jueves, 22 de junio de 2023

3. 31. Des Benefices que nous avons dict vacquer en Regale soubs la troisiesme lignee de nos Roys.

Des Benefices que nous avons dict vacquer en Regale soubs la troisiesme lignee de nos Roys. 

CHAPITRE XXXI

Combien que tous les Archevesques & Evesques doibuent le serment de fidelité au Roy avant qu' ils entrent en leurs charges, & qu' à faute de le faire, le Procureur general du Roy de la Chambre des Comptes puisse faire saisir leur temporel, si est-ce que tous les Archeveschez & Eveschez de la France ne sont estimez tomber en Regale, vacation d' iceux advenant: Ores que quelques uns estiment le contraire. Opinion de prime face plausible, pour favoriser les droicts du Roy, mais erronée, bien qu' elle ne soit destituee de bons parrains: Car maistre Jean le Bouteiller en sa Somme Rurale, l' estima ainsi, & de nostre temps Monsieur de Pibrac Advocat du Roy au Parlement, la voulut faire passer par Edict, mais il en fust desdict. Il ne faut riens oster à l' Eglise, pour le donner par une nouveauté à noz Roys, ny leur oster, pour le donner à l' Eglise. La plus seure guide de noz actions, est la longue ancienneté. Or que toutes Eglises Cathedrales ne tombent en Regale, nous avons plusieurs Ordonnances qui le nous enseignent. Celle de Philippes le Bel, de l' an mil trois cens deux, portant entre autres articles, cestuy: 

Item, quantùm ad Regalias, quas nos & prædecessores nostri consuevimus percipere & habere in aliquibus Ecclesiis Regni nostri, quando eas vacare contingit: Et là il enjoint aux Receveurs, qui manient le temporel pendant l' ouverture de la Regale, d' user de la couppe des Bois, & pesche des Estangs, comme bons peres de famille. Et Philippe de Valois par autre ordonnance de l' an mil trois cens trente quatre, declare qu' és Eveschez, esquelles il avoit droict de Regale, il pouvoit conferer les Benefices à simple tonsure vacquans de faict ou de droict. Charles septiesme par une autre, que je transcriray cy-apres parle des Eveschez où il avoit droict de Regale. Et Louys douziesme par Edict de l' an mil quatre cens quatre vingt dix-neuf. Nous defendons à tous noz officiers (dit-il) qu' és Archeveschez, Eveschez, Abbaïes, & autres benefices de nostre Royaume, esquels n' avons droict de Regale, ils ne se mettent dedans ny és fortes places, sinon és Benefices & fortes places qui seroient assizes és païs limitrophes de nostre Royaume. Brief qui soustient l' opinion contraire, est plustost un flateur de Cour, que Jurisconsulte François. Aussi en vain disputeroit-on les Regales au Parlement, si sans exception, tous les Archeveschez & Eveschez vacquoient en Regale. La difference qu' il y a entre l' Evesché qui tombe en Regale, & celuy qui n' y tombe point, est, qu' au premier cas, soudain que l' Evesque est decedé, le temporel du Benefice estant saisi à la requeste du Procureur general en la Chambre des Comptes, les fruicts appartiennent au Roy, & peut conferer les Benefices à simple tonsure, vacquants, jusques à ce, que la Regale soit close: Mais en l' Evesché non tombant en Regale, quelque saisie que l' on face du temporel, c' est pour conserver les fruicts au futur successeur, lesquels ne commencent de tomber en pure perte, sinon apres que l' Evesque estant entré en possession ne rend le serment de fidelité au Roy: Et au surplus, le Roy ne peut en ce cas conferer aucuns Benefices. 

Le plus ancien passage où je trouve être faicte mention de telle espece de Regales, soubz la troisiesme lignée de noz Rois, est la dispense que donna le Roy Louys le Gros à l' Archevesque de Bourdeaux & ses Evesques suffragants, & tout d' une suitte le Roy Louys le Jeune son fils. in nomine sanctae & individuæ Trinitatis: Amen. Ludovicus Dei gratia Francorum Rex tibi dilecte in Domino, Gaufride Burdegalensis Archiepiscope, cum suffraganeis Episcopis, Ramundo Agennensi, Lamberto Angolismensi, Guillelmo Xantonensi, Guillelmo Pictaviensi, Guillelmo Petragoricensi, necnon cum Abbatibus Burdegalensis Provinciae, vestrisque successoribus in perpetuum. Regiae maiestatis est, Ecclesiarum quieti, pia solicitudine providere, & ex officio suscepta à Domino potestatis, earum libertates tueri, & ab hostium seu malignantium incursibus defensare. Sic nimirum Regalis apicem dignitatis, nobis à Domino, à quo omnis potestas est, consecutos esse constabit si iuxta Evangelicam institutionem, & Apostolicae doctrinae traditionem, in sanctae Dei Ecclesiae ministerium accincti, pro eiusdem contuenda libertate, qua Christus eam liberavit, & pacis quieti operam demus. Ea propter petitionibus vestris, communicato priùs Episcoporum, Abbatum & Procerum nostrorum consilio assentiente Ludovico filio nostro, iam in Regem sublimato, duximus annuendum, & in sede Burdegalensi, & in praedictis Episcopalibus sedibus, & Abbatiis eiusdem Provinciæ, quae defuncto illustri Aquitanorum duce, Comite Pictaviensi Guillermo, per filiam ipsius Alienoram, iamdudum filio nostro Ludovico, sorte matrimonij cedit, in Episcoporum & Abbatum suorum Electionibus, canonicam omnino concedimus libertatem, absque hominij, iuramenti, seu fidei per manum datae obligatione. Porrò decedentis Archiepiscopi, & suffraganeorum ipsius Episcoporum, sive Abbatum decedentium res universas successorum usibus, Regia authoritate servari volumus, & concedendo præcipimus, illaesas. Hoc quoque adijcientes, ut omnes Ecclesiae infra denominatam Provinciam constitutae, praedia, possessiones & universa ad ipsas, iure pertinentia, secundum privilegia, iustitias & bonas consuetudines suas, habeant & possideant illibata. Quinimò Ecclesiis ipsis universis & earum ministris, cum possessionibus suis, Canonicam in omnibus concedimus libertatem. Quod ut perpetuæ stabilitatis obtineat munimentum, scripto commendari, & sigilli nostri autoritate, & nominis nostri charactere corroborari præcipimus. Actum Parisiis in Palatio nostro publicè, anno incarnationis Verbi M. CXXXVII. Regni nostri XXVII. Ludovico filio nostro in Regem sublimato, anno IIII. In praesentia Gaufridi venerabilis Carnotensis Episcopi, & Apostolicae sedis Legati, Stephani Parisiensis Episcopi, Augerij Abbatis Beati Dionysij, Girardi Abbatis Iosephati, Algrini à secretis nostris. Astantibus in Palatio nostro, quorum nomina subtitulata sunt & signa. Signum Radulphi Viromanduorum Comitis, & dapiferi nostri, Signum Guillermi Buticularij, S. Hugonis Camerarij, S. Hugonis Constabularij. Data per manum Stephani Cancellarij. 

Remise qui feut confirmee, voire transcripte mot pour mot par le Roy Louys le Jeune, dont le commencement estoit tel.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis: Amen. Ego Ludovicus Iunior, Magni Ludovici filius, Dei gratia Rex Francorum & Dux Aquitanorum, Tibi dilecte in Domino Gaufride &c. Et la fin de ce tiltre. Actum Burdegali, in Palatio nostro publicè, anno incarnati Verbi M.C.XXXVII. Regni nostri IIII. In praesentia Gaufridi Burdegalensis Archiepiscopi, Heliae Aurelianensis Episcopi, Raimundi Agennensis Episcopi, Lamberti Angolismensis, & Guillermi Xantonensis Episcoporum: Augerij Abbatis sancti Dionysij, adstantibus in Palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt & signa. 

S. Radulphi Viromanduorum Comitis & dapiferi nostri, Signum Guillermi Buticularij, S. Hugonis Constabularij. Data per manum Stephani Cancellarij.

