martes, 8 de agosto de 2023

9. 14. Conclusion de tous les Discours precedans concernans l' Université de Paris.

Conclusion de tous les Discours precedans concernans l' Université de Paris.

CHAPITRE XIV.

Par tout ce que je vous ay cy dessus discouru vous avez peu entendre, que l' Université de Paris ne prit tout d' un trait sa fondation, ny grandeur, ains s' accreut petit à petit par divers moyens. Qu' elle prit son premier plant en l' Eglise de nostre Dame, son second à celle de S. Victor, son troisiesme à sainct Julian, son quatriesme aux quatre grandes Escoles de la ruë au fouërre, son cinquiesme aux Escoles de Decret & de la Medecine, pour l' enseignemet de ces deux Facultez: son sixiesme en unes & autres des particuliers, lesquelles estoient loüées par les Maistres, & Docteurs, qui avoient permission du superieur d' enseigner. Je parleray cy apres des Colleges qui furent depuis introduits. Mais tant y a qu' auparavant leur introduction la commune Police de nos Estudes, estoient leçons qui se faisoient publiquement à tous les Escoliers s' y trouvans. Et a fin que ne pensiez que ce soit fable, cette mesme discipline fut observee sur la fin de ce temps là, ailleurs. Dieu voulut que l' Empereur Federic II. de ce nom, Roy des deux Siciles, institua pendant son regne, une nouvelle Université dedans Naples, ville capitale de son Royaume, en laquelle vous trouverez avoir esté par luy ordonné cela mesme qui estoit par nous pratiqué en cette Université. Vray qu' il y a une particularité qui n' estoit chez nous: Car tous les sujets du Royaume estoient deffendus d' aller estudier ailleurs qu' à Naples.

Deffences qui ne se trouvent avoir esté faites en faveur de l' Université de Paris. Au demeurant je trouve l' autre conforme à cette cy. Je vous copieray icy le passage que j' ay tiré de Messire Pierre de Vineis, Chancelier de cet Empereur, au troisiesme livre de ses Epistres:

Disponimus (dit Federic) apud Neapolim amoenissimam civitatem, doceri artes cuiuscunque profeßionis, & vigere studia, ut teiuni, & famelici doctrinarum, in ipso regno inveniant, unde ipsorum aviditati satisfiat, neque compellatur ad investigandas scientias, peregrinas nationes expetere, nec in alienis regionibus mendicare, Et quelque page apres. Volumus igitur, & mandamus vobis omnibus, qui Provincias regitis, quique administrationibus praesidetis, ut haec omnia paßim & publicè proponatis, & iniungatis sub poena personarum & rerum, ut nullus Scholaris, legendi caussa exire audeat extra regionem, nec infra Regnum aliquid audeat alibi, vel docere, & qui de Regno sunt, extra Regnum in Scholis, sub poena praedicta, eorum parentibus iniungatis, ut usque ad Festum Michaëlis, tum proxime revertantur. Conditiones autem quas Scholaribus concedimus, erunt istae. Imprimis quod in civitate praedicta Doctores & Magistri erunt in qualibet facultate: Scholares autem undecumque venerint, securè veniant, morando, stando, & redeundo, tam in personis, quam in rebus, nullam sentientes in aliquo laesionem. Hospitium quod melius in civitatibus fuerit Scholaribus locabitur, pro duarum unciarum auri annua pensione, nec ultra; aestimatio eius ascendet: Infra praedictam autem summam, & usque ad illam, omnia hospitia aestimatione duarum unciarum locabuntur. Et combien que l' Empereur par son Edit semblast faire commandement, que les Estudes ne fussent ouvertes aux Siciliens ailleurs qu' en l' Université de Naples, toutesfois par l' Epistre treiziesme du mesme livre, il declare n' avoir entendu y comprendre les enseignemens qui se faisoient de toute ancienneté en la Grammaire, és villes de son obeïssance. Propter quod (dit-il) fidelitati tuae praecipiendo mandamus, quatenus Magistris quibuslibet, qui per terras iurisdictionis tuae, pueros in actis Grammaticae principis edocent, nullam occasione praedicta molestiam inferas, sed particularia eorum studia regere, sine impedimento quolibet patiaris. Voila quel fut l' Edit de Federic, auquel en establissant lors une nouvelle Université, vous ne voyez aucun establissement de Colleges, ains sales generales & communes, esquelles se doivent faire lectures communes & publiques aux Escoliers, à l' instar de ce qui se faisoit en l' Université de Paris: chose qui n' y est vrayement exprimee: Mais tant y a que l' usage commun estoit tel en nostre Université, laquelle nous devons estimer grandement loüable, d' avoir eu lors un si grand personnage que Federic second, qui à l' instar d' elle voulut forger sa nouvelle Université.

