miércoles, 14 de junio de 2023

3. 18. De quelle vertu l' Eglise Gallicane proceda pour exterminer le grand Schisme qui advint pendant le Siege d' Avignon,

De quelle vertu l' Eglise Gallicane proceda pour exterminer le grand Scisme qui advint pendant le Siege d' Avignon, & des vertueuses procedures faictes contre Pierre de la Lune, dit Benoist treziesme.

CHAPITRE XVIII.

Lors estoit l' Université de Paris en grande vogue & peut être trouva elle plus sa grandeur dedans ces partialitez, pour n' avoir jamais encliné, qu' â ce qui estoit de l' honneur & edification de l' Eglise. Aussi nourrissoit elle dans son sein quatre grands Theologiens, Maistres Jean Gerson, Jean Petit, Gilles des Champs, & Nicolas de Clamengis, ennemis capitaux de ceste desolation publique. Estant sous Benoist XIII. ceste affaire mise en deliberation en presence de tous les Prelats dans Paris; Université estoit d' advis pour le repos universel, & union de l' Eglise, qu' il falloit proceder à la demission des deux Papes. On envoya à Benoist les Ducs de Berry, & Bourgongue, oncles du Roy Charles VI. & avec eux Maistre Gilles des Champs, & autres supposts de l' Université pour le convertir à ceste cession & deportement, mais il n' y voulut entendre. Ce que voyant le Roy, il depesche Ambassadeurs aux Roys & Princes d' Allemagne, Angleterre, & de toutes parts pour les advertir quelle estoit la resolution generale de son Eglise, laquelle fut depuis suyvie comme la vraye & la plus seure. Il seroit mal aisé de raconter combien de touts & artifices furent inventez par Benoist, pour rompre le coup à ce bel advis. La necessité du temps avoit produit quatre instrumens, pour defendre les anciens privileges de nostre Eglise Gallicane. Le Roy pour chef, ou pour le moins faisant une des bonnes parties de son Eglise, les Prelats, la Cour de Parlement de Paris, & l' Université de ce mesme lieu. Quant aux Prelats, encores que la querelle les rouchast principalement, si estoient ils tant harassez par les exactions, communications & fulminations de Rome, qu' ils n' osoyent bonnement faire espaule à ce beau dessein. Restoient doncques les trois autres, que Benoist vouloit sur toutes choses gaigner, asseuré d' avoir puis apres aisement victoire contre les assauts qu' on luy liureroit. Il pense de les attirer à sa cordelle par divers moyens. Le tout toutesfois aux despens, perils & fortunes des pauvres Ecclesiastics de la France. Il octroye d' un costé une decime au Roy, à prendre sur tout le Clergé de la France: d' un autre, il octroye aux Universitez, rolles, pour avoir provisions de Benefices sur les Ordinaires, comme dit la mer des Histoires: invention, qui pour être issuë d' une mauvaise cause, produisit toutesfois à l' advenir bons effects. Et pareille permission donna-il à ceux du Parlement de Paris: pour le moins vers ce temps là, & quelques annees apres: l' on commence de parler des irrotulations des benefices, qui leurs estoient accordez. Car vous trouverez aux registres de la Cour du 7. Septembre 1402. rolle des Benefices de ceux de la Cour, dont n' avoit esté faite nulle mention au precedent. Qui est ce que l' on a depuis appellé l' Indult de la Cour de Parlement, dont j' ay parlé au 2. livre. Tout cela ne profita pas grandement pour ce coup là, d' autant que Benoist ne voulant entendre à l' union de l' Eglise, fut tenuë dedans la ville de Paris une assemblee generale de Prelats 1398. où fut conclud qu' on soustrairoit non seulement à Benoist la collation, & pleine disposition des Benefices, mais qui plus est, on luy feroit planiere soubstraction de toute obeissance, & que l' Eglise Gallicane seroit reduite en ses anciennes libertez. C' est à sçavoir, que les Ordinaires confereroient les Benefices estans en leur collation, & par ce moyen cesseroient toutes graces expectatives, & reservations, & qu' aux Benefices electifs on procederoit par voye d' election, & en appartiendroict la collation aux Ordinaires. Apres lequel Decret, vacqua l' Abbaye S. Denis par le decez de Guy Abbé: & en son lieu fut esleu Guy de la Vilette. On doutoit si l' Evesque de Paris pourroit confirmer ceste élection, pour être ceste Abbaye exempte de la jurisdiction de l' Evesque: toutesfois pour ce coup, & sans le tirer en consequence il fut dit que la confirmation tiendroit. Depuis ces Ordonnances Royales ainsi publiees, les Ordinaires par une avarice, qui leur est quelquefois ordinaire, commencerent à gratifier leurs valets des Benefices. Dont sourdit encores, un murmure plus grand, & appresta occasion à l' Université d' en crier. Disant qu' il estoit encores plus supportable que les Cardinaux d' Avignon en fussent pourveus, que les serviteurs des Evesques. Qui fut en partie cause (joint les menees des plus grands qui sous main favorisoient Benoist XIII.) qu' en l' an 1403. fut publiee l' annullation de ceste soubstraction. En suitte de quoy Benoist vouloit casser, & annuller toutes les elections, confirmations, consecrations, benedictions, collations & provisions, qui avoient esté faites, pendant le temps de ceste soubstraction. Mais l' Eglise de France s' y opposa, & fut advisé que le Roy defendroit les possesseurs en leurs possessions, qui avoient tiltre, & qu' on ne souffriroit qu' on s' aidast au contraire de Bulles Apostoliques. Outre furent de rechef prohibees, & defendues les exactions d' argent que faisoit Benoist en vacquans, ou autrement, & en ordonna le Roy ses lettres patentes, le 29. Decembre en cest an. C' estoit luy faucher l' herbe soubs le pied, & ne pesoient pas moins à Benoist ces defenses, que si totalement l' on se fust soubstrait de son obeissance. Au moyen dequoy estimant qu' il n' avoit de plus fort ennemy, que l' Université de Paris, il se voulut armer de pareilles forces. Ce fut de l' Université de Tholoze: mais la partie estoit mal faite, de tant que Tholoze est moindre que la ville de Paris. 

