martes, 8 de agosto de 2023

9. 3. Opinion commune que Charlemagne a esté fondateur de l' Université de Paris.

Opinion commune que Charlemagne a esté fondateur de l' Université de Paris.

CHAPITRE III.

Chose admirable qui ne doibt estre teuë, ains sceuë, voire cornée à son de trompe, & cry public que nous avons douze ou treize Universitez, en cette France, diversement destinées pour l' enseignement d' unes & autres bonnes lettres, mot anciennement incognu par les Latins, pour cette signification. Et n' y a ville qui porte ce titre là qu' elle ne sçache qui feust le Roy, lequel l' honora premierement de ce nom. Nul ne doubte que Paris n' ait cest honneur d' estre la ville Metropolitaine de la France, & que tout d' une suite elle ne soit la premiere, & plus ancienne de toutes nos Universitez. Toutesfois (ô malheur) nous n' avons dedans nos archifs, aucuns titres, & enseignements dont nous puissions sçavoir qui feut le premier Autheur, & instituteur de cette Université: non seulement nous ne l' avons, mais qui plus est discourant sur son origine, chacun de nous en parle à tastons, l' atribuant, qui à Charlemagne, qui à Louys le Gros, qui à Louys le jeune, son fils, qui à Philippe second, dit Auguste. 

Et parce que la commune opinion va à l' Empereur Charlemagne, & que de croire le contraire, c' est estre heretique en l' Histoire, par plusieurs personnes, je toucheray premierement cette corde, puis diray franchement ce que j' en pense, à la charge d' estre desdit par ceux qui seront de contraire advis: Ce que je ne prendray à cœur, moyennant que je suis combatu par bonnes & vifves raisons.

La commune opinion est, que quatre Escossois disciples du venerable Beda Anglois, estant arrivez en France, publioient par toutes les villes esquelles ils passosent, qu' ils avoient de la doctrine à vendre, & que celuy qui en desiroi d' en acheter vint par devers eux, il raporteroit ce qu' il souhaitoit. Ce dont l' Empereur Charlemagne adverty, apres les avoir halenez leur assigna la ville de Paris pour cest effect, & que deslors l' Université de Paris commença d' estre en vogue. Ces nouveaux vendeurs estoient Alcuinus ou bien Albius, Joannes, Claudius, Pisanus. 

Le premier que je trouve nous avoir servy de cette opinion est Vincent de Beauvais Religieux de l' Ordre des freres Minimes, comme nous aprenons du titre de ses œuvres qui n' estoit point un Personnage de peu de merite, comme nous aprenons des quatre tomes qu' il fit soubs le nom de miroüer. Speculum Historiale, lib. 32. Speculum naturale 33. Speculum doctrinale lib. 13. Speculum morale lib. 3. Estant homme de telle marque, il ne le faut aisément condamner. Je vous raporteray doncques icy tout au long ce que j' emprunte de luy. Au Chap. LXXIV. du XXIV. livre de son miroüer historial nous aprend qu' Albuin avoit esté envoyé en Ambassade d' Angleterre, à nostre Roy Charles, lequel l' ayant trouvé homme de doctrine l' avroit honoré de l' Abbayé de sainct Martin de Tours, qui lors estoit regie par des Religieux seulement, & non secularisée. Puis il adjouste ce qui s' ensuit. In Chronicis Metropolis Arelatensis legitur, Omnipotens verum dispositor ordinatorque regnorum & temporum &c. & peu apres parlant du Roy Charles le grand. Qui cum in occiduis partibus regere solus caepisset & studia litterarum ubique eßent in oblivione, adeoque verae deitatis cultura teperet, contigit duos Scotos monachos de Hibernia cum mercatoribus Britannis, litus Galliae advenire, viros & in sacris & in secularibus scripturis eruditos. Qui quotidie cum nihil ostenderent venale ad convenientes emendi gratia turbas, clamare caeperunt: si quis sapientiae cupidus est veniat ad nos, & accipiat, nam vaenalis est apud nos. Tandiu conclamata sunt ista, donec ab admirantibus, licet insanos putantibus, ad aures Regis Caroli semper amatoris sapientiae sunt prolata; qui celeriter illos ad praesentiam suam evocatos interrogavit si vere scientiam haberent, ut ipse compararet: Sapientiam, inquiunt & habemus & in nomine Domini, eam quaerentibus dare parati sumus. Qui cum quaesisset ab his quid pro ipsa peterent, responderunt. Loca tantum opportuna & animas ingeniosas, & sine quibus ista peregrinatio transiri non potest alimenta, & quibus tegamur. Quo ille accepto ingenti gaudto repletus, primum quidem apud se parvo tempore tenuit. Postea vero cum ad expeditiones bellicas urgeretur, unum eorum, nomine Clementem, in Gallia Parisius scilicet residere fecit, cui & pueros nobilißimos, mediocres & infimos satis multos commendavit. Et eis prout necessarium habuerunt victualia ministrari praecepit habitaculis opportunis ad metandum deputatis, alterum vero in Italiam direxit. Cum & Monasterium S. Aug. juxta Tirenensem urbem delegavit, ut illic si voluissent ad discendum congregari possent. Audito autem Albinus de natione Anglorum, qui graviter sapientes, ac Religiosos viros susciperet Carolus, conscensa navi venit ad eum, cum socijs in omnibus scripturis exercitatus. Utpote doctißimi Bedae discipulus. Quem Rex usque ad finem Regni iugiter secum retinuit, nisi cum ad ingruentia bella processit. Deditque & illi Abbatiam sancti Martini, ut quando ipse absens esset illic resideret, & ad se confluentes doceret. Cuius intantum doctrina fructificavit, ut Franci antiquis Romanis, & Atheniensibus aequiparentur. 