Octrois que je penserois avoir esté faicts en un mesme jour par le pere & le fils, n' estoit que je voy l' un fait dans Paris, & l' autre dans la ville de Bourdeaux, Siege, comme il est vray semblable, de Louys le Jeune, qui avoit espousé l' heritiere de la maison d' Aquitaine. Joinct qu' il y a plus d' Evesques presents au dernier qu' au premier. Et combien que ce soient les deux tiltres les plus anciens, si recueille-je d' eux une plus longue ancienneté: car je me persuade que les Ducs d' Aquitaine pendant leur souveraineté, iouïssoient des droicts de Regales en & au dedans leurs destroicts, & que ce Duché estant de nouveau reuny à la Couronne par le mariage de Louys le Jeune: ces deux Roys, pour rendre leurs Evesques plus enclins & devots à leur obeyssance, exercerent envers eux ceste nouvelle liberalité. Ce n' est pas ce pays seul où les Ducs feirent le semblable: car par le traicté qui feut faict entre le Roy S. Louys, & Pierre Mauclerc Duc de Bretaigne, les collations des Benefices en Regale feurent reservees à ce Duc dedans son Duché. Et passeray encores plus outre pour la Normandie: Car quand je voy que tout ce pays-là est subject à la Regale sans exception & reserve d' aucun Evesché, il me semble voir les Ducs en iouïr, & que par la reünion du Duché à nostre Couronne, noz Roys continuerent ceste mesme possession.

J' adjousterois volontiers que non seulement quelques Eveschez, mais aussi quelques Abbaïes estoient tenuës en Regale. Parce que le mesme privilege que ces Princes donnent aux Evesques, est pareillement estendu dessus les Abbez. Et depuis Pilippes (Philippes) Auguste fils de Louys le Jeune voulant sortir de la France pour s' acheminer au voyage d' outremer, baillant toute charge & intendance à la Royne sa femme & à l' Archevesque de Rheims son oncle, entre autres prerogatives, leur donna ceste-cy par expres: Si verò contigerit sedem Episcopalem vel Abbatiam in Regalia vacare, &c. Toutesfois la memoire, pour le regard des Abbaïes, s' en est effacee avec le temps.

Entre les tresors des anciennetez de la France, je n' en trouve point de plus riche que les memoriaux de nostre Chambre des Comptes, & specialement pour la matiere des Regales. C' est pourquoy outre les deux passages precedents, je vous veux encores estaler ce que j' en ay peu recueillir, & tenir d' eux en foy & hommage la plus grande partie de ce chapitre. Quel est l' usage de la Regale, comme elle s' ouvre & se ferme, de quelle façon il y faut proceder, vous le trouverez au Memorial cotté C, en ces mots Latins grossement couchez, & toutesfois je les vous representeray tels qu' ils sont: Je desire qu' il y ait moins de mignardise en ce que j' escris au present chapitre, & plus de respect pour vous representer au naïf, en subject de si haute estoffe, la venerable ancieneté. Dum Episcopus alicuius Episcopatus ubi Dominus Rex habet Regaliam, ab humanis decedit, immediatè per obitum ipsius, est Regalia in dicto Episcopatu aperta, & succedit Rex loco boni & legitimi administratoris, in omni temporalitate dicti Episcopatus, confertque beneficia non curata, & hoc durante tempore ipsius Regaliae. Quæ quidem Regalia debet vigere & habere locum in dicto Episcopatu donec & quousque futurus successor Episcopus legitimè intrans, suum debitum fidelitatis iuramentum, dicto Domino nostro Regi, prout tenetur, fecerit, Quodque literae Regiae attestantes dictum iuramentum sic fuisse factum, præsentatae, registratae, & expeditae fuerint in Camera Compotorum (: Computorum: Comptes: -p: Comtes). Et quod Receptor seu Commissus ad ipsius Regaliae receptum receperit mandatum à dicta Camera emanatum, per quod ei mandatur, ut levet manum Regis, & permittat dictum Episcopum, uti & gaudere, ponendo ipsam temporalitatem ad plenam deliberatiam: nec ante receptionem huiusmodi mandati à dicto Receptore seu Commisso reputatur dicta Regalia clausa: Sed usque ad diem ipsius receptionis tenetur reddere compotum & rationem de fructibus huiusmodi temporalitatis, & confert Rex beneficia non curata tanquam in Regalia vacantia. Et hoc de iure & consuetudine Regis & suae Coronae. 

Il parle seulement de l' Eglise vacante par mort, comme estant la plus signalee vacation. Non que pour cela il entende forclorre les autres qui adviennent par resignations, forfaictures, promotions d' un Evesché à autre, dont nous voyons diverses instructions dans les mesmes Registres. Au demourant, par les instructions portees par l' article cy-dessus recité, nous sommes enseignez que le Roy iouyst du temporel, & confere les benefices qui n' ont charges d' ames: & que ceste Regale dure jusques à ce que le futur successeur ait fait le serment de fidelité au Roy. Collation de benefices qui semble être aucunement contraire à nostre droict Canon, & neantmoins tant favorisee en ceste France, que si le Roy faict ceste grace à un Prelat de le recevoir à foy & hommage par Procureur, il entend par ceste reception luy donner pleine mainlevee de son temporel, mais non de la collation des (be-fices) benefices, ainsi que nous apprenons de l' Ordonnance de Charles VII.

Charles par la grace de Dieu Roy de France. A noz amez & feaux Conseillers les gens tenants & qui tiendront nostre Parlement à Paris, les Maistres des Requestes de nostre Hostel, aux Prevost de Paris, Baillis de Vermandois & d' Amiens, & à tous noz autres Officiers & Justiciers, salut & dilection. Il est venu à nostre cognoissance qu' à l' occasion de ce que nous octroyames à feu le Cardinal Evesque de Teroüenne, qu' il nous peut faire le serment de feauté du dict Evesché de Teroüenne par Procureur. Ce qu' il feit, & parce moyen luy deliurasmes les fruicts & revenu de la temporalité d' iceluy Evesché que paravant tenions en nostre main à cause & par le moyen de nostre droict de Regale, le dit feu Cardinal ou ses Vicaires souz couleur & au moyen de la dicte deliurance par nous à luy faicte des dicts fruicts (combien qu' il ne nous eust faict le serment en presence) eust donné & conferé plusieurs prebendes & autres benefices vacants à la collation du dict Evesque depuis la reception du dict serment de feauté par Procureur & la deliurance des dicts fruicts: Et pareillement les avons donnez & conferez à autres par le moyen de nostre dict droict de Regale. Sur quoy se sont meuz & assiz plusieurs procés pardevant vous avec ceux qui ont eu collation du dit Cardinal & de ses Vicaires: Et à ceste occasion sont plusieurs des dictes prebendes & autres benefices contentieux en grande involution de procés, au grand prejudice & detriment de la dicte Eglise & du service divin. Et pource que voulons & desirons pourvoir à la confusion & detriment des dicts benefices, & multiplication des dicts procés, & aussi pourvoir à l' entretenement du dict service divin, & à la conservation de nos dicts droits de Regale, & qu' avons esté advertis & acertenez des droicts de nostre Couronne, & l' usage ancien avoir esté & être, qu' és Eveschez où avous droict de Regale, mesmement quant à la collation des Benefices, la dicte Regale demeure tousjours ouverte, jusques à ce que les nouveaux Evesques nous ayent faict en personnes les serments de feaulté, quelque serment qui nous en soit faict par Procureur, & quelque deliurance que facions des fruicts de la temporalité. Avons declaré & declarons que par la reception du serment de feauté du dict Cardinal par Procureur, & par la deliurance à luy faicte des fruicts du temporel du dict Evesché, nous n' avons entendu ne n' entendons nous être departis ne desistez de la collation des benefices du dit Evesché, comme vacants en Regale, ne la transferer au dict Cardinal: Ainçois estoit & est nostre intention de donner & conferer les dicts benefices conmme vacants en Regale, jusques à ce que le dict Cardinal nous eust faict en personne le serment de feaulté, ainsi qu' il est accoustumé de faire en tel cas. Si vous mandons & expressément enjoignons que nostre presente declaration vous entreteniez & gardiez & faictes entretenir & garder selon sa forme & teneur, sans aucunement venir au contraire: Car ainsi nous plaist-il être faict, nonobstant quelconques lettres subreptices impetrees ou à impetrer à ce contraires. Donné au Montil lez Tours le quatorziesme Fevrier mil quatre cens cinquante & un, & de nostre regne le trentiesme.

