miércoles, 9 de agosto de 2023

9. 23. Jurisdiction contentieuse du Recteur.

Jurisdiction contentieuse du Recteur.

CHAPITRE XXIII.

Il m' est advenu de dire par le Chapitre precedant que les reiglemens faits par le Recteur entre ses suppot procedent d' une jurisdiction contentieuse, & non comme d' un amiable compositeur; chose qui n' avoit esté par cy devant revoquée en doubte fors de nostre temps par deux hargneux, comme je vous representeray maintenant. Sur un different qui se presentoit en la nation de Normandie pour l' Election d' un receveur qu' on pretendoit avoir esté malfaite, le tout bien & deüement examiné par le Recteur, & ses suffragans, voicy la sentence qui fut donnée.

Anno Domini Millesimo Sexcentesimo tertio, die tertia mensis Iulij, apud Collegium Montanum in cubiculo Domini Rectoris, hora secunda à meridie, congregati fuerunt domini deputati almae Universitatis Parisiensis. Ibidem comparuerunt venerabiles, & circonspecti viri domini, Paulus Bondot Rector, le petit Ian Doctor Theologus, loco decani suae Facultatis, Heron Doctor Medecinae, vices gerens sui Decani, Richer, Minos, & Helain Censores Normaniae, & Germaniae procuratores. Super controversia orta inter provisorem Collegij Harcuriani, venerandae nationis Normaniae, in dicta Universitate pro tempore Censorem, & de nomine actorem ex una; & Magistrum Nicolaum l' Emperier asserentem se electum quaestorem dictae nationis, & Magistrum Thomam Molin primarium Collegij Gervasiani, & pluribus alijs dictae nationis Magistris ex altera, partibus. Auditis dictis Provisore, & Molin primario supra nominatis, eorum litigatis, & altercatis, visis certis statutis, & conclusionibus Universitatis per dictas partes impraesentiarum exhibitis, & illic per easdem partes recuperatis, visis denique & matura consideratione quae videnda & consideranda erant.

Dicti domini deputati declaraverunt imprimis comitia habita in aula Collegij Harcuriani ultimo pervigilio Apostolorum Petri, & Pauli, à praefatis Magistris dictae nationis Normaniae ratione officij Quaestoris eiusdem, irrita & invalida, & censuerunt procedendum esse quam cito potuerit fieri ad novam electionem, & admittendos esse tantum ad suffragia ferenda in dicta electione, qui habent vocem electivam, iuxta praedicta nationis Normaniae statuta, & praescripta Academiae. Et ita praedictum Dominum Rectorem, referentibus dictis dominis deputatis, & censoribus conclusum extitit. Anno & die praedictis. Signatum, Paulus Bondot Academiae Rector, Petit Ian, Richer, Minos, Helain censores, G. Heron, I. Tallebot procurator Normaniae. I. Valens procurator Germanicae nationis, & au dessous, Du val.