En tout ce que dessus il n' est fait nulle mention expresse de l' Université, & neantmoins sans la nommer il est aisé de penser qu' il entendoit en parler. Comme de fait Nicole Gilles en ses Annales de France a presque traduit de luy mot à mot tout le passage en la vie de Charlemagne. En ce temps (dit-il) vindrent d' Irlande en France deux Moines, qui estoient d' Escosse, moult grands Clercs, & de saincte vie, lesquels par les citez & pays preschoient & crioient, qu' ils avoient science à vandre, & qui en voudroit achapter, vint à eux. Ce qui vint à la cognoissance de l' Empereur Charlemagne, qui les feit venir devers luy, & leur demanda s' il estoit vray, & qu' ils eussent science à vendre, lesquels respondirent que voirement ils l' avoient, par don de graces de Dieu. Et qu' ils estoient venus en France pour la prescher, & enseigner à qui la voudroit apprendre. L' Empereur leur demanda quel loyer ils voudroient avoir pour la monstrer. Et ils respondirent qu' ils ne vouloient fors lieux convenables à ce faire, & la substance de leurs corps tant seulement, & qu' on leur administrast gens & enfans ingenieux pour la recevoir. Quand l' Empereur les eut oüis, il fut bien joyeux, & les tint avecques luy, jusques à ce qu' il luy convint aller en guerre. Et lors commanda à l' un d' eux nommé Clement, qu' il demeurast à Paris, & luy feit bailler des enfans de gens de tous estats, les plus ingenieux qu' on sçeut trouver, & feit faire lieux & Escoles convenables pour apprendre, & commanda qu' on leur administrast ce qu' il leur seroit besoing, & leur donna de grands privileges, franchises, & libertez, & de là vint la premiere institution du corps de l' Université de Paris. L' autre fut par luy envoyé, & luy donna une Abbaïe de S. Augustin, pres la cité de Pavie. Lors y avoit en Angleterre un moult grand Clerc, Philosophe & Theologien nommé Alcuin, lequel estoit Anglois de nation, & avoit esté disciple du venerable Bede, & estoit remply de toutes sciences, tant en Grec, que Latin. Quand il sceut que l' Empereur Charlemagne recueilloit les sages hommes & grands Clercs, qui avoient pouvoir de monstrer, & enseigner sciences, il passa en France, & vint devers le dit Empereur, qui le reçeut honorablement, & le retint avecques luy tant qu' il vesquit, & l' appelloit son Maistre. Toutesfois quand il alloit en guerre, il le laissoit, & ne le menoit pas avecques luy, & ordonna qu' il demeurast en l' Abbaïe Sainct Martin de Tours. Et par le moyen des dicts Maistres fut multipliee science à Paris, & en France. Et parce à la requeste du dit Alcuinus, translata (comme dit est) le dit Charlemagne, l' Université qui estoit à Rome, & laquelle paravant y avoit esté transferee d' Athenes, & la feit tenir à Paris: & furent fondateurs de la dite Estude & Université quatre grands Clercs, qui avoient esté disciples de Bede: C' est à sçavoir le dit Alcuinus, Rabanus, Claudius, & Joannes. Tellement que la vraye source y a tousjours depuis esté. Vous voyez que tout ce passage a esté nommément extraict de celuy de Vincent de Beauvais, horsmis quelques particularitez: mais bien courtes. Et voicy que Robert Gaguin Religieux de l' Ordre de la Sainte Trinité, Ministre des Mathurins de Paris en dict en sa Chronique Françoise. 