Il nasquit l' an mil cent quatre-vingts quatorze, dés l' instant de sa naissance à l' instigation de l' Empereur Henry son pere, la Noblesse de Sicile luy jura le serment de fidelité & obeïssance: Le pere meurt en l' an quatrevingts & quinze, Constance pere (mere) de ce jeune prince, se met tout aussi tost avec son enfant en la protection & sauvegarde du Pape Innocent troisiesme, le plus grand Pape à mon jugement, qui fut jamais dedans Rome, tant en matiere reguliere que seculiere, (j' entens tousjours excepter la Saincteté de sainct Pierre.) Ce jeune Prince par l' advis de son protecteur est couronné Roy à trois ans, sous le gouvernement de sa mere: Appellé à la conduite de l' Empire en l' aage de vingt ans, & ores qu' en sa jeunesse toutes choses luy vinssent à souhait; toutesfois venant sur l' aage il sentit plusieurs traverses, desquelles il fut affligé: mesmement en la ville de Panorme l' an mil deux cens cinquante, surpris d' une maladie, sous ce pretexte Mainfroy son fils bastard ne douta de le suffoquer avec un linge, & le faire mourir. Prince au surplus que Pandolpho Collennicho (Collenuccio) (qui a diligemment escrit l' Histoire de Naples) nous pleuvit pour personnage tres-accomply, tant de corps, que d' esprit, qui parloit le vulgaire Italien, la langue Latine, Allemande, Françoise, Gregeoise, & Sarrazine.

Je trouve l' Université de Naples avoir esté par luy bastie: mais non en quel temps, quelque recherche que j' en aye faite: Mais tant y a qu' estant (né) en l' an 1194. & mort l' an mil deux cens cinquante, c' est dedans l' entrejet de ce temps. Pendant lequel florissoit l' Université de Paris sans Colleges, ains seulement en l' exercice des leçons qu' elle faisoit és Salles publiques. Tellement que pour conclusion de ce pourparler, je veux dire que nostre Université avoit esté merveilleusement heureuse, ayant eu ce grand Prince, qui se reigla sur son modele, & ce Prince avoit esté grandement sage d' avoir reglé son nouvel edit sur la police de nostre Université.

Federic II, Naples, 1194, 1250
Federic II

9. 13. En quels lieux de la ville se faisoient les leçons aux Escoliers avant l' introduction des Colleges, où elles sont depuis abouties.

En quels lieux de la ville se faisoient les leçons aux Escoliers avant l' introduction des Colleges, où elles sont depuis abouties.

CHAPITRE XIII.