En l' an 1406. il depesche un Cardinal d' Avignon, avec quelques deputez de l' Université de Thoulouze, dont le chef fut nommé Flandrin portans lettres pleines d' oprobes, signamment de ceste Université, ce que venu à la cognoissance del' Université de Paris, elle delegue maistre Jean Petit pour faire remonstrances contraires en la Cour de Parlement. Chose dont il s' aquita fortement, persistant en la soubstraction du Pape Benoist, telle qu' autresfois elle avoit esté arrestée. Et Juvenal des Ursins Advocat du Roy requit l' Epistre être laceree. Pour le faire court, par arrest donné en Juillet, furent les conclusions des gens du Roy suivies, & ordonné que l' original de ceste Epistre seroit laceré dans Paris, & le transsumpt, tant en la ville de Tholoze, que sur le pont d' Avignon: ce qui fut fait. Et le 7. D' Aoust ensuivant, fut reiteree la soubstraction de Benoist entant que touchoit les finances, & defendu de ne luy en transporter aucunes, & qu' à cet effet seroient deputez gardes par les portes, & ponts (limitrohpes) limitrophes, pour foüiller les passans. Et deslors fut advisé que tous les Evesques, Prelats & Chapitres s' assembleroient dans Paris à la S. Martin lors prochainement venant, pout adviser touchant le fait de l' Eglise, & de Benoist, que nos Historiographes dés là en avant ne daignent plus appeller de ce nom de Benoist, ains sans plus, Pierre de la Lune. Et chacun s' y estant trouvé, mesmes les Chapitres par leurs Syndics, & les premiers de l' Université: là fut le fort de la meslee. Par ce que le Roy ordonna que devant luy en son Grand Conseil il y en eust douze qui soustinssent le party de Benoist, & que l' on ne se devoit soustraire de luy, & les autres le contraire. Maistre François aux Bœufs Parisien Docteur en Theologie, & de l' ordre de S. François commença, suivy de Maistre Jean Petit. Tous deux soustenans que Benoist devoit ceder, & se demettre de la Papauté. Autrement que l' Eglise Gallicane se pouvoit, & devoit purement, & franchement soustraire de son obeyssance, & que le Roy en son Eglise de France pouvoit par ses Prelats pourvoir aux Benefices, qui tomboient en election, ou collation, selon la forme ancienne. Et à ceste mesme opinion condescendit Messire Jean de Cremaux Evesque de Poictiers. Adonques le Roy par l' organe de son Chancelier, demanda aux partissans du Pape ce qu' ils vouloient dire, & leur fut donné delay au Lundy ensuyvant, pour y respondre. Auquel jour parla premierement Maistre Guillaume Filastre Docteur en Canon, & Doyen de l' Eglise de Rheims, parlant grandement au desadvantage du Roy, & de son Eglise de France, pour soustenir le Pape: mais il ne respondit aux raisons des autres. Et à la suitte de cestuy, le Bruel Archevesque de Tours, le 4. Decembre respondit aux raisons de ceux qui estoient d' avis de la cession, & soubstraction. Et l' onziesme du mesme mois, Maistre Pierre d' Ailly Docteur en Theologie (qui depuis fut Evesque de Cambray) reprit les arrhemens de cest Archevesque, concluant qu' il falloit passer les choses par un Concil, & non par voye de fait. Qui n' estoit pas une petite opinion, & par adventure la plus saine. A quoy l' Université respondit par la bouche d' un Abbé de S. Michel en Normandie, Docteur en Decret: puis par maistre Pierre Placet Docteur en Theologie, monstrans l' un & l' autre quelle estoit la puissance & autorité d' un Roy de France en tels desordres. Ausquels repliqua le Doyen de Rheims, commençant sa Harangue par ce verset, Manete in mea dilectione, & l' Evesque de Poictiers luy respondant, commença par cest autre, Si servaveritis mandata mea, manebitis in mea dilectione. Le Chancellier ordonna que les gens du Roy seroient ouys apres eux. A quoy satisfaisant Maistre Juvenal des Ursins Advocat du Roy, l' un des plus grands personnages de sa robbe qui fut de son temps, commença aussi par ce verset, qui est du 31. Pseaume de David. Viriliter agite, confortetur cor vestrum, omnes qui speratis in Domino. Concluant pour la puissance du Roy, & adherant avec l' Université de Paris. Les choses estans en ceste façon disputees, & à bien assailly bien defendu, avant que d' y interposer aucun Decret, il fut advisé d' implorer la grace du S. Esprit. A ceste fin fut faite le seiziesme Janvier une procession generale, où y avoit 64. qu' Archevesques, qu' Evesques, qu' Abbez, & le 18. Fevrier, le tout estant passé par meure & saincte deliberation de Conseil, fut le Concil general arresté pour reformer l' Eglise, tant au Chef, comme aux membres, & neantmoins cependant que soubstraction seroit faite de Pietre de la Lune, dit Benoist, & l' Eglise de France reduite en ses anciennes franchises & libertez, & qu' en ce faisant les Ordinaires confereroient les Benefices, qui estoient en leurs collations, & aux electifs pourvoyroient par elections, & confirmations au desir des constitutions anciennes, & Canoniques. Vray est que ceste ordonnance ne fust, si tost publiee, pour l' empeschement qu' y donnerent les Princes, & grands Seigneurs, qui favorisoient sourdement le party de Benoist. Et en l' an 1408. le Roy pourveut à la forme & maniere de conferer les Benefices aux supposts des Universitez, pour oster l' abus qui s' estoit auparavant en pareille reformation introduict entre eux, par les Indults, & gratifications qu' ils en faisoient à gens indignes, pour recompense de leurs services, en defraudant ceux-là qui avoient bien merité des bonnes lettres. Pietre de la Lune ne se voulut pour cela rendre, & sommé premierement de se demettre de la Papauté pour le repos du public, il respondit brusquement qu' il n' en feroit rien, & que ce n' estoit de nous qu' il devoit recevoir la loy, ains nous de luy. Et d' une mesme main depesche les Legats en France, qui apporterent une longue bulle de sa part, par laquelle il mettoit le Roy, & tout son Royaume en interdiction, pour s' être soubstraits de son obeissance. Au moyen de quoy le Roy le 21. jour de May, 1408. vint au palais en son lict de Justice, où assisté de plusieurs Princes du sang, & autres Seigneurs de son grand Conseil, il representa la bulle d' interdiction. Et là devant sa Majesté, un Docteur de Theologie, nommé Courtecusse, monstra par plusieurs raisons les abus de ceste bulle. A maniere que par arrest fut dit qu' elle seroit publiquement laceree, puis arse. Et que Gonsalve, & Conseloux, qui l' avoient apportee, seroient pris, escharfaudez, mitrez, & preschez publiquement. Ce qui fut fait le plus ignominieusement que l' on pourroit dire, au mois d' Aoust ensuivant. Et dit Enguerrand de Monstrelet, qu' ils furent * Losure au Palais sur une claye, vestus d' habillemens (j' ay leu dedans un papier journal de ce temps là, d' une tunique de toile où estoient figurees les armes de Pierre de la Lune à l' envers, & aupres de la pierre de marbre, *aux pieds des grands degrez du Palais, fut un *escharfaut levé, & * * monstre à tout le peuple, estant escrit sur leurs Mitres. Ceux sont desloyaux à l' Eglise & au Roy. En fin l' arrest executé en tout, selon sa forme, & teneur. Et apres cela maistre Ursain Taluande, Docteur en Theologie, fit une longue harangue devant tout le peuple, par laquelle il representa le motif de ceste histoire, au grand contentement de chacun. 