Ordonnance qu' il m' a semblé devoir icy être tout au long inseree pour être unique en son espece, que j' ay tirez du Memorial cotté L, En la marge duquel, Budé garde des Chartes du Roy, meit ces mots, Habui originale pro ponendo in thesauro Chartarum Regis. Ainsi signé, Budé. Chose que j' ay voulu remarquer pour vous monstrer combien ceste Ordonnance feut recommandee. Je vous diray maintenant en gros, quels sont les Archeveschez & Eveschez qui tombent entre nous en Regale. Dans le livre Croix, sont ces mots. Dominus Rex, prout constat per antiqua scriptae Camerae, consuevit capere Regalia cùm vacabunt in Provincijs & Diocesibus quæ sequuntur. In tota Provincia Senonensi & eius suffraganeis, excepta Diocesi Altissiodorensi in qua Decanus & Capitulum dicuntur fecisse permutationem cum Rege. In tota Provincia Rhemensi, excepta Diocesi Cameracensi. In tota Provincia Bituricensi, excepta Lemovicensi, Carnutensi, Rutenensi, Albiensi, Mimatensi.

In tota Provincia Turonensi, excepta Macloviensi, Trecorensi, Corisopisensi, Burcensi, Venetensi, Rhedonensi, Dolensi. 

In Provincia Burdigalensi solùm. Verùm de Pictaviensi computatum fuit anno 1306. sed Rex per literas totum istud præcepit restitui Episcopo. 

In tota Normania habet Regale.

In Provincia Auxitana & Arelatensi, & per consequens in tota lingua Occitana nihil habet. 

Ecclesiae cadentes in Regaliam.

Senonensis

Parisiensis

Carnotensis

Aurelianensis

Aeldensis

Trecensis

Rhemensis

Morinensis

Catalaunensis

Tornacensis

Suessionensis

Belluacensis (Bellvacensis).

Laudunensis

Ambianensis.

Noniomensis

Silvanectensis

Bituricensis

Claramontensis

Turonensis.  

Cenomanensis

Eduensis (Edvensis).

Cabilonensis.

Rhotomagensis.

Abricensis

Constantiensis

Lexoviensis

Bajocensis

Saginensis.

Ebroïcensis.

In Provincia Auxitana & Arelatensi, & per consequens in tota lingua Occitana nihil habet.



La preface de ce present placard monstre qu' il avoit esté extraict de quelques autres vieux registres de la Chambre, & à tant, qu' on y doibt adjouster plus de foy.

Par le quatriesme Article il est porté que le Roy a droict de Regale, In tota Provincia Turonensi, excepté Maclovensi, Trecorensi, Corisopitensi, Burcensi, Venetensi, Rhedonensi, Dolensi. Qui sont sept Eveschez assises au pays de Bretaigne, dependants de l' Archevesché de Tours: Et ne faut trouver estrange cela, parce que lors que cest article feut fait, noz Rois n' estoient Ducs de Bretaigne. Et neantmoins la verité est que par le traicté & accord qui feut fait entre nostre Roy S. Louys, & Pierre Maulclerc Duc de Bretagne, le droict de Regale feut par expres reservé au Duc sur les Eveschez qui estoient en & au dedans sa Province. C' est pourquoy ce Duché estant aujourd'huy uny & incorporé à la Couronne de France, ceux qui soustiennent que toutes ces Eveschez peuvent vacquer en Regale, ne sont pas destituez de raison. Tant y a que depuis quelques annees les Thresoriers & Chantres de la saincte Chappelle de Paris (selon le privilege à eux octroyé (dont je parleray en son lieu) ayants faict saisir souz le nom & authorité du Procureur general de la Chambre des Comptes de Paris, le temporel de l' Evesché de Nantes, comme estant l' Evesché tombé en Regale, Messire Louys du Bec Evesque, avroit obtenu mainlevee des gens des Comptes de Bretaigne: dont le Procureur general du Roy du Parlement de Paris avroit appellé, la cause plaidee, & appointee au Conseil, depuis par Arrest du 23. Decembre 1598. donné au rapport de Monsieur le Voix Conseiller, il fut dit qu' en faisant droict sur l' appel, il avoit esté mal, nullement, & incompetemment procedé & ordonné, bien appellé par le Procureur general, la saisie faicte de l' Ordonnance de la Chambre des Comptes de Paris, le 18. Decembre 1594. declaree bonne & valable: Ordonné que les fruicts & revenu temporel de l' Evesché de Nantes saisis seroient baillez & deliurez aux Thresorier & Chanoines de la saincte Chapelle, depuis l' ouverture de la Regale jusques à la closture deuëment faicte, ou la juste valeur & estimation d' iceux.

Cecy soit par moy remarqué en passant, mais pour reprendre les brisees de ce vieux Memorial que je vous ay voulu icy patronner, je ne veux pas dire que ce soit une leçon en tout & par tout asseuree: Car depuis la Cour de Parlement par ses Arrests y a adjousté ou diminué, selon les occurrences des procés dont elle a peu informer sa Religion. Si puis-je dire que ce memoire est comme un fanal qui apporte grande lumiere à l' obscurité qui se trouve en noz Regales. Et de faict Monsieur le President le Maistre en a faict banniere en son traicté des Regales. Or en tous les precedents Articles je n' y trouve difficulté qu' en celuy où il parle de la Province de Bourdeaux, auquel il semble n' y avoir point de sens parfaict, pour l' obscurité qui resulte de ce mot (Solùm.) Celuy qui nous redigea ce placard par escrit, voulut dire que toute la Province de Bourdeaux estoit franche de la Regale, toutesfois que l' on avoit compté pour l' Evesché de Poictiers, mais que puis apres le Roy fit rendre les deniers. Qui estoit en bon language declarer que tant l' Archevesque de Bourdeaux que ses suffragants en estoient exempts.

Et parce que au premier Article il dict que toute l' Archevesché de Sens y estoit subjecte fors & excepté l' Evesché d' Auxerre, & que le Roy en avoit faict un eschange avec le Chapitre, il s' abuse. Le Roy Philippe Auguste luy remit la Regale de sa pleine liberalité comme nous apprenons du mesme livre Croix, par moy cy-dessus allegué.

In nomine sanctae & individuae Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex: Noverint universi præsentes, pariter & futuri, quod nos intuitu pietatis & ob remedium animæ nostræ & parentum nostrorum, damus & concedimus in perpetuum Ecclesiae Altissiodorensi quicquid iuris habebamus in Regalibus Altissioderensibus, vacante sede. Itaque Decanus & Capitulum, eidem Ecclesiae custodient Regalia, sede vacante, & omnes proventus qui ex inde procedent, & Præbendas, si quas interim vacare contigerit, ad opus futuri Episcopi. Salvo Servitio nostro Equitationis exercitus & subventionis, sicut Episcopi Alissiodorenses nobis fecerunt. Quod ut perpetuum robur obtineat, sigilli nostri auctoritate, & Regij nominis Charactere inferius annotato, præsentem paginam confirmamus. Actum Parisiis, Anno Domini M.CC.VI. Regni verò nostri anno XXVII. adstantibus in Palatio quorum nomina subscripta sunt & signa, Dapifero nullo, signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, Signum Droconis Constabularij, Data vacante Cancellaria. 

Et au dessoubz est la signature du Roy Philippe par une abbreviation de son nom, telle que noz Roys souloient faire diversement, à Arras. Le mesme Roy exerça pareille liberalité envers l' Eglise de Nevers, ainsi qu' il apparoist par la Chartre portee au Memorial, cotté D.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex. Noverint universi, præsentes pariter & futuri, quod nos dilecto & fideli nostro Guillermo Niuernensi (Nivernensi) Episcopo, totum ius illud quod habebamus in Regalibus Niverrsensibus concedimus & quittamus in perpetuum ipsi & successoribus suis, & donationes etiam Praebendarum. Ita quod vacante sede nihil de mobilibus vel immobilibus per nos vel per alium capiemus in domibus Episcopi, nec in castellis & villis eiusdem, neque in hominibus Regalium, nec in rebus eorundem, neque in prædictis Regalibus aliquid prorsus retinemus, præter exercitus & procurationes, sicut nos & prædecessores nostri ea solent & debent habere. Concedimus etiam ut vacante sede eadem Regalia sint in manu Decani & Capituli Nivernensis, ut tam ea quam Praebendae & dignitates, si qua interim vaacuerint, ad opus futuri Episcopi, salvae & integrae reserventur. Quod ut perpetuae stabilitatis robur obtineat, sigilli nostri auctoritate, & Regij nostri characteris inferius annotati praesentem paginam confirmamus, Actum apud Fontem Belliaudi, Anno incarnationis Dominicae, M.CC.VIII. Adstantibus in Palatio quorum nomina supposita sunt & signa. Signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, Signum Droconis Constabularij. Data regni nostri anno XXX. vacante Cancellaria, per manus fratris Guarini. Et au dessouz est un pareil seing qu' à l' autre.