Je vous ay dit cy dessus, que du commencement la grande Eglise estoit voüée pour les lectures tant de l' humanité, que de Theologie, & que depuis les Escoles s' estans divisées en deux, la lecture de la Theologie resida comme auparavant en celle de nostre Dame, & celle de humanité, en l' Eglise de sainct Julian, & lors n' estoit nostre Université composee que de ces deux Facultez. Depuis s' estant augmentee des deux autres, c' est à sçavoir de celles de Decret & Medecine, considerons s' il vous plaist en quels lieux ces quatre Facultez estoient diversement enseignees. Quelques vieux resveurs discourans sur ce suject disoient, que c' estoit un pesle-mesle d' estudes, & que les chambres estans d' un costé loüees à escoliers, d' un autre à filles de joye, il y avoit sous un mesme toict, escoles de reputation, & de putasserie tout ensemble. Qu' il n' y eust lors autre police que celle là, & neantmoins que l' Université de Paris eust acquis tant de reputation qu' elle fust estimee la premiere de toute l' Europe: Hé! vrayement c' eust esté chose monstrueuse, dont je ne passeray jamais condamnation. Elle estoit bastie sur ces quatre grandes Facultez, pour l' exercice desquelles il y eut quatre maisons, d' une longue ancienneté affectees. Qui doute qu' en ces lieux, elles n' y fussent enseignees? Ces maisons nous enseignent que c' estoient les lieux, où leurs escoles estoient exercees: Autrement le mot d' escoles en Decret & Medecine leur eust esté en vain baillé, & fussent demeurées en friche. Car quant à la maison Episcopale pour la Theologie, avant que le College de Sorbonne eust esté creé, on n' en doute point: comme cette Faculté estoit une charge tresfonciere à l' Evesque. Et au regard de celles de Decret, & Medecine, moins en doit-on faire de doute. Car encores aujourd'huy les lectures s' y continuent avecques les actes de Bachelerie, Licence, & Doctorande.

Quand je vous ay dit que chacune des quatre Facultez avoit une maison pour cet effect, je cotte les quatre de la ruë au Fouërre pour une. Vray que pour le regard de ces escoles dediées aux Arts & Philosophie, ceux qui veulent pointiller sur cette ancienneté y trouvent plus d' obscurité: parce que dés pieça on n' y faict aucunes leçons: ce nonobstant je vous monstreray clairement que c' est chercher la nuict dedans le Soleil, de vouloir revoquer en doute ma proposition. On trouve dedans la Bulle de l' annee mil deux cens quinze, du Cardinal sainct Estienne Legat, entre divers reiglemens, cettuy-cy. Et quod libros Aristotelis de Dialectica, tam vetere, quam nova, in Scholis ordinarie, & duos Priscianos, vel alterum ad minus legant. Quelles estoient ces deux Dialectiques d' Aristote, vieille & nouvelle, & qui estoit le Priscian, autre que celuy qui s' est transmis jusques à nous, je laisse ce fuzeau à demesler par un autre plus curieux que moy. Ains me suffit de vous monstrer, que n' y ayant lors escoles pour enseigner les Arts & Philosophie, que celles de la ruë au Fouërre, c' estoient necessairement les quatre escoles de la ruë au Fouërre, dont le Legat de France entendoit parler par cest article. Et continuerent encores ces leçons sous le regne de Charles cinquiesme, bien que lors l' Université fust parsemée de Colleges. Car comme ainsi fust que maistre Gervais Chrestien son Medecin, extraict de Normandie, eust fondé un College qui porte son nom, en faveur de quelques pauvres escoliers boursiers, le Roy pour le gratifier y adjousta deux Mathematiciens, dont l' un seroit tenu de lire aux escoliers du College, & l' autre publiquement en l' escole de Normandie, ruë au Fouërre.

