domingo, 6 de agosto de 2023

8. 40. Plus malheureux que le bois dont on fait le Gibet.

Plus malheureux que le bois dont on fait le Gibet.

CHAPITRE XL.

Quiconque fut le premier du peuple qui mist en avant ce commun dire, il avoit tres-mal digeré l' entretenement & police de toute Republique bien ordonnee. Car tant s' en faut que j' estime le bois du Gibet mal-heureux, qu' au contraire je le pense nous rapporter un grand fruict, & merveilleusement heureux, pour estre l' un des principaux moyens, par lequel toute Republique demeure calme, & sans trouble. Parquoy je n' eusse passé facilement condemnation à Monsieur Riant Advocat du Roy en la Cour de Parlement, lequel prenant en l' audiance ses conclusions de mot contre un pauvre coupebourse, qui en plein plaidoyer avoit esté surpris au meffaict, dist pour le commencement de sa harangue, que son office estoit un mal necessaire: A mon jugement il luy eust esté trop plus seant de l' appeller Bien necessaire. Car tout ainsi que la Medecine de laquelle tout le sujet gist à entretenir en bonne santé le corps humain, ou bien de la luy restituer lors qu' elle se trouve esgaree, ne se pratique seulement par potions, quand le corps se trouve ou trop replet ou trop vuide: mais aussi à la coupe des membres mutilez, a fin qu' ils n' offencent les autres, & toutesfois pour cela nous avons en aussi grande recommandation le Chirurgien en son endroit, que le Medecin au sien. Aussi en une Republique outre les remedes civils & ordinaires qui s' observent, en sont requis d' autres, lesquels servent d' esmonder les mauvaises branches, qui par leur croissance pourroyent nuire au principal tige, c' est à dire, à toute la communauté du peuple: Au moyen dequoy pour le regard du bois qui est dedié à tel office, les bons devroient presque souhaiter qu' il y eust en chaque ville un Jardin de telles plantes, pour la suppression des meschans, tout ainsi que ja dis quelque personnage d' esprit estant mal mené de sa femme, & entendant qu' à un Figuier quelques femmes s' estoient penduës: Donne moy (dit-il à son voisin) de ce Greffe, a fin que je l' ente en mon Jardin, pour me rapporter de ce fruit. Et toutesfois si à un Gibet nous voulons avec le commun peuple trouver quelque desastre, ou malheur: Bien malheureux fut le Gibet que nous lisons dans la Bible avoir esté par Aman dressé, pour pendre le pauvre Mardochee, auquel le mesme Aman fut pendu au moins de vingt & quatre heures apres. Et le Taureau de Phalaris, duquel l' inventeur fit la premiere espreuve aux despens de sa propre vie. Et sans aller chercher exemples plus loing, nous trouverons le semblable peut estre en celuy de nostre ville de Paris, que nous appellons Montfocon (Montfaucon), qui a apporté tel malheur à ceux qui s' en sont meslez, que le premier qui le fit bastir (qui fut Enguerrant de Marigny) y fut pendu: & depuis ayant esté refaict par le commandement d' un nommé Pierre Remy, luy mesme y fut semblablement pendu, comme Jean Bouchet a observé dans ses Annales d' Aquitaine, en la vie de Philippes de Valois. Et de nostre temps Maistre Jean Moulnier Lieutenant Civil de Paris y ayant faict mettre la main pour le refaire, la fortune courut sur luy, sinon de la penderie, comme aux deux autres, pour le moins d' amende honorable, à laquelle il fut depuis condamné, estant la rencontre de ce Gibet aussi malheureuse, que l' or Tholozan tant celebré par les Historiographes.

Phalaris condamnant le sculpteur Perillus, Baldassarre Peruzzi.


Taureau de Phalaris, Taureau d'airain

8. 39. Fievre de Sainct Valier, & deux autres exemples de mesme subject.

Fievre de Sainct Valier, & deux autres exemples de mesme subject.

CHAPITRE XXXIX.

