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martes, 8 de agosto de 2023

9. 12. Faculté de Medecine.

Faculté de Medecine.

CHAPITRE XII.

Combien que la Faculté de Medecine soit l' une des plus anciennes professions qui se trouvent entre toutes les autres. Car elle prit son origine avecques l' homme & la femme, lesquels estans exposez aux maladies selon la diversité des occurrences, aussi fallut il y trouver des remedes, que nous appellons Medecines. D' ailleurs il faut particulierement porter reverence au Medecin (selon l' opinion du sage) pour la necessité qui reside en l' exercice de son estat. Considerations qui de premier œil nous pourroient aisément induire à croire, que par honneur elle fut anciennement defalquée des autres Arts & sciences, pour luy donner une place d' honneur à part avec les trois autres Facultez de l' Université de Paris. Toutesfois c' est un abus de le croire. Chaque nation a son air particulier qui luy cause la diversité de mœurs & humeurs, & consequemment des maladies, ce neantmoins nous allons mandier nos remedes au Levant, comme si nature eust esté en chaque pays si ingrate qu' elle n' y eust aussi produit les remedes.

Cette pratique ne fut introduite dedans Rome que six cens ans apres sa fondation, & en cette France nous ne commençasmes d' en recognoistre l' usage que bien avant sous la troisiesme famille de nos Roys. Pour le moins ny nos histoires anciennes, ny nos Romans faicts à plaisir; images de ce qui s' estoit passé par la France, ne nous en donnent aucuns enseignemens. Si un Chevalier est blecé, une Dame, ou Damoiselle a ses onguens pour guerir sa playe. Et dedans l' Arioste, un Medor couché à l' issuë d' une bataille entre les soldats morts en plaine campagne, est guery par la belle Angelique, dedans la maisonnette d' un Pastre. Ny pour cela ou ne laissoit de trouver sa guerison dedans Rome, ny dedans la France, tout ainsi comme depuis. Il n' est pas qu' encores aujourd'huy il n' y ait quelque reste de cette ancienneté chez nous au plat pays, ou la plus part des gens de village se guerissent de leurs fievres, non par les ingrediens (leçon ordinaire des Medecins qui demeurent és villes) ains par certaines herbes pilées, qu' ils appliquent seur leurs poignets, & avecques une longue patience rapportent, ce que l' on tasche de gagner par une precipitation dans les villes. Chaque nation a ses simples, non seulement tirez de la terre, ains de toutes sortes de subjects, voire quelquesfois bien vils & abjects, dont nous rapportons des operations merveilleuses pour nostre santé: & en cecy le principal defaut que j' y trouve vient de la fetardise, paresse, & nonchaillance de nos Ancestres. Car si aux hospitaux dediez à la guerison des pauvres malades, on eust fait registres des receptes, par le moyen desquelles on avoit diversement guery d' unes & autres maladies, tout ainsi qu' on avoit fait au temple d' Esculape, dont Hipocrat sceut fort bien faire son profit, nous n' avrions que faire d' autre aide que de nous mesmes.

Or combien que la maxime que je vous ay presentement proposée soit non seulement particuliere pour nostre France, ains generale & commune à toutes les nations, toutesfois elle s' est par succession de temps trouvée changée en toute l' Europe d' une bien longue ancienneté jusques à nous. La Grece produisit plusieurs beaux & rares esprits, desquels comme d' un Ocean sourdirent deux grandes fontaines, la Philosophie, & la Medecine. Quand je dy la Philosophie, j' enten les sages discours qui naissent naturellement parmy tous les peuples, pour l' entretenement & conduite de leurs mœurs, & vies bien reglées. Toutesfois en ce pays là se trouverent personnages de nom qui en donnerent divers preceptes, de quelle marque furent les Academiciens, Peripateticiens, Stoïques, Epicuriens, & plusieurs autres de telle marque, qui espandirent diversement leurs doctrines par l' univers, au desir, & contentement d' unes & autres personnes.

