domingo, 6 de agosto de 2023

8. 31. Gehir, & Gesne.

Gehir, & Gesne.

CHAPITRE XXXI.

Quand nos sainctes lettres usent du mot de Gehenne c' est pour denoter une peine de mort eternelle. Nous en nostre commun langage practiquons le mot de Gesne, pour une peine que l' on exerce contre un Criminel, pour extorquer de luy la verité du fait, c' est ce que nous appellons autrement, Torture. Nos bons vieux François userent du mot de Gehir, pource que l' on pourroit dire autrement faire dire la verité par force, & trouve ce mot en une espece de torture au Roman de Pepin.

Li Roy voit les deux serves, & Thibert ensement, 

Il fait prendre la vieille trestout premierement, 

En un trou de terrere li boutent erramment

Ses deulx polx, puis le coignent moult angoisseusement,

Pour li faire gehir la destraignent forment.

Ha Roy Pepins, dit-elle, per Diex omnipotent,

Deliurez moy les mains je diray tout briefment, 

Lors ostent la cheville, n' y font delayement, 

Et la vieille a gehy, oyant toute la gent, 

La trahison, &c.

Vers que je vous represente, non pour le langage, ou pour la façon, mais seulement pour ce vieux mot de Gehir, dont encores usa Enguerrand de Monstrelet du temps de nos trisayeulx au vingt-troisiesme chapitre de son Histoire, parlant d' un combat qui avoit esté faict devant le Comte de Hainault, entre Brouette demandeur, & Bernage deffendeur: Mais Brouette (dit-il) vainquit assez tost son adversaire, & luy fit gehir de sa bouche le cas pour lequel il estoit appellé. Mot qui n' est plus entre nous en usage, fort significatif toutesfois pource à quoy il estoit employé, & souhaiterois que quelque plume plus hardie que la mienne, le voulust remettre en vogue, puis que nous n' en avons aucun qui le represente que par circonlocution.

sábado, 5 de agosto de 2023

8. 30. D' où vient le mot de Bessons, & quelques autres mots François, tirez de mesme etymologie.

D' où vient le mot de Bessons, & quelques autres mots François, tirez de mesme etymologie.

CHAPITRE XXX.

Encores que le fruict soit petit de cette Recherche, si est ce que le labeur n' en est pas moindre. Quand deux enfans sont nez d' une ventree, nous les appellons Bessons, qui est un mot corrompu des Beshoms, tourné de deux mots Latins Bis homines, comme si nous voulions dire, deux hommes. Nos vieux François usoient de homs, pour hommes. Cette mesme rencontre s' observe en ce mot de Besicles, que nous appellons autrement Lunettes, parce qu' elles representent la forme de la Lune, desquelles nous usons pour mieux lire, quand la veuë commence de nous diminuer. C' est pourquoy les anciens les appellerent Bis oculi, doubles yeux, par ce mot abregé de *Basicles. Le mesme est-il au jeu de dez, quand nous tombons sur deux as nous les appellons Besas: & deux sacs recousus ensemble, on les appelle Besaces, ou Bisacs. Cette mesme composition se rencontre en ce vocable de Balevre, comme si nous disions Bis labra: Ainsi est-il de la Balance, parce que chaque costé d' icelle estoit par les anciens Latins appellé Lanx: & de là est que Ciceron en ses Tusculanes, parlant qu' au poids que Philolaüs faisoit de la vertu, elle emportoit en tout & par tout les biens du corps, & de fortune. Nos ancestres doncques appellerent l' instrument destiné à peser, Balance, du mot corrompu de Bilance, ou Belance, quasi Bis lanx. Tout cela en nostre langue a fort bonne grace, & tres mauvaise, si nous en usions ainsi en Latin: Mais c' est ce que j' ay dit ailleurs que nous avons amendé nostre langage du sien de celuy de Rome, comme l' on disoit de Virgile à l' endroit d' Ennius.

D' où vient le mot de Bessons, & quelques autres mots François, tirez de mesme etymologie.


8. 29. C' est la Coustume de Lorry, où le batu paye l' amende.

C' est la Coustume de Lorry, où le batu paye l' amende.

CHAPITRE XXIX.

Quand un homme qui au jugement du peuple avoit bonne cause,  toutesfois par mal-heur a esté mal traicté en justice, on dit en commun proverbe, Qu' il est des hommes de Lorry, où le batu paye l' amende. Lisez la Coustume que nous appellons de Lorry, vous n' y trouvez point cest article, lequel toutesfois a esté autresfois en usage: Au moins trouve-je que le Roy Louys leur ayant octroyé plusieurs privileges, depuis Philippes son petit fils les leur confirma. La confirmation se trouve au memorial de la Chambre des Comptes qui traicte des annees 1448. jusques en l' an 1468. Encores que ce tiltre soit âgé de huict vingts ans plus que ce Memorial: Mais il faut que par occasion qui se presenta lors, il y ait esté inseré: & porte entr'autres articles, cestuy particulierement, Si homines de Loriaco Vadia duelli temere dederint, & praepositi assensu antequam obsides dederint, concordaverint, duos solidos, & sex donarios (: denarios) uterque persolvat. Si de legitimis hominibus duellum factum fuerit, obsides devicti centum & duodecim solidos persolvent. Il y a plusieurs autres articles: Et pour vous monstrer la longue ancienneté de ce tiltre, il y a au bout de ces mots: Sic signatum regni nostri octavo, Adstantibus in palatio nostro, quorum nomina supposita sunt, & signa, S. Comitis Theobaldi dapiferi nostri, S. Guidonis Buticularij, S. Guidonis Camerarij, S. Radulphi Constabularij. Data Vacante Cancellaria. 

Qui est à dire que si aucuns habitans de Lorry folement jettent leur gage de bataille, & que puis apres du consentement du Prevost ils accordent, l' un & l' autre sera condamné en l' amende de deux sols six deniers. Et s' ils combattent, les pleges de celuy qui aura esté vaincu seront tenus de payer cent douze sols. Aux autres gages de bataille le vaincu perdoit bien sa cause, mais je ne voy point qu' il fust tenu de payer aucune amende. Et paraventure de là vint en usage quand un homme mal traicté paye l' amende, on dit qu' il est de la Coustume de Lorry, où le batu paye l' amendé (amende).