Le proverbe de la Fievre de Sainct Valier ne nous est que trop familier, mais non l' Histoire qui fut à la longue, cause de ce proverbe, & d' une infinité de malheurs dont la France a esté affligee: Au quatorziesme chapitre du cinquiesme Livre de mes Recherches, je vous ay dict les bonnes mœurs, les grands biens & honneurs, dont Charles premier Prince de la Maison de Bourbon, fut sur son advenement revestu, & comme Susanne sa femme estant decedee, Loüise de Savoye, mere du Roy François premier eut envie de l' espouser, & les moyens qu' elle practiqua pour s' en revanger, par les advis du Chancelier du Prat, creature de la Maison de Valois. Chose qui cousta depuis la ruine de la France, par les evenemens divers qui s' en ensuivirent: Et comme l' Empereur Charles cinquiesme sçeut fort bien faire son profit de cette premiere malencontre. Et par le quinziesme chapitre suivant, je vous ay dict que le Seigneur de Bourbon voyant sa deliberation descouverte, se logea tout aussi tost dedans Chantelle, place forte qui luy appartenoit, envoya tout aussi tost d' une suitte Huraut Evesque d' Autun, auquel il avoit grande fiance, avecques lettres, portans quelle estoit sa resolution: Mais le Roy impatiant de tous ses deportements, fit saisir au corps l' Evesque avant son arrivee, & tout d' une main investir le Chasteau de Chantelle: & de quelle façon il sortit de la France. Or comme cela se manioit de cette façon, nouvelles vindrent à Madame la Regente, de la part de Messire Louys de Brezé grand Seneschal de Normandie, qui y commandoit, & escrivit lettres au Roy, estimant qu' il sejournast encores à Blois: par lesquelles il mandoit le nouveau mesnage que brassoit le Connestable, & comme de ce il en avoit eu advis par un homme d' Eglise, & luy par la confession de deux Gentils-hommes: Lettres que la Regente receut pour l' absence du Roy son fils: Mais par autres luy escrivit qu' il s' asseurast qui ils estoient, & les luy envoyast sur sa parole, comme ceux qui ne recevroient aucun mal. Ce qu' il feit, & là vindrent les deux Gentils-hommes le trouver en la ville de Blois, où ils furent interrogez par le Chancelier du Prat, & leurs depositions receuës par Estienne Robertet Secretaire des Finances. Le premier nommé Jacques d' Argonges, aagé de quarante huict ans, & le second Jacques de Matignon, de quarante six ans. Et par leurs interrogatoires descouvrirent une infinité de choses qu' ils avoient aprises de Leursy Secretaire du Connestable dedans la ville de Vandosme: Et d' autant qu' auparavant que s' ouvrir, Leursy les avoit adjurez sur les Sainctes Evangiles, de ne reveler ce qu' il leur diroit, soudain apres qu' il fut party ces deux Gentils-hommes qui pensoient estre arrivez pour accompagner le Connestable, au voyage qu' ils pensoient devoir estre faict en Italie à la suitte du Roy, rebrousserent chemin en leurs maisons, ne voulans participer à telles detestables trahisons, mais ayans faict serment solemnel de ne reveler rien de tout cela, s' en seroient confessez à un homme d' Eglise, qui en avoit donné advis au Seigneur de Brezé, & luy à Madame la Regente. Laquelle ayant entendu cette malheureuse negotiation, envoya aussi tost le tout au Roy François son fils. Et comme il en eut advis, & de la fuitte du Connestable, apres s' estre saisi de l' Evesque d' Autun, il fit prendre au corps les Sieurs de Prié, d' Ecars, de la Vauguion (ces deux derniers Capitaines de 50. lances) & plusieurs autres Seigneurs: Mais sur tous Messire Jean de Poitiers, Seigneur de Sainct Valier Chevalier de son Ordre, Capitaine des cent Gentils- hommes de sa Maison: qu' il fit conduire au donjon de Loches, par le Seigneur d' Aubigny Capitaine de ses gardes Escossoises. Et pour luy faire son procés luy bailla pour Commissaires, Messire Jean de Selve Chevalier, premier President au Parlement de Paris, Maistre François de Loüines, President des Enquestes, & Maistre Jean Papillon Conseiller. Lesquels s' estans transportez à Loches, apres l' avoir plusieurs fois interrogé, sans tirer de luy aucune confession, en fin tombé malade, tous ces Seigneurs estans en sa chambre, avecques leur Greffier, il les pria de se retirer, desirant gouverner à part Monsieur le premier President. Ce qu' ils feirent. Et lors mettant la main sur ses Heures ouvertes, il jura sur la damnation de son ame, qu' il luy diroit la pure & franche verité de cette histoire, & que hardiment l' on pouvoit jetter tous les autres papiers dans le feu. Je le feray icy parler tout de la mesme façon que je j' ay recueilly de son interrogatoire.