Comme les affaires de l' Eglise Gallicane se menageoient de ceste façon en France, d' un autre costé pour reduire les choses en leur premiere union, fut en l' an mil quatre cens & sept tenu un Concil en la ville de Pise, où se trouverent huict vingt Evesques, & Abbez, six vingts Docteurs en Theologie, & une infinité de Docteurs Canonistes, & Civilistes, & quelques Ambassadeurs des Princes Chrestiens, & là, Gregoire 12. & Benoist 13. citez ne comparans, furent pour leurs contumaces destituez de leurs Papautez, & en leur lieu creé Alexandre 5. de l' ordre des freres Mineurs. L' apostume n' estoit encores meure. Ce nouvel ordre apporta un plus grand desordre. Car les deux autres n' y obeyssans, & cestuy se faisant accroire qu' il estoit le Pape legitime, se trouverent trois Papes en un mesme temps. Et ce tiers mesmement au lieu de despoüiller l' ambition de sa teste, soudain apres sa promotion envoya en France pour lever deux Decimes sur l' Eglise Françoise: mais le grand Conseil, & l' Université ne les luy voulurent accorder, & s' y opposa l' Université pour le corps general du Clergé, & suyvant son opposition luy furent deliurez mandemens du Roy, addressez à tous Dioceses pour chasser ceux qui feroient ceste demande. Ce Pape ne vesquit qu' un an, & fut apres son decez creé Jean XXIII. homme d' une vie tres-damnable, & lequel fut accusé d' avoir empoisonné son predecesseur pour parvenir par corruption à ceste dignité Pontificale, à la quelle aussi tost qu' il fut appellé, il commanda une Decime, & encores declara que toutes despoüilles des Ecclesiastics trespassez luy appartenoient. L' Université prit encores vertueusement ceste querelle en main, & pource s' assembla au College de S. Bernard (c' estoit le lieu, où premierement se faisoient les congregations du Recteur) & là est ramenee à effect l' ordonnance de mil quatre cens six encontre Pierre de la Lune, par laquelle il avoit esté arresté que l' Eglise Françoise estoit franche, & par consequent quitte, & exempte de tous dixsmes, procurations, exactions & subsides en quelque façon que ce fust, & furent deputez aucuns de ce corps pour remonstrer au grand Conseil, & au Parlement, que c' estoit à eux de defendre les droits du Roy. Que si le Pape vouloit contraindre par censures Apostoliques le Clergé de France, il en faudroit appeller au futur Concil general: & s' il y avoit personnes Ecclesiastiques, ausquelles fust commise la charge de ceste collecte, il les faudroit punir par saisie, & annotation de leurs biens. Et à ceste fin requeroient l' adjonction du Procureur general du Roy, declarans toutesfois que là où le Pape allegueroit necessité apparente en l' Eglise, seroient assemblez les Prelats pour contribuer par forme de subside charitable seulement, & que les deniers seroient consignez és mains de certains preud'hommes à ce par eux deputez pour les mesnager, & distribuer ainsi que l' on trouveroit bon de faire. Depuis le Roy passa par cest advis, nonobstant les remonstrances de l' Archevesque de Pise, Legat du Pape, qui soustint que qui voudroit empescher ceste cueillette, & levee de deniers, il ne seroit pas vray Chrestien. A quoy resista l' Université fort & ferme, comme contrevenant ceste proposition aux anciens Decrets & Canons, à la Majesté du Roy, & privileges de nostre Eglise, demandant que le Legat eust à revoquer sa parole, ou permission aux facultez de Theologie, & Decret d' escrire contre luy: ostroit neantmoins pour l' union de l' Eglise Latine, & Gregeoise, ou pour la conqueste de la terre saincte contribuer: comme estans les deux cas, pour lequels seulement le Pape pouvoit user d' imposition dessus le Clergé. Et dit l' histoire que le Roy acquiesça pour ce coup aux remonstrances de l' Université. Mais avant que passer plus outre, il me semble que la longueur de ce chapitre merite bien de faire une pause, pour advertir tous les Princes Chrestiens, & speciallement les nostres, de la faute qu' il me semble qui fut commise par Philippes le Bel, lors qu' il attira la Papauté dedans Avignon, source premiere de tous maux. Discours que je reserve par exprez au chapitre suyvant. 

