D' où vient que l' on a estimé les Greffes, & Tabellionnez estre du Domaine du Roy, ensemble sommaire discours sur les Notaires, & Clercs des Greffes.
CHAPITRE XIV.
De tous les Estats de la France, ceux-cy sont particulierement estimez domaniaux à nos Roys, & non point du regne de Henry troisiesme dernier mort seulement, sous lequel pour faire deniers ils furent alienez: Mais dés le temps mesmes de Philippes le Long, par son Ordonnance de l' an mil trois cens dix-neuf, dans laquelle y avoit article expres portant ces mots: Et est à entendre que les sceaux, & escritures sont de nostre Domaine: & Et plus bas: Item tous sceaux, & escritures seront vendus d' oresnavant par encheres a bonnes gens & convenables: Mais d' où vient que tous les autres offices sont mis entre les parties casuelles, & ceux cy particulierement reputez domaniaux? Cela procede d' une ancienneté, qui prend ses racines de l' Empire de Rome, sous lequel tous ceux qui estoient serfs, & gens de mainmorte condition estoient par nous possedez, tout ainsi que toute autre chose qui estoit de nostre Domaine. De maniere qu' ils pouvoient estre par nous vendus, & alienez. Or est-il qu' entre les serfs il y en eut une espece de publics, c' est à dire de gens qui estoient destinez pour le service des villes: Dont les aucuns furent Greffiers destinez à recevoir es appointemens & sentences des Juges des lieux, & les autres Tabellions, pour recevoir les contracts qui se faisoient entre les parties. Pour le regard des Greffiers, nous l' apprenons de Jules Capitolin en la vie de l' Empereur Gordian, parlant d' un Arrest du Senat de Rome, qui avoit esté receu par la main d' un Senateur, & non d' un Greffier, a fin qu' il ne fust divulgué, lequel pour cette cause appelle il, Senatusconsultum tacitum. Non scribae (dit-il) non servi publici, non censuales exceperunt. Et c' est la cause pour laquelle AEmilius Probus en la vie d' Eumenes disoit. Scribae munus apud Graios fuiße honorificentius, quam apud Romanos. Nam apud nos sicut sunt, mercenarii existimantur, & apud illos contra, nemo ad id officium admittitur, nisi honesto loco, fide, & industria requisita. Quod necesse est eum omnium Consiliorum esse participem. Et les premiers qui entre les Empereurs de Rome les voulurent affranchir, furent Arcade, & Honore en la loy unique, De scribis & holographis, au Code Theodosian. Ils estoient par les anciens appellez Scribae, Censuales, Logographi, Holographi, mais le mot plus familier estoit celuy de Scriba. Vopisque en la vie de l' Empereur Probus se vante avoir recueilly une partie de son Histoire, Ex regestis Scribarum, c' est à dire des Registres du Greffe: Et de là vient qu' encores és jurisdictions Ecclesiastiques nous appellons Scribe celuy, qui est le Greffier, que nous avons entre nous appellé du mot Grec.
