sábado, 5 de agosto de 2023

8. 29. C' est la Coustume de Lorry, où le batu paye l' amende.

C' est la Coustume de Lorry, où le batu paye l' amende.

CHAPITRE XXIX.

Quand un homme qui au jugement du peuple avoit bonne cause,  toutesfois par mal-heur a esté mal traicté en justice, on dit en commun proverbe, Qu' il est des hommes de Lorry, où le batu paye l' amende. Lisez la Coustume que nous appellons de Lorry, vous n' y trouvez point cest article, lequel toutesfois a esté autresfois en usage: Au moins trouve-je que le Roy Louys leur ayant octroyé plusieurs privileges, depuis Philippes son petit fils les leur confirma. La confirmation se trouve au memorial de la Chambre des Comptes qui traicte des annees 1448. jusques en l' an 1468. Encores que ce tiltre soit âgé de huict vingts ans plus que ce Memorial: Mais il faut que par occasion qui se presenta lors, il y ait esté inseré: & porte entr'autres articles, cestuy particulierement, Si homines de Loriaco Vadia duelli temere dederint, & praepositi assensu antequam obsides dederint, concordaverint, duos solidos, & sex donarios (: denarios) uterque persolvat. Si de legitimis hominibus duellum factum fuerit, obsides devicti centum & duodecim solidos persolvent. Il y a plusieurs autres articles: Et pour vous monstrer la longue ancienneté de ce tiltre, il y a au bout de ces mots: Sic signatum regni nostri octavo, Adstantibus in palatio nostro, quorum nomina supposita sunt, & signa, S. Comitis Theobaldi dapiferi nostri, S. Guidonis Buticularij, S. Guidonis Camerarij, S. Radulphi Constabularij. Data Vacante Cancellaria. 

Qui est à dire que si aucuns habitans de Lorry folement jettent leur gage de bataille, & que puis apres du consentement du Prevost ils accordent, l' un & l' autre sera condamné en l' amende de deux sols six deniers. Et s' ils combattent, les pleges de celuy qui aura esté vaincu seront tenus de payer cent douze sols. Aux autres gages de bataille le vaincu perdoit bien sa cause, mais je ne voy point qu' il fust tenu de payer aucune amende. Et paraventure de là vint en usage quand un homme mal traicté paye l' amende, on dit qu' il est de la Coustume de Lorry, où le batu paye l' amendé (amende).

8. 28. Nul n' est Prophete en son pays.

Nul n' est Prophete en son pays.

CHAPITRE XXVIII.

Jamais Proverbe ne fut plus veritable que cestuy: Car il nous a esté donné de la main de celuy qui en l' un de ses principaux tiltres se glorifioit d' estre la mesme Verité. Comme aussi le devons nous pour tel recognoistre. Chacun estant sans luy plongé dans l' abysme des tenebres, & neantmoins encores reçoit ce Proverbe quelque explication: Parce que de le prendre cruëment, & d' estimer que nul ne soit Prophete en son pays, nous avons veu le contraire par plusieurs exemples, mesmes par sainct Jean Baptiste son Precurseur, qui non seulement fut mis au rang des Prophetes, ains estimé Prince de tous autres Prophetes: Aussi en voyons nous d' autres dans la Bible avoir predit une infinité de choses sur l' avenement futur de nostre Seigneur, lesquels avoient pris leurs naissances au lieu mesmes où ils exerçoient leurs Propheties. Doncques la verité est que sous cest Adage, nostre Seigneur Jesus-Christ nous voulut enseigner que naturellement le peuple mesprise celuy qu' il a veu en son pays venir d' un bas lieu en un grand rang, & fait plus d' estat de l' autre dont il ne sçait les commencements & progrés, comme mesme cela se justifie par deux exemples, l' un tiré du vieux Testament, l' autre du Nouveau. Quand Dieu eut appellé Saül fils de Cis, conducteur d' asnes, à la Couronne des enfans d' Israël, il luy departit par mesme moyen l' esprit, & don de Prophetie: Et comme le peuple le voyoit, au milieu des autres Prophetes, prophetiser, il commença de s' en mocquer: Disant, n' est-ce pas icy le fils de Cis? comme s' il eust voulu dire, se peut-il faire que cestuy qui estoit extraict d' un si bas lieu, & auquel nous avons veu conduire les asnes, peut avoir attaint à ce hault poinct de Prophetie? Le semblable advint à nostre Seigneur, lors que faisant des miracles paradoxes devant tous, plusieurs ne se pouvoient induire à y croire. Comment, disoient-ils, n' est-ce pas icy le fils de ce Joseph charpentier, que nous avons veu entre nous, qui se mesle maintenant de faire des miracles? Car ils avoient opinion que Jesus Christ estoit vray enfant de Joseph. Toutesfois en telles affaires, la longue habitude & continuë de nos actions, fait puis apres oublier au peuple la memoire de ce que nous fusmes en nostre jeunesse. Ceux qui se veulent rendre plus admirables en leurs devotions, doivent espouser une solitude, & ne communiquer pas d' ordinaire avecques le peuple. Les frequentations, & privautez que nous avons des uns aux autres, diminuent je ne sçay quoy de l' opinion que l' on avoit conceuë de nous. Soit que cela procede, ou de nos imperfections, ou imperfections des autres qui nous mesurent à leur aulne: Je veux dire qu' estans toutes choses selon le sens humain accomplies en nous, ils y trouvent à redire par une envie, ou deffaut qui est en eux. Cela est cause que nostre sage Philippes de Commines en son histoire du Roy Louys XI. deffend sur toutes choses, les entre-veuës des Princes, comme n' apportans autre fruit le plus souvent, qu' un rabais de la reputation qu' ils avoient les uns des autres.