Le semblable leur advint il au fait de la Medecine, en laquelle le premier dans leurs histoires qui en enseigna la leçon à ses successeurs, fut Esculape, en l' ost Gregeois, au siege de Troye, où pour avoir fait des cures miraculeuses, il fut apres son decez deifié par Decret general des hommes, & à luy consacré un Temple en l' Isle de Lago, lieu de sa naissance, où par une devotion solemnelle, & hereditaire de pere à fils, on appendoit, & les regles qu' ils trouvoient servir à l' entretenement de la santé, & les bonnes receptes par le moyen desquelles les malades avoient trouvé guerison: dont quelques centaines d' ans apres le grand Hipocrat sceut fort bien accommoder ses livres (ainsi que j' ay dit cy dessus) qui sont, & ont esté tant honorez, & estimez par sa posterité, non toutesfois sans le controlle des siens. Dautant qu' apres son decez il fut d' un gnet (guet) à pens contredit en tout, & par tout par Chrisippe, & luy par Erasistrat, prenans plaisir à se dementir l' un l' autre, tout ainsi que les Philosophes en leurs sectes. Tellement qu' il n' y avoit rien plus certain en l' exercice de cest Art, que l' incertain. Et neantmoins ne laissoit un chacun d' eux de faire de grands gains, & de grandes Cures dedans cette incertitude. Cela fut cause que les esprits les plus retenus & solides de Rome ne pouvoient bonnement gouster qu' on donnast seur accez en leur ville à ces Medecins de la Grece. Ainsi trouvons nous que Caton le Censeur, voyant que de son temps on commençoit de forligner en cecy, escrivoit à son fils, que cette nouvelle introduction seroit une nouvelle ruine des hommes, dont avecques le temps on verroit ses effects plus amples.

Ce que je vous dy icy, n' est pas pour vilipender cette Faculté (ja à Dieu ne plaise que cette opinion m' entre en la teste) ains pour vous reciter ce qui est de la verité historiale sur ce subject, & comme toutes choses s' y sont passées. Tout de cette mesme façon en France, des & depuis le regne de Pharamond, qui commença de regner en l' année quatre cens vingt, jusques au Roy Louys septiesme, qui commença de regner en l' année mil cent trois, & mourut en l' année mil cent octante, nous ne sçavions en cette France que c' estoit de la Medecine des Grecs. Mais comme sous le regne de Louys, plusieurs belles ames s' addonnerent, qui à la nouvelle Theologie de Pierre Lombard, qui aux Decrets de Gratian, aussi firent elles le semblable en la doctrine du grand Hipocrat, & de Galien son commenteur (ainsi le veux-je appeller, ores qu' il y ait apporté plusieurs belles choses du sien) Car il y avoit assez de subject en eux pour allecher & contenter les esprits deliez & curieux, lesquels ne feirent estat de la Medecine que l' on exerçoit d' ancienneté par la France, comme d' une Medecine rurale dont on ne pouvoit rendre raison, & en laquelle y avoit beaucoup plus de hazard que d' art: au moyen dequoy ils prindrent le nom de Physiciens du mot Grec, c' est à dire de gens qui sçavoient & enseignoient, tant les mouvemens de nostre nature, que de nos maladies. Science qu' ils avoient apprise des Grecs. Toutes nouveautez plaisent, sinon aux plus sages, pour le moins au commun peuple, qui a le dessus des sages par la pluralité du nombre. C' est pourquoy ces nouveaux Docteurs commencerent d' estre en credit, lors que vers le regne de Louys septiesme l' Université commençoit de naistre, & en fit on une Faculté particuliere avecques les trois autres de Theologie, Decret, & des Arts. Et par ce que chacun desireux de nouveauté y accouroit, il fut par un Concil general tenu en l' année mil cent soixante trois sous le regne de Louys VII. en la ville de Tours, où le Pape Alexandre troisiesme presida. Defendu à tous Religieux profez de sortir de leurs Cloistres, pour aller ouyr les leçons, tant de ces nouveaux Physiciens que legistes. Nous en avons les prohibitions & defenses expresses d' Alexandre en ces mots. Statuimus ut nulli omnino post votum Religionis, & post factam in aliquo loco profeßionem ad Physicam, legesve mundanas legendas permittatut exire. Si vero exierint, & ad claustrum suum, intra duorum mensium spatium non redierint, sicut excommunicati ab omnibus evitentur. Defenses qui estoient provenuës du Concil tenu à Tours, comme nous apprenons du Pape Honore troisiesme. Contra Religiosas personas de claustris exeuntes ad audiendum leges, vel Physicam, Alexander praedecessor noster olim statuit in concilio Turonensi, ut nisi infra duorum mensium spatium ad claustrum redierint, sicut excommunicati ab omnibus evitentur. Qui nous enseigne que lors la Medecine des Grecs, qu' ils appelloient Physique, estoit autant nouvelle en la France, que les loix Romaines. Laquelle depuis s' est esparse non seulement dedans la ville de Paris, ains par tout le Royaume. Qui nous doit faire croire par les evenemens, que l' usage de cette Medecine Gregeoise y estoit necessaire.