L' Emperier, & Molin n' en appellerent, mais pretendans le Recteur n' estre fondé en jurisdiction, presenterent leur Requeste au Prevost de Paris ou son Lieutenant qui estoit messire François Miron, affin de casser & annuller tout ce qui avoit esté fait par le Recteur & ses suffragans, comme n' ayans eu pouvoir de ce faire. Cette cause traitée au Chastelet; il fut dit par sentence de l' unziesme du mesme mois de Juillet que les parties seroient tenuës de comparoir en la salle des Mathurins pardevant le dit Miron & Maistre Robert Peslé Conseiller Presidial, & du Recteur; &  seroient tenuës les parties de faire comparoir, tant les Maistres és Arts, Boursiers graduez, que ceux de la nation de Normandie. Auquel lieu seroient representez les Statuts, Privileges, & reiglemens de la dite nation pour estre pourveu aux parties ainsi que de raison. Et ce pendant les deniers qui devoient estre receuz seroient par maniere de provision mis és mains de l' Emperier pretendu esleu; qui estoit en bon langage grandement r'avaler l' authorité du Recteur, & rendre sa jurisdiction illusoire. Au moyen dequoy Maistre Georges Turgot proviseur de Harcour (personnage de singuliere recommandation) censeur de la nation de Normandie, & ses consors appellerent de cette sentence, & releverent leur appel en la Cour de Parlement. Et quelque temps apres presenterent leur Requeste à la Chambre des vacations, affin que les deniers pendant le different des parties, fussent mis en main seure. Et par Arrest du 27. Septembre 1603. fut ordonné que sur les appellations les parties avroient audience le lendemain de la S. Martin. Et ce pendant sans prejudice de leur droit, que la recepte de la nation de Normandie seroit continuée par l' ancien receveur. Et que si aucunes clefs, titres, enseignemens & autres choses de cette charge avoient esté mises és mains de l' Empereur, il seroit tenu de les rendre, & mettre és mains du dit ancien receveur, & à ce contraint par corps nonobstant oppositions & appellations quelconques & sans prejudice d' icelles.

Quelques mois apres l' Empereur alla de vie à trespas, & par son decez mourut pareillement la cause, & fut procedé à nouvelle eslection de receveur suivant la sentence du Recteur. Or qu' il soit fondé en tels cas en jurisdiction contentieuse, vous le cognoistrez par cest arrest.

Extraict des Registres du Parlement. Entre les Religieux, Abbé, & Convent de S. Germain des Prez, appellans du Recteur, & Facultez de l' Université de Paris, & demandeurs en matiere de desertion d' une part, & le Religieux, Prieur, & Convent de S. Martin des Champs intimez & defendeurs sur la dite desertion d' autre part. Veu par la Cour le plaidoyé fait en icelle le dixiesme jour de ce mois, & tout ce que les dites parties ont mis & produit pardevers la dite Cour, & tout consideré. Dit a esté que sans avoir aucun esgard à la dite desertion alleguée par les appellans, la Cour a mis & met la dicte appellation au neant sans amende, & sans despens, & pour cause: & a ordonné & ordonne, que la sentence dont est appellé sortira son plein & entier effect pour cette fois. Et par maniere de provision sans prejudice des droicts & procez des parties: enjoint la Cour ausdites parties de produire au procez pendant entre elles pardevant les dits Recteur, & deputez de la dite Université dedans un mois, & ausdits Recteur & deputez iceluy juger, terminer & decider dedans un mois apres ensuivant: de tout à compter du dit 10. jour de ce mois. Que pareille injonction leur sera faite par la Cour. Aliàs en defaut de ce avoir fait, la Cour y pourvoira, ainsi qu' il appartiendra. Dit aux parties le 14. jour de Mars 1505. & a esté collation faite, & au dessous du Tillet.

9. 22. Du Recteur de l' université & de sa suite.

Du Recteur de l' université & de sa suite.

CHAPITRE XXII.

Quand pour l' affluence des Escoliers on fut contraint d' une Escole en faire deux, dont celle de Theologie demeureroit en la maison Episcopale, suivant son ancien sejour, l' autre pour les Arts, & la Philosophie en celle de sainct Julian: aussi fit on tout d' une main deux Magistrats, dont à l' un demeura le nom de Chancelier, lequel comme Chanoine hebergeroit à nostre Dame, & y a bien grande apparence que c' estoit celuy qui d' ancienneté portoit le nom de Theologal: à l' autre fut donné le nom de Recteur, auquel fut attribuée cette charge, soudain que la Faculté des Arts eut quitté les Escoles de la grande Eglise, pour s' habituer en celle de sainct Julian. Et deslors jusques à huy n' y eut que les Maistres és Arts, qui puissent joüir de cette dignité, les Theologiens, par ce qu' ils avoient leurs Escoles separées, & les Facultez de Decret, & de Medecine, dautant qu' elles n' estoient encores establies, & n' y avoit que les deux dont je vous ay cy dessus parlé. Et lors l' election du Recteur se faisoit, ores de mois en mois, ores de six en six sepmaines. Police que Simon Cardinal de saincte Cecile, Legat en France, reforma comme abusive,  & acheminement de desbauches, & reduisit de trois en trois mois par ses Bulles, dont la teneur estoit telle.