La verité doncques est que les quatre sales de cette ruë, estoient les grandes escoles basties pour enseigner les quatre nations, chacune en sa chacune. Et pour cette cause leur fut baillez les noms de France, Picardie, Normandie & Angleterre. Ny pour cela toutesfois on ne laissa pas de dresser dedans l' Université des Escoles particulieres, pour la commodité des escoliers, ainsi les veux-je appeller, à la difference des quatre publiques. Escoles dis-je toutesfois non dressees sur le modelle des Colleges, dont je parleray en son lieu. Mais lors qu' un Maistre és Arts, outre les Regens ordinaires des grandes Escoles, avoit permission de lire, il loüoit telle maison, salle, ou chambre qu' il pensoit luy estre beaucoup plus commodes pour l' exercice de ses leçons, és lettres humaines: A quoy on voulut encores adjouster une seconde police. Car se trouvans quelques autres Maistres aux Arts ayans pareille permission de lire, qui par une jalousie voulussent encherir sur les loyers de leurs compagnons, & par ce moyen les desposseder de leurs chaires, cela leur fut tres expressément & estroictement defendu, par le reglement du Cardinal sainct Estienne Legat. Nullus, (porte l' article) irrequisito inquilinc assensu, vel scholas accipiat, vel Domini facultatem habeat, requirendi. Privilege amplement confirmé par le Pape Innocent IV. estant en la ville de Lyon, duquel la Bulle estoit telle.

Innocentius Servus servorum Dei, dilecto filio Cancellario Parisiensi, salutem & Apostolicam benedictionem. Quia non omnes Parisius ad studium venientes, moribus qui scientiam adferunt se exercent; imo unus ad alterius hospitium sibi reddit interdum precij carridium: Nos volentes eorum utilitatibus consulere, & praesumptioni malignantium obviare, discretioni tuae per Apostolica scripta mandamus, ut nullus Magistrorum vel Scholarium Parisiensium, alterius conducat hospitium vel Scholas, quamdiu ipsas absque manifesta malitia retinere voluerit inquilinus, conductorem per censuram Apostolicam appellatione postposita compescendum. Datum Lugduni 2. id. Martijs, Pontificatus nostri anno secundo.

Innocentius Servus servorum Dei. Universis Magistris & Scholaribus Parisiensibus salutem & Apostolicam benedictionem. Universitati vestrae, authoritate praesentium districtius inhibemus, ne aliquis vestrum alterius scholas aut hospita absque illius consensu conducere praesumat. Datum Lugduni idib. Maij, Pontificatus nostri anno secundo. 

Ces deux Bulles furent donnees en la ville de Lyon, deuxiesme an du Pontificat d' Innocent quatriesme, qui avoit esté promeu en l' an mil deux cens quarante trois. Ce fut doncques l' an mil deux cens quarante quatre qu' elles furent par luy decernées, pendant le regne de nostre Roy sainct Louys, qui fut appellé à la couronne l' an 1227. & mourut l' an 1270.

En ces Escoles esparses par la ville se lisoient les lettres humaines, & aux grandes, uns Priscian, & Aristote. Celuy là comme fontaine de la Grammaire, & cettuy cy, de la dialectique & Philosophie. Cela avoit esté des pieça ordonné par les premiers & plus anciens statuts de l' Université, en termes generaux, comme je vous ay dit cy dessus, qui fut depuis expliqué par forme de commentaires en termes speciaux, par un reglement fait l' an mil deux cens cinquante quatre entre les Maistres és Arts qui lisoient aux grandes Escoles, comme il s' ensuit.