Pour le regard du second Article portant que toute l' Archevesché de Rheims estoit subjecte à la Regale fors & excepté l' Evesché de Cambray, il s' abuse. Car encores trouvons nous la remise qu' en feit le mesme Roy Philippe aux Evesques d' Arras dont la teneur estoit telle.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex. Noverint universi præsentes pariter & futuri, quod vacante quocumque modo sede Atrebatensi, medio tempore, Capitulum Atrebatense reservabit penes se ad opus Episcopi qui substituetur ibidem, omnia Regalia & omnes reditus & proventus Regalienses, & quicquid ad Episcopatum noscetur pertinere: Ita quod nec in homines Episcopi, nec in eorum res, pro aliquo quod pertineat ad Regalia, manum mittemus. Et si medio tempore aliquam Praebendam vel plures Praebendas vacare contigerit, similiter reservabuntur substituendo Episcopo conferenda postmodum cum ad electionem fuerit perventum, & Canonici praedictae Ecclesiae libere poterunt eligere non requisita à nobis, vel à successoribus nostris, licentia eligendi: sed electum suum confirmatum nobis praesentabunt, ut nobis fidelitatem faciat, sicut alij Episcopi nostri nobis facere consueverunt. Quia verò Radulphus ipsius Ecclesiae Electus, & Canonici Atrebatenses, nos humiliter rogaverunt, ut intuitu Dei expeditionem & exercitum nostrum ipsi Electo & suis successoribus quitaremus: Nos amore Dei, & ob remedium animae nostrae, ipsi Electo & suis successoribus, illud in perpetuum quitavimus & quitamus. Has autem prædictas libertates Episcopo & Ecclesiae Atrebatensi: Retenta tamen nobis procuratione nostra, quam Episcopus Atrebatensis nobis debet singulis annis, si ad illum accesserimus. Quod ut perpetuum robur obtineat, sigilli nostri munimine, Regij nominis charactere inferius annotato, praesentem paginam praecepimus roborari. Actum Parisiis, anno incarnati Verbi, millesimo ducentesimo tertio, Regni vero nostri vigesimo quinto. Adstantibus in Palatio nostro, quorum nomina supposita sunt & signa. Dapifero nullo, Signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, S. Droconis Constabularij nostri. Data vacante Cancellaria.

De vous particulariser icy tous les Arrests qui ont esté donnez en matiere de Regale, je ne me le suis proposé non plus que toutes les regles que l' on y observe. Je vous renvoye pour cest effect aux traictez de Maistre Arnoul Ruzé ja dis Conseiller en la Cour de Parlement de Paris, Philippe Probus Docteur Regent en l' Université de Bourges, Messire Gilles le Maistre, premier President, & Maistre René Chopin Advocat au mesme Parlement en son livre, De sacrâ Politiâ, & encores Maistre Loys Charondas en ses Pandectes Françoises. Je me contenteray seulement de vous inserer icy tout au long l' ordonnance de Philippes de Valois, (fondement de la maxime generale que l' on pratique en ceste matiere,) tiree du Memorial de la Chambre des Comtes, quoté B.

Philippe par la grace de Dieu, Roy de France, Sçavoir faisons à tous presens & à venir, que comme il ait esté mis en doute par aucuns, se nous avons droict, & à nous apartenit de donner les Provendes, dignitez & benefices quand ils avoient esté ou estoient trouvez non occupez, vacants, & unis de fait tant seulement ou temps de nostre Regale, és Eglises de nostre Royaume, esquelles nous avons droict de Regale, & ce ceux à qui noz predecesseurs ou nous les avons donnez, en devoient iouyr. Nous nous tenons & sommes suffisamment & deuëment informez que noz devanciers Rois de France pour cause de la Regale & de la noblesse de la Couronne de France, ont usé & accoustumé, & ont esté en possession & saisine de donner les Provendes, dignitez & benefices, quand ils ont esté trouvez en temps de Regale, vacquans de droict & de fait, ou de droit tant seulement, ou trouvez non occupez, unis & vaquants tant seulement & que nous aussi en avons usé, usons & entendons à user, comme de nostre droit Royal, toutesfois que aucun cas semblable ou quelconque cas dessusdict escherra: & donnons toute audience de plaict à tous ceux, qui à nosdits usages accoustumez par nos devanciers Rois de France, & par nous continuez, & aux droicts Royaux, qui en tel cas nous appartiennent pour cause de nostre Couronne, & aux collations par nous, noz devanciers ou successeurs faictes ou à faire és cas dessusdits ou aucuns d' iceux. Et se voudroient opposer, & que plaict au procez sur aucun des cas dessusdits quelconques soient pendants au Parlement ou devant quelconques nos Comissaires, nous les appellons & mettons du tout au nient, & defendons à nos amez & feaux les gens qui tiendront d' ores en avant noz Parlemens à Paris & aux dessusdits Commissaires, que ils de ces cas ne semblables ne teignent Cour, ne cognoissance ores ne autresfois. Et voulons & ordonnons que d' ores en avant nul pourveus des cas dessusdits, se ce n' est par vertu de provision & collation Royale qu' il ait de nos devanciers ou de nous, ou de nos successeurs Rois de France, ne soit receus à plaict, on ouys en opposition, contre ceux qui és cas dessusdits ou en aucun d' iceux sont pourveus par nos devanciers ou par nous, ou seront pourveus au temps à venir par nous ou nos successeurs Roys de France, pour quelconques lettres ou octroy, qu' il ait ou empetre de nous, se expresse mention n' est faite de mot à mot de ces presentes. Et voulons que d' ores en avant tous ceux qui en semblable cas, dessusdits & chacun d' iceux ont collation de nos devanciers ou de nous ou de nos successeurs Rois de France, soient tenus & gardez en possession & saisie, paisible des benefices à eux donnez nonobstant opposition d' autre, qui par vertu d' autre collation s' y sont opposez ou opposent à present, ou vueillent opposer au temps à venir, & ce avons nous ordonné & ordonnons de certaine science enformez de nos droicts & usage dessusdits, & mandons par la teneur de ces presentes à nos amez & feaux les gens qui tiendront nostre prochain Parlement, & les Gens de nos Comptes, que à perpetuelle memoire facent ces presentes enregistrer en nos Chambres de Parlement & des Comptes, & mettre & garder pour original au thresor de nos Chartes & de nos lettres. Et à ce que ce soit ferme & stable à tousjoursmais, nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes lettres. Donné à Vincennes, au mois d' Octobre l' an de grace, mil trois cens trente quatre.

En suitte de (laqulle) laquelle ordonnance, le Roy Philippe donna son Arrest au bois de Vincennes le septiesme Octobre 1334. entre Maistre Loys de Melun Regaliste, le Procureur du Roy joinct avec luy, & Maistre Philippes Nicolas, pourveu par le Pape, de la Chantrie de Chartres, par lequel le benefice est adjugé au Regaliste, & veut le Roy, que son Arrest soit enregistré au Parlement, Chambre des Comptes & Thresor de ses Chartes, pour servir de guidon à la posterité. Pour conclusion de ce Chapitre, s' il vous plaist considerer tout ce qui a esté par moy cy dessus deduict, vous trouverez que trois de nos Roys du nom de Philippe, donnerent grande vogue & avancement à la Regale, Philippes second, quatriesme & sixiesme.

miércoles, 21 de junio de 2023

3. 30. De l' ordre des Regales soubs la troisiesme lignee de nos Roys,

De l' ordre des Regales soubs la troisiesme lignee de nos Roys, serment de fidelité, que les Archevesques & Evesques leur doivent avant que d' entrer en leurs charges, & des investitures que les Empereurs d' Allemaigne faisoient des Archeveschés & Eveschés. 

CHAPITRE XXX.

Voila en effect comme les affaires de la Regale se passoient en France soubs la premiere & seconde famille de nos Roys, je veux dire comme nos Roys eurent tousjours bonne part à la promotion, tant des Evesques, que des Abbez: & adoncques n' estoit ce droict restrainct ou limité à certains benefices, ains s' espandoit generalement par toute la France. 

