier.

Cette nouvelle escarmouche tint aucunement la Cour du Roy en rumeur. Au moyen dequoy le Roy Louys douziesme, Prince debonnaire s' il en fut oncques un en France, ne voulant que ce nouveau trouble qui pourroit apporter plus grands troubles, passast plus outre, fit assembler plusieurs seigneurs, tant de l' espee que de la plume pour examiner ce qui pouvoit estre de leurs droicts. Lesquels apres avoir eu communication des titres & enseignemens, furent par un sage conseil d' advis que sans approfondir plus amplement les droits des parties il falloit faire le mariage des deux jeunes, Prince & Princesse. Quoy faisant, en reünissant les deux branches c' estoit bannir toute l' obscurité qui pouvoit estre entre les deux familles, issuës d' un mesme tige. Conseil qui ne despleut au Roy, & moins à la Duchesse mere, & peut estre ce mesme project estoit entré en sa teste, quand elle permit d' obtenir les lettres. Cognoissant ce jeune Prince, qui estoit sa nourriture, estre de mœurs tres-agreables, & promettre beaucoup de luy: Les articles du mariage furent dressez au mois de Janvier 1504. du consentement du Duc d' Alençon, en presence du Cardinal George d' Amboise Archevesque de Roüen, Legat en France, des Evesques de Clairmont & de Rodés, des Ducs de Vendosme, & Longue-ville, Comte de Neuers & autres grands Seigneurs: Et selon mon petit jugement, jamais plus de prudence ne fut apportee en contract qu' en cestuy-cy. Car combien que dans iceluy on attribuast seulement à Charles la qualité de Comte de Montpensier, & à Suzanne, celle de Duchesse de Bourbonnois, comme si elle en fust Dame, toutes fois doüaire de dix mille liures par an luy est assigné sur les Duché d' Auvergne & Comté de Clairmont, & Anne de France mere fut assignee par le futur espoux de ses deniers dotaux sur le Duché de Bourbonnois. Tellement que par ce sage entrelas ils laisserent à l' arbitrage du Lecteur de juger qui l' on devoit estimer estre seigneur ou Dame de toutes les Duchez & Comtez. Chacun d' eux l' estant & ne l' estant point sans se faire tort l' un à l' autre, & au surplus les deux futurs espoux, par l' advis expres de tous ces seigneurs, à ce expressément commis & deleguez par le Roy, se firent donation mutuelle de tous & chacuns leurs biens presens & advenir, au survivant l' un de l' autre, comme pareillement feit la mere de tous ses biens, dont lors de son decés elle n' avoit disposé: le Roy n' y estoit present, parce qu' il estoit grandement affligé de ses gouttes, mais les articles luy estans apportez il les soubsigna, & au mois de May ensuivant, mil cinq cens cinq, fut le mariage consommé. La mere, la fille, & le gendre, faisans une demeure ensemble. La mere pretendant estre usufruitiere de Bourbonnois, Auvergne & Clairmont par les trois lettres patentes de l' an mil quatre cens quatre vingts dix-huict. En l' annee 1519. Suzanne se voyant aucunement mal disposee de son corps fit son testament, par lequel elle institua son mary son heritier universel, confirmant les conventions portees par son contract de mariage, à la charge que l' usufruict pretendu par sa mere, fust en elle continué. Deux ans apres, je veux dire en l' an 1521. elle alla de vie à trespas: Et par son decés la mere se pretendoit heritiere de sa fille par le moyen du SC. Tertulian en tous les biens du droict escrit, comme pareillement aux meubles & acquests au pays coustumier, la coustume generale de France, & singulierement en tous & chacuns les meubles: Parce que leur domicile estoit en la ville de Moulins, & qu' en matiere de meubles tous les autres en quelque pays qu' ils soient suivent la nature du domicile des parties: Droits qu' elle ceda puis apres & transporta avant que de mourir, ensemble le Vicomté de Chastelerault & Comté de Gien de son acquest, à Charles son gendre.

Jamais seigneur en cette France, n' estant fils de Roy n' estoit arrivé à si haut degré de fortune que luy, Prince du sang, Connestable de France, Gouverneur de Languedoc, doüé de plusieurs belles & rares vertus, tant de corps, que d' esprit, seigneur souverain de Dombes, Duc de Bourbonnois, & d' Auvergne, Comte de Clairmont en Beauvoisis, Forest, la Marche, Montpensier, Prince Dauphin d' Auvergne, Vicomte de Morat & Carlat, Seigneur de Beaujoulois, Mercueur, Combrailles, la Roche en Renier, & de Bourbon Lanceis, Pair & Chambrier de France. Terres & seigneuries dont luy & sa belle mere joüirent l' espace d' un an, par une mutuelle concorde, sans aucun destourbier, quand voicy son malheur qui luy dresse inopinément cette nouvelle embusche. Je vous reciteray une Histoire non escrite, mais que nous tenons depuis ce temps là de main en main pour vraye, par forme de tradition. 