Anno Domini milleßimo ducentesimo quinquagesimo quarto. Noverint Universi, quod nos omnes, & singuli Magistri artium, communi assensu nostro, nullo contradicente, propter novum & inaestimabile periculum, quod in Facultate nostra imminebat, Magistris aliquibus lectiones suas terminare festinantibus, antequam librorum quantitas & difficultas requirat, propter quod, & Magistri legendo, & scolares audiendo, minus proficiebant, super ruina nostrae Facultatis anxiantes, & statui nostro praecavere volentes, pro communi utilitate, & studij nostri reparatione, ad honorem Dei, & Ecclesiae, statuimus, & ordinamus, quod omnes & singuli Magistri nostrae Facultatis, in posterum libros, quos in festo Sancti Remigij incipient temporibus inferius annotatis, veterem Logicam, videlicet librum Porphyrij Praedicamentorum, Peri ermenias, Demonstrationum, & Topicorum Boetij, Priscianum maiorem, & minorem, Topica & Elenchos, Priora & Posteriora, Ethicorum libros quinque, tres parvos libros, videlicet principia Barbarismi, Prisciani, de accentu, qui simul legantur, Philosophica Aristotelis, Metaphysica, & libri de Animalibus, libri Coeli, & mundi, libri meteororum, libri de anima qui cum naturalibus legantur, libri de Generatione, libri de Caußis, libri de memoria & reminiscentia, libri de differentia spiritus, animae, libri de morte & vita. Et dedans ce vieux statut sont cottez les mois, & temps, pendant lesquels on devoit proceder à la lecture de ces livres, que de propos deliberé j' ay voulu passer sous silence, me contentant de vous monstrer que nonobstant l' introduction des nouvelles Escoles qui estoient esparses par la ville, on ne laissa de continuer les estudes, comme devant és quatre grandes Escoles des Arts. Car d' attribuer cela aux nouvelles il n' y avroit aucune apparence. Pour autant qu' à la suite de ce que dessus, on parle du cours des Estudes qu' on y faisoit, qui estoit l' acheminement à la Maistrise aux Arts. Item nullus lectiones cursorias plures duabus aliquo die legibili, legere praesumat, nec plures tribus in die non legibili, nec cursum aliquem incipere audeat, donec prioris cursum terminaverit. Closture qui nous tesmoigne que l' article par moy cy dessus transcrit concernoit les Regens qui lisoient és grandes Escoles esquelles on passoit les Maistres és Arts. Et à tant je recueille de tout ce que dessus qu' en suivant, & continuant la discipline portée par l' ancien statut de l' an 1215. qui portoit en gros & en tasche commandement de lire aux grandes Escoles, le Priscian & l' Aristote, on les estala en l' an. 1254. par le menu, pour en bannir toutes les obscuritez que par sophistiquerie on y apportoit, & qu' aux Escoles privées on enseignoit les autres livres de Grammaire, Rhetorique & humanité selon la portée du temps. Que si quelqu'un se sentoit capable, il ne laissoit pour cela d' aller aux grandes Escoles pour apprendre le Priscian. Comme semblablement les autres qui se pensoient dignes d' estudier en Philosophie se mettoient au Cours és grandes Escoles, pour apres avoir estudié en Aristote passer Maistres és Arts, dedans le temps à ce prefix, & ordonné, & y faire les actes publics à ce requis & necessaires. Quand je vous nomme Aristote & Priscian, le progres du temps avoit aussi permis d' y enseigner les sciences plus relevees, comme je vous ay cy dessus touché parlant du College de Maistre Gervais.

Or comme les coustumes se tournent avecques le temps de l' une à autre, aussi l' usage des Colleges ayant gaigné pied dedans l' Université, on commença de mettre en oubly dedans ces grandes Escoles la lecture de Priscian (pour la confiner en ces nouveaux Colleges) & s' arresta l' on seulement en celle d' Aristote, laquelle fut encores depuis trans-feree aux mesmes Colleges. Choses dont se plaignoit le Cardinal de Touteville Legat en France sous le regne de Charles VII. en la reformation de l' Université, par luy faite au Chapitre De Artistis. Item monemus praedictos Regentes (porte l' article) conformiter ad antiqua statuta & laudabiles consuetudines, in facultate artium confirmandas cessante legitimo impedimento singulis diebus, & horis statutis, ad vicum stramineum se conferant, lecturi modo & forma, quibus supra regulariter & ordinarie, absque hoc quod referrent sibi plures textus una vice legendos, sed secundum statuta libros legant ad profectum auditorum, ut praemisimus regulariter & ordinarie. Et depuis on oublia tout à fait le chemin de ces Escoles, hormis que tout ainsi qu' anciennement apres y avoir fait son temps d' estude, on y recevoit le bonnet de Maistrise. Encores faisons nous aujourd'huy le semblable pour remembrance de cette antiquité, ores que nous ayons fait nos estudes de Philosophie dedans les Colleges: & me souvient que Pierre Ramus en la reformation qu' il desiroit estre faite de l' Université de Paris, par luy presentée au Roy Charles IX. disoit. Nuper vero diem, postremum obijt qui postremus in schola publica Philosophiae professor fuit. ****

9. 12. Faculté de Medecine.