Simon miseratione divina Cardinalis titulo sanctae Ceciliae presbyter Apostolicae sedis Legatus, universis praesentes litteras inspecturis, salutem. Nos diligentius attendentes, quod usus ille, quinimo abusus reprobatus & damnosus, & longis retro temporibus introductus, videlicet quod Rector Universitatis Parisiensis, singulis mensibus, vel sex eligatur hebdomadis, turbationem studij & incentivum invidiae ministrabat, illum duximus abolendum: Statuentes, & ordinantes quod Rector huiusmodi, quater in anno, videlicet prima die legibili post festum beati Dionysij, ultima die legibili ante Nativitatem Domini, ultima die legibili ante Annunciationem Beatae Mariae Virgnis, & ultima die legibili ante festum Ioannis Baptistae, & non plures eligeretur. Qui Rectorum officium libere exerceret, valeret per tempus suo regimine deputatum, & caetera. Datum apud Nogentium super Sequanam, Calend. Octobris pontificatus Domini Nicolai Papae tertij, secundo. Ce Pape avoit esté esleu l' an mil deux cens septante sept. Ce fut doncques l' an mil deux cens septante huict que cette reformation fut faite, laquelle depuis a esté religieusement observée.

La difference qu' il y a entre ces deux dignitez est, que le Chancelier jouït sa vie durant de sa charge (jouït de sa charge durant de sa vie), & le Recteur seulement trois mois. Briefveté de temps ainsi par nos Ancestres, à luy selon mon jugement octroyée, par ce qu' ils estimoient son authorité plus grande, tout ainsi que du Dictateur Semestre de Rome. Aussi en cette petite republique luy donnerent ils plusieurs remarques de grandeur pendant l' exercice de sa charge. Il fait son entrée, & issuë par deux processions solemnelles; celle là pour prier Dieu qu' il luy plaise conduire son Rectoriat à bonne fin, cette cy, pour le remercier de l' avoir conduite: en l' une & l' autre, assisté des quatre Procureurs des nations ses suffragans, & des quatre Facultez, de Theologie, Decret, Medecine, & des Arts; eux tous revestus de leurs Chappes, & habillemens de parade, & avecques cette compagnie, les ordres de Religion, qui sont de son vasselage. Pour recognoistre sa demeure aux Colleges, on peint aux parois des mains qui avec le doigt la monstrent. Particularité par moy peut estre curieusement remarquée, mais curiosité plus grande à nos predecesseurs de l' avoir ainsi pratiqué. Marche par la ville en public revestu de sa Chappe d' Escarlate & a devant luy ses Bedeaux portans leurs Masses d' argent, & derriere suivy de plusieurs Maistres és Arts qui vont par ordre deux à deux, pour l' honorer, & estre par luy honorez.

