sábado, 10 de junio de 2023

3. 15. Des entreprises de la Cour de Rome sur les libertez de nostre Eglise Gallicane,

Des entreprises de la Cour de Rome sur les libertez de nostre Eglise Gallicane, depuis la venue de Hugues Capet, jusques au regne de S. Louys, & comme le Clergé de France ne s' en pouvoit taire.

CHAPITRE XV.

Je vous ay dit qu' au Concil de Chalcedoine furent ordonnez cinq Patriarches par tout l' Univers, desquels le Pape de Rome estoit le premier. Ceux cy s' aparioient en & au dedans de leurs Dioceses à luy, & faisoient, comme luy, porter la Croix devant eux, quand ils alloient par les ruës, & donnoient le Pallium à leurs Diocesains, de mesme façon que le Pape. Ceste puissance leur fut moderee par le Concil de Latran, tenu sous Innocence troisiesme, leur estant deffendu d' entrer en charges, qu' ils n' eussent avant tout œuvre fait profession de leur foy, & esté receus par le Pape, & que par mesme moyen ils n' eussent receu de luy le Pallium, remarque principale de sa Majesté. Quand tout cela avroit esté faict, permis à eux de faire porter la Croix devant eux, fors dans la ville de Rome, & en tous lieux où le Pape seroit present, ou son Legat à Latere. Comme aussi pourroient bailler le Pallium à leurs Evesques sufragants, apres avoir receu leur profession de foy. Le tout toutesfois comme Vicaires du saint Siege de Rome. Que toutes les appellations de leurs Archevesques & Evesques seroient relevees devant eux, mais à la charge qu' en cas que l' on appellast d' eux au saint Siege, il seroient tenus de deferer à l' appel. Par mesme Concil il fut ordonné que si les Chanoines exempts de la Jurisdiction de leurs Evesques se rendoient refractaires & contumax au service divin, leurs Archevesques les pourroient chastier par censures: Non en qualité de Metropolitains, ains comme Vicegerans du sainct siege. Estant par ces canons l' authorité des Patriarches & Metropolitains reduicte au petit pied. Il ne faut point trouver estrange si de là en avant les Papes se donnerent toute loy dessus les Evesques. Les choses passerent de façon, que l' on recevoit à Rome toutes les appellations de la Cour d' Eglise, & y failloit aller plaider nonobstant la distance des lieux: & si quelqu' un ne pouvoit obtenir en la France par les voyes ordinaires de droict, ce qu' il demandoit, il avoit recours à l' extraordinaire de Rome, où les Papes estans Juges absolus par dessus la loy en ordonnoient comme il leur plaisoit: voire quelquesfois sans ouyr les deux parties, donnoient leurs jugemens sur une requeste qui leur estoit presentee, ny n' estoit loisible d' impugner leurs sentences, sinon de tant & en tant qu' il plaisoit à leurs saintetez, il suffisoit qu' ils l' eussent ainsi voulu.

Le Clergé de France voyoit tout cela, mais de remede, point de nouvelles. Il ne luy restoit que la voix pour s' en plaindre: voix toutes fois qui ne pouvoit être ouye dans Rome, pour le long intervalle des lieux. Sous le regne du Roy Robert estoit Glaber Radulphus Religieux de Clugny, lequel au second livre de son histoire nous raconte, que Foulques Comte d' Anjou, ayant faict bastir une Eglise pres la ville de Tours, en l' honneur des Cherubins & Seraphins, il la voulut faire consacrer par l' Archevesque: Qui l' en refusa tout à plat, jusques à ce qu' il eust rendu aux Eglises les biens & deniers qu' il leur avoit mal tollus. Chose dont Foulques irrité, s' advisa de suivre le conseil ancien des mal contens de la France, & prendre la route de Rome où ayant fait plusieurs grands presens au Pape, il obtint de luy ce qu' il n' avoit peu de l' Archevesque, toutesfois par ce que le fragment de ceste histoire n' est imprimé, je trouve le passage si beau, que je ferois tort à l' autheur, si je ne l' enchassois tout au long dedans ce chapitre: & à la mienne volonté qu' il fust engravé dedans les ames des superieurs & souverains de nostre Eglise. Qui protinus misit (parlant du Pape) cum eodem Fulcone, unum ex illis, quos in beati Petri Apostolorum Principis Ecclesia, Cardinales vocant, nomine Petrum: Cui etiam præcepit, veluti Romani Pontificis authoritate assumpta; quidquid agendum Fulconi videbatur, ut intrepidè expleret. Quod utique audientes Galliarum Praesules praesumptionem sacrilegam cognoverunt, & caeca cupiditate processisse, dum videlicet unus rapiens, alter raptorem suscipiens, recens in Romana Curia, scisma creavissent. Universi etiam pariter detestantes, quoniam nimium indecens videbatur, ut hic qui Apostolicam regebat sedem, Apostolorum primitus & Canonum transgrederetur tenorem: Cum insuper multiplici sit antiquitus authoritate roboratum ut non quispiam Episcoporum, in alterius Diocesi, istud praesumat exercere, nisi *esule (Praesule), cuius id fuerit, permittente. Igitur die quadam mensis Maii congregata est innumerabilis populi multitudo, ad dedicationem prædictae Ecclesiae, ex quibus etiam plures, illuc Fulconis terror, ob suae elationis pompam, venire compulit: Episcopi tantum qui eius ditione premebantur, interfuere. Caepta igitur die constituta ex eiusmodi pompae dicatione, missarumque ex more solemnibus celebratis, postmodum quique ad sua rediere. Denique imminente ipsius diei hora nona cum flabris lenibus, serenum undique coelum consisteret, repente supervenit à plaga Australi vehementissimus turbo ipsam impellens Ecclesiam, ac replens eam turbido aere, diu multumque concutiens. Deinde vero solutis laquearibus, universæ Ecclesiae trabeis tegentes pignam templi eiusdem Occidentalem, in terram corruentibus, eversum ierunt. Quod cum multi per regionem factum comperissent, nulli venit in dubium, quin insolens præsumptionis audacia, irritum constituisset votum Simulque præsentibus ac futuris quibusve ne hinc simile agerent, evidens iudicium fuit. Licet namque Pontifex Romanae Ecclesiae, ob dignitatem Apostolicae sedis, caeteris in orbe constitutis, reverentior habeatur, non tamen ei licet transgredi in aliquo, canonici moderaminis tenorem. Sicut enim unusquisque Orthodoxae Ecclesiae Pontifex ac sponsus propriae sedis, uniformiter speciem gerit (Salutaoris) Salvatoris, ita nulli generaliter convenit quidquam in alterius patrare Diocesi Episcopi. Passage que nous ne sçautions assez solemniser. Il n' estoit point lors question de toutes les heresies que le malheur du temps nous a depuis apportees contre le S. Siege. Ny Wiclef, ny Hus, ny Luther, ny Calvin, n' estoient encores venus pour troubler le repos de nostre Eglise, toutesfois vous voyez comme ce sainct homme en parle avec toute franchise & liberté de sa conscience, portant neantmoins tout honneur & respect au S siege. Mesmes qu' il tourne à miracle quand par permission de Dieu il advint que tout le comble de ceste Eglise, vers la partie de l' Occident tomba par les horribles bouffees des vents: & moy je le tourne en image du malheur qui devoit advenir à nostre Eglise Occidentale, dont plusieurs nations se sont desunies, pour les grandes entreprises de la Cour de Rome, au prejudice des Roys & des Evesques.