martes, 13 de junio de 2023

3. 17. Des Graces, Expectatives, Mandats, Indults Apostolics, Exactions faictes en Avignon,

Des Graces, Expectatives, Mandats, Indults Apostolics, Exactions faictes en Avignon, & du remede que nostre Eglise Gallicane y apporta. 

CHAPITRE XVII. 

Je ne veux point que l' on pense que j' aye fait ce chapitre au desadvantage du Siege de Rome: au contraire c' est son exaltation, pour monstrer que la primace de nostre Eglise ne pouvoit être exercee, qu' au lieu que sainct Pierre avoit choisi pour luy & ses successeurs, sans qu' il en advint un scandale. Belle chose & digne d' être trompetee aux oreilles de tout le monde, que Dieu establissant sa vraye Religion, voulut que la ville de Rome, Siege ancien de l' Empire, fut aussi le premier Siege de son Eglise, sur lequel toutes les nations jetteroient leurs veuës. 

N' attendez de moy en tout ce chapitre qu' un chaos, pesle mesle & confusion des affaires de nostre Eglise, dont nous fusmes en ceste France les premiers forgerous. Toutes & quantesfois que noz Roys parerent aux coups de Rome par les armes de nostre Eglise Gallicane, toutes choses leur succederent à point sans scandale. Mais quand ils y voulurent apporter de l' homme, & manier nostre Religion, comme une affaire d' Estat, ils gasterent tout. Je vous ay cy-dessus discouru la querelle de Boniface VIII. & Philippes le Bel, & comme les desseins du Pape avoient esté rendus illusoires. Toutesfois Boniface estant decedé & l' interdiction levee par Benoist XI. son successeur, qui ne siegea que huict mois, Clement V. Gascon, estant fait Pape, tout le soin de Philippes le Bel fut de s' entretenir non seulement en bon menage avecq' luy, mais par un nouveau dessein, pour ne tomber à l' advenir au desarroy où il s' estoit veu, projetta de l' attirer en France avecques toute la Cour, a fin que de là en avant les Papes & les Roys de France eussent occasion de viure en perpetuelle alliance. Ce qui en facilitoit le passage, estoit que Jeanne Comtesse de Provence avoit fait present de la ville d' Avignon & du Comtat, au sainct Siege.

