De quelle vertu l' Eglise Gallicane proceda pour exterminer le grand Scisme qui advint pendant le Siege d' Avignon, & des vertueuses procedures faictes contre Pierre de la Lune, dit Benoist treziesme.
CHAPITRE XVIII.
Lors estoit l' Université de Paris en grande vogue & peut être trouva elle plus sa grandeur dedans ces partialitez, pour n' avoir jamais encliné, qu' â ce qui estoit de l' honneur & edification de l' Eglise. Aussi nourrissoit elle dans son sein quatre grands Theologiens, Maistres Jean Gerson, Jean Petit, Gilles des Champs, & Nicolas de Clamengis, ennemis capitaux de ceste desolation publique. Estant sous Benoist XIII. ceste affaire mise en deliberation en presence de tous les Prelats dans Paris; Université estoit d' advis pour le repos universel, & union de l' Eglise, qu' il falloit proceder à la demission des deux Papes. On envoya à Benoist les Ducs de Berry, & Bourgongue, oncles du Roy Charles VI. & avec eux Maistre Gilles des Champs, & autres supposts de l' Université pour le convertir à ceste cession & deportement, mais il n' y voulut entendre. Ce que voyant le Roy, il depesche Ambassadeurs aux Roys & Princes d' Allemagne, Angleterre, & de toutes parts pour les advertir quelle estoit la resolution generale de son Eglise, laquelle fut depuis suyvie comme la vraye & la plus seure. Il seroit mal aisé de raconter combien de touts & artifices furent inventez par Benoist, pour rompre le coup à ce bel advis. La necessité du temps avoit produit quatre instrumens, pour defendre les anciens privileges de nostre Eglise Gallicane. Le Roy pour chef, ou pour le moins faisant une des bonnes parties de son Eglise, les Prelats, la Cour de Parlement de Paris, & l' Université de ce mesme lieu. Quant aux Prelats, encores que la querelle les rouchast principalement, si estoient ils tant harassez par les exactions, communications & fulminations de Rome, qu' ils n' osoyent bonnement faire espaule à ce beau dessein. Restoient doncques les trois autres, que Benoist vouloit sur toutes choses gaigner, asseuré d' avoir puis apres aisement victoire contre les assauts qu' on luy liureroit. Il pense de les attirer à sa cordelle par divers moyens. Le tout toutesfois aux despens, perils & fortunes des pauvres Ecclesiastics de la France. Il octroye d' un costé une decime au Roy, à prendre sur tout le Clergé de la France: d' un autre, il octroye aux Universitez, rolles, pour avoir provisions de Benefices sur les Ordinaires, comme dit la mer des Histoires: invention, qui pour être issuë d' une mauvaise cause, produisit toutesfois à l' advenir bons effects. Et pareille permission donna-il à ceux du Parlement de Paris: pour le moins vers ce temps là, & quelques annees apres: l' on commence de parler des irrotulations des benefices, qui leurs estoient accordez. Car vous trouverez aux registres de la Cour du 7. Septembre 1402. rolle des Benefices de ceux de la Cour, dont n' avoit esté faite nulle mention au precedent. Qui est ce que l' on a depuis appellé l' Indult de la Cour de Parlement, dont j' ay parlé au 2. livre. Tout cela ne profita pas grandement pour ce coup là, d' autant que Benoist ne voulant entendre à l' union de l' Eglise, fut tenuë dedans la ville de Paris une assemblee generale de Prelats 1398. où fut conclud qu' on soustrairoit non seulement à Benoist la collation, & pleine disposition des Benefices, mais qui plus est, on luy feroit planiere soubstraction de toute obeissance, & que l' Eglise Gallicane seroit reduite en ses anciennes libertez. C' est à sçavoir, que les Ordinaires confereroient les Benefices estans en leur collation, & par ce moyen cesseroient toutes graces expectatives, & reservations, & qu' aux Benefices electifs on procederoit par voye d' election, & en appartiendroict la collation aux Ordinaires. Apres lequel Decret, vacqua l' Abbaye S. Denis par le decez de Guy Abbé: & en son lieu fut esleu Guy de la Vilette. On doutoit si l' Evesque de Paris pourroit confirmer ceste élection, pour être ceste Abbaye exempte de la jurisdiction de l' Evesque: toutesfois pour ce coup, & sans le tirer en consequence il fut dit que la confirmation tiendroit. Depuis ces Ordonnances Royales ainsi publiees, les Ordinaires par une avarice, qui leur est quelquefois ordinaire, commencerent à gratifier leurs valets des Benefices. Dont