Ne pensez pas je vous prie que je vous aye voulu en vain entretenir des discours du present Chapitre. Je vous ay cy dessus discouru que vers le commencement les Medecins prenans pied dans l' Université s' estoient accommodez de leur College pres les quatre grandes Escoles des Arts, toutesfois je sçay bien que quelques uns maintiennent, que l' Escole de Medecine au lieu auquel elle est maintenant assise, fut par les Medecins achetée l' an mil quatre cens septante & un, & l' année d' apres rebastie, toutesfois nous repaissans de cette opinion, ils recognoissent n' en avoir jamais veu les enseignemens, ains en parler par un ouyr dire.

Chose dont me voulant plus amplement informer, j' en ay parlé à quelques anciens Docteurs, miens amis, qui gouvernoient ordinairement le menage de cette Faculté, quand les occasions se presentoient, lesquels m' ont dit n' en avoir jamais veu dedans leurs archifs aucun titre. Au moyen dequoy je croy que c' est un Vaudeville. Bien peuvent elles avoir esté rebasties de nouveau, mais non acquises. Et ne me peut entrer en teste, soit ou que les Medecins pour la necessité de leurs fonctions, ou bien pour la nouveauté qu' ils introduisirent en la France, voulussent avoir cet honneur de faire une des Facultez de l' Université de Paris, & eussent esté si fetards qu' au milieu des trois autres, chacune desquelles avoit le siege de ses Estudes, ils eussent seuls fluctué sans avoir retraite, pour vacquer à leurs leçons, lectures, & actes publiques, qu' il leur convenoit faire, pour parvenir à leurs licences, & doctorandes. Singulierement en esgard que cest Art Gregeois ne pouvoit estre du commencement trouvé bon par les personnes signalées. Et au surplus grandement me plaist la decision ancienne des Jurisconsultes, qui estiment en matiere de terres n' y avoir titres & enseignemens plus certains, que les anciennes bornes. Aussi voyant ce College de Medecine estre situé au lieu où estoit nostre premiere Université je croy que des ce mesme temps la Faculté de Medecine y fut establie, sauf à changer de jugement lors qu' on me fera apparoir de pieces contraires.

viernes, 19 de mayo de 2023

Chapitre IV. De ce que l' ancien Romain appelloit les Gaulois legers.

De ce que l' ancien Romain appelloit les Gaulois legers.

CHAPITRE IV.