Faculté de Medecine.

CHAPITRE XII.

Combien que la Faculté de Medecine soit l' une des plus anciennes professions qui se trouvent entre toutes les autres. Car elle prit son origine avecques l' homme & la femme, lesquels estans exposez aux maladies selon la diversité des occurrences, aussi fallut il y trouver des remedes, que nous appellons Medecines. D' ailleurs il faut particulierement porter reverence au Medecin (selon l' opinion du sage) pour la necessité qui reside en l' exercice de son estat. Considerations qui de premier œil nous pourroient aisément induire à croire, que par honneur elle fut anciennement defalquée des autres Arts & sciences, pour luy donner une place d' honneur à part avec les trois autres Facultez de l' Université de Paris. Toutesfois c' est un abus de le croire. Chaque nation a son air particulier qui luy cause la diversité de mœurs & humeurs, & consequemment des maladies, ce neantmoins nous allons mandier nos remedes au Levant, comme si nature eust esté en chaque pays si ingrate qu' elle n' y eust aussi produit les remedes.

Cette pratique ne fut introduite dedans Rome que six cens ans apres sa fondation, & en cette France nous ne commençasmes d' en recognoistre l' usage que bien avant sous la troisiesme famille de nos Roys. Pour le moins ny nos histoires anciennes, ny nos Romans faicts à plaisir; images de ce qui s' estoit passé par la France, ne nous en donnent aucuns enseignemens. Si un Chevalier est blecé, une Dame, ou Damoiselle a ses onguens pour guerir sa playe. Et dedans l' Arioste, un Medor couché à l' issuë d' une bataille entre les soldats morts en plaine campagne, est guery par la belle Angelique, dedans la maisonnette d' un Pastre. Ny pour cela ou ne laissoit de trouver sa guerison dedans Rome, ny dedans la France, tout ainsi comme depuis. Il n' est pas qu' encores aujourd'huy il n' y ait quelque reste de cette ancienneté chez nous au plat pays, ou la plus part des gens de village se guerissent de leurs fievres, non par les ingrediens (leçon ordinaire des Medecins qui demeurent és villes) ains par certaines herbes pilées, qu' ils appliquent seur leurs poignets, & avecques une longue patience rapportent, ce que l' on tasche de gagner par une precipitation dans les villes. Chaque nation a ses simples, non seulement tirez de la terre, ains de toutes sortes de subjects, voire quelquesfois bien vils & abjects, dont nous rapportons des operations merveilleuses pour nostre santé: & en cecy le principal defaut que j' y trouve vient de la fetardise, paresse, & nonchaillance de nos Ancestres. Car si aux hospitaux dediez à la guerison des pauvres malades, on eust fait registres des receptes, par le moyen desquelles on avoit diversement guery d' unes & autres maladies, tout ainsi qu' on avoit fait au temple d' Esculape, dont Hipocrat sceut fort bien faire son profit, nous n' avrions que faire d' autre aide que de nous mesmes.

