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lunes, 7 de agosto de 2023

8. 58. Rompre la Paille ou le Festu avec quelqu'un.

Rompre la Paille ou le Festu avec quelqu'un.

CHAPITRE LVIII.

Nous disons communément Rompre la Paille, ou le Festu avec quelqu'un, quand nous nous disposons de rompre l' amitié que nous avions contractee avecques luy: Mais dont vient cette façon de parler? Car je vous prie, quelle communauté a la rupture du Festu, ou de la Paille, avec l' amitié? Paille dis-je, qui se consomme au feu à un clin d' œil: Amitié au contraire qui doit estre bastie sur un fondement stable, & permanent? Paravanture feray-je icy d' une mouche un Elephant, mais advienne ce qu' advenir en pourra, puisque la pierre est jettee, je diray franchement ce que j' en pense, & prendray mon vol de si haut que de prime face quelqu'un pensera que je mets mon jugement à l' essor. Ce n' est point chose nouvelle, ains tres-ancienne, voire és matieres d' estoffe, que pour contracter alliance de l' un à l' autre, on usoit de quelques actes exterieurs. Les Empereurs és investitures qu' ils faisoient des Archeveschez, & Eveschez, investissoient les Archevesques & Evesques, en leur presentant un Anneau & une Verge, qui estoit un petit baston. Au droict ancien des Romains les demissions de la possession des choses venduës se faisoient per aes & libram, & depuis s' il estoit question de la vente d' une maison, nous en acquerions la possession par la tradition des clefs. Coustume qui s' est perpetuee jusques à nous: à l' imitation dequoy il y eut plusieurs Coustumes en Picardie, esquelles pour mettre un homme en possession de la chose par luy acquise, il prenoit tantost un petit baston, tantost un rameau, & en userent diversement: Car és Coustumes d' Amiens, Laon, Reims, & Arthois, cette possession & saisine qu' ils appelloient autrement Vest, se faisoit par la tradition d' un baston, que le vendeur mettoit entre les mains de l' Achepteur. En la Coustume de Chaulny il faut recevoir le baston par les mains du Juge. Par celle de l' Isle tout homme qui veut avoir quelque heritage par retraict lignager, se doit retirer pardevers le Prevost du lieu, & quatre Eschevins pour le moins, & là faire sa protestation, offrant or & argent à descouvert tant pour le sort principal, que loyaux coustemens. Quoy fait le Prevost ou son Lieutenant le doit mettre en possession de la chose par luy requise par raims & baston, sauf tous autres droicts, à condition que l' offre soit signifiee par un Sergent à l' acheteur dedans sept jours, a fin qu' il vienne consentir, ou dissentir le retraict. Voila des ceremonies qui en leur ancienneté peuvent estre trouvees estranges: & neantmoins je croy que cela advint a fin que tout ainsi que par la tradition des clefs le vendeur estoit estimé s' estre demis de la maison par luy venduë, aussi estant mal-aisé qu' és champs il n' y eust quelques arbres plantez, on pensoit qu' en tirant un baston, rameau ou buchette, qui faisoient part & portion d' heritage, c' estoit faire tradition reelle & actuelle d' iceluy. Et depuis comme avec le temps on saute fort aisément d' un penser à l' autre, ce qui avoit esté introduit pour les terres des champs, fut appliqué à toutes autres sortes d' heritages & possessions.

Or que le Vest se fist par la tradition d' un baston, toutes ces Coustumes y sont formelles: Mais que De vest se fist par la rupture d' iceluy, je n' en voy aucune qui en parle. Et toutesfois ne pensez pas que cela n' ait esté observé en quelques endroits. Car nous trouvons en Frinsingense, Exfusticare, pource que l' on dit autrement se demettre de sa possession, mot qui vient du Latin festuca, qui signifie le brin d' un jeune rameau. Nous avons du Latin festuca fait le mot François festu, que nous approprions aux brins de paille, de là si je ne m' abuse, est venu, que nous dismes premierement rompre le festu ou la paille, quand nous nous voulions departir d' une ancienne amitié. Et en cas non du tout semblable, mais aussi non du tout dissemblable, nous voyons qu' aux obseques de nos Roys, lors que l' on a fourny & satisfait à toutes les ceremonies, le Grand Maistre rompt son baston sur la fosse du deffunct Roy: Et apres avoir crié par trois fois: Le Roy est mort, on commence de crier: Vive le Roy, comme si la rupture de ce baston estoit le dernier Adieu que l' on prenoit du deffunct.

domingo, 25 de junio de 2023

4. 4. De quelques sorts que pratiquoient nos anciens François,

De quelques sorts que pratiquoient nos anciens François, pour s'  informer des choses qui leur estoient à venir.

CHAPITRE IIII.

La superstition du fer chaud que j' ay cy dessus racontee, m' en a remis une autre en memoire, que je ne veux passer sous silence. Les anciens Romains sous les Empereurs eurent une certaine maniere de deviner les choses futures à l' ouverture du livre, par la rencontre de la ligne qu' ils avoient auparavant designee: Chose qui se pratiquoit ordinairement sur les œuvres de Virgile. Et pour cette cause appelloient cette façon de faire, les Sorts Virgilians. De cette divination usa l' Empereur Adrian, encores simple Capitaine, pour s' asseurer du bon vouloir qu' avoit envers luy l' Empereur Trajan, & ayant ouvert le fueillet, rencontra des vers Latins, que j' ay voulu rendre François.