Lors que Philippes premier de ce nom regnoit en France, il se presenta une question entre Yves & Geoffroy, tous deux pretendans devoir être Evesques de Chartres. De vous dire par quels moyens, ce me sont lettres clauses. Bien vous diray-je que Yves s' estant presenté devant Richer Archevesque de Sens, il refusa de le consacrer, estimant qu' en ce faisant, il fait tort à Geffroy. A ce refus, la voye ordinaire estoit d' avoir recours à un Concil Provincial, & là deduire ses moyens. Mais Yves pour abreger la matiere, voulut prendre un plus long chemin, qui fut celuy de Rome où sans ouyr Geoffroy on consacra Yves en ceste Evesché. Je ne vous recite que ce que j' ay appris de luy dans ses Epistres. Richer porta cela impatiemment. Au moyen dequoy le Pape Urbain s' en excuse à luy par lettres. Ce nonobstant Richer assembla un Concil Provincial dans Estampes, où il fit condamner tout ce qui s' estoit passé à Rome, comme prejudiciant aux droicts du Roy, & de sa Couronne. Yves en escrit à Urbain, & le prie vouloir soustenir sa querelle, se donnant tel jeu qu' il luy plaist dans sa lettre, pour favoriser sa cause: mais quant à moy, il me suffit que l' histoire soit telle, comme je recueille de luy: Voire que pour couvrir son fait il dit en quelque lieu que son election avoit esté ratifiee par le Roy. Voila comment il employa la grandeur extraordinaire de Rome, au prejudice de nos anciennes libertez. Et neantmoins depuis que par concordat ou autrement il fut asseuré de l' Evesché, il ne laissa pas de remonster aux Papes, les plaintes que la France faisoit encontre leurs entreprises. En sa 53. Epistre il escrit au Pape Paschal que le bruit de la France estoit, Sedem Apostolicam non subditorum quærere sanitatem, sed suam aut collateralium quaerere commoditatem. En la 63. au Pape Urbain s' excusant envers luy d' une charité qu' on luy avoit prestee. Nihil aliud intendi (fait-il) nisi propter crebras invectiones & murmurationes adversus Romanam Ecclesiam, quibus quotidie tinniunt aures meae. Passages qui nous rendent tres-asseurez combien peu plaisoient aux nostres les entreprises de la Cour de Rome, veu que Yves ne s' en peut taire, qui d' ailleurs estoit creature du Pape. Sainct Bernard qui estoit du temps du Roy Louys le jeune escrivant à Eugene Pape, le reprend tresaigrement de ce qu' il employoit plus de temps à ouyr les plaicts, qu' aux prieres, qu' à la doctrine de Dieu, qu' à l' edification & avancement de son Eglise: & que lors la ville de Rome estoit une butte, où tous les ambitieux, avaricieux, symoniaques, sacrileges, concubinaires, incestueux (ce sont tous les mots dont il use) descochoient leurs flesches pour obtenir, ou retenir les dignitez de l'  Eglise. Et par ce que les choses estoient arrivees à ce periode, que les Papes se dispensoient de faire toutes choses, qui leur venoient à gré, & que soudain qu' un rescript emané d' eux estoit accompagné de ces mots, De proprio motu, il ne falloit plus avoir recours ny à l' authorité de la Loy, ny de la raison, comme ce mouvement estant sorty de la part de celuy qui ne pouvoit errer, & qui par son seul vouloir pouvoit rendre licite & legal ce qui d' ailleurs eust semblé être illicite, le mesme sainct Bernard au troisiesme livre de la Consideration, s' attachant vertueusement à ce poinct cy, luy remonstre qu' il faut en tout le cours de noz actions considerer trois choses. L' une, ce qui est loisible, l' autre ce qui est seant, & le tiers, ce qui est expedient de faire: Disant qu' en la Philosophie Chrestienne il ne failloit rien reputer bien seant, sinon ce qui estoit loisible, ny expedient que ce qui estoit bien seant. Et toutesfois que combien que quelque chose nous fust loisible, si ne falloit-il tout soudain estimer qu' elle fut seante, ou expediente. Puis rapportant ces propositions à son subject, luy monstre combien il est mal convenable d' user de sa volonté pour la Loy, & souz ce pretexte qu' on ne pouvoit appeller de luy, user d' une puissance absoluë à la confusion de la Loy. Quoy faisant, c' estoit plus vouloir faire que Jesus Christ, sur l' exemple duquel il devoit dresser toutes les actions lors qu' il disoit qu' il n' estoit venu pour accomplir sa volonté en ce monde. Et neantmoins que ce n' estoit le moyen d' approcher en cecy du celeste: mais qu' il y avoit bien plus du terrestre, & brutal, de rapporter les actions non à un jugement, ains à un appetit sensuel, comme si l' on fut forbanny de l' usage de la raison. Adjoustant à tous ces discours, qu' il estoit indigne de luy, que tenant tout, il ne fust content de ce tout, mais taschoit encores de s' approprier un tas de petites & menues parcelles de ceste totalité. Et finalement se desbondant. Vide quàm verus sit sermo ille, omnia mihi licent, sed non omnia expediunt. Quid? si fortè nec licet. Ignosce mihi, non facilé adducor licitum consentire, quod tot illicita parturit. Tu ne denique tibi licitum censeas suis Ecclesias mutilare membris, confundere ordinem, perturbare terminos, quos posuerunt patres tui. Erras si ut summam, ita & solam institutam à Deo vestram Apostolicam sedem existimas, si hoc sentis dissentis ab eo, qui ait, non est potestas nisi à Deo: proinde quod sequitur, Qui potestati resistit, Dei ordinationi resistit: & si principaliter pro te facit, non tamen, singulariter. Denique idem ait, omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit, non ait sublimiori, tanquam in uno, non ait sublimiori, tanquam in uno, sed sublimioribus, tanquam in multis. Non ergo tantum tua potestas à Domino, sunt & mediocres. Qui monstre que ce grand, & sainct personnage, bien qu' il embrassast avec toute humilité l' authorité du S. Siege, si ne pouvoit-il trouver bonnes les entreprises que l' on faisoit en la ville de Rome sur les Evesques, & Ordinaires de la France. Prevoiant que tout ainsi qu' il advient au corps humain qu' un membre (quelque dignité qu' il ait sur les autres) prenant trop de nourriture, il ne le peut faire qu' à la diminution des autres, qui cause avec le temps la ruine, tant de celuy qui prend trop, que des autres qui n' ont assez: aussi qu' en l' Eglise de Dieu le chef se voulant accommoder de tant de choses pour en laisser peu aux autres membres, cela pourroit apporter à la longue la dissipation du corps general de l' Eglise. 