Carolo, cum specie corporis valetudo, & robur, ingenium insuper excellens, gravitas atque incessus, dignitati Regiae non discors, liberalibus disciplinis animum excoluit, praeceptore primum, Petro Pisano, deinde Alcuino Anglo, viro apprime divinis, humanisque artibus erudito, quem Glossae in Bibliam (quam Ordinariam vocant) Authorem Anthonius Florentinus prodit. Quamvis enim Alcuinus à Regibus Anglis ad Carolum missus esset Orator, solius tamen Gallici benignitate delectatus apud Carolum mansit. Quo Authore Parisiensis Schola (quam universitatem vocant) hac occasione coepit. Delati nave ex Scotia, Claudius & Ioannes, Rabanus quoque, & Alcuinus ex Venerabilis Bedae discipulis, in Gallias cum venissent, nec quicquam praeter bonas disciplinas patria exportassent, se sapientiam profiteri, eamque vaenalem conclamant. Qua re ad Carolum perlata, illos ad se vocat, vocati libere profitentur; sapientiam illis esse: quam adipisci cupientes gratis edocerent, si vita, locusque tantum eis praeberetur. Intellexit Imperator ingenuam hominum mentem, eosque cum aliquot dies apud se tenuisset, Claudium, cui nomen erat Clemens Parisijs conversari, & generosos adolescentes bonis disciplinis instituere iubet. Ioannem vero Papiam misit. Hoc initium habuit Parisiensis schola, celebre mox Philosophiae, atque Theologiae Gymnasium, unde prodiere insigni doctrina atque eruditione viri, qui non secus atque illuminatißimae faces, mirum Christianae Religioni fulgorem effuderunt. Ita ut non abs re, bonorum studiorum parens (non quidem annis, sed liberalibus, religiosisque disciplinis) antiqua, à plerisque nominetur.

A la suite dequoy je voy les aucuns avoir suivy cette opinion à laquelle Baptista Aegnatius adhere es vies des Empereurs. Et apres luy beaucoup plus amplement Bernard de Girard Seigneur du Bertas donna plus d' air que ses devanciers au quatriesme livre de nostre Histoire de France. 

Et de cette mesme est Nicolas Veigner en son Sommaire de l' Histoire de France. Et encore quelques annees apres au second Tome de sa Bibliotheque Historiale. Papirius Maçonius sans particulariser cette Histoire, attribuë en son general cette institution à Charlemagne. Et François de Belle-Forest en ses grandes Annales de France, vie de Charles le Grand chapitre septiesme sur la fin. Et depuis quelques annees en ça, frere Jacques du Brueil Religieux de Sainct Germain des Prez, en son Theatre des Antiquitez de Paris. Chacun desquels il faut diversement honorer, en ce que ils nous ont par leur diligence laissé par escrit. Le commun dire de Pline le grand nous est assez familier, par lequel il se vantoit ne lire livre, dont il ne rapportast profit. A plus forte raison devons nous dire le semblable de tous ceux-cy dont nous devons estimer les œuvres de recommandation.

9. 2. Ville de Paris.

Ville de Paris.

CHAPITRE II.

Comme la ville de Paris a cest honneur d' estre Metropolitaine, & encores la premiere & plus ancienne Université de nostre France; aussi pense-je faire œuvre de prix, luy dediant ce present Chapitre, par lequel je discourray sommairement de son nom, situation antique, reputation.

Si vous parlez à Rigord Medecin du Roy Philippe second, surnommé Auguste duquel il a fait l' Histoire, parlant de la mort du Roy Louys septiesme son pere dit ainsi. Cuius regni anno primo, Christianißimus Rex, pater praedicti Philippi, in civitate, quae quondam Lutetia, nunc Parisius vocatur, foeliciter migravit ad Dominum. Et quelques feuillets apres le Roy Philippe voyant la ville de Paris pleine de fange: Convocatis Burgensibus, cum Praeposito ipsius civitatis, regia authoritate praecepit, quod omnes vici & viae totius civitatis Parisij, duris & fortibus lapidibus sternerentur: ad haec enim Christianißimus Rex, quod nomen antiquum civitati auferret, Lutetia enim à Luti foetore, prius dicta fuerat, sed gentibus quondam, huiusmodi nomen propter foetorem abhorrentibus, à Paride Alexandro filio Priami Regis Troiae, Parisius vocarunt. Par son propos vous diriez que Philippe ordonna que le mot de Lutece fust osté de nostre ville, pour la puanteur des bouës qui se trouve en cette parole de Lutetia & qu' en son lieu elle fust nommee Paris du nom de Paris fils de Priam.

Mais Guillaume le Breton Contemporain de Rigord au premier livre de sa Philippide, faite en faveur du mesme Roy Philippe son Maistre, prend ce discours d' un autre biais, disant que quelques troupes de Troyens s' estans emparées des Gaules,

Sedem quaerebant ponendis maenibus aptam,

Et se Parisios dixerunt nomine Graeco,

Quod sonat, expositum nostris, audacia, verbis. 

Vous voyez par cela qu' il n' atribue le nom de Paris, non au Troyen Paris comme fait Rigord, ains au nom Grec Parrisij, & peu apres continuant le fil de son propos.

– Bona cuius ad unguem,

Comendare mihi sensus brevitate negatur; 

Quod caput est regni, quae grandia germina Regum

Educat, & doctrix existit totius orbis.

Quae quamvis vere toto perluceat orbe,

Nullus in orbe locus, quoniam tunc temporis, illam

Reddebat palus, & terrae pinguedo lutosam:

Aptum Parisij posuere, Lutetia nomen.

