sábado, 5 de agosto de 2023

8. 30. D' où vient le mot de Bessons, & quelques autres mots François, tirez de mesme etymologie.

D' où vient le mot de Bessons, & quelques autres mots François, tirez de mesme etymologie.

CHAPITRE XXX.

Encores que le fruict soit petit de cette Recherche, si est ce que le labeur n' en est pas moindre. Quand deux enfans sont nez d' une ventree, nous les appellons Bessons, qui est un mot corrompu des Beshoms, tourné de deux mots Latins Bis homines, comme si nous voulions dire, deux hommes. Nos vieux François usoient de homs, pour hommes. Cette mesme rencontre s' observe en ce mot de Besicles, que nous appellons autrement Lunettes, parce qu' elles representent la forme de la Lune, desquelles nous usons pour mieux lire, quand la veuë commence de nous diminuer. C' est pourquoy les anciens les appellerent Bis oculi, doubles yeux, par ce mot abregé de *Basicles. Le mesme est-il au jeu de dez, quand nous tombons sur deux as nous les appellons Besas: & deux sacs recousus ensemble, on les appelle Besaces, ou Bisacs. Cette mesme composition se rencontre en ce vocable de Balevre, comme si nous disions Bis labra: Ainsi est-il de la Balance, parce que chaque costé d' icelle estoit par les anciens Latins appellé Lanx: & de là est que Ciceron en ses Tusculanes, parlant qu' au poids que Philolaüs faisoit de la vertu, elle emportoit en tout & par tout les biens du corps, & de fortune. Nos ancestres doncques appellerent l' instrument destiné à peser, Balance, du mot corrompu de Bilance, ou Belance, quasi Bis lanx. Tout cela en nostre langue a fort bonne grace, & tres mauvaise, si nous en usions ainsi en Latin: Mais c' est ce que j' ay dit ailleurs que nous avons amendé nostre langage du sien de celuy de Rome, comme l' on disoit de Virgile à l' endroit d' Ennius.

D' où vient le mot de Bessons, & quelques autres mots François, tirez de mesme etymologie.


8. 29. C' est la Coustume de Lorry, où le batu paye l' amende.

C' est la Coustume de Lorry, où le batu paye l' amende.

CHAPITRE XXIX.

Quand un homme qui au jugement du peuple avoit bonne cause,  toutesfois par mal-heur a esté mal traicté en justice, on dit en commun proverbe, Qu' il est des hommes de Lorry, où le batu paye l' amende. Lisez la Coustume que nous appellons de Lorry, vous n' y trouvez point cest article, lequel toutesfois a esté autresfois en usage: Au moins trouve-je que le Roy Louys leur ayant octroyé plusieurs privileges, depuis Philippes son petit fils les leur confirma. La confirmation se trouve au memorial de la Chambre des Comptes qui traicte des annees 1448. jusques en l' an 1468. Encores que ce tiltre soit âgé de huict vingts ans plus que ce Memorial: Mais il faut que par occasion qui se presenta lors, il y ait esté inseré: & porte entr'autres articles, cestuy particulierement, Si homines de Loriaco Vadia duelli temere dederint, & praepositi assensu antequam obsides dederint, concordaverint, duos solidos, & sex donarios (: denarios) uterque persolvat. Si de legitimis hominibus duellum factum fuerit, obsides devicti centum & duodecim solidos persolvent. Il y a plusieurs autres articles: Et pour vous monstrer la longue ancienneté de ce tiltre, il y a au bout de ces mots: Sic signatum regni nostri octavo, Adstantibus in palatio nostro, quorum nomina supposita sunt, & signa, S. Comitis Theobaldi dapiferi nostri, S. Guidonis Buticularij, S. Guidonis Camerarij, S. Radulphi Constabularij. Data Vacante Cancellaria. 