Or combien que les entreprises fussent telles, toutesfois le remede estoit mal-aisé. Et tout ce que l' on y pouvoit faire, estoit d' avoir recours seulement aux plainctes, comme vous recueillez de ce que j' ay maintenant discouru. Et encores d' un autre lieu du mesme autheur, au troisiesme livre, où il se plainct des appellations que l' on relevoit de France en Cour de Rome. Et que le remede qui avoit esté premierement introduict pour reformer les choses de mal en bien, on le tournoit tout au contraire, & que ce contrepoison s' estoit tourné en venin. Que la voye d' appel estoit lors ouverte à Rome pour couvrir un adulterin, un incestueux mariage, pour ne priver un Symoniaque de son Benefice: & que ceux qui y estoient appellez aimoient mieux perdre leur cause, que d' y aller, tant parce qu' ils estoient asseurez, que pour convier les hommes à trouver leurs recours à Rome, on favorisoit plus l' appellant, que l' appellé, comme aussi que les fraiz qu' il falloit faire en si long voyage, & autres choses de la suitte estoient tant insupportables, & la ressource, que l' on en faisoit sur la partie adverse, si petite, que l' on aimoit mieux du tout quitter la partie dés l' entree. Et fait sur cela un compte d' une histoire qui estoit advenuë dans Paris, de son temps, d' un homme de bonne maison, lequel estant sur le poinct d' espouser en face de saincte Eglise, tous les parens & amis assemblez, se presenta un quidam non cognu, qui appella à Rome de ce que l' on faisoit. Qui fut cause, & que le Prestre n' osa passer outre, & que l' appareil des nopces fut perdu. Chacun s' en retournant estonné en sa maison, soubz pretexte d' une appellation frivole, que l' on interjetta en Cour de Rome. Despendans lors par ce moyen les meilleures familles de la France de la discretion des meschans, qui se ioüoient de gayeté de cœur de telles appellations. Et outre les incommoditez que chacun sentoit particulierement en sa famille par ces voyes extraordinaires, toute la France en general en estoit infiniement affligee, pour l' espuisement qui se faisoit des deniers hors du Royaume, tant pour covrir les Benefices, que pour poursuyvre les causes d' appel, & d' obtenir dispenses contre le droict commun: aussi que les Papes s' estoient dispensez de faire passer par un mesme alambic la plus grande partie des questions, qui concernoient le temporel. Qui produisit une vermine de peuple, lequel abusant de l' authorité du sainct Siege, faisoit une banque de tromperie dedans la ville de Rome: D' autant mesmes qu' au milieu de ces involutions, & labyrinths d' affaires, ceux qui estoient autour des Papes commencerent de trouver certaines inventions de tirer argent du menu Clergé, soubz umbre des visitations qu' ils venoient faire en nostre Royaume. Alexandre III. escrivant à des Archidiacres leur mandoit qu' apres qu' ils avroient faict la cueillette du denier deu à sainct Pierre, ils se donnassent bien garde de riens exiger pour leur visitation, & de là se forma un abus tres-grand. Car s' il y avoit un Prelat particulier en la Cour des Papes qu' ils voulussent gratifier, ils le deleguoient pour aller visiter tous les Beneficiers d' un & deux Royaumes, luy faisans presens de tous les profits & emolumens qui en provenoient. Lequel passant par les Provinces, rafloit des pauvres Beneficiers tout ce qu' il vouloit pour son droict de visitation. Le mesme sainct Bernard en sa 290. Epistre, escrivant au Cardinal Jourdain, Evesque d' Hostie, legat du Pape, qui avoit passé en Allemaigne, France, & Normandie, jusques à Rouen, luy reproche qu' il avoit remply toutes ces Regions, non de l' Evangile, ains de sacrileges, & commis une infinité d' exactions pleines de vergongne & ordure. Ayant spolié les Eglises, & promeu plusieurs jeunes gars aux dignitez d' icelles: & que les pauvres Beneficiers alloient au devant de luy, comme font les villageois au devant des gensd'armes, pour se racheter à beaux deniers, & moyenner qu' il ne passast sur leurs marches. Mesmes qu' il extorquoit par personnes interposees, argent de ceux qu' il n' avoit peu visiter. Qui fut cause qu' apres le decés de sainct Bernard au Concil de Latran, tenu soubz Innocence III. fut faict article expres, pour y apporter quelque ordre, qui estoit neantmoins un desordre. Car il portoit que si le Benefice n' estoit suffisant, pour fournir aux fraiz du Legat Apostolic, que deux ou trois Beneficiers se peussent cotiser ensemblement, pour contribuer au defroy: Ainsi en font aujourd'huy les villageois, quand on leur baille quelque gendarme pour hoste. Cela fut cause de faire esclater les Poëtes de ce temps là, voire ceux qui estoient confinez dedans leurs cloüestres, & eslongnez de tout soupçon d' heresie. Helinan Religieux de Cisteaux, qui fut du temps de Louys le Jeune, en son hymne de la mort (que maistre Antoine Loisel mon singulier amy a voulu garentir de la mort) adressant sa parole à elle.