Je recognoistray que lors je ne voy point que toutes les façons y fussent pratiquees, que nous y avons depuis apportees soubs la troisiesme lignee de nos Roys, sous laquelle sont les grandes polices de la France, par le moyen desquelles ceste lignee seule a plus duré que les deux autres. Or soubs ceste cy, comme la principale estude de nos Roys feust de ne perdre rien de leurs droicts, & neantmoints remetre toutes choses de l' Eglise en leur ordre, aussi pratiquerent ils en ce fait cy le semblable: car ils laisserent les elections au Clergé, mais demeurans dans les termes de ce qui avoit esté approuvé par les institutions Canoniques de France, ils desirerent deux choses auparavant qu' un Evesque peust apprehender la dignité: L' une que le Clergé voulant proceder à l' election d' un Abbé, il eust permission du Roy de ce faire: L' autre, que quand l' Evesque seroit esleu & confirmé, il seroit tenu de prester le serment de fidelité entre les mains du Roy. Pour le regard du premier, nous en avons & exemples & ordonnances, expresses dans l' ancienneté. Car nous lisons qu' apres le decez d' Almeric, Pierre s' estant fait pourvoir de l' Archevesché de Bourges, par Innocence Pape, le Roy Loys septiesme non seulement l' empescha en la iouyssance, mais qui plus est, ne peut jamais être dict Archevesque en France, pour avoir esté par luy en cecy negligé le consentement du Roy. Et comme il n' y a rien si sainctement introduit, en quoy l' on ne commette quelquesfois de l' abus, belle fut en ce subjet la colere de sainct Bernard contre le mesme Roy Louys septiesme, lequel ayant donné permission d' eslire, & l' election estant faite en faveur d' un autre, vouloit par les brigues & importunitez de quelques ambitieux poursuivants, que l' on procedast à nouvelle Election. Ce à quoy s' opposa vivement sainct Bernard. Et comme ainsi soit que les instigateurs de ce nouveau conseil voulussent faire trouver au Roy de mauvaise digestion ce qu' en faisoit ce sainct homme, comme intervertissant les droicts de la Couronne de France: adoncques il escrivit au Roy une lettre pleine de zele & de colere, dont le commencement & une partie de la lettre estoit telle: volui ego (dit-il) unquam in aliquo imminui honorem Regis, dignitatem regni? Deus scit, nec vestra, ut confido, conscientia id vobis respondet. Videte ne illi magis contra vos faciant, qui Electiones disturbant ne sint in Ecclesiis qui serviant Regi, sed ipsis de Ecclesiarum reditibus serviatur. Et peu apres: Neminem prorsus arbitror affuisse illi celebritati, qui de assensu vestro dubitaret, cum cam idem assensus vestris litteris teneretur: Quis enim hoc vel cogitare posset, repetendum alterum consensum, nec sufficere unum, præsertim ubi nulla extunc intervenit altera electio? Nunquid quotiens dissenserint Clerici, totiens erit requirendus favor Regis? Nec ratio, nec consuetudo hoc habet. Duquel passage nous pouvons inferer que S. Bernard ne faisoit aucune doute qu' il n' appartint au Roy d' interposer son authorité en telles elections, & que qui eust voulu soustenir le contraire, il offenseroit les Loix du Royaume: mais il desiroit aussi d' oster la corruption & abus que l' on vouloit introduire sous le pretexte du Roy, & qu' ayant esté procedé à l' Election d' un Evesque suyvant la permission qu' il en avoit faicte, il voulust pour gratifier à quelques uns, que l' on procedast à une autre, qui estoit totalement mettre soubs pieds la discipline de l' Eglise, & oster l' asseurance qu' il y avoit en matiere d' Election. Cela mesmes se trouve averé par la dispence de la Regale que Philippe Auguste accorda aux Evesques d' Arras en l' an 1203. par laquelle entre autres choses, il permeit aux Doyen, Chanoines, & Chapitre de pouvoir librement proceder à l' election des futurs Evesques, sans luy en demander congé, ny à ses successeurs.

Or apres ceste election bien & deuement confirmee par le Metropolitain, il estoit requis que l' Evesque feist le serment de fidelité au Roy auparavant qu' il peust entrer en l' exercice de sa charge, ainsi que nous recueillons de la mesme dispence d' Arras. Canonici praedictae Ecclesiae liberè poterunt eligere non requisita à nobis, vel à successoribus nostris licentia eligendi: sed electum suum confirmatum nobis præsentabunt, ut nobis fidelitatem faciat, Sicut alij Episcopi nobis facere consueverunt. 

Et encores en trouvez vous un autre passage tres-beau du temps du Roy Philippe premier, dans Yvon Evesque de Chartres en sa 206. Epistre qu' il escrivit au Pape Paschal. L' Archevesché de Rheims estant contentieuse entre Gervais & Raoul, le Roy & son Conseil favorisoient le premier: au contraire Yvon portoit le party de Raoul: & provenoit de la faveur de cestuy, non qu' il n' eust le tiltre le plus apparent, mais d' autant qu' il soustenoit n' être tenu, entrant en ce benefice, de faire la foy & hommage au Roy. La cause pour la consequence, feut remise au prochain Parlement, qu' on devoit tenir vers les festes de Noel, dans la ville d' Orleans, où tous les Princes & Seigneurs baffouerent l' opinion de cet Evesque, soustenant que Raoul devoit estre forclos de l' Archevesché, s' il ne vouloit faire le serment de fidelité és mains du Roy. Et par ce que le passage me semble fort singulier, tant pour l' ancienneté de nos Parlemens, que du present suject, je le veux transcrire tout de son long. Le Roy (dit ce Prelat) supplié par nous de vouloir faire droict à Raoul. Adquievit tandem precibus nostris, & concessit ut Radulphum ad Curiam suam, quae Aurelianis, in Natali Domini congreganda erat, secure adduceremus, & ibi cum eo & cum Principibus Regni sui, de hoc negotio, quantum fieri posset, salvâ Regni integritate tractaremus. Factum est, ut condictum erat, & convenientes in Curiam, multiplicatis intercessoribus, petitionem nostram semel & saepius replicavimus. Sed reclamante curia, plenariam pacem impetrare non potuimus, nisi prædictus Metropolitanus, per manum & sacramentum, eam fidelitatem Regi faceret, quam prædecessoribus suis Regibus Francorum, antea fecerunt Rhemenses Archiepiscopi, & caeteri, Regni Francorum, quàmlibet religiosi & sancti Episcopi. Quod persuadentibus & interpellantibus totius Curiae Optimatibus: Et si propter mandatorum rigorem minus licebat, factum est tamen, quia Ecclesiasticae paci, & fraterna dilectioni sic expediebat. Cum enim plenitudo legis sit charitas, in hoc legibus obtemperatum esse credimus, in quo charitatis opus impletum esse cognovimus. Petimus ergo flexis genibus, ut hoc eodem intuitu charitatis & pacis veniale habeat paterna moderatio.

C' estoit que le Pape Paschal avoit commandé à Raoul, de ne faire la foy & hommage au Roy, & à Yvon de luy être en cecy parrain. Mais ny l' un ny l' autre n' en feurent creus, comme chose trop prejudiciable aux droicts de nostre Couronne. Aussi le mesmes Yvon escrivant au Pape Urbain en sa 65. Epistre, luy remonstre qu' en telles soubmissions de foys & hommages, l' Eglise n' y a aucun interest, quand les Roys n' entendent rien attenter sur le tiltre qui regarde la puissance spirituelle. Quae submissio (dit-il) sive fiat manu, sive lingua, sive virga, quid refert? cum nihil spirituale se dare intendat, sed tantum aut votis petentium annuere, aut villas Ecclesiasticas & alia bona exteriora, quæ de munificentia Regum obtinent ipsæ Ecclesiae, ipsis electis concedere. Et en l' Epistre 238. Si quis verò Laicus ad hanc prorumpit insaniam, ut in datione vel acceptione virgae putet se posse tribuere sacramentum, vel rem sacramenti Ecclesiastici, illum prorsus iudicamus haereticum, non propter manualem investituram, sed propter præsumptionem diabolicam. Tellement que quand je voy la longue contestation qu' eurent les Papes avec toute opiniastreté contre les Empereurs d' Allemaigne, pour les investitures des Eveschez, voire jusques à venir aux mains, au grand scandale de toute la Chrestienté, & de n' avoir pas fait grande instance contre nos Roys pour le serment & fidelité par eux requis, ce feut pour autant que les Empereurs invetissants les Evesques avec l' anneau & le baston pastoral, dont ils leur faisoient present, estimoient conferer le tiltre contre l' auctorité du S. Siege: ainsi l' apprenons nous du moine Sigebert dedans sa Chronique. Chose expressement defendue par le Concil de Latran, tenu sous Alexandre 3. Et que pour nostre regard, nous desirions le serment de fidelité, tant à cause de leur temporel, que d' autant qu' entrans en ce grade, ils devoient être des premiers Conseillers de nostre Couronne. 