Je ne sçay par quel destin le pays de Provence semble avoir presque tousjours eu sa fortune liee avec celle d' Italie. C' est la premiere de la Gaule qui fut conquise par les Romains long temps auparavant qu' ils eussent desseigné de s' impatronizer de tout le pays. Et laquelle leur estoit si agreable qu' entre toutes les autres Provinces à eux subjectes, ceste-cy fut d' un mot special appellee Province sans suitte de parole, comme la recognoissant par cela, l' une des plus belles Provinces qu' ils eussent. Et depuis, bien qu' elle se fust separee de la domination d' Italie par l' envahissement que les Visegots en firent & de tout le Languedoc: Toutesfois Theodoric Roy des Ostrogots ayant usurpé l' Italie, re-unit de rechef avecq' l' Italie ce mesme pays de Provence, estant fait tuteur d' Atalaric Visegot son arriere fils. Pareillement au partage des trois enfans de Louys le Debonnaire, à Lothaire son fils aisné escheut l' Italie avecq' la Provence. Et jaçoit que depuis selon les mutations des regnes, il fut erigé en Royaume par Charles le Chauve, & donné à Bosson son beau frere: si est-ce qu' encores advint-il que Louys fils de Bosson se fit Roy d' Italie, & apres luy Hugues, l' un de ses successeurs: En cas semblable, long temps apres, furent les Estats de Naples, Sicile, & de Provence, unis soubz mesmes seigneurs. Et tout ainsi qu' au temporel, le semblable advint au spirituel. Parce que dés le temps mesmes de sainct Gregoire, l' Eglise Romaine avoit quelques biens, & heritages à elle appartenans dont l' Evesque de Vienne en avoit occupé partie: Duquel bien sainct Gregoire parle assez souvent en ses Epistres, l' appellant Patrimoniolum, & le recommande à ceux, ausquels il avoit quelque part en France. Mesmes y envoya Vincent Soudiacre pour le gouverner. Pareillement les premiers Evesques des Gaules, qui embrasserent la grandeur & authorité du sainct Siege, sont ceux de Provence (quand je dis Provence, j' entends aussi le Dauphiné, qui n' estoient vers ce temps là separez) & les lettres les plus frequentes que verrez être adressees par sainct Gregoire à noz Evesques, sont principalement à ceux de Provence. Et finalement fut donné aux Papes Avignon, & autres villes adjacentes par un certain instinct, & pour entretenir ceste ancienne liaison, voire que l' on dit encores Provence être un Pays d' obeissance de la Papauté.

Suivant le nouveau conseil de Philippes le Bel, le Pape Clement V. se retire en la ville d' Avignon, où ayant par mesme moyen attraict tout l' attirail de Rome, bien que le Roy pensast par ce moyen avoir mieux estably ses affaires, si est-ce que le plus grand malheur qui advint jamais à l' Eglise, fust ceste retraicte. Car le Pape estimant que le Roy luy estoit grandement redeuable de ceste gratification, se persuada aussi qu' il le devoit en contr'eschange gratifier de tout ce qui luy seroit agreable. Chose dont il ne l' eust osé esconduire. De sorte que lors commencerent à venir en desordre les Mandats, & Graces expectatives, tant generales que particulieres: & pareillement les exactions de Cour de Rome sur les Beneficiers: (Car encores que le Siege se tint dans Avignon, si l' appelloit on tousjours Cour de Rome) & de mesme suitte les Decimes, que depuis l' on imposa dessus le Clergé. Estans les choses arrivees en tel excés, que nul homme de vertu ne pouvoit obtenir, voire esperer un seul Benefice, ains tomboit le tout à la table des Cardinaux d' Avignon. A quoy mesmement prestoient l' espaule les plus grands Seigneurs du Royaume qui avoient part au gasteau.

Ces Graces expectatives estoient Mandements, par lesquels les Papes lioient les mains des Ordinaires, leur enjoignans que le premier Benefice vacquant de telle ou telle condition, fut conferé à ceux, qui leurs estoient par eux recommandez. Et ne sçavoit-on anciennement que c' estoit de telles reservations en l' Eglise. Qui faict qu' en tout le Decret de Gratian il n' en est faicte nulle mention. Depuis on les mit dans Rome en avant, mais avecq' quelque sobrieté, premierement par prieres, puis par commandemens expres. Et n' avoit accoustumé un Pape de greuer, sinon une fois une Eglise, & encores d' un Benefice tant seulement. Pour ceste raison estoit coustumier d' adjouster tousjours ceste clause, moyennant que nous ne vous en ayons point escrit pour un autre. Avec le temps on passa plus outre, & neantmoins voyant que les Ordinaires se rendoient quelques fois refractaires à ces Mandemens, s' il estoit advenu qu' au prejudice d' un Mandataire, les Evesques en eussent pourveu un autre, le Pape vouloit qu' ils fussent contrains de bailler pension à son denommé, jusques à ce qu' il eust esté remply du premier Benefice vacquant. Et pour encores être mieux obey, il envoyoit premierement lettres monitoriales, ou preceptoriales à l' Evesque, & s' il se rendoit difficile à y obeyr, il decernoit puis apres des lettres executoriales. C' estoit qu' il addressoit ses bulles à un Abbé, ou autre ayant une dignité Ecclesiastique, pour mettre à execution ses Bules, & pourvoir son mandataire à la premiere vacquation qui adviendroit d' un Benefice. La meilleure de toutes ces constitutions Decretales estoit contre tout ordre de droit, toutesfois un tas de Canonistes Courtizans, les voulurent flatter de propositions plus hardies, soustenans que c' estoit une chose de mesme effect & vertu, de voir un benefice mis en reserve par le Pape, comme s' il eust vacqué en Cour de Rome. Et depuis ceste invention se meit au desbord, & fit sa derniere preuve en France, ainsi que je disois maintenant dessouz le siege d' Avignon.