Va moy salver la grand Rome, 

Qui de ronger ades se nomme, 

Et fait aux Simoniaux voile. 

Et Hugues de Bersy soubz le regne de S. Louys, en sa Bible Guiot, registre de tous les vices de son siecle. 

Li Duc, & li Comte, & li Roy,

Se deuroient bien conseiller,

Grand consaux y avroient mestier.

Rome nous succe & nous transgloust, 

Rome traict, & destruict tout,

Dont sourdent tous li mauvais vices. 

Je vous laisse le demourant du chapitre. Suffise vous que tout ainsi que les courtisans de Rome se dispenserent en toute licence contre noz anciennes Libertez, aussi les nostres se donnerent toute liberté encontre ceste licence: & neantmoins les choses n' estoient lors arrivees en l' extremité du desordre, auquel depuis elles se desborderent. Chacun voyoit la maladie, chacun estoit d' advis qu' il y falloit remedier, mais d' y trouver le remede, il estoit presque impossible. D' autant qu' eux tous retenus de la crainte de leurs consciences, estimoient que le remede ne pouvoit être pris d' ailleurs que de celuy qui estoit le malade principal, ou source de la maladie. Toutesfois la necessité du temps nous enseigna la leçon telle que vous entendrez.

viernes, 9 de junio de 2023

3. 14. Des Eveschez, Abbayes, & autres charges Ecclesiastiques, que nous appellons Benefices,

Des Eveschez, Abbayes, & autres charges Ecclesiastiques, que nous appellons Benefices, & de la nouvelle forme de Republique qui se planta dans nostre Eglise, depuis que ce mot de Benefice fut mis en usage. 

CHAPITRE XIV.