Or combien que la maxime que je vous ay presentement proposée soit non seulement particuliere pour nostre France, ains generale & commune à toutes les nations, toutesfois elle s' est par succession de temps trouvée changée en toute l' Europe d' une bien longue ancienneté jusques à nous. La Grece produisit plusieurs beaux & rares esprits, desquels comme d' un Ocean sourdirent deux grandes fontaines, la Philosophie, & la Medecine. Quand je dy la Philosophie, j' enten les sages discours qui naissent naturellement parmy tous les peuples, pour l' entretenement & conduite de leurs mœurs, & vies bien reglées. Toutesfois en ce pays là se trouverent personnages de nom qui en donnerent divers preceptes, de quelle marque furent les Academiciens, Peripateticiens, Stoïques, Epicuriens, & plusieurs autres de telle marque, qui espandirent diversement leurs doctrines par l' univers, au desir, & contentement d' unes & autres personnes.

Le semblable leur advint il au fait de la Medecine, en laquelle le premier dans leurs histoires qui en enseigna la leçon à ses successeurs, fut Esculape, en l' ost Gregeois, au siege de Troye, où pour avoir fait des cures miraculeuses, il fut apres son decez deifié par Decret general des hommes, & à luy consacré un Temple en l' Isle de Lago, lieu de sa naissance, où par une devotion solemnelle, & hereditaire de pere à fils, on appendoit, & les regles qu' ils trouvoient servir à l' entretenement de la santé, & les bonnes receptes par le moyen desquelles les malades avoient trouvé guerison: dont quelques centaines d' ans apres le grand Hipocrat sceut fort bien accommoder ses livres (ainsi que j' ay dit cy dessus) qui sont, & ont esté tant honorez, & estimez par sa posterité, non toutesfois sans le controlle des siens. Dautant qu' apres son decez il fut d' un gnet (guet) à pens contredit en tout, & par tout par Chrisippe, & luy par Erasistrat, prenans plaisir à se dementir l' un l' autre, tout ainsi que les Philosophes en leurs sectes. Tellement qu' il n' y avoit rien plus certain en l' exercice de cest Art, que l' incertain. Et neantmoins ne laissoit un chacun d' eux de faire de grands gains, & de grandes Cures dedans cette incertitude. Cela fut cause que les esprits les plus retenus & solides de Rome ne pouvoient bonnement gouster qu' on donnast seur accez en leur ville à ces Medecins de la Grece. Ainsi trouvons nous que Caton le Censeur, voyant que de son temps on commençoit de forligner en cecy, escrivoit à son fils, que cette nouvelle introduction seroit une nouvelle ruine des hommes, dont avecques le temps on verroit ses effects plus amples.