Comme pareillement fut celle des Exactions, lesquelles estoient de trois especes. L' une qui venoit soubs le pretexte des visitations, l' autre soubs le nom de vacquans des premieres annees des benefices, que nous appellasmes depuis Annates: & la derniere soubs celuy des Decimes. En tant que touche la premiere, elle prit son estoc de plus loing, & voicy comment. Le principal soing des Evesques est d' avoir l' œil sur toutes leurs ovailles, & par special sur les personnes Ecclesiastiques. Et à ceste cause leur estoit enjoinct par tous les plus anciens Concils de visiter tous les ans leur Clergé: C' est une charge fonciere qui est annexee à leur mitre, dont ils sont redeuables envers leurs inferieurs, tant s' en faut que leurs inferieurs leurs en doivent payer chose aucune. Toutesfois comme il eschet ordinairement que les plus foibles soient tousjours opprimez par les plus forts, aussi petit à petit il advint que les Evesques faisans, ou en personnes, ou par l' entremise de leurs Archidiacres leurs visitations, ils se firent payer quelques deniers pour le defroy de leur despence. Chose qui fut tres estroittement defendue par l' Eglise Gallicane, en un Concil tenu à Chalons sous la lignee de Charlemagne. Qui monstre que deslors l' abus commençoit à naistre. Or le Pape se pretendant Ordinaire des Ordinaires, avoit dés pieça attiré par devers soy ce droict de Visitation: lequel on tourna en coustume depuis le siege d' Avignon: Car fust que l' on visitast ou non, il fassoit payer au Pape le droict de ces Visitations, appellees autrement Procurations. Chose dont les Beneficiers avoient passé condamnation volontaire. De tant qu' ils sentoient beaucoup moins de charge, & incommodité en leurs benefices, n' estans visitez, que s' ils l' eussent esté. 

De ceste mesme hardiesse Jean vingt-deuxiesme, successeur de Clement cinquiesme, introduisit sur les Benefices, les Annates: Qui estoit, que de tous les benefices vacquans en & au dedans le Royaume de France, il pretendoit que le revenu de la premiere annee luy estoit deu. C' est luy qui fit dresser les Extravagantes, tout ainsi que Clement les Clementines, de la lecture desquels livres on peut aussi aisement recueillir quel estoit l' Estat de ce temps là. Et au milieu des corruptions telles que dessus, encores s' en engendra une autre de plus pernicieux exemple que celles-cy, & qui à la longue a presque apporté la ruine, & desolation de l' Eglise. Ce fut d' imposer des Decimes par les Papes sur tout le Clergé, lesquelles auparavant on n' avoit accoustumé de lever que par devotion pour subvenir aux voyages d' outremer: & comme un abysme en produit aisement un autre, aussi l' abus s' y planta à perte de veuë. Boniface IX. confirma les Annates à toute sa posterité par une sentence Decretale. Clement septiesme d' un autre costé ordonna que de tous les Benefices de la France il prendroit la moitié du revenu pour l' entretenement de son Estat, & de ses Cardinaux, sur peine de privation totale des Benefices à ceux qui s' y opposeroient: & eut l' Abbé de S. Nicaise de Rheims ceste commission: d' avantage fit plusieurs autres exactions non auparavant cogneues par l' ancienneté. Nous trouvons une Ordonnance de Charles sixiesme, de l' an mil trois cens octante cinq, où il recite que trente trois Cardinaux creatures de Clement VII. en Avignon, prenoient la plus grande partie des fruicts & emolumens des benefices de la France, par ce qu' ils n' en avoient ailleurs, defraudans par ce moyen les gens doctes des Universitez, du talent qui leur estoit deu. D' avantage, que combien qu' un Evesque peust tester & creer un executeur de son testament & delaisser sa succession à un heritier ab intestat: toutesfois soudain qu' il estoit decedé, le Pape envoyoit arrester par un Collecteur tous ses biens meubles, & immeubles, tant propres, qu' acquests, & les approprioit à son usage, sans en reserver une seule parcelle, pour la reparation de l' Eglise, & sans payer les debtes du deffunct, comme s' il n' en eust peu contracter aucune, au prejudice de ses droicts. Et le semblable faisoit à l' endroict d' un Abbé estant decedé, auquel son Eglise devoit succeder. D' ailleurs tant & si longuement qu' une Abbaye vacquoit, & jusques à ce que son successeur eust pris possession paisible, le Pape en percevoit les fruicts. Adjoustant que les collecteurs levoient au profit du Pape le revenu du premier an de tous les benefices vacquans par resignation, permutation, ou autrement, en quelque façon que ce fust, voire encore qu' ils vacquassent en Regale, ou en Patronage lay, & que les Cardinaux prenoient pensions enormes sur les Benefices, ne laissans moyens aux titulaires d' eux nourrir & alimenter. Pour ces causes le Roy veut & ordonne que les Juges ordinaires procedent par voye de saisie sur ces pensions, ensemble sur le temporel, des Eglises, pour proceder aux reparations du consentement des personnes Ecclesiastiques: veut aussi que les heritiers des Evesques leur sucedent, & les Monasteres aux Abbez, & que le Pape ne puisse rien prendre sur les benefices, qui estoient en Regale, ou patronage lay, c' estoit aucunement se garentir du desordre, mais non tout à fait, comme depuis nous feismes soubs le Pape Benoist treziesme: car à la verité en ce grand besoin l' Eglise Gallicane monstra à bonnes enseignes ses forces. 

sábado, 10 de junio de 2023

3. 16. De l' ordre que S. Louys apporta pour la manutention des Libertez de nostre Eglise Gallicane.

De l' ordre que S. Louys apporta pour la manutention des Libertez de nostre Eglise Gallicane.

CHAPITRE XVI.