En l' Ordre premier de nostre Eglise, il n' y avoit distinction entre l' Evesque & le Prestre. Quelque temps apres l' Evesque tint la premiere dignité, & le Prestre la seconde. Et deslors on ne promouvoit nul à la dignité d' Evesque, que ce ne fust par eslection. Bien est vray que de fois à autres en mourant, quelques Prelats nommoient leurs successeurs au Clergé, comme dans Rome, Linus, Anaclet, & luy, Clement: dans Alexandrie Athanaise, Pierre qui avoit contribué à ses afflictions. Nominations qui estoient admises par le Clergé, non qu' il fust contraint de ce faire, ains par une curialité, pour le respect qu' il portoit à la memoire du deffunct. Mais quant aux eslections elles se faisoient de necessité. C' estoit une leçon qui nous avoit esté enseignee par les Apostres lors que pour remplacer l' Apostolat de Judas, ils esleurent sainct Matthias. Coustume trouvee si recommandable à la posterité, qu' à nostre exemple, l' Empereur Alexandre Etnique n' envoyoit aucun Visempereur par ses Provinces, que premierement il ne l' eust nommé au peuple, a fin que chacun peust proposer contre luy tout ce qu' il sçavoit de sa vie. Disant qu' il luy eust esté tres-mal seant de ne le faire, veu que les Chrestiens procedoient par eslections en leurs premieres dignitez. C' estoit la forme que l' on observoit pour les Evesques, non toutesfois pour les Prestres, que nous appellames depuis Curez. Parce que les Evesques les nommoient en leurs Dioceses. La devotion des gens de bien introduisit au milieu de ces deux Ordres, un troisiesme, qui fut de ceux qui voulurent mener vie solitaire, & se confinoient en lieux escartez avecq' leurs confreres, pour vacquer plus aisément à leurs prieres & oraisons, lesquels furent par les anciens appellez d' un mot Grec, Moines, dont Helisee fut le premier instituteur, auparavant la venuë de nostre Seigneur Jesus-Christ: & depuis, S. Jean Baptiste. Ordre qui prist depuis de grands avancemens dedans les deserts d' Egypte, sous la conduitte de Saincts Anthoine, Julian, Paule, Macaire, & Hilarion. Et à leur suitte nous eusmes au Levant Saincts Gregoire Nazianzene, & Basile qui firent provigner & espandre ceste devotion par les villes, & en l' Occident sainct Benoist, instituteur de l' Ordre des Benedictins, desquels, comme d' une grande fontaine, la plus grande partie de ceux qui furent depuis introduits sous autres noms, emprunterent leurs premiers fondements, jaçoit que l' on adjousta à leur ancienne institution quelques articles de nouvelle regle. En tous ces Monasteres, il y eut tousjours un Chef, que nous appellames, Abbé, lequel estoit esleu par les Religieux. 

Et combien qu' ils se fussent du tout vouez au service de Dieu, si est-ce que de leur primitive & originaire institution, ils n' estoient mis au nombre des Ecclesiastics, qui fut cause que l' on ne les eust en telle estime entre nous, que le Clergé: Car combien que les eslections fussent tousjours entretenuës pour les Evesques, & que par nos Concils Gallicans il eust esté ordonné que les Abbez seroient esleuz par les Moines, toutesfois les choses arriverent en tel abus, que nos Roys s' en faisoient croire comme ils vouloient. Mesmes on commença d' obtenir d' eux, par forme de privilege les eslections des Abbez. En l' Abbaye de Tournuz païs de Maconnois, ils ont un vieux tiltre, par lequel Charles le Chauve leur octroya ce privilege. Caeterum eidem congregationi (porte le texte) licentiam concedimus, de se semper eligendi Abbatem, secundum regulam sancti Benedicti. Desbauche qui estoit dés le temps mesme de la premiere lignee de nos Roys: ainsi que nous apprenons de Flodoart, quand il dit qu' un Archevesque de Rheims, ayant fondé une Abbaye en l' honneur de S. Pierre & tous les Apostres, il obtint ce privilege du Roy Clovis second: Ut ipsi Monachi potestatem haberent, prælatum sibi regulariter eligendi, quemadmodum in descriptione ipsius privilegii continetur. Or comme un abus en produit aisément un autre, aussi advint-il que d' une mesme licence, on donna les Abbayes aux Gentil-hommes & Capitaines, Voire nos Roys, ne faisoient conscience de les donner à des femmes: car comme j' ay dit ailleurs, le premier mescontentement de Hugues le Grand, fut que Charles le Simple avoit osté à Rotilde sa belle mere une Abbaye qu' elle avoit, pour en revestir Haganon. Et lors que nos Roys exerçoient ces liberalitez induës, on disoit qu' ils avoient baillé telles Abbayes, iure Beneficii, c' estoit à l' instar des Fiefs, que l' on appelloit lors Benefices. Rheginon parle d' une Abbaye que Charles le Chauve avoit donnee à un particulier in Beneficium: Et Flodoart dit que Foulques Archevesque de Rheims, ayant conferé l' Evesché de Chaalons à un Herilande, au prejudice de Bertaire, qui avoit esté canoniquement esleu, Formose Pape l' en reprit: Succensens quod hunc vocatum canonicè, noluisset conservare, sed in transitu defuncti Episcopi, Herilando, Beneficiali more ferebatur Episcopatum contulisse. Depuis les choses se passerent de ceste façon, que le mot de Benefice se vint loger dedans nostre Eglise, laissant son ancien domicile des Fiefs. Tellement que l' on pouvoit dire y avoir double espece de Benefices viagers entre nous, les uns Seculiers pour les gens de Guerre, les autres pour les gens d' Eglise. Et tout d' une suitte introduisimes une nouvelle forme de Republique en nostre Eglise, sous l' authorité du S. Siege: qui fut d' admettre les resignations des Benefices à uns & autres. Parquoy la police Ecclesiastique devint telle. Les Archeveschez & Eveschez furent electifs, comme auparavant quand vacation en advenoit par mort, & que les Prelats ne les avoient resignez. Le semblable fut-il des Abbayes, non en consideration de leur premiere institution, mais par le moyen des nouveaux Ordres entez sur celuy de S. Benoist, qui se mirent sous la protection du sainct Siege, a fin de n' être plus exposez aux flots des Princes Seculiers qui en mes-usoient. Et failloit que les eslections fussent confirmees, ou bien les resignations admises en Cour de Rome. Car *quant aux autres Benefices: s' ils vacquoient par mort on se pourvoioit, ou en Cour de Rome, par prevention, ou par devant les Diocesains & Ordinaires: & si par resignations, les unes estoient pures & simples que l' on addressa aux Ordinaires, les autres en faveur de quelques uns, permutations de Benefices, retention de pensions sur iceux pour lesquels nous feusmes contrains d' aller reblandir le sainct Siege, par ce que toute paction en matiere Beneficiale est reputee Simoniaque, & n' y avoit que les Papes qui nous en peussent dispenser. Tout d' une suitte nous y allames rechercher les dispenses de l' aage de pluralité de Benefices, de Regulier en Commande, & de Commande en Regulier, bref toutes choses que l' on peut souhaitter de grandeur pour cest effect, auparavant incogneuës, & non jamais mises en usage dedans la France. Et tout ainsi que ces propositions regardoient plus le bien que les mœurs, aussi vous puis-je dire, & est vray qu' en la plus part des Concils qui furent depuis faicts, vous y trouverez autant d' articles & plus, concernans l' edification des procés, que l' edification de nos ames, sur lesquels on a depuis basty une bonne partie des Decretales, du Sexte, des Clementines & des Extravagantes. De maniere, que là où auparavant nous recherschions la ville de Rome, pour y puiser, comme d' une vive source, le repos de nos consciences, nous commençames de la recognoistre, comme un grand Occean de procez. Chose qui produisit à la longue, une pepiniere de Docteurs que nous appellasmes Canonistes, lesquels furent si excellens en ce subjet, que nous leur faisions cest honneur de dire, que les Jurisconsultes Romains les passent en decisions, mais qu' encontr' eschange ils passent les Jurisconsultes en pratique, & instruction de procez. Honneur qui à mon jugement, leur doit retourner à pudeur. Le malheur veut qu' il n' y ait poinct tant de chicaneries en tout le reste de noz affaires, & dont on se puisse moins desveloper qu' en matieres Feodales & Beneficiales, qui deussent toutesfois de leur premiere origine être franches de tous procez. Cecy soit par moy touché en passant. Voila doncques comme depuis la venue de Hugues Capet l' on commença de menager les affaires de nostre Eglise, tout d' autre pied qu' auparavant. Menage toutefois sagement institué selon l' occurrence qui se presentoit, mesmes pour les Resignations d' un benefice. Car puis que par un taisible consentement de tous, on les avoit approuvees, & qu' elles ne se faisoient qu' en intention que les Evesques pourveussent ceux qui leurs estoient nommez de bouche par les Resignans, ou par escrit. A quoy ils n' estoient contrains d' acquiescer, sous le pretexte de Simonie, ains en gratifioient leurs serviteurs ou amis: pour ne frustrer celuy qui resignoit en faveur d' un autre, on trouva l' expedient d' aller à Rome, où le Pape pour la plenitude de sa grace, ne fermoit les bras à aucun. Ce que je deduiray au prochain chapitre appresta plus grand subject de mescontentement à nostre Clergé.