Toutes ces singularitez que l' on voyoit reluire en ce Prince lors aagé seulement de trente deux ans, convierent Loyse de Savoye mere du Roy François premier de ce nom, de souhaitter son mariage. Chose dont elle le fit rechercher avecques une tres-grande instance. A quoy il ne voulut entendre; De vous en dire la raison, ce me sont lettres clauses, refus que cette Princesse porta fort impatiemment en son ame, bien deliberee de s' en vanger à quelque prix & condition que ce fust.

Manet alta mente repostum 

Iudicium Paridis, spretaeque iniuria formae.

Elle estoit Dame absoluë en ses volontez, desquelles, bonnes, ou mauvaises, elle vouloit estre creuë. Qui fut cause que par la voix commune du peuple on fit cet Anagramme de son nom & surnom, sans changement & transport d' aucune lettre, Loyse de Savoye, Loy se desavoye. Elle estoit assistee de messire Antoine du Prat Chancelier de France; qui avoit pris la premiere nourriture dedans le Palais de Paris, accroissement de fortune par la maison d' Angoulesme, sous le regne de Louys douziesme, & accomplissement de grandeur sous celuy de François premier. De maniere qu' il s' estoit du tout voüé aux opinions de sa maistresse, & la voyant resoluë à la ruine de ce Prince, ou du mariage, il luy bailla ce conseil. Que les biens dont jouyssoit le Connestable estoient de deux natures. Les uns provenans de l' ancien estoc de la famille de Bourbon, ausquels cette Princesse devoit succeder, comme plus proche lignagere, & les autres sujets à reversion à la Couronne par conventions contractuelles: Partant y devoient estre reincorporees. Qui seroit un party que le Procureur general soustiendroit pour la necessité de sa charge. Au demeurant qu' il y avoit une ancienne leçon dedans l' escole du Palais, que jamais le Roy ne plaidoit dessaisi. 

Et par ces moyens il pourroit advenir que sans entrer en involution de procés, le Connestable seroit tres-aise d' entendre au mariage dont estoit question, tout ainsi que la Duchesse Anne avoit fait pour sa fille Suzanne, lors qu' elle fut mariee avecques luy.

Voila le premier plan de cette cause, dont la suite fut telle que je vous deduiray presentement. Tout ainsi qu' au faict de la guerre deux armees ennemies estans campees l' une devant l' autre, on attaque plusieurs escarmouches, avant que de liurer la bataille, aussi fut fait le semblable en cette cause. Le Lundy unziesme jour d' Aoust mil cinq cens vingt deux, apres que le premier Huissier eut appellé à l' Audience l' intitulation des Rolles du Bourbonnois, Auvergne, Chastelerault, Clairmont, la Marche, sous les noms de Charles de Bourbon, & Anne de France Doüairiere & usufruitiere, Maistre Guillaume Poyet Advocat de Loyse de Savoye mere du Roy s' y opposa, & forma complainte en cas de saisine & nouvelleté, soustenant que toutes ces qualitez devoient tomber en sa partie. Ce jour y eut contestations d' une part & d' autre, & par Arrest la partie fut remise au lendemain par l' organe de messire Jean de Salva lors premier President au Parlement. Auquel jour Poyet reprenant les arrhemens du jour precedant particulariza tout au long ses moyens, par lesquels il pretendoit la succession devoir eschoir à la mere du Roy demanderesse. Bouchard pour Anne de France soustint que par le benefice du Tertulian, comme tous les biens assis au pays de droict escrit luy devoient appartenir, pareillement les meubles & acquests au pays coustumier. Adjoustant à tout cela qu' elle estoit Dame usufruitiere de tous & chacuns les biens. Maistre François de Montelon Advocat du Connestable, que tous ces grands biens ne pouvoient tomber en quenoüille, les uns de leur nature essentielle tenus en appagnage, les autres par conventions & dispositions anciennes: Partant luy appartenoient comme plus prochain masle & principal heritier. Eu esgard mesmement à son contract de mariage, & testament de feuë sa femme: & neantmoins demandoit delay, pour venir defendre peremptoirement & à toutes fins: Maistre Pierre Liset Advocat du Roy, pour le Procureur general, requit avoir communication des titres, disant que tel faisoit souvent lever le lievre, qu' il ne prenoit pas, ains tomboit inesperement és mains d' un autre qui n' y pensoit. Que cela pouvoit advenir en la cause qui se presentoit, qu' apres que les titres avroient esté par luy veus, peut estre se trouveroit-il, que les deux parties disputoient de la Chappe à l' Evesque (ce sont ses mots dont il usa) & que nul n' y avoit aucun droict que le Roy. La Cour par son Arrest ordonna que toutes les parties viendroient defendre à la complainte le lendemain de sainct Martin. Pendant lequel temps le Procureur general avroit communication des titres & enseignemens desquels seroit fait inventaire. Ce qui est fait. Advient entre tant, que Madame Anne de France decede, faschee tant de la mort de sa fille qui luy pesoit sur le cœur, que de cette nouvelle moleste, & par son decés Charles de Bourbon son donataire universel fut fait maistre & seigneur de tous & chacun ses biens, & mesmement des pretensions que cette grande Princesse avoit sur ceux de sa fille. La cause estant appellee à l' audience l' unziesme de Decembre ensuivant, Montelon demanda nouveau delay pour en venir, a fin d' estre suffisamment informé des droicts nouvellement escheus à sa partie. Chose empeschee par Poyet, soustenant que c' estoit une hypocrisie du barreau, & que Montelon par son premier plaidoyé s' estoit tellement ouvert que mal-aisément y pourroit-il apporter aucune chose de plus. Il fut ordonné par Arrest qu' on en viendroit au lendemain des Roys. Je trouve en Montelon deux grands traits de prudence: L' un quand le 12. d' Aoust faisant contenance de ne vouloir defendre, il estalla toutesfois de telle maniere son fait, qu' obtenant le delay par luy requis, il laissa pour closture de son plaidoyé, une bonne bouche de sa cause à toute la compagnie. L' autre quand l' unziesme de Decembre, combien qu' il fust armé de toutes pieces pour parer aux coups de son adversaire, ce neantmoins il rechercha tous les moyens à luy possibles, pour n' entrer en lice, voyant & la puissance, & l' animosité de la Princesse contre laquelle il avoit affaire. Qui est un secret que tout Advocat doit apprendre en telle occurrance, non qu' il ne faille estimer tous juges estre gens de bien, qui ne voudroient detraquer leurs consciences du bon chemin: mais tant y a qu' ils sont hommes, quand j' ay dit cette parole j' ay tout dit, & doit le sage en tels accessoires esquiver le plus qu' il peut, tout ainsi que le Nautonnier calle le voile à la tempeste.