Depuis la venuë de Capet, jusques à sainct Louys il y avoit eu plusieurs belles Ordonnances, & constitutions Synodales, qui s' estoient passees en l' Eglise pour la reformation des vices qui s' y estoient insinuez soubz la famille des Martels: mesmes par deux Concils tenus dans Rome, en l' Eglise sainct Jean de Latran, l' un soubz Alexandre troisiesme, & l' autre soubz Innocence troisiesme: mais l' on n' osoit aucunement toucher aux abus que l' on voyoit de jour à autre provigner en l' Eglise Romaine. Car par le Concil de Latran, tenu souz Alexandre, furent faites defences aux Prelats de ne greuer les Curez, & autres Beneficiers inferieurs, en faisant les visitations accoustumees dans leurs Dioceses. Que les Prelats ne pourroient imposer tailles, ou exactions sur le Clergé. Que l' on ne pourroit appeller aucun à l' ordre de Prestrise, qu' il n' eust tiltre, dont il se peust substanter. Que nul ne pourroit toucher aucun denier pour l' administration des saincts Sacremens, encor' que l' on pretendist être fondé en une ancienne coustume, que l' on appelloit louable. Defenses de tenir plusieurs Benefices ensemble: Comme pareillement aux gens laiz de pouvoir induëment occuper les dismes, ainsi qu' ils s' en estoient faicts croire par le passé. Que pour bannir l' ignorance, qui lors estoit trop familiere parmy le Clergé, il y avroit en chaque Eglise un Maistre, ou Escolastre destiné pour enseigner gratuitement les bonnes lettres, tant au Clergé, qu' aux pauvres escoliers de leurs Dioceses. Et en l' autre Concil de Latran, qui fut tenu souz Innocence, environ soixante ans apres, en renouvellant les anciens Decrets, & Canons, fut enjoinct aux Metropolitains de tenir tous les ans en leurs Provinces, un Concil avecq' leurs Evesques sufragants, & comprovinciaux, pour reformer les mœurs du Clergé. Et a fin que cela peust être mieux executé, qu' ils eussent à establir personnes idoines par chaques Dioceses, qui s' informeroient de la vie, & mœurs des Beneficiers, & autres personnes Ecclesiastiques, & en feroient leurs procés verbaux, qui seroient rapportez aux Concils. Et encores en adjoustant à l' autre Concil, qu' il y avroit non seulement un Escolastre, mais aussi un Theologal, & qu' à chacun d' eux seroit une prebende affectee en chaque Eglise Cathedrale, pour leur substantation & nourriture. Ce qui seroit aussi exercé és Eglises Collegiales, qui le pourroient porter. Et parce que l' on craignoit que la devotion de former nouveaux Ordres de Religion ne se tournast petit à petit en abus, defenses furent faictes d' en plus innover, mais que celuy qui avroit envie de suivre la vie monastique, & solitaire, seroit tenu de se ranger souz la banniere de l' une des autres Religions, qui avoient esté aprouvees, & authorisees par l' Eglise. Qui estoient certes constitutions tres sainctes, & faictes à l' honneur, & exaltation de l' Estat Ecclesiastic. Mais qui touchast aux abus que l' on voyoit en Cour de Rome, nul ne l' osoit entreprendre. D' autant qu' en ce dernier Concil de Latran, qui est l' un des plus solemnels qui jamais fut tenu dans Rome (Car si nous croyons à Platine, s' y trouverent les Patriarches de Constantinople, & Jerusalem, septante Metropolitains, quatre cens quarante qu' Evesques, qu' Abbez, que Prieurs conventuels, sans les Ambassadeurs des Roys de France, Espaigne, Jerusalem, Chipre, & Angleterre) en ce Concil, dy-je, le Pape fut declaré Ordinaire des Ordinaires, comme j' ay touché ailleurs, avec des prerogatives tres-grandes, mesmes dessus les Patriarches. Ceux qui avoient quelque sentiment en l' Eglise, croioient diversement selon la diversité des temps, & faisons. Et specialement S. Bernard vertueusement, comme celuy qui avoit receu cest honneur, que le Pape, auquel il escrivoit, avoit esté & son disciple, & l' un de ses Religieux: mais c' estoient voix entenduës sans effect, comme il advient assez souvent aux meilleurs prescheurs. Ce nonobstant lors qu' il sembloit que nous fussions plus eslongnez de tout remede, & au dessouz de toutes affaires, ce fut lors que Dieu miraculeusement permit que l' on y apportast quelque ordre en ceste France, non par schisme, ou heresie, mais par le plus Catholique Roy que nostre France jamais porté. Ce fut par le Roy S. Louys, lequel attoucha presque du doigt au temps de la Papauté d' Innocence, qui mourut vers l' an mil deux cens & seize, & ce Roy fut appellé à la Couronne, l' an mil deux cens vingt & quatre, ou vingt & six. Cestuy est celuy entre nous autres, qui bastit une infinité d' Eglises, Monasteres, & Hospitaux: Dans Paris, la saincte Chapelle, les quatre Mendians, l' Eglise de saincte Croix, les Chartreux, les Blancs Manteaux, les filles Dieu, l' Hospital des Aueugles, que l' on appelle quinze vingts, l' Hostel Dieu: en l' Evesché de Beauvais, l' Abbaye de Royaumont, les Hostels Dieu de Compieigne, Pontoise, Vernon, l' Abbaye sainct Matthieu à Rouen. Donna à nostre saincte Chapelle plusieurs beaux, & riches thresors, la Couronne d' espines de nostre Seigneur, une partie de la vraye Croix, l' esponge, le fer de la lance, qui sont les plus beaux joyaux qui soient demourez à noz Roys, & à la conservation desquels ils se doibuent autant & plus estudier qu' à la conservation de leur Couronne. Et d' une mesme devotion pour monstrer que tout le but, où il visoit, n' estoit qu' à une charité Chrestienne, il n' employa point ses forces de Chrestien, contre Chrestien, ains encontre les Turcs, & Sarrasins par deux voyages, qu' il y fit, pour le recouvrement de la terre saincte. Tellement que l' on luy doit sans controverse donner le premier lieu de Catholique, & Chrestien entre noz anciens Roys. Cestuy de pareille devotion qu' en toutes les autres actions, voyant comme les Eglises de son Royaume vaguoient en incertitude, pour la grande authorité que la Cour de Rome avoit empietee sur les Ordinaires, s' estant donné toute prerogative au prejudice tant des élections, que collations, voulut par l' advis de son Clergé, & des principaux de son Royaume, reduire les choses en leur ancienne dignité, au moins mal qui luy seroit possible: & fit ceste belle Ordonnance que quelques uns appellent la Pragmatique Sanction de sainct Louys, de laquelle nous trouvons la teneur telle au vieux stile du Parlement de Paris. Statuimus & ordinamus, ut Praelati regni nostri, patronique beneficiorum collatores *ins *suum *plenarium habeant, & unicuique sua iurisdictio servetur, insuper Ecclesiae Cathedrales, & aliæ regni nostri, liberas electiones habeant, & earum effectum integraliter prosequantur, promotionesque, collationes, provisiones, & dispositiones praelaturarum, dignitatum, & aliorum quorumcumque beneficiorum Ecclesiasticorum regni nostri secundum ordinationem, & dispositionem iuris communis, sacrorum Ecclesiæ Dei conciliorum, atque institutorum sanctorum Patrum fieri volumus, & ordinamus. Nous voulons (dit-il) & ordonnons que les Prelats de nostre Royaume, & tous Patrons de benefices, & collateurs iouïssent paisiblement de leurs droicts, & qu' à chacun d' eux soit gardee sa jurisdiction: pareillement que les Eglises Cathedrales, & autres de nostre Royaume exercent librement leurs elections, & qu' elles sortissent leur plein & entier effect: Comme aussi les promotions, collations, provisions, & dispositions des prelatures, dignitez, & tous autres benefices Ecclesiastics de nostre Royaume: Le tout selon la disposition de droict commun, & saincts Concils de l' Eglise, & constitutions de noz bons Peres. Nicolas Gilles en la vie de ce Roy, y a adjousté un article concernant les exactions, & impositions de Cour de Rome sur les benefices, qu' il defend, & prohibe être faits: suivy en cecy aucunement par maistre Charles du Moulin, l' un des premiers Jurisconsultes de nostre France, en son traicté des petites Dattes de Rome.