3. 13. Que depuis la venuë de Hugues Capet, jusqu' au regne de S. Loys ...

Que depuis la venuë de Hugues Capet, jusqu' au regne de S. Loys les Papes s' authoriserent plus en grandeur sur les Evesques & Ordinaires, qu' ils n' avoient fait auparavant, et dont en proceda la cause. 

CHAPITRE XIII. 

Des le temps de l' Empereur Arnoul, avoit esté fait un Concil en la ville de Tibour l' an 895. portant entre autres articles cestuy: In memoriam beati Petri Apostoli honoremus sanctam Romanam Apostolicam sedem, ut quae nobis sacerdotalis dignitatis mater est, debeat esse magistra Ecclesiastica rationis. Quare servanda est cum mansuetudine humilitas, ut licet vix ferendum, ab illa sancta sede imponatur iugum, feramus & pia devotione toleremus. Ce Concil fut tenu en Allemagne, & ne sçay s' il fut observé selon sa forme & teneur, bien vous diray-je que tout ainsi que nos Evesques de France ne s' y trouverent, aussi n' en sceumes nous l' usage tant que la seconde lignee de nos Roys dura: Vray que sous la troisiesme, ce fut tout autre discours: Car jamais les Papes n' estoient arrivez à telle extremité de grandeur, comme ils se virent l' espace de cent ou six vingts ans, & me semble qu' il y eut deux causes qui les y pousserent. Nos voyages d' outremer, & le provignement de nouveaux Ordres de Religions & Monasteres. Les voyages d' outremer produisirent une infinité de Capitaines & Soldats, qui avec les armes materielles se promirent, sous l' authorité du S. Siege, de replanter la Religion Chrestienne au Levant: & les nouveaux Ordres de Religions, infinis guerriers, qui avecq' les spirituelles firent estat de restablir la discipline de l' Eglise, qui par les calamitez & desbauches des guerres estoient tombees en desolation.