Monsieur (dict-il, au premier President de Selve) la verité est telle, que cet Esté dernier, au temps que Monsieur le Connestable alloit à Montbrison, je l' allay trouver au lieu de Briction, où je disnay avecques luy, & luy parlay du Mariage de mon fils, avecques la fille de Nicolaus, niepce de l' Evesque du Puis, le priant de vouloir moyenner ce Mariage avecques luy: Ce qu' il me promist, & estoit la cause pour laquelle je le visitois. Le jour mesme nous allasmes coucher à Montbrison: & le lendemain apres disner, Monsieur le Connestable qui m' avoit tousjours monstré un grand signe d' amitié, me retira dans un sien Cabinet; faisant fermer l' huys, ne demeurans que nous deux seuls, & lors me feit present de quelques bagues, & apres (me dict-il) qu' il m' aimoit, & se fioit du tout en moy plus qu' en homme du monde, il me vouloit dire quelque chose, mais desiroit auparavant que je jurasse. Comme de faict, il me feit jurer sur une Croix, & Reliquaire, où il y avoit du bois de la vraye Croix, qu' il portoit à son col. Et lors commença de se plaindre fort du Roy, de ce qu' il ne le laissoit joüir de ses droicts, & preeminences qu' il luy avoit promises, quand il vint à estre Roy. Et encore plus, se pleignoit de Madame sa mere, qui avoit esté nourrie en la Maison de Bourbon. A quoy je luy respondis: Monsieur, si le Roy & Madame vous traictent mal, vous en estes cause. Car quand vous estes avec luy, vous ne luy donnez pas à entendre vostre affaire. Et lors le Connestable me dist. Cousin, vous estes aussi mal traicté que moy. A quoy je luy repliquay: Passez ce compte à part. Et lors le Connestable adjousta: Cousin, veux tu de rechef jurer sur ce bois de la vraye Croix, que je porte à mon col, de ne dire jamais rien de ce que je te diray? Et je luy dis: Ouy Monsieur, & mis la main sur la vraye Croix. Et lors il me dist que l' Empereur luy avoit promis un ample party: C' est à sçavoir, de luy donner en Mariage Madame Leonor sa sœur, veufve du Roy de Portugal, avecques deux cens mil escus de dot, laquelle Dame avoit doüaire de vingt mille escus tous les ans, & pour cinq ou six cens mille escus de bagues & joyaux. Et au cas que l' Empereur & l' Archeduc mourussent sans hoirs, il la faisoit heritiere de tous ses Royaumes & Seigneuries. Lors je luy dis: Monsieur, estes vous bien asseuré de toutes ces promesses? A quoy me fut par luy respondu. Tu verras le Seigneur de Beaurain, qui viendra ce soir devers moy: Je t' envoyeray querir quand il sera venu, & tu entendras ce qu' il me dira. Et apres soupper, je dis bon soir à Monsieur le Connestable, & m' en allay en mon logis. Et le propre jour mesme qui estoit un Vendredy ou Samedy, car on ne mangeoit point de chair, environ les unze heures de nuict il m' envoya querir en mon logis, & y allay: Et quand je fuz dedans sa chambre, il me mena en une autre chambre, en laquelle je veis le Seigneur de Beaurain, tout seul, lequel salüa Monsieur le Connestable, qui luy feit fort bon recueil, & luy dist. Monsieur de Beaurain, voicy mon cousin Monsieur de Sainct Valier, qui est l' un des principaux amis que j' aye. Sur laquelle parole Beaurain me salüa, & apres quelques devis luy presenta les lettres qu' il avoit de l' Empereur, luy disant. Monsieur, l' Empereur se recommande bien à vous. Lesquelles lettres j' ay depuis veuës és mains du Connestable, & estoient escrites de la main de l' Empereur de telle substance. Mon Cousin, je vous envoye le Seigneur de Beaurain mon Chambellan, lequel vous dira aucunes paroles de par nous. Je vous prie le vouloir croire comme moy-mesme. En ce faisant me trouverez vostre Cousin & bon amy Charles. Et Beaurain apres quelques paroles d' amitié, qu' il sçeut bien dire, car il est beau parleur, dist en effect & substance à Monsieur le Connestable, que l' Empereur avoit esté adverty que le Roy le traictoit mal, & n' avoit tenu aucunes promesses à l' Empereur, combien que de ce il eust tousjours tenu promesse au Roy: & qu' il vouloit estre amy du Connestable, envers & contre tous sans nul