Or outre ce serment de fidelité, que tous les Archevesques & Evesques de la France doivent, encores estoient, la plus part d' eux, anciennement tenus de fournir à nos Roys, gens de guerre, quand la necessité le requeroit. Nous trouvons que l' Archevesque de Sens devoit 4. Chevaliers, l' Evesque d' Orleans, deux, de Chartres, 3. Paris, 3. Troyes, 2. Noyon, 5. Beauvois, 5. Lizieux, 20. Bayeux, 20. Auranches, 5. & le semblable presque en la pluspart des Abbayes du pays de Normandie.

C' est pourquoy en l' exemption de la Regale que Philippe Auguste accorda aux Evesques d' Auxerre en l' an 1206. il adjousta expressement ceste particuliere reserve, Salvo servitio nostro equitationis exercitus & submonitionis (il faut lire subventionis) sicut Episcopi Altisiodorenses nobis fecerunt. Et en celle de Nevers, de l' an 1208. Praterea exercitus & procurationes, sicut nos & prædecessores nostri ea solent & debent habere. Ces mots de Subvention & Procuration, portez par le premier & second tiltre, peuvent engendrer quelque obscurité, mais elle vous sera levee par la dispence de la Regale accordee aux Evesques d' Arras par le mesme Roy Philippes en l' an 1203. par laquelle leur quittant le service de la guerre, il ne leur veut pas remettre cest autre droict de Subvention ou Procuration. Has autem praedictas libertates Episcopo & Ecclesiae Atrebatensi in perpetuum concedimus, retenta tamen nobis procuratione nostra, quam Episc. Atrebatensis nobis debet singulis annis, si ad illum accesserimus. C' estoit un droict que plusieurs Evesques & Abbez devoient à nos Rois, quand ils passoient sur leurs Eveschez ou Abbayes, qu' ils appelloient en language François, droicts de Giste. Abbas Maioris Monasterij Turonensis, debet unum gistum, taxatum sexaginta libras Turonenses, levandas quolibet anno, si Rex visitaverit Ecclesiam. 

Et quelquesfois les Eglises s' abornoient à une fois payer ce droict, soit que les Roys les vinssent visiter ou non, Archiepiscopus Turonensis debet unum taxatum. C. libras, nec potest Rex levare gistum, nisi semel ad vitam cuiuslibet Archiepiscopi, prout in littera Archiepiscopi continetur, cuius transcriptum in registro continetur. Il n' est pas que le Comte de Champagne ne se fust donné pareil privilege sur quelques Eglises situees dedans ses terres. De ces droicts, le livre Croix de la chambre des Comtes dont j' ay extrait les precedants passages, nous en fait le denombrement en un lieu, puis en un autre, où il recite ceux que le Roy S. Louys avoit levez en certaine annee. Droits qui estoient encores en essence sous le regne de Charles 6. ainsi que nous recueillons de ce qui s' ensuit, porté par le memorial. L. Anno Domini 1382. in mense Novembri, illustrissimus Princeps dominus Carolus, Dei gratia Francorum Rex, accedens apud Atrebatem, ius suae Procurationis, quam Dominus Episcopus Atrebatensis debebat, eidem ad dictum locum accedenti per suas litteras dedit, Magistris Petro Mauchat, & Joanni Montargij suis Secretariis cum quibus reverendus pater dominus P. Mazerij Episcopus Atrebatensis, pro eis, dato iure Procurationis suprascriptae composuit in ducentis & quadraginta Francis auri, Franc* sex decim solidorum. Et de quibus satisfactum extitit ipso domino Regi stante Atrebati. Et in testimonium *præmissum * reverendus pater, litteras Regias praedictas habuit & habet penes se, una cum litteris quitationis Secretariorum praedictorum. Cela fust produit en la Chambre des Comptes, avecques la copie collationnee à l' original de l' exemption de la Regale d' Arras, vers le mois de Juillet, mil quatre cens cinquante trois. Sur ce que Messieurs des Comptes avoient expedié leur Commission pour proceder par voye de saisie sur le temporel de l' Evesché d' Arras, comme vacquant en Regale. Le temps a depuis faict mettre en oubly tant les services militaires, que ces droicts de gistes, au lieu desquels on a introduict l' Octroy des decimes sur tout le Clergé, n' estant demeuré de ceste ancienneté, que la præstation de serment au Roy, qui doibt être faicte par tous les Prelats de la France lors de leurs advenements.

3. 29. De l' ancienneté de Regales en matiere des Archeveschez & Eveschez.

De l' ancienneté de Regales en matiere des Archeveschez & Eveschez. 

CHAPITRE XXIX. 

Je ne fais aucune doute que ceux qui avront les aureilles trop delicates, ne trouvent estrange ces mots d' Appellations comme d' abus, Regales, Oblats, & Dixmes infeodees, comme estans, ce leur semblera, mots plus propres pour l' usage commun des plaidoiries du Palais, que d' une Histoire: & encores avront plus d' occasion de s' en esbahir, quand ils entendront que la Regale est un droict annexé à la Couronne de France, comme l' un de ses plus beaux fleurons, par lequel advenant vacquation de certains Archeveschez, & Eveschez de France, au Roy en appartiennent les fruicts, & collation des Dignitez, Prebendes, & Chappelles, jusques à ce que l' Evesché soit remplie d' un nouveau successeur, & qu' il en ait presté le serment de fidelité au Roy. L' Oblat est le soldat ou gendarme pauvre, qui au service du Roy est demouré percluz, & estropié de l' un de ses membres, en recognoissance dequoy le Roy luy peut assigner ses aliments sur quelques Abbayes & Monasteres, qui se trouvent de la nature. Et les Dixmes infeodees sont celles que les Laiz, & personnes non Ecclesiastiques peuvent legitimement posseder. Car si l' Eglise a ses biens, & fonctions diverses d' avec les personnes Seculieres, qui est celuy je vous pri' qui n' ait juste occasion de s' esmerveiller de cest Ordre, lequel semble de prime face n' apporter qu' une confusion à l' Eglise: la Regale aux Evesques, & Ordinaires, l' Oblat aux Abbez, les Dixmes aux Curez? Souz lesquelles trois qualitez semble presque être comprise nostre Eglise universelle? 
& toutesfois, je puis dire, que tout ainsi que des fragmens soubterrains l' on recueille le plus souvent plusieurs antiquailles d' une Republique, aussi de ces Regales, Oblats, & Dixmes, pouvons nous recognoistre quelques anciennetez notables de la France, que le temps semble avoir ensevelies dedans le tombeau d' oubliance.

Entant que touche la Regale, je confesseray vrayement que pour être un subject qui passe souvent entre les mains de ceux qui manient les affaires du Palais, il y a plusieurs hommes qui en ont faict divers traictez, pour nous enseigner quand, comment, & en quel temps un Benefice vacque en Regale, & quels sont les Archeveschez, & Eveschez qui y sont sujets: mais qui nous en ait donné l' ancienneté je ne l' ay encores veu, & non sans cause. Car s' il y a obscurité en nostre Histoire c' est en ceste-cy. Les uns en rapportent l' origine à Clovis, disans qu' apres qu' il eust desfaict les Visegots, au Concil qui fut tenu souz luy en la ville d' Orleans, le Clergé luy octroya ce privilege: mais nous avons ce Concil en noz mains, & neantmoins il n' en fait nulle mention. Les autres l' attribuent au Concil, qui fut celebré dedans Rome soubz le Pape Adrian, lors que pour gratifier Charlemaigne, on luy permeit de pouvoir investir les Evesques, n' ayans ceuxcy autre tesmoin de leur dire que Gratian, lequel au lieu où il fait mention de ce Concil, dit avoir emprunté cela d' une vieille Histoire, mais qui en a esté l' Autheur, il nous le taist. C' est la cause pour laquelle quelques uns sont d' avis qu' il faut dire de la Regale, ce que presque estoit de la Loy Royale du temps des Empereurs de Rome. Car tout ainsi que ceste Loy fut grandement solemnizee par les Jurisconsultes Romains, publians que par ceste Loy le peuple de Rome avoit transporté en la puissance d' un seul homme tout ce qui estoit de sa Majesté ancienne du temps de la Republique, sans que toutesfois l' on cotte bonnement le temps que fut faicte ceste cession, & transport aux Empereurs: aussi combien que nostre Regale qui fraternize de nom avecq l' autre, soit grandement celebree par la bouche des Advocats de la France, comme une Loy, par laquelle les Prelats ont cedé à noz Roys ce droict de colation des Benefices: toutesfois nous ne pouvons bonnement descouvrir le temps de son origine.