Paroles par lesquelles vous voyez qu' il estime que le nom de Lutece, avoit esté donné par les Parisiens à cette ville, à Luto, sans designer en quel temps avoit esté fait cest eschange, comme son compagnon Rigord.

Or pour vous dire librement ce que j' en pense, je veux croire que ce que disent icy ces deux Autheurs, ce sont comptes faits à plaisir, pour contenter leurs esprits. Parquoy mon opinion est qu' en la Province des Gaules y avoit un pays particulier appellé Parisy, dans lequel estoit située cette ville, & c' est la cause pour laquelle Julle Cesar en ses Commentaires des guerres faites és Gaules parlant d' elle, l' appelle Lutetiam Parisiorum, voulant dire que cette ville estoit assise en Parisy. Tout ainsi qu' au-jourd'huy parlant de la ville de sainct Denys nous disons sainct Denys en France, comme estant située au particulier pays portant le nom de France, dedans la grande France: Or quoy que ce soit nostre ville fut appellée par Cesar Lutetia, par Strabon Grec, Leucotetia, & par nostre Roy Childebert donnant le village d' Icy aux Religieux, Abbé, & Convent de sainct Vincent appellé aujourd'huy sainct Germain des prez, il dit par corruption de langage que ce village estoit assis In loco Titiae au lieu de Lutetia, voulant dire qu' il estoit proche de nostre ville de Lutece. De vous dire quel estoit son vray nom Gaulois, il est fort malaisé de ce faire. Mais quand je voy ces deux Autheurs, l' un l' appeller en son vulgaire Latin, Lutetiam, l' autre en son Gregeois, Leucotetiam, chacun d' eux selon les commoditez de leurs langues, & quand d' ailleurs je voy que les Gaulois avoient un langage beaucoup plus court que le Latin, & comme j' ay traicté en quelque endroit du septiesme livre de mes Recherches, je me persuade que nostre ville en langage Gaulois estoit appellée Lut, sur lequel Cesar bastit son Lutetia, & Strabon son Leucotetia. Comme de fait vous verrez nos villes recitées par Jules Cesar en son langage avoir leurs noms beaucoup plus amples, que ceux qu' elles tiennent de nostre ancienneté dedans ce Royaume. J' adjouste, & à cecy il n' y a point ce me semble de response, que c' eust esté chose ridicule & inepte, que les Gaulois habitans la Celtique eussent mandié Lutetiam à Luto, parole Latine, eux dy-je qui n' avoient aucune habitude, ou communication avecques les Romains.

Parquoy de vous dire dont les mots de Lut, & Parisy prindrent leurs sources, ce sont antiquailles, en la recherche desquelles il y avroit plus d' inepte curiosité, que de verité. Et comme ainsi soit que Julle Cesar, & ceux qui pensoient plus latinement parler, l' apellassent Lutetiam Parisiorum, on quitta avecques le temps le mot de Lutetia, & se contenta-on de là en avant de celuy de Paris, comme celle qui estoit la premiere, & plus signalée du pays de Parisy. Le premier qui me donne enseignement de cecy est Amian Marcellin, au vingtiesme livre de son histoire. Car comme ainsi soit que Julian l' Apostat eust esté creé Empereur dedans la ville de Paris du consentement de Constance Empereur, & que plusieurs troupes eussent esté commandées de venir trouver Constance la part où il estoit, voulant passer par les Gaules, Et cum ambigeretur (dit l' Autheur) qua pergerent via, placuit, notario suggerente Decentio, per Parisios, homines transire, ubi morabatur adhuc Caesar nusquam motus, & ita factum est. Iisdemque adventantibus in suburbanis princeps occurrit, ex more laudans quos cognoscebat. Auquel lieu le mot de fauxbourgs nous enseigne, que dés lors sous celuy de Parissij, il entendoit parler de la ville de Paris auparavant appellée Lut ou Lutetia, & depuis vous trouverez dedans nostre Gregoire estre tantost appellée Parisium, au nombre pluriel, tantost civitas Parisiaca, & par ses survivans d' un mot Parisius qu' ils feirent indeclinable, & en userent par leurs tiltres pour une parole qui s' adaptoit à tout genre, jusques à ce que ceux qui pensent mieux parler de nostre temps que les autres, ont remis en usage le Lutetia Parisiorum de nostre Cesar, ou bien d' un Parisij seul sans y adjouster celuy de Lutetia, voulans parler de nostre Paris.