Les voyages d' outremer commencerent sous Philippes Roy de France premier de ce nom, à l' instigation de Pierre l' Hermite, natif d' Amiens, sous l' authorité d' Urbain second, en un Concil tenu dans la ville de Clairmont en Auvergne. Auquel voyage le consentement general de tous les peuples Chrestiens condescendit. Et à la suitte de cestuy y en eust cinq autres, dont je parleray en leur lieu. En ces voyages pour les authoriser d' avantage, on avoit le premier recours au S. Pere de Rome. Puis chargeoit-on la Croix, le Bourdon, & l' Escharpe, comme si ce ne fust pas tant une guerre, qu' on alloit faire, qu' un pelerinage. Et s' estans les pelerins rendus diversement confez, ils s' acheminoient gaiz, & gaillards à ceste entreprise, comme asseurez d' acquerir par ce moyen Paradis. Ce que le Pape mesmes leur promettoit, leur donnant planieres absolutions de leurs pechez, & non sans cause. Car mourans en ces voyages pour la Foy & Religion Chrestienne, ils mouroient comme Martyrs. Or comme ainsi soit que deslors du premier voyage, chacun se voüast au sainct Siege de Rome, & que par son advis, il eust esté entrepris, au milieu de nostre Eglise Gallicane, aussi rapporta-l'on puis apres à luy tous les fruicts qui en provindrent. Dedans ces voyages se formerent quatre Ordres de Religieux portans les armes pour la deffence & protection de nostre Religion Chrestienne, les Chevaliers du sainct Sepulchre, les Chevaliers de S. Jean de Jerusalem, autrement Chevaliers de Rhodes, les Templiers, les Teutoniques, & Allemans, autrement Chevaliers de la Vierge Marie. Tous lesquels voulurent recognoistre pour leur seul Chef & Superieur le Pape.