excepter, & qu' il ne tiendroit qu' au Connestable qu' il ne le fist l' un des plus grands hommes de la Chrestienté. Et qu' alors le Connestable remercia l' Empereur, & dist qu' il vouloit bien avoir cette fiance en luy. Et demanda à Beaurain de voir ses instructions & puissances. Lequel luy dist, qu' encore qu' il ne fust tenu de ce faire, si estoit-il content de les luy monstrer: & luy monstra la puissance qui luy estoit donnee par l' Empereur, pour traicter le mariage avec iceluy Connestable, & Madame Leonor sa sœur, ou en deffaut d' elle avec Madame Marguerite son autre sœur. Et furent lors les articles escrits, par le Secretaire du sieur de Beaurain, dont la substance estoit, Que l' Empereur donnoit au Connestable Madame Leonor sa sœur pour femme, laquelle le Connestable acceptoit. Et au cas qu' elle ne le voulust, luy donnoit Madame Marguerite son autre sœur, & promettoit le Connestable en doüaire vingt mil escus de revenu sur le pays de Beaujoulois. Et en outre promettoit Beaurain au nom que dessus, Que son Maistre feroit ratifier le mariage à l' Archeduc, & qu' il ne prendroit party, ny alliance avec Prince quel qu' il fust, sans avoir son consentement, & que il aideroit, & porteroit le Connestable, envers & contre tous, sans nul excepter, & le feroit entrer au Traicté, d' entre luy, & le Roy d' Angleterre. Et cogneut lors à oüir parler Beaurain, que le Roy d' Angleterre ne se pouvoit bien asseurer de Monsieur le Connestable, mais qu' ayant esté en Angleterre, il l' en avoit asseuré de la part de l' Empereur. Et contenoient les Articles de ces deux Princes, Que l' Empereur devoit venir en France par le quartier de Narbonne, & peut avoir deux mois qu' il devoit estre venu, comme il me semble, & ce avecques dix & huict mille hommes de pied, dix mille Lansquenets, & dix mille hommes d' armes, & quatre mille geneteres, avecques grosse bande d' artillerie. Et le Roy d' Angleterre devoit descendre en France, tout en un mesme jour, avecques quinze mille Anglois, & cinq cens chevaux, & grosse bande d' artillerie. L' Empereur luy devoit envoyer trois mille Lansquenets, & trois mille chevaux, pour commencer la guerre sur la Frontiere du pays de Picardie. Et devoyent executer toutes ces entreprises & descentes, quand le Roy seroit party: Et quant à Monsieur le Connestable, il ne seroit tenu se declarer, ny mettre aux champs, jusques à ce que l' Empereur, & le Roy d' Angleterre eussent esté dix jours devant une ville de France: Et devoit l' Empereur bailler cent mille escus au Connestable, & le Roy d' Angleterre pareille somme pour leurs gens: Lequel argent le Connestable ne voulut prendre en sa possession, ains le laissa entre les mains des gens de l' Empereur, & croy qu' il a esté employé à lever le nombre des Lansquenets, qui dernierement ont esté mis sus. Ainsi que le Roy a peu estre adverty, & devoient estre amenez par le Comte de Felix. Et ne fit le Connestable pour cette heure là, aucun serment de tout le contenu aux Articles, ny ne les signa. Et que Beaurain luy ayant dict: Monsieur, il faut que vous juriez de tenir les presens Articles, le Connestable luy dist, j' en parleray avecques vous, & bailla puis apres lettres addressees à l' Empereur de la substance qui s' ensuit. Monsieur j' ay veu ce que vous m' avez escript par le Seigneur de Beaurain, & vous remercie tres-humblement du bon vouloir qu' avez envers moy, & je vous promets que je ne l' ay moindre envers vous, comme il vous dira. Et envoya querir Saintbonnet pour accompagner Beaurain. Et fut toute cette depesche faicte en un soir en ma presence. Et croy qu' il n' y eut autre chose. Mesme le Connestable me dist le soir mesme. Je ne bailleray aucun seellé, ny ne feray aucun serment en cette affaire: Il en viendra comme il pourra, mais j' auray deux cordes en mon arc. Et ne seroit raison que je mescontentasse l' Empereur. Dés l' heure Beaurain depescha Lolimgbeau, & le Secretaire, l' un pour aller vers le Roy d' Angleterre, l' autre pour aller vers l' Archeduc frere de l' Empereur.