De ma part, a fin que je le tranche court, j' ay tousjours estimé que ce nom de Regale ne luy fut point temerairement donné: & à bien dire, que tout ainsi que nous nommons ce droict, Regale, aussi est-il né avecques nostre Royauté, au moins dés lors que noz Roys eurent receu le sainct Sacrement de Baptesme. Droict qui est tant specialement affecté à la Royauté, que combien qu' un Prince Regent ait toute puissance souveraine au millieu de nous, si ne peut-il conferer les Benefices vacquans en Regale. Ainsi fut-il ordonné en l' emologation de la Regence de Dame Loyse de Savoye, mere du Roy François premier. Pareillement Charles cinquiesme Regent pendant la prison du Roy Jean son pere, fut contraint apres le retour du Roy, d' obtenir un Edict confirmatif de toutes les provisions par luy faites en matiere de Regale. Qui feut du quatorziesme Octobre 1360. verifié en la Chambre des Comptes le quinziesme Janvier ensuivant. Vray que comme toutes autres choses, aussi ceste-cy a pris divers pliz, selon la diversité dés temps, jusques à ce que finalement elle s' est fermee en la maniere que nous observons aujourd'huy. Car s' il vous plaist reprendre les choses de plus haut, on ne doit faire aucune doubte que soubz la lignee de Clovis nul ne pouvoit estre eleu, & receu à Evesque, sans la permission de noz Roys. Meilleur, ne plus fidele tesmoin ne pouvons nous avoir pour cecy que ce grand Gregoire de Tours, qui fut de ce temps là. Que s' il vous plaist repasser, & courir toute son Histoire, à peine que vous trouviez une seule provision d' Archevesché, ou Evesché, que ce ne soit par commandement du Roy, quoy que soit, de son consentement. Qu' ainsi ne soit, vous y lirez uns Onomace, Theodore, Procule, Divise, en la ville de Tours, Monderic, Papole, dans celle de Langres: Cantin à Clairmont, Theeodoze, Innocence, à Rhodez, Domnole au Mans, Sulpice à Bourges, Dodon à Bourdeaux, Loere à Arles, Vice à Vienne: Pasceme à Poictiers, Nomuches à Nantes, avoir esté successivement Evesques, mais par le vouloir de noz Rois: Nonobstant que les Elections des Prelats eussent lieu en France, suivant les anciens Canons & Decrets. Et est cela si certain & arresté en cest Autheur, qu' en tous les endroits où il parle des Provisions des Prelats, il dit cestuy avoir esté pourveu par le commandement du Roy, cestuy-là par son consentement, l' autre pour avoir esté de luy choisi: & sur tout, le Clergé pour un general refrain se rend suppliant envers le Roy, qu' il luy plaise avoir pour agreable l' Election par luy faite, comme estimant qu' elle seroit de nulle valeur, si le Prince n' y interposoit ses parties. Coustume qu' il ne faut point trouver estrange, qui considerera comme les affaires de l' Eglise passoient adoncq', d' autant que nous les empruntasmes nommément des mœurs de l' Empire. Car c' estoit une regle generale, que nul Evesque ne s' osoit immiscer en sa charge, sans que premierement l' Empereur l' eust receu: & est une chose certaine que de tous les peuples, qui butinerent l' Empire, il n' y en eut jamais aucun qui raportast toutes les remarques de la Majesté Imperiale, comme les François. Et tant furent noz Roys jaloux de ce droict, que combien que les Gouverneurs des Provinces eussent presque toute puissance en leurs gouvernemens, toutesfois Rois ne leur donnoient le pouvoir de consentir à telles elections, ains voulurent que l' on eust recours à eux. Et c' est la cause pour laquelle nous lisons qu' apres la mort de Ferrobe Evesque en Provence, Diname Gouverneur de ce pays là, ayant fait pourvoir Albin en cest Evesché, sans en advertir le Roy, Jovin receut commandement expres de luy, d' y en commettre un autre: mais Albin estant decedé avant ce mandement receu, & Diname ayant prevenu Jovin, & fait pourvoir Marcel Diacre, il en fut dechassé, comme ce droict de confirmation dependant nuement de la volonté du Roy, & non d' autre. Proposition qui s' est depuis à bonnes enseignes ramantue soubz la troisiesme lignee de nos Roys.

Si ce privilege fut en nos Rois sous leur premiere famille, il ne faut pas estimer qu' il fust perdu sous la seconde. Car au contraire ceux-cy disposerent des Eveschez avec plus de liberté. Le defaut que l' on reprenoit aux premiers estoit qu' ils en gratifioient les Courtisans, & ceux qui auparavant n' avoient jamais fait profession de Clergie. Tellement qu' estans destinez par le Roy, du jour au lendemain ils prenoient la tonsure, puis les ordres, pour être consacrez. Et c' est la grande clameur qu' en faisoit sainct Gregoire par ses missives à la Royne Brunehaut, & au Roy Childebert son fils, ne s' estant au surplus jamais plainct en aucune de ses Epistres, de l' authorité que nos Roys interposoient en telles affaires. Qui me semble un grand poinct pour le fondement de nostre Regale. Le premier qui apporta de l' abus fut Charles Martel, n' ayant encores transporté en sa famille le nom & tiltre de Roy, ains seulement de Prince des François, ou Maire du Palais. Car il priva licentieusement Rigobert de son Archevesché, pour la donner à Milon Capitaine, qui l' avoit suivy és guerres contre les Sarrazins, & dict Flodoard à la suitte de cecy. 

Hic Carolus ex ancillae stupro natus, ut in annalibus Regum de eo legitur, cunctis qui ante se fuerant, audacior Regibus, non solum ipsum, sed etiam alios regni Episcopatus Laicis hominibus, & Comitibus dedit. 

Ce Charles (dit-il) qui fut engendré d' une servante, comme nous lisons és Annales des Roys, fut plus hardy que tous les Roys du passé: Parce qu' il donna non seulement cestuy, mais aussi tous les autres Eveschez de France à des gens Laiz, & des Comtes. En un Concil tenu sous Pepin, le quatriesme an de son regne, à Vernes, il fut ordonné que les Evesques chastieroient les Religieux ou Religieuses discoles, ou en ce defaut les Metropolitains, que le Roy entendoit distribuer par les Provinces. Dans Rheginon, Charles le Chauve donne l' Archevesché de Treves à Hilduin Abbé, l' un de ses favoris. Bref il ne faut point faire de doute que nos Roys sous ceste lignee n' eussent aussi bonne part aux promotions des Evesques, qu' ils avoient soubs celle de Clovis: & ne me puis persuader qu' ils l' eussent par privilege d' Adrian Pape, en un Concil celebré à Rome. Car il eust donné une chose dont luy, ny tous ses devanciers, n' avoient jamais iouy en ce Royaume, & mesmement à ceux qui en estoient en possession: & aussi que si ceste liberalité eust esté vraye, elle n' estoit point de si peu de recommandation, que les Historiographes, qui florirent sous ceste lignee (je veux dire Aimon, Rheginon, & Flodoard) n' en eussent laissé quelques memoires à la posterité. Desquels toutesfois nous n' en avons aucuns, fors de Gratian, qui est moderne, au regard d' eux, lequel comme j' ay dict, se vante avoir pris l' eschantillon, qu' il nous en donne, d' une ancienne histoire, sans nous donner le nom de l' autheur. Joint que de ce Concil, qui toutesfois estoit de marque, pour l' importance, on n' en trouve rien en tous les quatre tomes des Concils. Parquoy on me le pardonnera, si en cecy, où je voy l' ancienneté le dedire, je n' adjouste foy à Gratian, non plus qu' en la renonciation, qu' il dit avoir esté faite par le Debonnaire, dont il est le premier autheur, la rejettant sur les pactions qu' il dit avoir esté faites entre les Papes & ce bon Roy, desquelles mais que je voye les panchartes bonnes, & asseurees, j' y croiray, & non plustost. Aussi de le croire, ou de croire en cecy, c' est une chose indifferente, & qui ne tombe en article de foy. Ce n' est pas le premier, qui en telles affaires pour faire plaisir aux plus grands, s' en est voulu faire accroire. Nicephore pour favoriser son Prelat, fut si impudent de dire qu' au deuxiesme Concil de Constantinople la Primace de toutes les Eglises fut donnee à l' Evesque Constantinopolitain, au prejudice du Romain. Au contraire au sixiesme Concil, qui fut tenu en la ville de Cartage souz le Pape Boniface I. les Evesques estans en peine de trouver les anciens canons du vray Concil de Nice, Faustin Legat du Pape voulut persuader à toute la compaignie, que par le Concil de Nice, il avoit esté arresté, que si un Evesque accusé avoit esté condamné par ses Evesques comprovinciaux en plain Concil, & qu' il en apellast à Rome, la cause pouvoit être de rechef examinee par le Pape, ou par le Legat qu' il delegueroit sur les lieux, disant qu' il l' avoit ainsi apris. Toutefois fut cest article remis jusques à ce que ces Canons seroient extraicts de l' original du Concil, que l' on disoit être en la ville de Constantinople, par lequel fut trouvé qu' il n' y avoit rien de verité en ce que disoit ce Legat.