De vous representer maintenant toutes les fleurettes des plaidoyez de ces grands Advocats, telles que portoit la Rhetorique de leurs temps, ny les raisons par eux diversement deduites, c' est un ouvrage que je n' ay icy entrepris. Je me contenteray de vous dire que Poyet plaida pour la proximité de lignage: Montelon pour la Masculinité, ores qu' en plus esloigné degré, & Lizet pour le droict de reversion au Roy & à sa couronne. Voila quel estoit l' air general des trois plaidoyez, & celuy qui sera quelque peu nourry au barreau, pourra recueillir du discours que j' ay cy dessus fait, & pieces par moy alleguees, les raisons sur lesquelles chaque Advocat se fondoit.

Grande cause veritablement, si jamais il s' en presenta de grande en la France, soit que vous consideriez la grandeur du sujet, ou des parties, ou des Advocats. Car il estoit question de deux Duchez, quatre Comtez, deux Vicomtez, plusieurs Baronnies, & Chastellenies, & une infinité d' autres seigneuries. Trois illustres parties, une mere de Roy, un Prince du sang Connestable, & finalement le Roy mesme. Trois signalez Advocats, Poyet, depuis Chancelier, Montelon Garde des Seaux, Liset premier President au Parlement de Paris. Une chose sans plus me desplaist que je ne puis passer sous silence. Les conventions concernans leurs droits estoient claires, sans art, sans fard, avec une naïfveté telle que l' on pouvoit souhaiter en Princes non nourris en la poussiere des escoles. Toutesfois quand ce vint aux lances baisser qui fut le 22. Fevrier 1522. 

je voy que ces trois grands guerriers s' armerent d' une Jurisprudence pedantesque mandiee d' un tas d' escoliers Italiens que l' on appelle Docteurs en Droict, vrays provigneurs de procés (telle estoit la Rhetorique de ce temps là.) Et tout ainsi qu' il est aisé de s' egarer dedans un touffe de bois, aussi dedans un pesle-mesle d' allegations bigarrees, au lieu d' esclaircir la cause, on y apporta tant d' obscuritez & tenebres qu' en fin par Arrest donné sur le commencement d' Aoust les parties furent appointees au Conseil, & ce pendant par provision ordonné, que tous les biens contentieux seroient sequestrez. Ce n' estoit pas saisir le Roy, mais bien mettant toutes ces Duchez, Comtez, Vicomtez, Baronnies & Seigneuries en main tierce, c' estoit une provision, qui sembloit reduire au petit pied diffinitivement la grandeur de ce Prince. Quoy faisant, combien que la mere du Roy deust avoir la moindre part au gasteau, si obtint-elle victoire de ses pensees. S' estant par ce moyen vangee de celuy que, pour avoir desdaigné son mariage, elle avoit sur tous les hommes du monde à contrecoeur. Vengeance qui fut depuis cherement venduë à la France, comme vous entendrez par le Chapitre prochain.