sourdit encores, un murmure plus grand, & appresta occasion à l' Université d' en crier. Disant qu' il estoit encores plus supportable que les Cardinaux d' Avignon en fussent pourveus, que les serviteurs des Evesques. Qui fut en partie cause (joint les menees des plus grands qui sous main favorisoient Benoist XIII.) qu' en l' an 1403. fut publiee l' annullation de ceste soubstraction. En suitte de quoy Benoist vouloit casser, & annuller toutes les elections, confirmations, consecrations, benedictions, collations & provisions, qui avoient esté faites, pendant le temps de ceste soubstraction. Mais l' Eglise de France s' y opposa, & fut advisé que le Roy defendroit les possesseurs en leurs possessions, qui avoient tiltre, & qu' on ne souffriroit qu' on s' aidast au contraire de Bulles Apostoliques. Outre furent de rechef prohibees, & defendues les exactions d' argent que faisoit Benoist en vacquans, ou autrement, & en ordonna le Roy ses lettres patentes, le 29. Decembre en cest an. C' estoit luy faucher l' herbe soubs le pied, & ne pesoient pas moins à Benoist ces defenses, que si totalement l' on se fust soubstrait de son obeissance. Au moyen dequoy estimant qu' il n' avoit de plus fort ennemy, que l' Université de Paris, il se voulut armer de pareilles forces. Ce fut de l' Université de Tholoze: mais la partie estoit mal faite, de tant que Tholoze est moindre que la ville de Paris.
En l' an 1406. il depesche un Cardinal d' Avignon, avec quelques deputez de l' Université de Thoulouze, dont le chef fut nommé Flandrin portans lettres pleines d' oprobes, signamment de ceste Université, ce que venu à la cognoissance del' Université de Paris, elle delegue maistre Jean Petit pour faire remonstrances contraires en la Cour de Parlement. Chose dont il s' aquita fortement, persistant en la soubstraction du Pape Benoist, telle qu' autresfois elle avoit esté arrestée. Et Juvenal des Ursins Advocat du Roy requit l' Epistre être laceree. Pour le faire court, par arrest donné en Juillet, furent les conclusions des gens du Roy suivies, & ordonné que l' original de ceste Epistre seroit laceré dans Paris, & le transsumpt, tant en la ville de Tholoze, que sur le pont d' Avignon: ce qui fut fait. Et le 7. D' Aoust ensuivant, fut reiteree la soubstraction de Benoist entant que touchoit les finances, & defendu de ne luy en transporter aucunes, & qu' à cet effet seroient deputez gardes par les portes, & ponts (limitrohpes) limitrophes, pour foüiller les passans. Et deslors fut advisé que tous les Evesques, Prelats & Chapitres s' assembleroient dans Paris à la S. Martin lors prochainement venant, pout adviser touchant le fait de l' Eglise, & de Benoist, que nos Historiographes dés là en avant ne daignent plus appeller de ce nom de Benoist, ains sans plus, Pierre de la Lune. Et chacun s' y estant trouvé, mesmes les Chapitres par leurs Syndics, & les premiers de l' Université: là fut le fort de la meslee. Par ce que le Roy ordonna que devant luy en son Grand Conseil il y en eust douze qui soustinssent le party de Benoist, & que l' on ne se devoit soustraire de luy, & les autres le contraire. Maistre François aux Bœufs Parisien Docteur en Theologie, & de l' ordre de S. François commença, suivy de Maistre Jean Petit. Tous deux soustenans que Benoist devoit ceder, & se demettre de la Papauté. Autrement que l' Eglise Gallicane se pouvoit, & devoit purement, & franchement soustraire de son obeyssance, & que le Roy en son Eglise de France pouvoit par ses Prelats pourvoir aux Benefices, qui tomboient en election, ou collation, selon la forme ancienne. Et à ceste mesme opinion condescendit Messire Jean de Cremaux Evesque de Poictiers. Adonques le Roy par l' organe de son Chancelier, demanda aux partissans du Pape ce qu' ils vouloient dire, & leur fut donné delay au Lundy ensuyvant, pour y respondre. Auquel jour parla premierement Maistre Guillaume Filastre Docteur en Canon, & Doyen de l' Eglise de Rheims, parlant grandement au desadvantage du Roy, & de son Eglise de France, pour soustenir le Pape: mais il ne respondit aux raisons des autres. Et à la suitte de cestuy, le Bruel Archevesque de Tours, le 4. Decembre respondit aux raisons de ceux qui estoient d' avis de la cession, & soubstraction. Et l' onziesme du mesme mois, Maistre Pierre d' Ailly Docteur en Theologie (qui depuis fut Evesque de Cambray) reprit les arrhemens de cest Archevesque, concluant qu' il falloit passer les choses par un Concil, & non par voye de fait. Qui n' estoit pas une petite opinion, & par adventure la plus saine. A quoy l' Université respondit par la bouche d' un Abbé de S. Michel en Normandie, Docteur en Decret: puis par maistre Pierre Placet Docteur en Theologie, monstrans l' un & l' autre quelle estoit la puissance & autorité d' un Roy de France en tels desordres. Ausquels repliqua le Doyen de Rheims, commençant sa Harangue par ce verset, Manete in mea dilectione, & l' Evesque de Poictiers luy respondant, commença par cest autre, Si servaveritis mandata mea, manebitis in mea dilectione. Le Chancellier ordonna que les gens du Roy seroient ouys apres eux. A quoy satisfaisant Maistre Juvenal des Ursins Advocat du Roy, l' un des plus grands personnages de sa robbe qui fut de son temps, commença aussi par ce verset, qui est du 31. Pseaume de David. Viriliter agite, confortetur cor vestrum, omnes qui speratis in Domino. Concluant pour la puissance du Roy, & adherant avec l' Université de Paris. Les choses estans en ceste façon disputees, & à bien assailly bien defendu, avant que d' y interposer aucun Decret, il fut advisé d' implorer la grace du S. Esprit. A ceste fin fut faite le seiziesme Janvier une procession generale, où y avoit 64. qu' Archevesques, qu' Evesques, qu' Abbez, & le 18. Fevrier, le tout estant passé par meure & saincte deliberation de Conseil, fut le Concil general arresté pour reformer l' Eglise, tant au Chef, comme aux membres, & neantmoins cependant que soubstraction seroit faite de Pietre de la Lune, dit Benoist, & l' Eglise de France reduite en ses anciennes franchises & libertez, & qu' en ce faisant les Ordinaires confereroient les Benefices, qui estoient en leurs collations, & aux electifs pourvoyroient par elections, & confirmations au desir des constitutions anciennes, & Canoniques. Vray est que ceste ordonnance ne fust, si tost publiee, pour l' empeschement qu' y donnerent les Princes, & grands Seigneurs, qui favorisoient sourdement le party de Benoist. Et en l' an 1408. le Roy pourveut à la forme & maniere de conferer les Benefices aux supposts des Universitez, pour oster l' abus qui s' estoit auparavant en pareille reformation introduict entre eux, par les Indults, & gratifications qu' ils en faisoient à gens indignes, pour recompense de leurs services, en defraudant ceux-là qui avoient bien merité des bonnes lettres. Pietre de la Lune ne se voulut pour cela rendre, & sommé premierement de se demettre de la Papauté pour le repos du public, il respondit brusquement qu' il n' en feroit rien, & que ce n' estoit de nous qu' il devoit recevoir la loy, ains nous de luy. Et d' une mesme main depesche les Legats en France, qui apporterent une longue bulle de sa part, par laquelle il mettoit le Roy, & tout son Royaume en interdiction, pour s' être soubstraits de son obeissance. Au moyen de quoy le Roy le 21. jour de May, 1408. vint au palais en son lict de Justice, où assisté de plusieurs Princes du sang, & autres Seigneurs de son grand Conseil, il representa la bulle d' interdiction. Et là devant sa Majesté, un Docteur de Theologie, nommé Courtecusse, monstra par plusieurs raisons les abus de ceste bulle. A maniere que par arrest fut dit qu' elle seroit publiquement laceree, puis arse. Et que Gonsalve, & Conseloux, qui l' avoient apportee, seroient pris, escharfaudez, mitrez, & preschez publiquement. Ce qui fut fait le plus ignominieusement que l' on pourroit dire, au mois d' Aoust ensuivant. Et dit Enguerrand de Monstrelet, qu' ils furent * Losure au Palais sur une claye, vestus d' habillemens (j' ay leu dedans un papier journal de ce temps là, d' une tunique de toile où estoient figurees les armes de Pierre de la Lune à l' envers, & aupres de la pierre de marbre, *aux pieds des grands degrez du Palais, fut un *escharfaut levé, & * * monstre à tout le peuple, estant escrit sur leurs Mitres. Ceux sont desloyaux à l' Eglise & au Roy. En fin l' arrest executé en tout, selon sa forme, & teneur. Et apres cela maistre Ursain Taluande, Docteur en Theologie, fit une longue harangue devant tout le peuple, par laquelle il representa le motif de ceste histoire, au grand contentement de chacun.