Voila quelle fut la premiere deposition du Seigneur de S. Valier, à la suite de laquelle le Seigneur de Selva luy fit plusieurs interrogatoires particuliers: & entre autres choses, si par le traicté aucuns ne devoient pas avoir le Royaume de France, ou le gouvernement d' iceluy. A quoy il respondit que non. Bien estoit vray que l' Empereur promettoit faire le Connestable le plus grand homme de la Chrestienté. Et adjousta que l' Empereur devoit amener avec luy Madame Leonor sa sœur jusques en la ville de Perpignan, & là se devoient faire les nopces, entre le Connestable, & elle. Je vous laisse plusieurs autres particularitez, sur lesquelles il fut interrogé. Seulement vous diray-je, qu' apres avoir deschargé l' Evesque d' Autun, les sieurs de la Vaulguion, & de Prié, & autres, il continua en fin de cette façon sa parole. 

Apres le partement (poursuivit-il) de Beaurain, & Saintbonnet, je fus tout ce jour là à Montbrison, avec Monsieur le Connestable, & me souvient que apres disner nous entrasmes seuls en son cabinet, & lors je luy dis: Monsieur, ne vous fiez vous pas bien en moy? Ne me tenez vous pas pour vostre tres-humble serviteur? Surquoy il me respondit: Cousin je te promets que je me fie tant à toy, & t' aime, que si mon frere estoit en vie, je ne le sçavrois plus aimer que je t' aime. Ce dont je le remerciay, en luy disant: Monsieur vous me distes hier beaucoup de choses, esquelles j' ay pensé toute cette nuit, tellement que je n' ay sçeu dormir: & voudrois que Dieu m' eust fait la grace de vous sçavoir bien dire ce que je vous veux dire selon Dieu, raison, & ma conscience. Vous me distes hier que par ceste alliance qu' on vous presente, vous devez estre cause que l' Empereur, le Roy d' Anglet. Allemans, & Espagnols entreront en France. Pensez & considerez le grand mal & inconvenient qui en adviendra: effusion de sang, & destruction de villes, bonnes maisons, Eglises, forcement de femmes, & autres maux qui viennent de la guerre. Considerez que vous estes sorty de la Maison de France, & l' un des principaux Princes du sang, tant aimé & estimé de tout le peuple, que chacun se resjoüit de vous voir. Et s' il advenoit que fussiez la ruine & perdition de ce Royaume, vous seriez la plus maudite personne, que jamais homme veit. Car les maledictions qu' on vous donnera dureront mil ans apres vostre mort. Davantage ne considerez vous point la grande trahison que faites, de vouloir tourner le dos au Roy, apres qu' il sera party de son Royaume, pour aller en Italie, & vous aura laissé la France, se confiant de vous? Je vous prie considerer tout cecy, & si n' avez esgard au Roy, & à Madame sa mere, qui vous tiennent tort, comme dites, au moins ayez esgard à la ruine de Messieurs leurs enfans. Et croyez que quand aures introduict les ennemis dedans le Royaume, ils vous en chasseront vous mesmes. Et lors le Connestable me dist. Cousin, que veux-tu que je face? le Roy, & Madame me tiennent tout le tort, & ne veulent que me destruire. Ils ont pris la plus grande partie de ce que j' ay, & me veulent faire mourir. A quoy je luy dis: Monsieur, je vous prie de vouloir laisser toutes ces meschantes entreprises, & vous recommandiez à Dieu, & faites tant que parliez au Roy franchement, & vous verrez ce qu' il vous dira: Et lors se meit le Connestable à plorer, & me fit aussi plorer, me disant: Cousin, je te promets ma foy, que je ne le feray point, & te croiray, & te prie que selon le serment que tu m' as faict, de tenir tout secret, tu le faces, & qu' il n' en soit jamais nouvelles. Ce que je luy promeis derechef, & pensois l' avoir du tout destourné de son entreprise, comme estimé-je que lors il n' avoit plus autre vouloir, que de demeurer en la bonne grace du Roy, & de devenir bon François. Et je luy dis: Monsieur, ne parlons plus de cela, allons joüer, & allasmes joüer aux Flux, le Connestable, l' Evesque d' Autun, & le Seigneur de Sainct Chaumont. Et y eut plusieurs autres paroles entre luy & moy: mais tout vient à la substance de tout ce que dict est. Le lendemain nous allasmes disner à Coursun, & de là à la Bastie, où feismes collation: & moy estant sur un bon Courtaut, dis au Connestable, qui estoit sur une Mule. Monsieur, vous me tiendrez ce que m' avez promis, & vous en souviendra: Et je vous promets ma foy, que je vous tiendray ce que je vous ay promis. Et le Connestable me regardant me dist. Mon Cousin je te promets ma foy que je te tiendray: & aussi tu me tiendras ce que tu m' as promis: & à l' heure il me dist, à Dieu puis que tu t' en vas. Et environ un mois ou cinq sepmaines aprés le depart du Connestable de Montbrison, estant à Moulins il envoya devers moy Peloux le jeune, qui arriva à Lion sans me donner aucunes lettres du Connestable, me disant qu' il estoit si malade, qu' il ne m' avoit peu escrire, mais qu' il attendoit le Roy de pied coy à Moulins, lequel y devoit arriver bien tost, & qu' il me prioit de luy tenir promesse. Adoncques je feis response à Peloux: Recommandez moy tres-humblement à la bonne grace de Monsieur le Connestable, & luy dites que je me souviens bien de ce que je luy ay promis: & que je le suplie aussi de son costé, qu' il se souvienne de faire ce qu' il m' a promis. Et apres que le Roy fut arrivé à Lyon, je ne luy voulu dire le traicté de mariage du Connestable, estimant qu' il n' en estoit de besoing, attendu le serment qu' il m' avoit fait de ne l' accomplir, mais bien desiroy-je luy dire par quelque bon moyen, qu' il le devoit mener quant & soy, toutesfois je ne trouvay opportunité de ce faire: joint que je ne le voulois mettre en soupçon, & que depuis que je feuz fait prisonnier, il me semble qu' on m' avoit fait tort de me prendre en cette sorte & encores plus de ne permettre que je parlasse au Roy, 

auquel je souhaitois de declarer tout ce que dessus. Et en me menant prisonnier par deça, je dy au Seigneur d' Aubigny, que si le Roy vouloit avoir cette fiance en moy, je promettois d' aller requerir le Connestable, la part où il seroit, & le ramener, toutesfois on n' en avoit tenu aucun compte: non plus qu' à Madame sa mere: & à cet effect avois escrit un memoire de ma main, portant tout au long ces discours, lequel j' ay depuis rompu de despit, & mis au feu, voyant qu' il n' y avoit plus de remede. Et depuis me confiant tout en vous (dit-il, continuant sa parole) je vous escrivy que je deposerois en vos mains, ce qui estoit de ma conscience, & me mandaste par celuy mesme, qui vous avoit porté cette parole, que cette affaire estoit de telle importance, que ne vouliez parler à moy sans compagnie. Mais que si je voulois bailler mon dire par escrit, vous l' envoyerez seellé au Roy, & à Madame, que nul ne verroit qu' eux: ou bien si j' aimois mieux que vous, & l' un de messieurs vos compagnons en fussiez les porteurs. Et lors je vous manday par le mesme personnage qui estoit mon confesseur, que j' avois toute fiance en vous & en luy, & que j' estois contant de parler a vous deux ensemble, vous supliant ne monstrer cette confession, qu' au Roy & à Madame, laquelle je supplie tres-humblement estre moyen & intercession envers le Roy, de considerer la cause qui m' a meu de ne luy reveler si tost que j' eusse deu, ou peu faire, le traicté, & intelligence du Connestable, lequel je pensois avoir destourné de sa mauvaise intention; & en ce supplie tres affectueusement le Roy, de me faire grace & misericorde, si en rien j' ay failly. Ainsi signé de Poitiers le vingt- sixiesme d' Octobre 1523.