Ce que je vous dy icy, n' est pas pour vilipender cette Faculté (ja à Dieu ne plaise que cette opinion m' entre en la teste) ains pour vous reciter ce qui est de la verité historiale sur ce subject, & comme toutes choses s' y sont passées. Tout de cette mesme façon en France, des & depuis le regne de Pharamond, qui commença de regner en l' année quatre cens vingt, jusques au Roy Louys septiesme, qui commença de regner en l' année mil cent trois, & mourut en l' année mil cent octante, nous ne sçavions en cette France que c' estoit de la Medecine des Grecs. Mais comme sous le regne de Louys, plusieurs belles ames s' addonnerent, qui à la nouvelle Theologie de Pierre Lombard, qui aux Decrets de Gratian, aussi firent elles le semblable en la doctrine du grand Hipocrat, & de Galien son commenteur (ainsi le veux-je appeller, ores qu' il y ait apporté plusieurs belles choses du sien) Car il y avoit assez de subject en eux pour allecher & contenter les esprits deliez & curieux, lesquels ne feirent estat de la Medecine que l' on exerçoit d' ancienneté par la France, comme d' une Medecine rurale dont on ne pouvoit rendre raison, & en laquelle y avoit beaucoup plus de hazard que d' art: au moyen dequoy ils prindrent le nom de Physiciens du mot Grec, c' est à dire de gens qui sçavoient & enseignoient, tant les mouvemens de nostre nature, que de nos maladies. Science qu' ils avoient apprise des Grecs. Toutes nouveautez plaisent, sinon aux plus sages, pour le moins au commun peuple, qui a le dessus des sages par la pluralité du nombre. C' est pourquoy ces nouveaux Docteurs commencerent d' estre en credit, lors que vers le regne de Louys septiesme l' Université commençoit de naistre, & en fit on une Faculté particuliere avecques les trois autres de Theologie, Decret, & des Arts. Et par ce que chacun desireux de nouveauté y accouroit, il fut par un Concil general tenu en l' année mil cent soixante trois sous le regne de Louys VII. en la ville de Tours, où le Pape Alexandre troisiesme presida. Defendu à tous Religieux profez de sortir de leurs Cloistres, pour aller ouyr les leçons, tant de ces nouveaux Physiciens que legistes. Nous en avons les prohibitions & defenses expresses d' Alexandre en ces mots. Statuimus ut nulli omnino post votum Religionis, & post factam in aliquo loco profeßionem ad Physicam, legesve mundanas legendas permittatut exire. Si vero exierint, & ad claustrum suum, intra duorum mensium spatium non redierint, sicut excommunicati ab omnibus evitentur. Defenses qui estoient provenuës du Concil tenu à Tours, comme nous apprenons du Pape Honore troisiesme. Contra Religiosas personas de claustris exeuntes ad audiendum leges, vel Physicam, Alexander praedecessor noster olim statuit in concilio Turonensi, ut nisi infra duorum mensium spatium ad claustrum redierint, sicut excommunicati ab omnibus evitentur. Qui nous enseigne que lors la Medecine des Grecs, qu' ils appelloient Physique, estoit autant nouvelle en la France, que les loix Romaines. Laquelle depuis s' est esparse non seulement dedans la ville de Paris, ains par tout le Royaume. Qui nous doit faire croire par les evenemens, que l' usage de cette Medecine Gregeoise y estoit necessaire.

Ne pensez pas je vous prie que je vous aye voulu en vain entretenir des discours du present Chapitre. Je vous ay cy dessus discouru que vers le commencement les Medecins prenans pied dans l' Université s' estoient accommodez de leur College pres les quatre grandes Escoles des Arts, toutesfois je sçay bien que quelques uns maintiennent, que l' Escole de Medecine au lieu auquel elle est maintenant assise, fut par les Medecins achetée l' an mil quatre cens septante & un, & l' année d' apres rebastie, toutesfois nous repaissans de cette opinion, ils recognoissent n' en avoir jamais veu les enseignemens, ains en parler par un ouyr dire.

Chose dont me voulant plus amplement informer, j' en ay parlé à quelques anciens Docteurs, miens amis, qui gouvernoient ordinairement le menage de cette Faculté, quand les occasions se presentoient, lesquels m' ont dit n' en avoir jamais veu dedans leurs archifs aucun titre. Au moyen dequoy je croy que c' est un Vaudeville. Bien peuvent elles avoir esté rebasties de nouveau, mais non acquises. Et ne me peut entrer en teste, soit ou que les Medecins pour la necessité de leurs fonctions, ou bien pour la nouveauté qu' ils introduisirent en la France, voulussent avoir cet honneur de faire une des Facultez de l' Université de Paris, & eussent esté si fetards qu' au milieu des trois autres, chacune desquelles avoit le siege de ses Estudes, ils eussent seuls fluctué sans avoir retraite, pour vacquer à leurs leçons, lectures, & actes publiques, qu' il leur convenoit faire, pour parvenir à leurs licences, & doctorandes. Singulierement en esgard que cest Art Gregeois ne pouvoit estre du commencement trouvé bon par les personnes signalées. Et au surplus grandement me plaist la decision ancienne des Jurisconsultes, qui estiment en matiere de terres n' y avoir titres & enseignemens plus certains, que les anciennes bornes. Aussi voyant ce College de Medecine estre situé au lieu où estoit nostre premiere Université je croy que des ce mesme temps la Faculté de Medecine y fut establie, sauf à changer de jugement lors qu' on me fera apparoir de pieces contraires.