Plusieurs ont attribué au Gaulois une inconstance d' esprit, comme si elle luy fut familiere sur toutes autres nations, par un commandement du Ciel. De ma part, encores que paraventure je ne vueille du tout bannir ce vice de luy (ne m' estant en ce lieu proposé seulement que ce que la verité me dicte) toutesfois il me semble que tels personnages digerent assez cruëment ceste affaire. Car quelquesfois dans Cesar, qui est l' un de nos premiers parrains pour ce regard, il est advenu de nous baptiser de ce nom : au contraire Aurelian Empereur, ainsi que recite Vopisque, escrivant au Senat de Rome: Nous avons, disoit-il, estably sur les marches de delà le Rhin, Lieutenant general pour nous, Postume, lequel aussi nous avons esleu Visempereur des Gaules, digne à mon jugement de la severité du Gaulois, en la presence duquel la Majesté de l' Empire, & le bon droict à chacun sera gardé. Qui monstre que le jugement de tous n' a pas esté en cet endroit d' une mesme façon conforme. Aussi qui recherchera les choses de pres, certainement il verra que ceste legereté improperee au Gaulois, ne luy provenoit point tant d' un cerveau mal arresté, que pour recouvrer ceste premiere liberté que Cesar luy avoit emblee: reputant à liberté, ou de n' être sous une servitude estrangere, ou d' avoir Empereur à sa poste, & qui eust esté fait de sa main. A ceste cause voyez vous bien peu, que ce mesme Cesar nous appelle legers, que tout d' une suitte il ne die, & adonnez à choses nouvelles & mutations. Et semblablement Trebelle Pollion, parlant de la legereté Gauloise, adjouste par mesme moyen, une envie qui nous suivoit continuellement, comme fait l' umbre le corps, de n' obeïr à l' Empire: tellement qu' encor que pour n' être les plus forts, nos entreprises ne reüscissent à bon effect, ce neantmoins aux premieres offres de mutations tousjours nous esbranlasmes nous contre la puissance du Senat Romain. Iaçoit que pour nous alecher & induire plus facilement à leur obeïr, Jules Cesar, comme recite Suetone, & à son exemple quelques autres Empereurs, comme dit Tacite, donnassent à plusieurs Gaulois seance au Senat de Rome. Ainsi lisons-nous que Tibere pour quelque temps Gouverneur des Gaules sous Auguste (car je ne me veux amuser aux revoltes qui se firent sous Jules Cesar) se trouva assez empesché à reduire ceste Province en bon train, pour les divorces qui y sourdoient contre l' Empire par les factions des Potentats. Et peu de temps apres Sacrovir s' y voulut nommer Empereur: comme du temps de Neron, Vindex: dessous Severe, Albin: sous Galien, Postume, Marie, & Victorin: Tetrique, sous Aurelian: Saturnin & Procule, sous Probe: Maxence & Silvain, du temps de Constance: & finalement Constantin & son fils sous l' Empire d' Arcade & Honore, qui fut non loing auparavant le regne & domination des François. De maniere que la Gaule par les Romains subjuguee, servir d' un perpetuel pensement à celuy qui estoit revestu du droict d' Empire par le Senat, pour destourner de luy les embusches d' oysiueté. Tant estoient les Gaulois acharnez au recouvrement de leur liberté: estimans (ainsi que maintenant je disois, & comme font ordinairement tous peuples) être libres s' ils avoient Prince par eux instalé dans leurs pays: ou pour le moins avoir plus facile accés, & ressource à leur pretenduë liberté, si par leur moyen les cartes estoient tousjours broüillees. Et me souvient sur ce mesme propos, que Cesar en quelque passage, attribuant à une legereté d' esprit les rebellions que nous brassions contre luy en ce nouvel envahissement de Province, est contraint en passant de dire, qu' entre les autres occasions de nos revoltes, la principale venoit de ce qu' il nous estoit fascheux de perdre avec nostre liberté la reputation que nous avions acquise par plusieurs siecles de nostre vaillantise & proüesse. Chose, qui aduint mesmement de dire à Caton (afin que paraventure on ne pense que Cesar se vueille donner trop beau jeu) en une harangue qu' il fit au Senat, recitee par Saluste, où il dit que les Grecs en science, les Gaulois au fait des armes & haute chevalerie estoient estimez emporter le dessus de toutes autres nations. Au moyen dequoy ne faut trouver estrange, si les Gaulois se ressentans de leur ancienne generosité, brassoient tousjours nouvelle algarade. Laquelle chose ne venant à bonne assuë, furent pour ceste occasion reputez du populaire Romain, legers.