Et combien que sous l' Empereur Julian je voye un commencement de changement en ce mot de Lutetia, toutesfois il n' estoit perdu tout à fait. Qu' ainsi ne soit, le mesme Marcellin qui residoit avecques Julian son Maistre és Gaules, parlant des fleuves de Seine & Marne au livre quinziesme dit ainsi. Qui confluentes per Lugdunensem, post circunclusum ambitu insulari Parisiorum castellum, Lutetiam nomine, consociatim meant. Passage auquel vous voyez estre fait mention de Paris, & de Lutece ensemblement, pour remarquer cette ville. Passage (dy-je) tout tel representé par tous les livres Marcellin qui sont imprimez, & par lequel feu Maistre Pierre de la Ramee (dit Ramus) me voulut un jour entre autres monstrer qu' anciennement la ville de Paris ne devoit estre située où elle est, ains au dessus de Charenton, où la riviere de Marne confluant en celle de Seine perd son nom, & à la verité si le passage estoit veritable, il y avroit grande apparence d' y adjouster foy. Toutesfois apres l' avoir leu, & meurement examiné, je luy dy qu' il valoit beaucoup mieux remuer le passage que nostre ville, & au lieu d' un ablatif absolu, y mettre un accusatif en cette façon. Qui confluentes per Lugdunensem, post circumclusum ambitum insularem, Parisiorum castellum, Lutetiam nomine, consociatim meant. Chose dont ce docte Personnage me passa condemnation. Particularité qui merite d' estre remarquée pour corriger les trois lignes qui courent par tous les livres de Marcelin imprimez, lesquelles demeurans il faudroit changer d' un long entrejet la situation de nostre Paris suivant la premiere opinion de Ramus.

Or comme les villes reçoivent leurs mutations par lesquelles elles se font ores grandes, ores petites par divers succez; ainsi advint il le semblable à cette ville. Car il ne faut point faire de doubte que des le temps de Cesar elle ne fut de quelque grand merite entre les villes des Gaules. Veu que Jules Cesar pour gratifier les Gaulois, voulant faire une assemblee generale des villes Gauloises qui luy estoient assubjetties, (assemblee dy-je qui luy estoit fort agreable) il choisit par expres la ville de Paris.

L' un des plus anciens exploits que je trouve des Parisiens est quand Jules Cesar faisant la guerre en Auvergne contre le Capitaine Vercingetorich, Labienus Lieutenant general de Cesar vint mettre le siege devant Paris, qui ne contenoit lors plus grand pourprix que d' une Isle, qui est ce que nous avons depuis nommé la cité, & s' achemina accompagné de quatre legions, & adoncques les Parisiens s' estans mis sous la protection d' un vieux Gentil-homme de Rouen, nommé Carmilogene il se campa avecques les nostres dedans nos Marets, & sçeut si bien jouër son personnage, que Labiene fut contraint lever le siege, & apres s' estre rafraichy au Melunois, ayant rebroussé chemin, pour se heurter de rechef contre Paris, les Parisiens se voyans trop foibles pour faire teste à ce grand guerrier, bruslerent de fonds en comble leur ville, pour luy oster toute esperance de la conquester. Qui est un trait de grande magnanimité, & ayans ainsi perdans, gaigné beaucoup ne laisserent de là en avant de reprendre leurs anciennes forces, comme de fait il faut bien qu' elle eust esté du depuis totalement restablie, veu que Julian l' Apostat depuis Empereur qui des pieça avoit les armes en main, pour le soustenement de l' Empire contre la nation Germanique, se voulant rafraischir, choisit nommement la ville de Paris en laquelle non seulement il hebergea six mois entiers, comme nous aprenons de son Misopogon, mais encores pendant son sejour, y bastit un Palais, appellé lors les Termes de Julian, & depuis par succession de temps l' Hostel de Clugny, & voulut que certains aqueducs par son authorité bastis s' y vinssent rendre, qui feurent appellez Arcs de Julian, que nous avons depuis appellez Arveil d' un mot corrumpu, & fait par longue suite des ans, un village. Particularitez qui nous enseignent, que des lors Paris estoit de quelque marque, entre les villes de la Gaule. Ny pour cela n' avoit attaint au grand periode de grandeur, quand je voy que Marcelin parlant d' elle ne la daigne appeller du nom de ville, ains Parisiorum Castellum: Et neantmoins pour contrebalance, apres le decés de Julian, Valentinian premier luy ayant succedé, & se voulant pour quelque temps habituer és Gaules choisit cette ville pour siege de son Empire és Gaules, en laquelle neantmoins voy-je encores un autre grand obstacle. Car nostre Poëte Ausone Bourdelois qui fut depuis precepteur de l' Empereur Theodose parlant diversement de plusieurs villes de marque fait mention expresse de cinq, Triers, Arles, Thoulouse, Narbonne, Bourdeaux, qu' il honore chacun en son particulier, d' un bel eloge, mais quant à celle de Paris celuy est un chifre. Qui me fait dire qu' ayant esté obmise par un Gentil-homme né és Gaules, cette ville n' avoit encores atteint au degré du superiorité dont elle s' est depuis prevaluë.