Mais qui est celuy-là qui porte dans sa main

Le sainct rameau d' Olive: à son menton chenu,

Et son poil je cognois que c' est le Roy Romain, 

Qui de lignage bas à ce haut lieu venu, 

Premier enta ses loix dans la ville de Rome,

Auquel succederas.

Desquels vers Adrian prist certain prognostic de son futur Empire. Et Claude Aubin, qui usurpa l' Empire és Gaules, se rendit presque asseuré du malheur qui luy devoit advenir, quand il tomba sur ce vers, dont la substance estoit telle.

Je vois tout forcené dresser cent mille alarmes

Aussi quelle raison trouve-lon dans les armes?

Quant à nous, combien que pour n' estre nez dans les tenebres de ces anciens Payens, nous n' avons voulu fonder la superstition de telles divinations sur un Poëte Ethnique, si en avons nous eu une espece qui fut assez familiere à nos vieux peres François, que nous tirasmes des sainctes lettres. Ce fut une chose commune à nos premiers Chrestiens, pour inviter les foibles esprits à nostre Religion, de passer par connivence plusieurs coustumes tirees du Paganisme, ou Judaïsme, & de les nous approprier, toutesfois sous autres ceremonies: Coustumes dont l' Eglise s' estant avec le temps fortifiee: ou du tout, elles ont esté abolies par les Concils, ou d' elles-mesmes se sont supprimees. De cette marque est celle dont nous avons à parler maintenant. Par ce qu' au lieu des Sorts Virgilians, que nos François eussent douté mettre en usage, comme une idolatrie Payenne, ils voulurent couvrir ce defaut, usans des livres de la saincte Escriture. Et leur fut cette superstition aucunement reprochee par Procope, lequel leur improperoit que combien qu' ils eussent esté faicts Chrestiens, si suivoient-ils encores plusieurs traces du Paganisme. Pource entre autres choses qu' en celebrant leurs solemnels sacrifices, ils s' adonnoient à vaticinations. Ils estoient doncques coustumiers és grands affaires de prendre trois divers livres de la saincte Escriture qu' ils mettoient dessus un Autel, & apres leurs prieres publiques, ou particulieres, apprenoient par le hazard de l' ouverture du livre, une partie des choses qu' ils avoient envie de sçavoir, en quoy ils n' estoient quelquesfois deceus de leur attente, comme nous voyons par deux exemples racontez par Gregoire de Tours, dont l' un advint de son temps, & l' autre non gueres devant, le premier desquels est de Cran, fils de Clotaire I. lequel ayant pris les armes contre son pere, pria Tetrique Evesque de Chaalons de luy vouloir dire quel succez il estimoit de cette douteuse entreprise. Pour à quoy obeïr, l' Evesque mit trois livres sur l' Autel, les Propheties, sainct Paul, & les Evangiles, & apres avoir fait avec tout son Clergé prieres solemnelles à Dieu, à ce qu' il luy pleust leur manifester ce qui devoit advenir à ce mal conseillé Prince, il ouvrit premierement le livre des Propheties, où il trouva en termes Latins, je l' osteray de dessus la terre avec desolation: Puis de l' Apostre, Vous sçavez mes freres, que le periode du Seigneur est venu tout ainsi qu' en cachette, & sans y penser, le larron vient de nuict. Et quand on vous parlera de paix, c' est lors que vous serez surpris d' une mort soudaine. De l' Evangile, Qui ne preste l' aureille à mes commandemens, resemblera à un ecervelé qui bastit sur du sable, quand soudain vient une grande tourmente, & ravine d' eau, qui luy enleve son edifice rez terre. L' autre exemple est de Meroüee fils de Chilperic, qui vouloit oster la couronne à son pere, lequel s' estant mis en franchise dedans l' Eglise S. Martin de Tours, pour evader la fureur de son pere, voulant sçavoir quelle yssuë avroient ses affaires, mit sur la chasse de S. Martin le Psautier, les livres des Roys, & les Evangiles: & apres avoir jeusné trois jours en toute priere, & oraison, ouvrit le livre des Roys, où il trouva: Pour autant qu' avez mis en oubly vostre vray Dieu pour adorer autres Dieux estrangers, vous addonnans à choses meschantes & perverses, pour cette cause vostre Seigneur Dieu vous a reduit és mains de vos ennemys: Du Psautier: Seigneur Dieu tu leur as envoyé desolation, pour  leurs pechez, & les as renversez lors qu' ils se cuidoient eslever, & dés qu' ils se sont veus en tribulation, soudain ils ont perdu le cœur, & sont peris pour leurs meschancetez: Et de l' Evangile, Mes amys vous sçavez qu' avant que trois jours se soient escoulez l' on celebrera les Pasques, & sera deliuré le fils de l' homme pour souffrir mort & passion. Tous lesquels passages cy dessus recitez, tout ainsi qu' ils ne promettoient rien de bon, ains toutes choses sinistres & desavantageuses, aussi moururent peu apres & Cran, & Meroüee miserablement, comme il est plus amplement descouvert par leur histoire. Cette superstitieuse coustume de deviner ayant esté observee sous toute la lignee de Clovis, depuis fut par loy expresse defenduë par Louys le Debonnaire au 4. livre de ses Ordonnances, art. 46. Ut nullus in Psalterio, vel Evangelio, vel alijs rebus sortiri praesumat, nec divinationes aliquas observare. Nous defendons, dit-il, à tout homme de jetter au sort, ou se mesler de deviner sur le Psaultier, ou Evangile, ou sur telles autres choses.