Quand je vous dy Bedeaux, cela s' entendoit anciennement Sergens. Ballivi (portoit l' ordonnance de sainct Louys) caveant sibi à multitudine bidellorum. Et les Masses leur estoient baillees tant pour la conservation du Recteur, que remarque de sa grandeur. Quand le Roy sainct Louys estant au Levant eut advis que le Viceroy de la montagne avoit despesché quelques siens subjects, du nom d' assassins, pour le tuer de guet à pens. Adoncques (portent nos grandes, & anciennes Annales) il se doubta forment (: fortement), & prit Conseil de soy garder. Il esleut Sergens à Masses garnis & bien armez qui nuit & jour estoient autour de luy pour son corps garder. Sergens & Bedeaux estoient mesme chose, comme je recueille de la mesme ordonnance de sainct Louys de l' an 1256. Et voulons que li Bedel, & Sergien soient nommez en plaine assise: autrement ne seront ils pas nommez pour Bedel ne pour Sergien. Vous pouvez recueillir par cela en quelle opinion de grandeur fut de toute ancienneté le Recteur, auquel on commit gardes pres de luy, portans non seulement Masses, ains Masses d' argent, affin de faire paroistre à tous quelle estoit son authorité. Et combien que par le long laps de temps nous ayons mis aucunement en oubly le respect que l' on portoit à cette venerable ancienneté, si est-ce que quand il est question de faire remonstrances au Roy, ou à la Cour de Parlement pour l' Université, le Recteur va tousjours en cette posture. Se trouve si bon luy semble en tous les actes publics des quatre Facultez, & s' y trouvant a le dessus de tous les Prelats qui s' y rencontrent. S' il entre en un College en cette façon, Dieu sçait de quelle allegresse il est bien venu par tout le menu peuple des Escoliers, & avecques quelles acclamations on l' accueille d' un Vivat, tesmoignage de l' honneur, & respect qu' ils luy portent combat ainsi qu' un vaillant Hercule, les monstres qui se veulent heurter contre l' Université. Comme aussi doibt il avoir l' œil perpetuellement, Ne quid Respublica litteraria detrimenti accipiat. Et en cette consideration l' article septante de la reformation faicte par monsieur le President de Thou porte ces mots. Rector Universitatis primo mense sui Magistratus, cum quatuor censoribus, omnia Collegia semel saltem adeat, & diligenter lustret Praeceptorum, Magistrorum, Paedagogorum, et Scholasticorum querelas, si quae sint: audiat illos omneis, in officio contineat, illorum dissidia componat, et singulorum Collegiorum statuta, & haec ipsa decreta diligenter iubeat observare. Discipline qui procede d' une bien longue ancienneté. Car en telles affaires, & autres differens qui peuvent sourdre entre les suppos de l' Université pour leurs reglemens il a jurisdiction contentieuse sur eux, dont les sentences sortent leur plein & entier effect, sinon que celuy qui pense estre interessé en appelle, & releve son appel en la Cour de Parlement, & que par son arrest la sentence soit renversée. Et qui est le comble de sa grandeur, c' est que le Lendy tenu en la ville de sainct Denys, composé d' une infinité de marchands forains, ne s' ouvre qu' il n' ait esté beny par le Recteur le lendemain du jour & Feste de sainct Barnabé. Ouvrage vrayement d' un Evesque, auquel lieu il s' achemine en parade suivy des quatre Procureurs, & d' une infinité de Maistres és Arts, tous de cheval. Et apres avoir fourny à son devoir, il est gratifié par les Marchands d' un honoraire de cent escus, & comme l' ancienneté luy decerna tous ces honneurs, aussi luy bailla elle plusieurs grandes prerogatives en l' oeconomie, & menage de l' Université. C' est luy qui ouvre la porte à tous ceux qui veulent jouïr des Privileges d' Escoliers, par les lettres de Scholarité qu' il leur baille; luy qui fait les Scribes, Libraires, Parcheminiers, & Messagers du corps de l' Université, quand l' un d' eux est allé de vie à trespas; luy qui confere les benefices vacquans par mort qui sont affectez à la mesme Université, & a certains droits sur le parchemin apporté dedans Paris. Conclusion; l' Université recognoist en luy, non un Roy pour regner dessus ses subjects, ains un Recteur pour regner & gouverner ses suppos. Et entre le regner & regir il n' y a pas grande difference quand on s' acquite de son devoir. Car quant au Chancelier de l' Université il pare seulement de ce coup contre toutes ces grandeurs. Que le Recteur fait des Escoliers pour estudier (tout ainsi que le Capitaine des soldats, quand il les enrolle pour combatre) mais le Chancelier fait des Capitaines quand il baille le bonnet de Theologie, Decret, Medecine, & Arts, pour enseigner, & monter en chaire. Et à vray dire, il est ainsi appellé, par ce que comme nul ne peut exercer un estat Royal qu' il ne soit passé par les mains du grand Chancelier de France, & n' ait lettres de Chancellerie: pour cest effect aussi nul ne peut en l' Université monter és chaires pour lire & enseigner ce qui est de sa profession, s' il n' a premierement lettres seellées du Chancelier de l' Université, portans declaration de leurs Maistrises, licences & doctorande; & veux croire que c' a esté la cause pour laquelle il obtint anciennement le nom & titre de Chancelier, comme y ayant en sa charge une image du grand.