8. 27. De ce que nous appellons nos creanciers, Anglois.

De ce que nous appellons nos creanciers, Anglois.

CHAPITRE XXVII.

Guillaume Cretin remerciant le Roy François premier de ce nom, de quelque argent qu' il luy avoit ordonné, par le moyen duquel il avoit acquité toutes ses debtes, entre autres choses, dict ainsi:

Marchans, taquins, usuriers, incredules,

Pour recognoistre, ou nier mes sedules,

Me firent hier adjourner, & citer,

Et aujourd'huy je fais solliciter

Tous mes Anglois pour mes debtes parfaire,

Et le payement entier leur satisfaire, 

Clement Marot dans l' un de les Rondeaux qu' il adresse à un sien fascheux creancier.

Un bien petit de prés me venez prendre

Pour vous payer, & si devez entendre

Que ne vey oncques Anglois de vostre taille,

Car à tous coups vous criez, baille, baille,

Et n' ay dequoy contre vous me deffendre

Un bien petit.

Vous voyez par ces vers que l' un & l' autre appelle ses creanciers Anglois: Et à vray dire ce mesme mot en cette signification, tombe en la bouche ordinaire du peuple, sans sçavoir dont procede cela: Toutesfois il est aisé d' en rendre compte, qui considerera les traictez qui ont esté faicts entre nous & eux. On les appelloit autresfois anciens ennemis de la France, & certainement non sans cause: Car depuis que Louys le Jeune eust esté si jeune, & mal conseillé de repudier Leonor fille unique & heritiere du Duc d' Aquitaine, & qu' elle se fust mariee avec Richard Roy d' Angleterre, il seroit impossible de dire combien se trouverent grands les Anglois au milieu de nous: Par ce que de leur chef, & ancien estoc, la Normandie leur appartenoit: Et cette Princesse avoit annexé de nouvel à leur Estat tout la Guyenne, Poitou, Anjou, Touraine & le Maine, qui n' estoit pas un petit martel en la teste de nos Roys, dont Philippes Auguste premierement nous garentit. L' alliance qui depuis fut faicte avec eux par le mariage d' Isabelle fille de Philippes le Bel, avec Edoüart, introduisit une pepiniere de guerres, contre Philippes de Valois, & ses successeurs. Et finalement la conqueste que fit sur nous Henry cinquiesme, & le mariage de luy avec Catherine fille de Charles sixiesme apporta presque la ruyne finale de l' Estat. Or comme ces entresuites de guerres desirassent de fois à autres quelques relasches, aussi furent faits divers traitez, tantost de paix, tantost de surseances d' armes à longues annees, esquelles nous n' espargnions les belles promesses, soit d' argent, soit de restitution de pays, tesmoin le traicté de Bretigny pour racheter nostre Roy Jean de prison. Toutesfois les Anglois se sont faict accroire que nous ne nous acquitasmes pas, ainsi que nos capitulations le portoient. Si cecy est veritable ou non, je m' en rapporte à la verité de l' Histoire: Tant y a que Froissard, qui ne favorise pas grandement les François, est de cette opinion. Et de là est venu à mon jugement que nous appellons Anglois ceux qui pensoient que nous leur deussions. Et à ce propos me semble digne de recit, une Histoire qui s' est passee de nostre temps: Vous sçavez les pourparlers qui furent pour le mariage de la Royne Elizabeth d' Angleterre avecques François Duc d' Alençon frere du feu Roy Henry troisiesme. Qui ne se faisoient à vray dire que par mines, & beaux semblans. Car il y avoit trop grande disproportion d' aages, & peu d' esperance d' enfans: Mais ayant l' un à conquester la Flandre, l' autre à conserver les terres qu' elle avoit conquises sur le Roy Philippes d' Espagne, ils estoient contents que l' on estimast ce mariage devoir estre fait entre eux. Or comme ce jeune Prince s' eschappoit souvent à soy-mesme, aussi voulut il faire cette belle saillie. Qui fut d' aller trouver la Royne d' Angleterre, accompagné seulement de cinq ou six de ses plus confidents serviteurs. Et comme il fut arrivé apres l' avoir salüee, cette Dame qui parle assez bien François, luy dist qu' il estoit venu fort à propos pour payer les debtes qui luy estoient deuës par nous, deliberant de le tenir ce pendant en ostage. Ce Prince du commencement estonné, ne sçachant si à bon escient, ou petit semblant cette parole estoit proferee, fut aucunement à se repentir de ce voyage si hardy. Mais la Royne ayant accompagné cette parole d' un doux sous-ris, le Duc luy respondit qu' il estoit venu non seulement pour ostage, mais pour tenir prison clause, comme celuy qui estoit vrayement son prisonnier: Et ainsi estant le mieux que bien venu, fut par plusieurs jours festoyé avec toutes les allegresses que l' on pourroit souhaiter.