Le mesme jour les Seigneurs de Selva, & de Louïnes le voulurent voir desirant sçavoir de luy, s' il sçavoit point les Seigneurs, & Gentils-hommes qui estoient voüez à l' entreprise du Connestable. A quoy il respondit que la premiere fois, qu' il avoit parlé de ce fait, dans son cabinet, le Connestable ne luy avoit parlé que de cinq, ou six de ses gens-d'armes sans les nommer, & comme on le voulut davantage presser sur cest article, il leur respondit en peu de paroles. Je croy fermement qu' il n' avoit le serment d' homme de France: car il n' y a que trois ou quatre Seigneurs qui l' ayent suivy. On le chevala sur autres articles, qu' il me semble n' estre besoin de reciter.

Le procés amplement instruit, S. Valier fut amené à la Conciergerie du Palais de Paris, & logé en la tour quarree: & l' un & l' autre procés ayans pris leur trait, le Roy seant en son lit de Justice assisté de ses Princes, & des Pairs, fut le 16. Janvier 1523. prononcé l' arrest contre le Duc de Bourbon, par le Chancelier du Prat, & quelques jours apres celuy de S. Valier, portant condemnation de mort, au dessous duquel estoit un retenton, qu' avant que de l' exposer au dernier supplice, il seroit appliqué à la question ordinaire & extraordinaire, pour indiquer ses autres complices. Arrest non toutesfois executé pour ce regard: qui me fait croire que deslors le Roy avoit declaré sous main à la Cour quelle estoit sa volonté sur ce sujet. Ce mesme jour (ores que l' arrest ne luy eust esté signifié,) Messire Charles de Luxembourg Comte de Ligny, Chevalier de l' Ordre, se transporta en la Cour, disant avoir charge expresse du Roy (dont il fit apparoir) d' oster l' Ordre à S. Valier. Au moyen dequoy par l' ordonnance d' icelle, il se transporta en la tour quarree, & avec luy le President le Viste, & les sieurs Papillon, Clutin, Berruyer & Aimeret Conseillers de la grand Chambre. Sainct Valier fit plusieurs refus, & protestations contraires, toutesfois en fin vaincu par les remonstrances du President, il y obeït, & d' autant qu' il n' avoit son Ordre pardevers luy, le Comte pour fournir à la ceremonie, luy en mit un au col, & dés l' instant mesme le luy osta. Qui fut une premiere fievre laquelle entra lors en l' ame de ce miserable Seigneur.

Le lendemain Maistre Nicolas Malon Greffier Criminel accompagné de Maistre Jean de Vignoles l' un des quatre notaires, & secretaires de la Cour, & de plusieurs huissiers, se transporta à une heure de relevée en la seconde chambre de la Tour quarree, où il luy prononça son arrest. Je vous laisse toutes les particularitez, qui se passerent entr'eux. Tant y a qu' une heure apres ou environ de relevée, il est mené sur le perron des grands degrez du Palais, où apres son cry fait monté sur une mule, & derriere luy un huissier en crouppe, feut conduit par les huissiers de la Cour, Sergens à verge, Archers, Arbalestiers, & gens du guet de la ville, jusques en la place de greve, où il monta sur l' escharfaut, & apres s' estre reconcilié à Dieu entre les mains de son confesseur, comme il estoit sur le point de s' agenoüiller pour recevoir le coup de sa mort par l' executeur de la haute justice, voicy arriver un Archer des gardes du Roy, nommé François Bobbé, qui presenta à Malon deux lettres, l' une missive, & l' autre patente portans commutation de la mort à une prison perpetuelle. A cette nouvelle, Malon laisse le prisonnier, deffendant au bourreau de passer outre; Et de ce pas se transporte avec Vignoles & Bobbé, & quelques huissiers en la maison du seigneur de Selve, lequel ayant leu les lettres, commenda d' en faire lecture devant tout le peuple, & de ramener S. Valier en la prison, pour en estre ordonné par la Cour ce qu' elle verroit de raison. Ce commandement est executé. Toutesfois l' aprehension que ce pauvre seigneur avoit euë de sa mort, le reduisit en telle fievre, que peu de jours apres il mourut, & de là est venuë la fievre de S. Valier tant solemnizée par nos communs propos.