Comme les affaires de l' Eglise Gallicane se menageoient de ceste façon en France, d' un autre costé pour reduire les choses en leur premiere union, fut en l' an mil quatre cens & sept tenu un Concil en la ville de Pise, où se trouverent huict vingt Evesques, & Abbez, six vingts Docteurs en Theologie, & une infinité de Docteurs Canonistes, & Civilistes, & quelques Ambassadeurs des Princes Chrestiens, & là, Gregoire 12. & Benoist 13. citez ne comparans, furent pour leurs contumaces destituez de leurs Papautez, & en leur lieu creé Alexandre 5. de l' ordre des freres Mineurs. L' apostume n' estoit encores meure. Ce nouvel ordre apporta un plus grand desordre. Car les deux autres n' y obeyssans, & cestuy se faisant accroire qu' il estoit le Pape legitime, se trouverent trois Papes en un mesme temps. Et ce tiers mesmement au lieu de despoüiller l' ambition de sa teste, soudain apres sa promotion envoya en France pour lever deux Decimes sur l' Eglise Françoise: mais le grand Conseil, & l' Université ne les luy voulurent accorder, & s' y opposa l' Université pour le corps general du Clergé, & suyvant son opposition luy furent deliurez mandemens du Roy, addressez à tous Dioceses pour chasser ceux qui feroient ceste demande. Ce Pape ne vesquit qu' un an, & fut apres son decez creé Jean XXIII. homme d' une vie tres-damnable, & lequel fut accusé d' avoir empoisonné son predecesseur pour parvenir par corruption à ceste dignité Pontificale, à la quelle aussi tost qu' il fut appellé, il commanda une Decime, & encores declara que toutes despoüilles des Ecclesiastics trespassez luy appartenoient. L' Université prit encores vertueusement ceste querelle en main, & pource s' assembla au College de S. Bernard (c' estoit le lieu, où premierement se faisoient les congregations du Recteur) & là est ramenee à effect l' ordonnance de mil quatre cens six encontre Pierre de la Lune, par laquelle il avoit esté arresté que l' Eglise Françoise estoit franche, & par consequent quitte, & exempte de tous dixsmes, procurations, exactions & subsides en quelque façon que ce fust, & furent deputez aucuns de ce corps pour remonstrer au grand Conseil, & au Parlement, que c' estoit à eux de defendre les droits du Roy. Que si le Pape vouloit contraindre par censures Apostoliques le Clergé de France, il en faudroit appeller au futur Concil general: & s' il y avoit personnes Ecclesiastiques, ausquelles fust commise la charge de ceste collecte, il les faudroit punir par saisie, & annotation de leurs biens. Et à ceste fin requeroient l' adjonction du Procureur general du Roy, declarans toutesfois que là où le Pape allegueroit necessité apparente en l' Eglise, seroient assemblez les Prelats pour contribuer par forme de subside charitable seulement, & que les deniers seroient consignez és mains de certains preud'hommes à ce par eux deputez pour les mesnager, & distribuer ainsi que l' on trouveroit bon de faire. Depuis le Roy passa par cest advis, nonobstant les remonstrances de l' Archevesque de Pise, Legat du Pape, qui soustint que qui voudroit empescher ceste cueillette, & levee de deniers, il ne seroit pas vray Chrestien. A quoy resista l' Université fort & ferme, comme contrevenant ceste proposition aux anciens Decrets & Canons, à la Majesté du Roy, & privileges de nostre Eglise, demandant que le Legat eust à revoquer sa parole, ou permission aux facultez de Theologie, & Decret d' escrire contre luy: ostroit neantmoins pour l' union de l' Eglise Latine, & Gregeoise, ou pour la conqueste de la terre saincte contribuer: comme estans les deux cas, pour lequels seulement le Pape pouvoit user d' imposition dessus le Clergé. Et dit l' histoire que le Roy acquiesça pour ce coup aux remonstrances de l' Université. Mais avant que passer plus outre, il me semble que la longueur de ce chapitre merite bien de faire une pause, pour advertir tous les Princes Chrestiens, & speciallement les nostres, de la faute qu' il me semble qui fut commise par Philippes le Bel, lors qu' il attira la Papauté dedans Avignon, source premiere de tous maux. Discours que je reserve par exprez au chapitre suyvant.
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