Tout de ceste mesme façon nostre Eglise estant tombee en grand desordre par l' ignorance de nos Prelats, se planta une nouvelle devotion entre les bons & fideles Chrestiens, de fonder Ordres nouveaux de Religions & Monasteres. Qui fut l' accomplissement de la grandeur du sainct Siege, dessus tous les Ecclesiastics de la France. Car ceux-cy voyans le peu de soing qu' avoient eu les Evesques en la discipline Ecclesiastique sur leurs Dioceses, d' ailleurs que toutes les Abbayes anciennes lesquelles avoient pris source de S. Benoist, & ses disciples, estoient indifferemment donnees aussi bien aux gens Laiz, & seculiers, comme aux Ecclesiastics, pour ne tomber en ce desarroy, se voulurent affranchir des Ordinaires, qui leurs estoient mauvais garends envers les Roys, & avoir recours à la ville de Rome, sous la protection de laquelle ils se mirent, recognoissans le Pape principalement entre tous les autres. Encontr' eschange dequoy les Papes ne furent avaricieux en leur endroict. Car ils exempter les aucuns de la puissance de leurs Evesques, contre les coustumes anciennes de l' Eglise, & affranchirent les autres des dixmes qui estoient deuës naturellement aux Curez par la seule monstre de leurs clochers. Et de ces nouveaux Ordres le nombre n' en est pas trop petit, Clugny, Grandmont, la Chartreuse, Cisteaux, Premonstré, qui tous mesmement prindrent leur source & origine de ceste France. Et depuis se sont grandement espandus par toute l' Europe. Tellement que qui voudra considerer les affaires de nostre France de pres, ce n' est pas sans grande raison que l' on a donné à nos Roys le tiltre de Roys Tres-chrestiens de tout temps immemorial: Parce que chaque famille de nos Roys a dequoy se le vendiquer. La premiere, d' autant que quittant le Paganisme, auquel elle estoit nourrie se voüa non seulement à la foy Chrestienne, mais encores poussee d' un tresbon instinct, ne degenera point en l' erreur Arrienne, ainsi que firent plusieurs peuples qui butinerent l' Empire Romain. La seconde, pour autant qu' elle planta la Papauté en France. Et la troisiesme, pour avoir esté l' un des principaux motifs de ces voyages d' outremer, & que sous elle toutes ces grandes & sainctes Religions furent fondees en ceste France: à la suitte desquelles vindrent aussi les quatre Ordres des Mendians, qui pareillement eurent recours, ainsi que les autres à Rome. Lesquels depuis apporterent une infinité de fruit à la Chrestienté par leurs saintes exhortations. Qui m' a fait mille fois esmerveiller pourquoy Guillaume de sainct Amour, & apres luy Jean de Meun en son Romant de la Roze, les abhorroient, pour avoir voüé une pauvreté, tant en general que particulier. Car la mendicité dont ils font profession n' est une mendicité telle qu' est celle d' un tas de mendians valides & vagabonds, qui pour demourer perpetuellement inutiles à la Republique, vont caïmandans par les maisons. Au contraire ce pauvre peuple vacquant journellement au service de Dieu, & aux presches, se remet à la devotion des gens de bien, de luy faire aumosnes, selon qu' ils pensent le meriter. Et n' y a plus grand moyen pour ruiner la devotion, que la grandeur des biens, & possessions terriennes, que l' on donne à perpetuité aux Eglises. Parce que soudain que nature se trouve gorgee, & à son aise, elle quitte fort aisément ce qui despend de la necessité de sa charge, pour s' adonner à oysiveté, comme l' experience a depuis monstré en la plus part des autres Religions, lesquelles comblees de biens, semblent être demourees en friche, en ce qui dependoit de leur devoir: estant tout le faix tombé sur ces quatre Ordres derniers. Pour laquelle cause, quelques-uns voyans les demeures, ensemble les deportemens de tous ces Moines, dirent, que les Benedictins, qui furent les premiers Religieux prindrent pour leur partage les villes esquelles ils avoient choisi leurs domiciles: Et la pluspart des autres Ordres, les champs, forests, & montagnes: Tellement que s' estans de ceste façon accommodez des choses terriennes, ces derniers, qui portent le nom & tiltre de Mendians, prindrent pour leur lot seulement Le Ciel. Toutesfois soudain que l' on leur ouvrira la porte à la iouyssance des biens & possessions, comme il semble que l' on ait fait par le Concil de Terente, & qu' ils s' en trouveront remplis, il y a grandement à craindre qu' il ne leur en preigne comme aux autres. Si ne faut-il pas denier ce pendant que les premiers, aussi bien que ces derniers, n' ayent apporté tres-grande utilité à nostre Religion Chrestienne. Car ce fut le principal instrument, par lequel nostre Eglise fut reformee, & reduite en un meilleur train, du grand desbaux qui s' estoit trouvé en la France, sous la lignee de Charlemagne. Aussi au lieu que sous la premiere famille de nos Roys, & devant, on parloit des grands Evesques: sous ceste derniere on parla principalement des grands Abbez, & Religieux, qui florirent tant en ceste France, qu' ailleurs. D' uns Bernon, Odon, Odilon, trois premiers Abbez de Clugny, d' un Brunon fondateur de la Chartreuse, d' un S. Bernard de Clairvaux, d' un S. Dominique extirpateur par ses presches, de l' heresie Albigeoise, pour laquelle cause ceux de sa famille furent depuis appellez freres Prescheurs: d' un S. François premier, dont vindrent les freres Mineurs: d' un S. Bonaventure restaurateur de cest ordre: d' un S. François deuxiesme, qui fut Autheur des Hermites, que nous appellames Bons-hommes, parce que lors que ce sainct homme vint en France, à la semonce de Louys unziesme, la commune voix du peuple l' appella pour sa preud' hommie, Bon-homme. Et encores dans Hugues, & Richard Religieux de sainct Victor, d' uns Gratian, Raimond, Durant, Sigebert, Hugues Chartreux, Albert le Grand, & S. Thomas d' Acquin son disciple, tous deux de l' Ordre des freres Prescheurs, & une infinité d' autres que l' on peut recueillir de l' ancienneté, qui par oubliance ne tombent maintenant sous ma plume. Voire que les Evesques quittoient quelquesfois leurs Eveschez pour choisir ceste saincte conversation, comme fit Hugues Evesque de Grenoble coadjuteur de Brunon, & Albert Patriarche de Constantinople, l' un des premiers ordinateurs de la Religion des Carmes. Au contraire de leurs Religions estoient souvent appellez au premieres dignitez de l' Eglise, voire jusques à la Papauté. Car Eugene le tiers avoit pris l' habit de l' Ordre de Clairvaux de S. Bernard, & avons leu plusieurs Dominicains, & Franciscains être montez jusques à ce hault, & premier degré de l' Eglise. Sous la premiere lignee, c' estoit une forme de peine que de tondre, & releguer en une Religion un enfant d' ancienne maison. Sous ceste derniere, ce fut honneur. Et tout ainsi que sous les deux premieres lignees de nos Roys, les Evesques gouvernoient quelquesfois leurs maistres, aussi sous ceste derniere veit-on Hildebrand Moine de Clugny dans Rome, en ceste France Sugger Abbé de S. Denis, manier toutes les affaires, celuy-là de la Papauté, cestuy de nostre Royaume, & plusieurs autres de mesme qualité, pour les grands advantages qu' ils avoient aux lettres & sciences, soit en la Theologie, soit pour les anciens Decrets, & constitutions de l' Eglise, & pour les Histoires qui semblerent s' estre confinees dans leurs Cloüestres. Et mesmes sembloient thesauriser en livres dans leurs Monasteres, desquels jaçoit que l' ancienneté des ans, & le malheur de nostre temps nous en ait fait esgarer plusieurs, si recueille-l'on de leurs Biblioteques encores plusieurs beaux brins, dont l' on peut embellir le public.

Tous ces Abbez & Religieux ayans reduit leurs Republiques devotes sous l' arbitrage du sainct Siege, & les Evesques estans à demy reduits dés la seconde lignee de nos Roys, les Papes attaignirent lors au comble de grandeur sur tous les Benefices de la France, dont ils furent estimez les Generaux & Universels protecteurs, & non seulement sur les Benefices, mais aussi sur tout ce qui sembloit appartenir à la police Ecclesiastique. Et de la mesme façon que les Religieux, le semblable fut pratiqué par les Chanoines des Eglises Cathedrales. On avoit quelques siecles auparavant erigé en Colleges les Clercs, qui assistoient aux Evesques en leurs Eglises, que l' on appella Chanoines: ceux-cy pareillement se mettans sous l' authorité du sainct Siege, commencerent de se separer de table d' avec leurs Evesques, & leur faire teste. Tellement que les choses se passans en ceste sorte, nous allames chercher dans Rome les Pardons, & Indulgences, la confirmation de tous nouveaux Ordres de Religion: à nul qu' au Pape ne fut permis de canoniser la memoire des ames beatifiees, à luy seul appartint la planiere ouverture des Concils Generaux, & plusieurs autres choses de mesme suject, que nous ne pouvons ny ne devons luy envier pour une infinité de raisons que je laisse aux Theologiens, m' estant icy proposé seulement d' escrire l' Histoire de la Papauté, & comme elle a pris divers plis.