Encores adjousteray-je ce mot (qui ne sera comme je croy hors propos) qu' en toutes les commissions de Cour de Rome, pour le fait de l' Université, je voy l' adresse estre faite au Chancelier pour les mettre en execution, nulle au Recteur. Mais pour contr'eschange, aux affaires concernans l' Estat pendant les afflictions qui nous furent procurées en France, par les factions des Bourguignons & Orleannois, le Recteur y est employé en plusieurs lettres patentes, & outre plus fait part des Conseillers, és consultations publiques, comme un outil necessaire de la guerre, & de la paix, selon que l' opinion des Princes qui approchoient le Roy Charles VI. y estoient disposée.

Quant au surplus, je voy l' ordre de l' Université avoir esté entretenu par une proportion Arithmetique de quatre nations; de France, Normandie, Picardie, & Anglesche, quatre Procureurs de ces nations pour estre assesseurs du Recteur; quatre examinateurs choisis tant par le Chancelier de Paris, que de saincte Geneviefve, pour recognoistre la capacité de ceux qui se presentent à eux lors qu' ils veulent passer Maistres és Arts; quatre intrans; pour l' eslection du Recteur; quatre Facultez, de Theologie, Decret, Medecine, & Arts; quatre maisons publiques anciennement pour cest effect, l' Episcopale, les Escoles de Decret, & de Medecine, & pour les Arts, les Escoles de la ruë au fouërre, qui sont quatre en nombre, que je fais passer pour une, parce que sur elles les autres Facultez sont entées, mais tant y a qu' encores se rencontre en cette particularité le nombre de quatre.

9. 21. Chancelier de l' Université.

Chancelier de l' Université.

CHAPITRE XXI.

Ce Chapitre concernant les Magistrats, sembloit avoir deu estre mis soudain apres la creation de l' Université, mais tout ainsi que je l' ay principalement dedié à ceux qui font profession des Arts & de la Philosophie, que j' ay mis au quatriesme lieu de nos Facultez, suivant en cecy l' advis du Cardinal d' Estouteville, aussi voulant parler du Recteur & de sa suite, fondement de cette quatriesme Faculté, je parleray auparavant de l' autre Magistrat que nous appellons Chancelier. Car en autre lieu plus commode ne pourray-je le faire.

Or combien que sous le regne de Louys VII. le nom de l' Université ne fust en usage, & n' eust pris les plis dont elle fut depuis honorée, si est-ce que deslors on commença d' avoir quelque image de Magistrature en l' Eglise de Paris, pour la direction des Escoles. Chose que je recueille d' Abelard, lequel recitant combien d' un costé il estoit favorizé de la commune des Escoliers, & d' un autre, disgratié de plusieurs Prelats jaloux du grand nom qu' il avoit acquis, & comme il s' estoit rendu Religieux Profés en l' Abbaye sainct Denys dit ainsi. 

