miércoles, 9 de agosto de 2023

9. 18. Introduction des Professeurs du Roy, autre plant des Escoles de l' Université de Paris.

Introduction des Professeurs du Roy, autre plant des Escoles de l' Université de Paris.

CHAPITRE XVIII.

Je vous ay cy-dessus discouru deux diverses manieres de leçons qui se firent en l' Université de Paris: L' une qui gisoit és grandes Escoles, & lors les Escoliers estoient espandus par la ville, avecques permission de vaguer où il leur plaisoit: L' autre aux Colleges, dans lesquels la jeunesse fut depuis enfermee pour y estudier. Et n' est pas certes une question petite, de sçavoir laquelle des deux est meilleure. La premiere a pour ses garends les Estudes d' Athenes, esquelles on voyoit les Escoles publiques des Academiciens, Peripateticiens, Stoïques, Epicuriens, & plusieurs autres, sous la conduite de ceux qui par une abondance, ou presomption de leurs sens, se faisoient chefs de part en leurs Sectes. Que cela mesme fut soigneusement observé, lors que les bonnes lettres quittans leur sejour d' Athenes, se vindrent loger dedans Rome: specialement sous les Empereurs, & entr'eux sous l' Empire d' Alexandre Severe, lequel ordonna Auditoires publics, non seulement à ceux qui enseignoient les Arts Liberaux, ains aux Mechaniques mesmes, quand ils se trouvoient exceller en leurs manufactures: Et à peu dire, les anciennes villes, esquelles les sciences furent en vogue, n' eurent jamais cognoissance des Colleges, tels que nous avons dedans Paris, desquels on pourroit dire ce que disoit le Demea de Terence, que le tout bien calculé, l' aage, le temps, & l' usage, nous faisoit souvent trouver mauvaises les choses qu' avions auparavant embrassees, & bonnes celles que vilipendions. Que cecy se verifie au cas qui s' offre: qu' en l' institution de la jeunesse, il n' est pas seulement question des lettres, ains des mœurs. Que celuy qui est logé en chambre par la ville, peut plus aisément lascher la bride à sa desbauche: Partant que le Conseil des peres & meres fut plus sage, d' enfermer leurs enfans dedans les Colleges, qui par ce moyen seroient contraincts de s' accoustumer à l' estude, & tout d' une main imprimer l' image des bonnes mœurs en leurs ames. Mais à quel propos tout cecy? Non pour autre, sinon pour me condamner, & vous dire que ce sont de beaux propos dressez mal à propos: car comme les affaires de nostre Université sont composees, nous y exerçons l' une & l' autre police. Enfermans les enfans de bas aage dedans les Colleges pour y estudier, & s' estans par quelques annees accreus d' aage, & de sçavoir, nous les envoyons aux leçons publiques des Professeurs du Roy: qui est le sujet du present chapitre, dans lequel & autres suivans je me delibere discourir de fonds en comble comme les choses se sont pour cet esgard passees & conduites jusques à huy. Nous eusmes sur nos jeunes ans un Roy François I. de ce nom, zelateur des bonnes lettres, lequel le renvia non seulement sur tous ses ancestres, ains en rapporta le laurier. Le malheur du temps avoit voulu qu' ores que l' Université de Paris fust en honneur par dessus toutes les autres de l' Europe, toutesfois on n' y cognoissoit la langue Hebraïque que de nom: Et quant à la Grecque, bien que l' on en fist quelque estat, c' estoit plus par contenance, que d' effect. Car mesmes lors qu' il estoit question de l' expliquer; ceste parole couroit en la bouche de plusieurs ignorans, Graecum est, non legitur: Et au regard de la Latine (exercice ordinaire des Regens) c' estoit un langage goffe & grossier. Ce Roy estoit, comme j' ay dit naturellement adonné aux lettres, dont dés sa jeunesse (portant le seul titre de Duc d' Angoulesme) il avoit fait si belles preuves, que le gentil Baltazard de Chastillon en son Courtizan, se promettoit de luy, qu' estant Roy il restabliroit les bonnes lettres dedans son Royaume. Esperance dont il ne fut trompé; car quelques annees apres que ce Prince fut arrivé à la Couronne, il pourpensa d' eriger un nouveau College de doctes hommes, par lesquels les langues Grecque, & Latine, ensemble les sciences seroient diversement enseignees.