Ny pour cela ne faut estimer que petit à petit elle ne s' agrandist grandement comme celle qui estoit accommodée naturellement des materiaux à ce necessaires. Car je puis dire, comme chose vraye, qu' il n' y a ville peut-estre en l' Europe, accompagnée de tant de commoditez, comme cette-cy. En toute ville qu' on veut rendre grande, il y est requis premierement facilité de bastir, & en aprés commodité de trafic. En tant que touche je premier point, Paris est environné de toutes parts de perrieres souterraines, que le peuple appelle par corruption, carrieres, desquelles on tire les pierres, tant de moilon, que de pierres de taille, & outre a ses plastrieres voisines d' elle dont se fait le plastre, une forme de ciment à nous propre. Perrieres (dis-je) & plastrieres, lesquelles sont inexpuissables, comme celles qui en s' espuisant renaissent, & par consequent peut estre ville eternelle, sous meilleur titre que celle de Rome, qui fut ainsi appellee, sur son declin, par quelques autheurs. Davantage cette nostre ville est abreuvee de cette grande riviere de Seine, qui perd son nom dedans l' Ocean de la ville de Rouen. Riviere dedans laquelle aboutissent deux grandes rivieres, celle d' Yonne vers Montereau, vers Charenton, & au dessous la riviere Delle, dedans laquelle la riviere d' Ausne perd son nom. Toutes quatre portans grands basteaux, en outre chacun d' elles diversement abreuvee de plusieurs autres eaux qui pour n' estre grands fleuves, ne sont flotez de grands basteaux, mais aussi ne sont si petits qu' ils portent le nom de simples ruisseaux desquels nous tirons diverses commoditez ainsi que pareillement de la riviere de Montargis, & de celle d' Orleans, lesquelles perdent leurs noms dedans la Seine, l' une vers la ville de Moret, l' autre vers celle de Corbeil, & par ainsi par une facilité admirable, toutes sortes de marchandises peuvent estre aportéss chez nous, à peu de cousts, de la Bourgongne, Champagne, Brie, Lyonnois, Orleans, Beauce, Picardie, Normandie, & autres pays adjacents & circonvoisins. Qui feurent les moyens par lesquels elle parvint à telle que nostre grand Roy Clovis s' estant fait Maistre, & possesseur d' une bonne partie des Gaules, choisit pour siege de luy & sa posterité la ville de Paris. Ainsi l' aprenons nous de Gregoire de Tours au premier livre de son histoire, qu' apres que Clovis eust receu l' honneur du Patriciat á luy envoyé par l' Empereur Anastaise, & fait les ceremonies en la ville de Tours de l' honneur par luy receu. Egressus Clodoveus à Turonis, Parisios venit, ibique Cathedram Regni constituit. Ainsi la ville s' agradissant, à veuë d' œil, tant par le moyen des commoditez par moy cy dessus deduites, que choix fait par nostre Clovis, elle feut trois fois assiegee par les Normands, grands guerriers: desirans s' impatronizer de l' Estat & autant de fois rebutez. En quoy je puis dire qu' elle ne fust jamais vaincuë que par soy mesme. Privilege de grande & capitale ville à elle seule particulier. Car la ville mesme de Rome ne se peut jamais garentir de trois diverses prises faites par les Gots, & une des Heruliens sous leur Roy & Capitaine Odoacre. Et croissant en cette façon, elle obtint divers Privileges de nos Roys dont les uns luy feurent octroyez par titres expres, & les autres se passerent par forme de coustume d' une longue ancienneté: vray que se maintenans en telle façon envers tous, & contre tous, je desire de fois à autre je ne sçay quoy de modestie envers nos Roys leurs vrais & legitimes Seigneurs. Chose qui a depuis produit de grands desordres, & confusions par la France. Histoire que je n' ay entrepris maintenant de vous particulariser, ains vous remettray seulement devant les yeux nos derniers troubles de l' an mil cinq cens octante neuf qui durerent cinq ans entiers, esquels Paris fut comme ressort de nos mal-heurs contre l' authorité de nos Roys Henry, trois, & quatriesme, à la suite desquels m' estant mis avecques plusieurs personnages d' honneur, me voyant en fin à mon retour reintegré dedans ma maison, je salüay nostre Paris de cest Epigramme.

Post varios casus belli civilis, & ignes,

Qui migrare mea me voluere domo: 

Tandem ad te redeo, mea chara Lutetia, quid si

Charam animi volui dicere laetitiam?

Tu mihi nunc portus, placidae requiesque senectae, 

Dum modo sis patriae Regia cura tuae.

A la mienne volonté que ce que j' ay cy dessus deduit serve à nostre peuple de Paris, pour ne tomber en cest accessoire soubs l' opinion de sa grandeur; comme aussi souhaite-je que les Princes & Grands Seigneurs qui sont proches de nos Roys aprennent cette leçon de n' affliger cette grande ville, qui est l' un des principaux membres du soustenement de leur Estat. Il n' est pas que la riviere de Seine à laquelle la ville doit une partie de sa manutention ne la recognoisse aucunement dedans sa vegetative. D' autant que cette riviere coule de sa source d' un droit fil sans aucun destourbier dedans Paris, & apres y avoir passé commence de se contourner en divers replis qui rallentissent aucunement leur premier cours: Et de fait la ville de sainct Denys, qui est par terre proche de Paris de deux petites lieuës, par eauës est esloignee de dix. Comme si les eauës eussent regret de quitter cette grande ville. Leçon qui enseigne aux grands aucunement de se contenir en eux, & favorizer cette ville. Belle chose dy-je, & heureuse pour le repos de tout le peuple, que le Roy & sa ville Metropolitaine, ayent une correspondance mutuelle l' un à l' autre, & que la ville estime qu' elle doit à son Roy perpetuelle obeyssance, & le Roy à elle en contreschange bon traitement.