Les Anciens ont dit que celuy qui a bien, & heureusement commencé, a la moitié de l' accomplissement de son œuvre. Ceste premiere pierre estant de ceste façon jettee pour le restablissement de l' ancienne dignité de nostre Eglise Gallicane, les passages en furent de là en avant beaucoup plus ouverts qu' ils n' avoient esté au precedant. Et le temps sembloit en cecy nous conduyre plus aisément par deux nouveaux instrumens, qui s' establirent en nostre Republique Françoise. Le premier de ces deux est le Parlement qui fut rendu perpetuel dedans la ville de Paris, avec les grandeurs & authoritez que je vous ay representees au second livre de mes Recherches: Auquel noz Roys, qui succederent à sainct Louys, doivent trois, & quatre fois plus qu' à tous les autres Ordres politics. Et toures & quantesfois que par opinions courtisanes ils se des-uniront des sages conseils & remonstrances de ce grand corps, autant de fois perdront-ils beaucoup du fonds & estoc ancien de leurs majestez, estant leur fortune liee avec ceste compagnie. L' autre fut l' Université de Paris, qui commença de poindre quelque peu de temps auparavant le regne de sainct Louys, dans laquelle soubz le mesme Roy avoit esté plantee par Robert de Sorbonne ceste pepiniere de Theologiens, qui depuis apporta une infinité de bien à l' Eglise: Car ores qu' elle ait fait un perpetuel vœu & profession de viure souz les reigles de l' Eglise Catholique Apostolique de Rome, si s' estudia-elle tousjours à l' extirpation des abus, aussi bien que des heresies; estant d' une mesme balance autant ennemie de l' un que de l' autre. Et en s' opposant aux abus, elle pensa grandement vacquer à l' exaltation du sainct Siege. Et fut la cause pour laquelle Jean de Meun au Roman de la Roze disoit: 

Si ce n' estoit la bonne garde

De l' Université qui garde

Le Chef dels Chrestienté

Tout eust esté bien tourmenté.

Et neantmoins il ne faut pas estimer que ce seul coup apporta medecine accomplie. Car le mal avoit pris ses racines de trop loing. Et encores Dieu vouloit affliger son Eglise d' une grande trainee de maux, qui dura presque cent ou six vingts ans, comme je deduiray cy-apres.