Je voy quelques uns discourans par advis de pays sur cette affaire, attribuer ce nouveau mesnage, les aucuns au docte Guillaume Budé seulement, les autres à Messire Jean du Bellay Cardinal, & Jean Lascary, & que par leur advis le Roy fut induit à ce faire. Non, il n' eut en cecy autre instigateur que soy mesme. Il estoit (comme j' ay dit) naturellement adonné aux lettres, aussi fut-il naturellement de soy-mesme inspiré à cette noble devotion. Bien recognoistray-je que depuis Budé servit de fidele instrument au public pour l' y maintenir. Et a fin que l' on ne pense que je parle maintenant par cœur, ains par livre, Christofle de Longueil, l' autre Ciceron de son temps, ayant sommé Budé par lettres, de luy mander comme il gouvernoit ses estudes. Elles sont (luy respondit-il) en friche; J' ay quitté ma maison de Marly (qui estoit leur sejour ordinaire) pour m' habituer à la Cour & suite de mon Roy: Que si je voulois maintenant reprendre la route de ma maison, l' on diroit que par une fetardise de moy, je serois deserteur de mon devoir envers ma patrie. Sçavoir pourquoy? Depuis que j' ay eu cet honneur d' haleiner le Roy, il luy est souvent advenu de declarer publiquement, non par hazard, ains de bon sens & propos deliberé qu' il vouloit bastir dedans Paris, les villes de Rome, & d' Athenes, pour y planter à bon escient la langue Latine, & la Grecque, & tout d' une main immortalizer sa memoire dedans la posterité. Voyant cette belle opinion nee en luy, je n' ay depuis doubté en le gouvernant, de la luy ramantevoir, non une, ains plusieurs fois, selon que les occasions s' offroient. Chacun se repaist de cette belle promesse, elle court par la bouche de tous, & chacun par un vœu & souhait commun me promet la conduite & direction de cet ouvrage, se faisant accroire que j' en estois le premier autheur. Au moyen dequoy si maintenant je m' absentois tant soit peu de la Cour sans le congé de mon Maistre, on m' imputeroit cela à une faute inexcusable: d' autant qu' il pourroit advenir que cependant l' ardeur Royale & Divine du Roy se tiediroit tout à fait. Quoy faisant on diroit que j' avois sous faux gages gaigné la faveur d' un Prince, lequel ayant de son propre mouvement & instinct embrassé ceste sainte institution, je me devois du tout dedier à l' entretenement & augmentation d' icelle. Ce que n' ayant fait, je tomberois en la malebouche de tous, si tant estoit (ce que ja à Dieu ne plaise) que ce beau projet reüssist à neant.

A tant Budé. Je me suis estudié d' habiller à la Françoise, & rendre, non mot pour mot, ains à ma guise, le sens de ce passage que j' ay extraict de la premiere du troisiesme livre de ses lettres Latines. Et parce qu' elle porte seulement la date du mois & du jour, non de l' annee, cette faute est suppleee par une autre subsequente du mois de Decembre 1520. qu' il adressa à Jacques Tusan, depuis Professeur du Roy en la langue Grecque, de laquelle le commencement est tel. Je croy facilement ce que m' escrivez, que la promesse faite par le Roy d' eriger un nouveau College, dont je vous ay donné advis par mes lettres, a resveillé en vous, & vos semblables un desir indicible d' estude. Et combien que depuis on n' en ait rien fait ny parlé, toutesfois je ne fais aucune doute que ce nouveau project sortira son effect tel que je souhaiterois, sinon qu' il advienne quelque desastre generalement à la France, & à moy particulierement, & à ceux qui avec moy ont embrassé cette affaire.

De ces deux missives je recueille, premierement que le Roy fut induit à cette noble entreprise de son propre instinct, puis entretenu en icelle par Budé & quelques autres Seigneurs; & finalement que ce College n' estoit encore creé en l' annee mil cinq cens vingt. Les coadjuteurs de Budé furent ainsi qu' est la commune voix, Messire Jean du Bellay Cardinal, & Jean de Lascary de la famille des derniers Empereurs de Constantinople.