Les benedictions que je vous ay dites estre en elle, l' ont avecques le temps honoree de trois Cours Souveraines, le Parlement, Chambre des Cours des Aydes, & de trois maisons Royales. Le Parlement, le Louvre, & l' Hostel de sainct Paul, Parlement auquel nostre Prince entrant represente vrayement son Roy, Louvre son Gentil homme, sainct Paul son Citoyen de Paris, derniere maison abatuë pour le desastre advenu en la ruë sainct Antoine, à nostre Roy Henry deuxiesme. Et au bout de ces trois considerations cy dessus mentionées le Roy est tousjours nostre Roy. La debonnaireté est en luy, la soubmission doit estre en nous. Mais ce qui me semble devoir estre icy grandement remarqué, est que Paris anciennement consistant en ce que nous appellions la cité, s' est par le moyen de ses commoditez accreu par les flancs de deux autres villes, l' une par nous appellée l' Université, l' autre la ville. Ces trois villes abondantes en toutes sortes de marchandises, & clauses d' un mesme contour de murailles. De maniere que sur la rencontre du mot Orbis, qui a double signification, du monde, & de Contour, j' ay fait en faveur de nostre ville ce distique dont je vous veux faire present.

Omnia quae triplex urbs, uno continet orbe

Illi non urbis nomen, at orbis erit. 

Qui n' est pas une petite singularité en elle non commune à quelque autre ville que ce soit. Mais ce qui est encores plus admirable, c' est que d' ancienneté il y avoit deux grands bourgs non grandemens (grandement) esloignez d' icelle lesquels estoient clos de leurs murs, desquels nous voyons encores quelques remarques à sainct Marcel, & estoient par les anciens titres, & enseignement appellez villes de S. Marcel, & S. Germain des Prez. Ainsi sont ils appellez par lettres patentes du Roy Philippe le Bel IV. de ce nom du mois de Mars 1297. Notum facimus quod in curta (curia) nostra, conquerentibus communitatibus habitantibus Villarum sancti Marcelli & sancti Germani de pratis prope Parisius. Nos ancestres tournerent ce Latin de prope Parisius. En ces mots les Paris, qui nous est encores frequent & familier. De maniere que l' une, & l' autre s' estans par succession de temps tournées en nos fauxbourgs pour atoucher nos murailles, mais estre toutesfois hors de la ville, nous pouvons presque dire qu' elle contient aujourd'huy cinq villes. Adjoustez les fauxbourgs sainct Jacques, sainct Victor, sainct Honoré, vous pourrez dire qu' il y en a six. Une chose vous puis-je dire comme vraye qu' il n' y a ville en France si grande ne d' une si longue estenduë, comme nos faux-bourgs, je n' en excepteray ny Thoulouze, ny Rouen. Mais ce livre estant specialement dedié aux Universitez de la France, je commenceray par celle de Paris, faisant de toute ancienneté la troisiesme partie de cette grande ville.

Ville de Paris.


lunes, 7 de agosto de 2023

9. 1. Que la Gaule depuis appellée la France, de toute ancienneté a esté studieuse des bonnes lettres.

LIVRE NEUFIESME.

Que la Gaule depuis appellée la France, de toute ancienneté a esté studieuse des bonnes lettres.

CHAPITRE I.

Puisque j' ay voüé ce Livre aux Universitez de la France, selon l' ordre de leurs creations, j' estime qu' il ne me sera mal seant, premier que de passer outre de discourir en peu de paroles combien nos anciens Gaulois se trouverent zelateurs des bonnes lettres par leur usage commun, ainsi que nous apprenons de diverses pieces d' uns & autres, lesquelles je vous representeray icy pesle mesle, non selon les ordres des temps, mais ainsi qu' il a pleu à ma plume, & à ma souvenance.

Gallia caussidicos docuit facunda Britannos, 

De l' un, & l' autre.

Aut Lugdunensem Rhetor dicturus ad aram.

Sur ce mesme subjet, quelqu'un ayant escrit à Pline second grand Senateur, & Orateur de son temps que ses Epistres se vendoient publiquement en la ville de Lyon, il escrit à Geminius sien amy, au neufiesme livre de ses lettres. Bibliopolas Lugduni esse non putant. 