Qui est à dire que si aucuns habitans de Lorry folement jettent leur gage de bataille, & que puis apres du consentement du Prevost ils accordent, l' un & l' autre sera condamné en l' amende de deux sols six deniers. Et s' ils combattent, les pleges de celuy qui aura esté vaincu seront tenus de payer cent douze sols. Aux autres gages de bataille le vaincu perdoit bien sa cause, mais je ne voy point qu' il fust tenu de payer aucune amende. Et paraventure de là vint en usage quand un homme mal traicté paye l' amende, on dit qu' il est de la Coustume de Lorry, où le batu paye l' amendé (amende).

8. 28. Nul n' est Prophete en son pays.

Nul n' est Prophete en son pays.

CHAPITRE XXVIII.

Jamais Proverbe ne fut plus veritable que cestuy: Car il nous a esté donné de la main de celuy qui en l' un de ses principaux tiltres se glorifioit d' estre la mesme Verité. Comme aussi le devons nous pour tel recognoistre. Chacun estant sans luy plongé dans l' abysme des tenebres, & neantmoins encores reçoit ce Proverbe quelque explication: Parce que de le prendre cruëment, & d' estimer que nul ne soit Prophete en son pays, nous avons veu le contraire par plusieurs exemples, mesmes par sainct Jean Baptiste son Precurseur, qui non seulement fut mis au rang des Prophetes, ains estimé Prince de tous autres Prophetes: Aussi en voyons nous d' autres dans la Bible avoir predit une infinité de choses sur l' avenement futur de nostre Seigneur, lesquels avoient pris leurs naissances au lieu mesmes où ils exerçoient leurs Propheties. Doncques la verité est que sous cest Adage, nostre Seigneur Jesus-Christ nous voulut enseigner que naturellement le peuple mesprise celuy qu' il a veu en son pays venir d' un bas lieu en un grand rang, & fait plus d' estat de l' autre dont il ne sçait les commencements & progrés, comme mesme cela se justifie par deux exemples, l' un tiré du vieux Testament, l' autre du Nouveau. Quand Dieu eut appellé Saül fils de Cis, conducteur d' asnes, à la Couronne des enfans d' Israël, il luy departit par mesme moyen l' esprit, & don de Prophetie: Et comme le peuple le voyoit, au milieu des autres Prophetes, prophetiser, il commença de s' en mocquer: Disant, n' est-ce pas icy le fils de Cis? comme s' il eust voulu dire, se peut-il faire que cestuy qui estoit extraict d' un si bas lieu, & auquel nous avons veu conduire les asnes, peut avoir attaint à ce hault poinct de Prophetie? Le semblable advint à nostre Seigneur, lors que faisant des miracles paradoxes devant tous, plusieurs ne se pouvoient induire à y croire. Comment, disoient-ils, n' est-ce pas icy le fils de ce Joseph charpentier, que nous avons veu entre nous, qui se mesle maintenant de faire des miracles? Car ils avoient opinion que Jesus Christ estoit vray enfant de Joseph. Toutesfois en telles affaires, la longue habitude & continuë de nos actions, fait puis apres oublier au peuple la memoire de ce que nous fusmes en nostre jeunesse. Ceux qui se veulent rendre plus admirables en leurs devotions, doivent espouser une solitude, & ne communiquer pas d' ordinaire avecques le peuple. Les frequentations, & privautez que nous avons des uns aux autres, diminuent je ne sçay quoy de l' opinion que l' on avoit conceuë de nous. Soit que cela procede, ou de nos imperfections, ou imperfections des autres qui nous mesurent à leur aulne: Je veux dire qu' estans toutes choses selon le sens humain accomplies en nous, ils y trouvent à redire par une envie, ou deffaut qui est en eux. Cela est cause que nostre sage Philippes de Commines en son histoire du Roy Louys XI. deffend sur toutes choses, les entre-veuës des Princes, comme n' apportans autre fruit le plus souvent, qu' un rabais de la reputation qu' ils avoient les uns des autres.