Cum autem in divina scriptura non minorem gratiam, quam in seculari mihi Dominus contulisset, coeperunt admodum scholae nostrae multiplicari ex utraque lectione, & caeterae omnes vehementer attenuari unde; Magistrorum invidiam atque odium adversum me conciliavi, qui in omnibus, quae poterant, mihi derogantes, duo praecipue absenti mihi obijciebant. Quod scilicet propositi monachi valde sit contrarium, secularium librorum studio detineri, & quod sine Magistro ad Magisterium divinae lectionis accedere praesumpsissem, ut sic inde omne mihi doctrinae secularis exercitium interdiceretur. Ad quod incessanter Archiepiscopos, Episcopos, Abbates, & quascumque personas Religiosas excitabant. Abelard qui lors estoit Religieux de sainct Denys, se donnoit par ce passage tout jeu qu' il luy plaisoit, pour faire tomber le tort sur ceux qu' il disoit estre ses mal-veillans, lesquels empeschoient ses lectures, rejettant sur une envie, ce qui estoit selon mon jugement de la raison. Car de dire qu' on luy eust voulu imputer à faute qu' il s' estoit fait grand Theologien de soy mesme, & sans ministere d' autruy, je pense que ce luy eust esté grand honneur, moyennant que sa doctrine ne se fust escartée du vray chemin. C' est pourquoy je tire de ce passage deux notables anciennetez: la premiere, qu' ores que sur l' avenement de nostre Université, le Religieux peust faire lectures tant en lettres humaines que divines (car ainsi le voyons nous avoir esté fait par Guillaume de Champeaux au monastere sainct Victor, comme aussi par Pierre Abelard) toutesfois dés lors on commença d' y vouloir mettre quelque bride, & fut par progrés de temps ordonné, & religieusement observé en l' Université de Paris, que nul Religieux ne montast en chaire pour enseigner les lettres humaines. Et quant à la seconde elle n' estoit pas moindre, ains paraventure plus recommandable que la premiere. Car comme ainsi fust que sur la premiere ouverture de nos Escoliers il fust loisible à tous ceux qui avoient quelque asseurance de leur suffisance, d' entrer en chaire avecques la permission de l' Evesque, si est-ce que puis apres on y apporta cette discipline, qu' il n' estoit permis à aucun de lire en la Theologie, qu' il n' eust esté prealablement advoüé par un maistre qui avoit charge de cet affaire par le Superieur. Et c' est ce que veulent dire ces mots, Quod sine Magistro ad Magisterium divinae lectionis accedere praesumpsisset. Et de là sont depuis venues les erections, & establissemens des Docteurs en Theologie. Police par laquelle estoient faites defenses, pour la consequence, & le danger qu' il y avoit de mettre ce glaive entre les mains d' un furieux, pour s' en joüer. Comme de fait il advint en la personne mesme d' Abelard, qui pour se fier trop à l' abondance de son sens, fit un livre par lequel il soustenoit que la vraye foy ne pouvoit resider en nous, sinon estant verifiée par bonnes, & valables raisons. Livre qui fut depuis condamné par le jugement du Concil tenu à Soissons.

Par ce que je vous ay cy dessus deduit, vous voyez que ces defenses estoient faites expressement pour le fait de la Theologie, & y a bien grande apparence, que ce fut par un Chanoine, qui auparavant tenoit le lieu de Theologal. Mais comme l' Université fut depuis divisée en deux, les uns estudians en la Theologie en la grande Eglise, les autres és Arts & Philosophie, en celle de sainct Julian: Aussi la necessité des temps produisit en eux deux divers Magistrats; celuy de Chancelier en la grande Eglise, qui se donna avecques le temps l' œil sur les quatre Facultez, mais singulierement sur celle de Theologie, comme estant le fonds de sa premiere & originaire institution, & l' autre le Recteur.

Et tout ainsi qu' en la grande Eglise (premieres Escoles) le Chancelier prist sa premiere naissance, aussi celle de sainct Victor qui la secondoit en ce noble exercice de lettres, en produisit avecques le temps un autre, & voicy comment.