Au demeurant tout ainsi que les Greffiers, aussi estoient les Tabellions, serfs publics. Et de faict, le tiltre du Code Theodosian conjoint les Tabellions avec les Scribes, & Greffiers. Et cela a produit une coustume, dont plusieurs ignorent la raison. De disposition ordinaire du droict des Romains, nul ne pouvoit stipuler que pour soy-mesme. Regle qui recevoit une particuliere exception, par ce que les serfs, qui estoient de nostre Domaine pouvoient stipuler pour nous. En France nous voyons que les Notaires qui sont les Ministres des Tabellions, stipulent pour nous, encores que nous soyons absens. Parce que les Tabellions estoient reputez serfs publics, & par consequent pouvoient diversement stipuler pour chacun selon les occurrences des affaires. Quand les François s' impatroniserent des Gaules subjectes auparavant de l' Empire, ils ne trouverent point alors, comme il est grandement vray-semblable, ces Greffiers & Tabellions afranchis: Et y a grande apparence que l' ordonnance d' Arcade, & Honore fut introduite pour les villes de Rome, & Constantinople, où ils avoient toute puissance, & non pour prejudicier aux villes, qui particulierement avoient telles sortes de serfs publics. Au moyen dequoy nos Roys ayans transporté en eux tout ce qui estoit de l' authorité publique des villes, ils estimerent les Greffes, & Tabellionnez estre de leur vray estoc & Domaine. Chose que l' on a tousjours estimé, encores que par succession de temps ils ayent esté exercez par gens de franche condition. Cecy se doit nommément entendre pour les Greffes des Jurisdictions ordinaires qui sont les Prevostez, Vigueries, & Vicomtez, & non pour les Greffes des Bailliages, Seneschaussees, ou Elections, & moins encores des Cours souveraines: Qui sont Ordres que la necessité des affaires a depuis introduits en la France, comme pareillement leurs Greffiers, lesquels ne furent jamais mis au nombre des serfs, ny par consequent ne doivent estre reputez domaniaux. Certes celuy qui pour advantager ses affaires, les fit exposer en vente par le feu Roy Henry III. comme domaniaux, meriteroit, s' il vivoit, qu' on luy fist son procez extraordinaire, a fin de servir d' exemple à la posterité. Car je vous puis dire que sur la vente de ces Greffes fut entee la ruine de nostre Estat. Mais pour reprendre le fil du present chapitre, & que l' on cognoisse aussi dont sont provenus les Notaires qui sont ceux qui reçoivent aujourd'huy les minutes des contracts, lesquels sont puis apres grossoyez par les Tabellions, a fin d' estre mis à execution par le moyen du seel qui est par eux apposé. La verité est que ces Tabellions ne pouvans seuls fournir aux affaires, furent contraincts de prendre gens en leurs maisons pour les seconder: Tout ainsi que les Greffiers avoient aussi gens qui escrivoient sous eux, lesquels faisoient part & portion de leurs familles, & qui demeuroient avecques eux. Ceux qui demeuroient avecques les Tabellions, furent à la longue appellez Notaires. Les autres qui avecques les Greffiers furent appellez Clercs, mots de mesme signification pour ceux qui sçavent manier la plume. Et de là vient que nos anciens en cas toutesfois plus auguste appelloient les Secretaires de nos Roys, Clercs, & Notaires, comme ceux qui faisoient seulement profession d' escrire dessous leur authorité. Les Notaires premierement se desmembrerent d' avecques leurs maistres, choisissans des demeures particulieres, & depuis par successions de temps on les erigea en estats pour recevoir les notes, & minutes des contracts. Cette separation n' advint pas si tost aux Greffiers. Car sans aller chercher exemple plus loingtain, sous le regne de François premier, tous les Clercs de Maistre Helie du Tillet Greffier Civil du Parlement de Paris, se tenoient encores chez luy, il couchoit, nourrissoit, chauffoit, le tout en la mesme façon que l' on voit les Clercs des Advocats, & Procureurs. Le Premier Greffier du Parlement, sous lequel se changea cette ancienne coustume, fut Maistre Jean du Tillet, par ce que ses Clercs s' habituerent en autres maisons que la sienne, & se marierent. Vray que tout ainsi que leurs predecesseurs en leurs maisons ordonnaient des charges diverses de leurs Clercs: aussi fit cettuy le semblable, combien qu' ils ne demeurassent chez luy, jusques à cette grande desbauche des Greffes, qui advint sous le regne du Roy Henry troisiesme, quand il les erigea en Offices, tout ainsi comme auparavant avoient esté les Notaires. Et de la vente d' iceux en fit un present à la Royne Catherine de Medicis sa mere.
No hay comentarios:
Publicar un comentario
Nota: solo los miembros de este blog pueden publicar comentarios.