En cette funeste tragedie, qui fust jouée sur le Theatre de la France, je voy quatre sortes de personnages, un Connestable grand Prince, un sainct Valier, un Parlement de Paris, & un Roy chacun desquels joüa diversement son rollet. Car pour le regard du Connestable, il estoit merveilleusement chargé par les interrogatoires faits à sainct Valier, depositions de Darronge, & de Matignon, de la façon qu' ils y procederent, retraité inopinée qu' il feit à Chantelle, missives par luy envoyées au Roy, dont l' Evesque d' Autun l' un de ses principaux Ministres fut le porteur. Sage evasion qu' il feit de Contelle, pour se garentir par la fuite, du danger qu' il voyoit pancher sur sa teste: & finalement plus grand tesmoignage ne falloit il contre luy, que notoirement il s' estoit rendu vers l' Empereur, & qu' à face ouverte il luy feit depuis service dedans la Lombardie, en tout ce qui se presentoit contre nous. Quand au Seigneur de S. Valier, proche parent, intime serviteur, & amy du Connestable, S. Valier, dy-je, qui par ses responses, se faisoit sa condemnation à soy mesme, & par defaux & contumaces au Seigneur qu' il aimoit le mieux. Car pour le regard du Parlement, il y avoit assez de preuve pour le degrader d' honneurs & de biens, luy sauver toutesfois la vie, d' autant qu' il estoit Prince du sang, & au Seigneur de S. Valier par sa mesme confession par luy signée, il avoit sçeu tous les mal-heureux deportements du Connestable, sans les reveler auparavant l' execution, se fiant plus en une vaine promesse qui ne luy fut pas tenuë, qu' à la commodité generale du Roy, & du repos public, & qu' en telles affaires le scilence de celuy qui le sçait est reputé crime de leze Majesté, qui est sans excuse. Et pour cette cause feurent donnez les deux Arrests. Car quant au Roy il considera S. Valier luy avoir tousjours esté fidelle serviteur & subject, l' amitié qu' il portoit à l' autre, proximité de lignage, sages raisons, pour lesquelles il pensoit avoir destourné le Connestable, promesses jurées, reiterées, & non accomplies, & en fin une confession volontaire par luy faicte devant le I. president de Selve, de tout ce qui s' estoit passé. De maniere que faisant un pesle mesle de tout cela en sa pensée, ne voulant empescher que les Juges par leur Arrest feissent ce qui estoit de leur devoir, il voulut en apres par un Jugement Royal tourner la mort en une prison perpetuelle, & m' asseure veu la clemence qui faisoit perpetuel sejour en luy, que si S. Valier n' eust esté prevenu de mort, il eust à la longue esté restably en tous ses honneurs en effect. Voila comme les choses allerent lors. Et s' il vous plaist qu' en ma petitesse je face part, & portion de ce grand party, je veux qu' on sçache que par les XIV. & XV. Chapitre du cinquiesme de mes Recherches, & par le present Chapitre vous avez entendu comme toutes les procedures se passerent en toute cette negotiation, lesquelles meritent bien mieux d' estre cognuës, que la fievre de S. Valier, tant celebrée par nos bouches quand les occasions se presentent.

Permettez moy, je vous prie, de saulter du coq à l' asne, & d' atacher à la suite de l' histoire d' un seigneur de marque, celle d' un bouffon; dont la fin ne feut bouffonnesque. Nicolas d' Est Marquis de Ferrare avoit un plaisant nommé Gonnelle, lequel voyant son maistre tormenté d' une fievre quarte, qui se tiroit à longueur, ayant apris d' un medecin, qu' il n' y avoit plus prompt moyen de le garentir que d' une spavente, & estonnement: Ce bouffon se promenant le long du Pau pres de son maistre, qu' il entretenoit de bayes, trouvant celuy sembloit, son à point, le poussa de telle façon, qu' il tomba dedans la riviere en un gay, où il n' y alloit du peril de sa vie. S' il fut guery, ou non de sa fievre quarte par ce beau remede, je ne le sçay: Bien sçay-je qu' en la frayeur de ce saut inopiné, il y avoit assez dequoy pour le faire entrer en celle de sainct Valier. Or entendez de quelle monnoye ce nouveau medecin fut payé. Le Marquis ordonne que son procez luy fust fait, & parfait par son Podestat, lequel ne tournant à jeu cette bouffonnerie, le condamna d' avoir la teste tranchee: Chose dont le Prince ayant eu advis, comme celuy qui ne prenoit à desplaisir tous les deportemens de son Gonnelle, commanda qu' il fust decapité d' un seau d' eau, estimant tourner cette condemnation en rizée: Ce pauvre homme mené au lieu du supplice, confessé, agenoüillé, yeux bandez, comme si ce fust à bon esciant, toutesfois au lieu de l' espee, il est par le bourreau salüé d' un seau d' eauë, & dés l' instant mesme il rendit l' ame sur la place. Execution qui fut faite à petit semblant, mais il n' y eut en cecy rien pour rire.