L' Eglise sainct Pierre & sainct Paul, fondée par le Roy Clovis (depuis nommée saincte Geneviefve) estoit sur son commencement servie par Chanoines seculiers, entre lesquels la desbauche extraordinaire s' estant logée le Roy Louys septiesme les en extermina, par l' advis, & entremise de Sugger Abbé de sainct Denys, & y mist en leur lieu douze Chanoines reguliers de l' ordre de sainct Augustin, tirez de l' Abbaye sainct Victor. Or est il que l' Université croissant à veuë d' œil là part où nous la voyons assise, le Roy Philippe Auguste la fit clorre de murailles, dedans le pourprix & allignement de laquelle fut comprise l' Eglise saincte Geneviefve: à qui l' on donna quelque temps apres, un Chancelier comme nouvelle peuplade de celle de sainct Victor, laquelle ne fut honorée de cette dignité, d' autant que son malheur avoit voulu qu' elle fust demeurée hors les murs.

Creation qui apporta depuis diverses jalouzies entre les deux Chanceliers. Celuy de nostre Dame ne voulant avoir compagnon, & l' autre nul superieur. De maniere que le Pape Gregoire X. delegua en l' an 1271. l' Abbé de sainct Jean des vignes, & l' Archediacre de Soissons pour les reigler. Et se passerent les affaires de cette façon, que tout ainsi que l' Eglise nostre Dame passe sans comparaison celle de sainct Victor, aussi est demeurée au Chancelier de nostre Dame, la faculté, & puissance de creer luy seul les Docteurs de Theologie, Decret & de Medecine, apres que les actes ordinaires y ont passé. Et quant aux Maistres és Arts, à l' un ou l' autre Chancelier, selon le choix qui en est fait par celuy qui veut prendre sa licence. Le Chancelier de nostre Dame est celuy auquel le Pape Innocent IV. adressa du consentement du Roy sa commission, pour mettre taux aux loyers des Chambres, & bannir la supercherie, que les proprietaires exerçoient contre les Escoliers locataires, comme il sera deduit en son lieu. Chancelier (dy-je) auquel le Cardinal d' Estouteville, Legat en France, dedans sa reformation, permet d' absoudre du lien d' excommunication, en certains cas, lors que l' on seroit en l' article de la mort. A qua non poßint absolvi (porte le texte) à Cancellario Parisiensi, praeterquam in mortis articulo. Luy qui des membres de l' Université fut particulierement appellé à la reformation d' icelle par les Cardinaux de sainct Mars, & de sainct Martin aux monts: & en celle du Cardinal d' Estouteville: en la premiere un Boniface, en la seconde, un Cibole, tous deux Chanceliers. Et à peu dire, toutes les Bulles qui s' adressent de Rome au Chancelier s' entendent au Chancelier resseant à nostre Dame, estans conceuës sous cette adresse. Dilecto filio Cancellario Parisiensi salutem, & Apostolicam benedictionem: & à l' autre. Dilecto filio sanctae Genouefae, Recognoissans taisiblement par cela le premier avoir plus de part en l' Université, que le second.

Il y a Bulles du Pape Gregoire dixiesme, par lesquelles il ordonne que le Chancelier de l' Université esleu jurera és mains de l' Evesque, & Chapitre de l' Eglise. Quod ad regimen Theologiae & Doctorum bona fide, secundum conscientiam suam, loco, & tempore, secundum statum civitatis, & honorem, honestatem Facultatum dictarum, non nisi dignis licentiam largiretur, nec admittet indignum. Et plusieurs lignes apres. Magistri vero Theologiae, & Decretorum, quando incipient legere, praestabunt publice iuramentum, quod super praemißis fidele testimonium perhibebunt: & peu apres. De Physicis autem, & Artistis, ac alijs, Cancellarius bona fide promittet examinare Magistros, & non nisi dignos admittens, indignos remittet.

Vous voyez là le Chancelier avoir toute cognoissance sur les quatre Facultez.