Et non loing de Lyon, il est certain qu' en la ville de Marseille s' exerçoient les bonnes lettres & que c' estoit comme un ressort general de sciences à la jeunesse des Gentils hommes Romains, avant que se mettre sur les rangs au barreau en la ville de Rome. Et combien que cette histoire soit commune & familiere à tous, ce neantmoins encores vous cotteray-je cecy de Tacite, lequel descrivant l' histoire d' Agricole, de la vie duquel il fait un exemplaire de vertu. Parvulus (dit il) sedem & Magistram studiorum, Maßiliam habuit, locum Graeca comitate, & provinciali parsimonia mixtum, & bene compositum. 

L' Hercule qui estoit representé par image és lieux publics de la Gaule estant aagé, revestu de sa peau de Lyon, ayant son carquois, & ses flesches pendus à sa ceinture, & sa massuë en sa main, & une infinité de peuple qu' il attiroit à soy par sa langue, à laquelle estoit une chaine d' or, le tenant ataché par les aureilles: Tout cela estant representé au public dit Lucian, pour monstrer quelle estoit la force de l' eloquence, & en quelle recommandation on l' avoit és Gaules.

Eumenes qui avoit esté attiré du barreau pour enseigner l' Eloquence en la ville de Cleves, où l' on lisoit publiquement, adressa un sien Panegiric au Gouverneur des Gaules, pour le restablissement des Gaules qu' il disoit s' en aller à non valloir, & porte le titre de sa Harangue. Oratio pro Scholis restaurandis coram Praeside Galliae. Et apres avoir discouru du bien qui provenoit des bonnes lettres, louë grandement les Empereurs qui les avoient euës en recommandation, & signamment l' Empereur Constance. In quo ego (dit-il) nihil meae laudi tribuo, sed Domini nostri Constantij iuvenis, incredibilem erga iuventutem Galliarum suarum solicitudinem atque indulgentiam mirari satis nequeo: Qui honorem litterarum hac quoque dignitate cumularit, qui me &c. Selon l' opinion de Beatus Rhenanus, il entendoit parler de Constance qui avoit esté adopté à fils par l' Empereur Maximian, compagnon de Diocletian.

Marcellin au quinziesme livre de son histoire dit qu' es Gaules, Viguere studia laudabilia doctrinarum inchoata per Bardos, Eubages & Druidas. Et Bardi quidem fortia virorum illustrium facta, heroicis composita versibus, cum dulcibus lyrae modulis cantabant. Eubages vero scrutantes summa, & sublimia naturae pendere conabantur. Inter hos Druidae, ingenijs celsiores (ut authoritas Pythagorae decrevit) sodalitijs adstricti confortijs, quaestionibus occultarum rerum altarumque evecti sunt.

Sidonius Apollinaris Evesque de Clairmont à un Seigneur nommé Joannes, au huictiesme livre de ses Epistres, luy congratule de ce qu' il avoit ressuscité les bonnes lettres és Gaules. Credebam (dit-il) me (vir peritißime) nefas in studia committere, si distulissem prosequi laudibus quod aboleri non tuleras. Quarum quodam modo iam sepultarum suscitator, fautor, assertor concelebrari, teque par Gallias uno magistro, sub hac tempestate bellorum, Latina tenuerint ora.

Sainct Hierosme en une Epistre qu' il escrit à Rustique Moine. Audio religiosam habere te matrem, multorum annorum, viduam, quae aluit, quae erudivit infantem, post studia Galliarum, quae vel florentißima sunt, misit Romam, non parcens sumptibus, & absentiam filij spe sustinens futurorum, ut ubertatem, moremque Gallici sermonis, gravitate Romana condiret.

Le mesme escrivant à Paulin. De institutione Monachi. Sanctus Hilarius, Gallicano cothurno attollitur.

Je vous laisse un Favorin Provençal, qui oza faire teste en matiere de lettres, à un Adrian depuis Empereur, auquel cette hardiesse ne depleut, ores qu' entre ses ambitions, il fist estat particulier d' estre estimé tres-sçavant. Je vous laisse le docte Poëte Ausone Bourdelois, Precepteur de Gratian, fils de l' Empereur Theodose le grand, & pareillement uns Hilaire, & Sidon Apollinare Evesque, l' un de Poitiers, l' autre de Clairmont, un Salvian prestre de Marseille. Tous lesquels nous ont diversement delaissez plusieurs œuvres de leur façon, & entre autres, Favorin duquel les compositions ne sont arrivées jusques à nous, mais vous le voyez grandement celebré par Aulugelle.

Mais à quel propos tout cecy? Pour vous dire que nos Gaules, & auparavant, & apres qu' elles feurent subjettes du Romain, feirent profession perpetuelle des bonnes lettres, & neantmoins tout cela n' estoit point la Republique des lettres, que nous avons depuis appellée Université par un titre particulier, non cognu par nos premiers aages; grande promesse toutesfois que les sciences & bonnes lettres floriroient és Gaules lors que les Universitez, par un benefice des ans, y seroient plantées.