Que si lors que l' ambition n' avoit gaigné tel pied en l' Eglise, comme elle a fait depuis, on voulut falsifier les Concils, à l' advantage des autres: je dy Concils mesmement si solemnels, que ceux de Nice & Constantinople, combien devons nous apporter de craintes & regards auparavant que de passer condamnation de toutes les choses que Gratian nous a baillees pour anciennetez asseurees, lors mesmes qu' elles sont sans autheur? Quant à moy, pour ne sortir des termes, & limites de mon discours, je ne puis me persuader que le Debonnaire ait fait la renonciation, dont ce moine parle, en faveur des Papes, pour n' en voir rien qui soit approuvé. Joinct qu' ils n' eussent pas laissé passer si long temps par connivence les Investitures des Evesques faites par les Empereurs, si ce droict leur eust esté delaissé, lesquelles toutefois eurent cours sans destourbier jusques à l' Empereur Henry IIII. Et au regard du Concil que l' on pretend avoir esté faict sous Adrian, s' il est vray (comme je n' y puis facilement condescendre) tant y a que je pense que noz Roys faisoient plus pour les Papes, que non les Papes pour eux: recognoissans tenir de la Papauté un droict, qu' auparavant ils tenoient de leur Royauté: tout de la mesme façon, que les Empereurs avoient estimé tenir les Investitures des Evesques, de la Majesté de l' Empire. 

Mais pour retourner à mon premier discours, encores que la desbauche de l' Eglise sourdit principalement sous ceste seconde famille en la France, si est-ce que la posterité de Charles Martel fut plus retenue que luy en la concession des Eveschez, ne permettans pas aisement qu' elles tombassent és mains de personnes layes, ains sans plus les Abbayes, Doyennez & autres dignitez de l' Eglise. Et neantmoins se donnoient les Eveschez tantost de la pure liberalité de nos Roys, tantost par elections confirmees par eux. Le premier improuvé par les Concils qui furent lors tenus entre nous, & le second approuvé. Car au premier Concil tenu dans Paris, les elections du Clergé, & peuple, furent par l' article huictiesme ramenees en usage, & defendu nommement que nul ne peut être appellé à la dignité Episcopale, que par le commandement du Roy, avec injonctions expresses à tous les Evesques sufragans, & Comprovinciaux, de n' en recevoir par autre voye, sur peine d' excommunication. Et au cinquiesme Concil d' Orleans article dixiesme, estoit porté. 

Ut nullum Episcopatum donis, aut comparatione liceat adipisci, sed cum voluntate Regis, iuxta electionem Cleri, ac plebis, sicut in antiquis Canonibus scriptum continetur, consensu Cleri ac plebis, à Metropolitano, vel quem Vice sua miserit, cum provincialibus Pontifex consecretur. 

Que nul (dit-il) ne parvienne aux Eveschez par dons, ou argent, ains par election du Clergé, & du peuple, avec le vouloir du Roy, ainsi qu' il est escrit aux anciens Canons, qu' il soit par le consentement du Clergé, & peuple consacré par le Metropolitain, ou son vicegerant, avec les autres Evesques. Qui est un Concil Gallican, par lequel vous voyez l' authorité du Roy être receuë pour les Eveschez, moyennant qu' elle soit jointe avec les elections. Suivant lequel on trouve une Epistre du Pape Formose à Foulques, Archevesque de Rheims, en laquelle il le reprend de ce qu' il ne vouloit consacrer Bertaire, qui avoit esté appellé à l' Evesché de Chaalons par election du Clergé, & consentement du Roy Eude. Et Hincmare, predecesseur de Foulques, qui siegea à Rheims l' espace de trente cinq ans, escrivit à Hilduin Abbé, qu' il moyennast envers Charles le Chauve, que l' on pourveust à l' Evesché de Terouanne par election: & depuis à Hugues autre Abbé, qu' il feist le semblable envers les Roys Louys, & Carloman, pour l' Evesché de Noyon suyvant les anciennes traces de leurs predecesseurs, & dit Flodoard qu' il adjousta à sa lettre ce qui s' ensuyt. Adiungens sacrorum Canonum promulgatam super electione canonicam authoritatem, & ostendens quod non Episcopi de palatio præcipiantur eligi, sed de propria qualibet Ecclesia: & quod de ordinando Episcopo, non Regis, vel Palatinorum debet esse commendatio*, sed cleri, & plebis electio, & Metropolitani in electione dijudicatio: deinde terreni Principis consensio, & sic fieri Episcoporum manus impositionem. Qui est à dire, Adjoustant à toutes ces remonstrances l' authorité ancienne des saincts Canons sur le fait des elections, & monstrant que ce n' estoit pas de la Cour du Roy qu' il falloit prendre les Evesques, ains de leurs propres Eglises & Dioceses: & qu' en l' ordination d' un Evesque, il ne falloit les recommandations ny du Roy, ny des Courtisans, mais l' election faite par le Clergé, & le peuple, puis la confirmation de l' election faicte par le Metropolitain, & en apres le consentement du Prince terrien. Et ce fait, les autres Evesques procedent puis apres à l' imposition des mains dessus cest esleu. Qui est un passage merveilleusement poignant, & à propos, pour monster de quelle façon on procedoit lors regulierement dans ce Royaume aux provisions des Evesques: Et sur tout, que nul Evesque ne pouvoit recevoir l' imposition de la main, jusques à ce que le consentement du Roy y eust passé. De toutes lesquelles choses nous pouvons recueillir que jamais l' on ne fit ny sous la premiere, ny souz la seconde lignee de nos Roys doute, qu' ils n' eussent bonne part à la promotion des Archevesques & Evesques. Car quant aux Abbayes, cela leur estoit tellement tourné non en coustume, ains en nature (comme il sera touché en son lieu parlant des Oblats) que nos Roys faisoient estat, qu' à eux seuls appartenoit la collation d' icelles. Au demeurant ne faut faire doute qu' ils n' appropriassent à eux le revenu des Eveschez quands ils vacquoient, & ce, peut être, pour autant qu' estant l' Eglise vefve & destituee de son espoux, & pasteur, elle n' en pouvoit pendant son interject de temps avoir plus fidele, & certain, que le Roy general patron, pasteur, & protecteur de ses Eglises. A ce propos lisons nous dans Flodoard, que Foulques Archevesque de Rheims, ayant l' œil, & l' aureille du Roy Charles le Simple son maistre à commandement, obtint unes bulles du Pape Formose, par lesquelles il vouloit qu' avenant le decez d' un Archevesque de Rheims, il ne fust permis aux Roys d' employer à leurs usages le revenu de l' Archevesché, ains qu' il fust reservé au futur successeur. Privilege que l' Archevesque de Rheims ne pouvoit obtenir, sinon pour se dispenser du droict commun de la France, introduit en faveur de noz Roys. Privilege toutes fois qui s' esvanoüit en fumee par la mort de Foulques, avec sa faveur. Par ce que non obstant ces bulles, il est certain que l' Archevesché de Rheims vacqua en Regale. Et n' estoit ceste coustume mal receüe de nos Prelats, ains d' une chose se plaignoient-ils seulement que noz Roys non contens de ceste iouyssance des fruicts, surpris par les embusches de leurs Courtisans, pendant ceste possession se disposoient d' aliener les biens immeubles des Eglises, lesquels ils assignoient à uns & autres en fiefs: Comme nous lisons qu' avoit fait Charles le Chauve pendant la destitution d' Ebon Archevesque de Rheims: & neantmoins à la postulation, & requeste d' Hincmare depuis restitua ce qui avoit esté par luy aliené. Et voyons en un Concil tenu à Mets sous le mesme Roy, que les prieres & supplications des Prelats tendirent principalement à ce qu' il luy pleust deleguer par les Provinces des Baillis (qu' ils appelloient Missos) pour cognoistre des alienations induës de telle nature de biens, a fin de les reincorporer aux Eglises, dont elles avoient esté eclipsees.