En ces discours de la mort il semble que je me sois mocqué de ma plume, faisant tomber la fievre d' un S. Valier grand seigneur, en celle du Gonnelle bouffon. Mais puisque je me suis baillé cette liberté, encores ne m' estancheray-je, & vous reciteray une histoire avenuë de nostre temps toute contraire aux deux autres. L' un des plus memorables sieges qui soit advenu de memoire d' homme, est celuy de la ville de Sienne, qui fut entrepris par l' Empereur Charles cinquiesme sous la conduite du Marquis de Marignan, contre nostre Henry II. qui en avoit pris la protection, laquelle il commeist à Messire Biaise de Montluc grand Capitaine, & depuis Mareschal de France. C' estoient deux grands guerriers voüez d' une mesme balance & devotion, aux commandemens de leurs maistres. Le Marquis estoit infiniment affligé des gouttes. Et neantmoins ne laissoit de rendre tous les bons devoirs à sa charge, que l' on pouvoit de luy desirer. Ayant par divers moyens sondé de prendre la ville, qu' il tenoit grandement à l' estroit de viures, dont ceux de dedans se defendoient avec une patience incroyable, finalement se delibera de bailler un assaut general, & comme il ne peut aller, ny de pied, ny de cheval pour les importunitez de ses gouttes, il se logea dans sa littiere à l' abry d' une cassine, envoyant ce pendant ses Capitaines çà & là, pour supleer le defaut de son impuissance. Advient que cette cassine est à coup perdu bouleversée d' un canon, dont la ruine s' esboula sur la littiere du Marquis, qui demeura quelque temps comme ensevely dedans icelle. Malheur assez suffisant pour le faire entrer, non en une crainte, ains asseurance de mort, s' il n' eust esté promptement secouru par les siens. Ny pour cela toutesfois la fievre de S. Valier ne se logea dans son cœur, mais au contraire la peur dont il fut surpris, le guerit tout à fait de ses gouttes, par un secret paradoxe de nature. Ce grand assaut ne reüssit pas au Marquis comme il avoit souhaité, mais ayant ruiné par une longue famine la ville, elle luy fut en fin renduë par compositio. Et y estant entré, apres que ces deux braves Capitaines se feurent accueillis, au sortir de la ville le Marquis voulut faire compagnie au sieur de Montluc l' espace de deux mille: Et comme la guerre n' est qu' un jeu aux grands Capitaines & guerriers, & qu' à l' issuë, le souvenir de leurs maux passez leur soit une grande consolation, aussi chacun d' eux diversement discourant les traverses par eux souffertes, l' un en assaillant, & l' autre en defendant, le Marquis pour conclusion dist qu' il avoit une tres grande obligation au seigneur de Montluc: Parce qu' il l' avoit guery de ses gouttes, luy recitant comme cela estoit avenu. Et ainsi prindrent congé l' un de l' autre. Je vous prie de considerer quel jugement nous pouvons faire de la nature, qui sur un mesme accessoire produisit deux effects si contraires aux sieurs de S. Valier, & Marquis de Marignan. Des histoires par moy cy dessus touchées, l' une est toute Françoise, l' autre Italienne, & la derniere my-partie du François, & de l' Italien. 

8. 38. Avoir laissé les Houseaux pour denoter un homme qui est mort.

Avoir laissé les Houzeaux pour denoter un homme qui est mort

CHAPITRE XXXVIII.

Le peuple facetieusement dit assez souvent que l' on a laissé les Houzeaux, lors qu' il veut donner à entendre qu' un homme est allé de vie à trespas. Pour lequel proverbe y a une rencontre, qui fut trouvee bonne du temps de Charles VI. Enguerrant de Monstrelet nous apprend que lors que le Roy Henry d' Angleterre, qui se disoit Regent de France fut decedé au bois de Vincennes, Messire Sarrazin d' Arly, oncle du Vidame d' Amiens, aagé de 60. ans ou environ, & homme fort tourmenté de la goute, s' enqueroit volontiers des nouvelles. Au moyen dequoy l' un des siens nommé Haurenas retournant de Paris: il luy demanda s' il sçavoit rien du decez du Roy Henry, à quoy le Gentil-homme fit response que ouy, & qu' il l' avoit veu mort, & en effigie dedans la ville d' Abeville, luy racontant par le menu de quelle façon il estoit accoustré: Et comme Messire Sarrazin desirast sçavoir tout au long la parade & magnificence qui estoit au convoy de ce grand Roy, il luy demanda specialement s' il avoit bien pris garde à son image, l' autre luy ayant semblablement respondu que ouy: Or me dis par ton serment (luy fit-il) s' il avoit point de Houzeaux chaussez pour le moins jusques à la ville de Calais. Ha Monseigneur (respondit l' autre) non sur ma foy. Adonc Messire Sarrazin poursuivant: Jamais ne me croy, dit-il, s' il ne les a laissez en France: auquel mot tous ceux qui estoient presens commencerent à rire: Qui nous apprend, ou que deslors ce commun dire que nous tirons des Houzeaux estoit en usage, ou paravanture que cette rencontre fut tant favorisee du peuple, que de là en avant il fut induit de dire, qu' un homme avoit laissé ses Houzeaux quand il estoit decedé: & de fait encore que je sçache bien que quelques-fois Monstrelet se soit amusé à choses de petit effect, si semble-il que pour lors cette rencontre fut aucunement en usage par le peuple, puis que cet Historiographe a pris la peine de la nous escrire.

Avoir laissé les Houseaux pour denoter un homme qui est mort.