La fuitte du Connestable de Bourbon, l' expedition en Italie pour le recouvrement du Milannois, la prise du Roy François premier, sa prison en Espagne, Ostages de Messieurs ses enfans, allees & venuës pour la negociation de sa rançon, tout cela dis-je, fut cause de mettre en surseance ce beau dessein, jusques à ce que les affaires de France s' estans par un Traicté de paix assez fascheux, aucunement r'affermies de mal en bien, & de bien en mieux; le Roy en fin se trouvant deliuré de corps & d' esprit, revenant à son premier penser, ouvrit la porte à ce College, non toutes-fois tout d' un coup, ains selon & à mesure que Budé (sur lequel il se reposoit) trouvoit gens sortables pour luy presenter, sur la nomination duquel ils obtenoient leurs lettres de provision, chacun aux gages de deux cens escus, valans quarante cinq sols pour piece. Son premier dessein n' estoit pour le fait dés langues, que de la Grecque, 

& Latine, comme vous voyez par le passage de Budé, toutesfois mettant la main à l' œuvre il y adjousta l' Hebraïque. Chose dont Vulteius, qui lors avoit acquis quelque nom de Poëte, congratuloit à la France au second livre de ses Epigrammes, escrivant à Estienne Dolet

Nunc ubi gymnasium, Schola nunc ubi, quaeso, trilinguis

Gallia nunc habet hoc nobile Regis opus.

Et en quelque Epigramme suivante, qu' il adresse au Roy.

Barbaries, Latij quicquid sermonis habebant, 

Abstulerat Gallis rusticitate sua. 

Iussisti renovare artes, & crescere linguas,

Te duce ius retinet lingua Latina suum. 

Ausonias, Graecas, resonat gens Gallica voces,

Hebraeasque tuo munere docta colit. 

Hoc miratur opus terrarum maximus orbis, 

Et loquitur mores Barbara terra tuos. 

Caesaris Augusti cecinit miracula Marcus,

Augusto nobis Caesare maior eris. 

Iamque Minerva suos te praeside iactát honores, 

Exultat Pytho nomine clara tuo.

Barbaries contempta gemit, te Principe victus

Exulat impostor, monstráque cuncta jacent. 

Vive diu foelix Francisce, hoc nomine Regem

Quem primum nostro fata dedere bono.

Vive iterum, atque iterum foelix Francisce, Minerva

Ut vivas foelix, & moriare, cupit. 

Epigramme que je vous estale tout de son long, non que j' y trouve aucun nez, ains seulement d' autant que vous y trouvez l' establissement des trois langues en ce college, par celuy qui escrivoit en ce temps-là: car ses Epigrammes furent imprimees à Lyon l' an 1537.

Au demeurant il n' y eut sous le regne de François I. qu' unze places destinees à ce noble & Royal exercice, & la 12. erigee à la postulation & requeste de Charles Cardinal de Lorraine par le Roy Henry second, en faveur de Pierre Ramus, sous le titre de Professeur du Roy en l' Oratoire & Philosophie. Et le premier de tous fut Pierre Danes, depuis Evesque de la Vaur, & Ambassadeur pour le Roy, au Concil de Trente, lequel fut enterré l' an 1577. en l' Eglise sainct Germain des Prez aux Faux-bourgs de Paris, combien que son Epitaphe le qualifie premier Lecteur Royal és lettres Grecques: Ce qui pourroit apporter quelque obscurité sur le fait de cette primauté, pour dire qu' il fut seulement le premier au faict de cette profession, non des autres. Toutesfois la verité est qu' il fut le premier de tous les autres Professeurs, pourveu par le Roy François. Et voicy comment: Budé directeur de ceste compagnie, faisoit singuliere profession de la langue Grecque, comme vous peuvent tesmoigner les 5. livres de ses Epistres Latines, qu' il parseme ordinairement, non d' une simple parole Gregeoise, ainsi que faisoit anciennement Ciceron escrivant à son bon amy Atticus, ains de 12. & 15. lignes, & quelquesfois d' une page entiere: chose fort familierement par luy exquise & affectee; Mesme composa un livre de depesche en Grec, & finalement nous fit part de ses Commentaires de la langue Grecque. C' est pourquoy il meit premierement cette profession en avant, & par mesme moyen en fit pourvoir Danes de la premiere place de Lecteur. Quoy que soit nous ne luy revoquasmes jamais en doute cette primauté sur tous les autres pendant nostre jeunesse, ny mesme Monentueil Professeur du Roy, ancien és Mathematiques l' an 1594. apres la reduction de Paris en la harangue qu' il fit en l' honneur des Professeurs du Roy, à la premiere ouverture de les leçons: Et pour ne m' esloigner du temps de leurs creations, encore en trouverez vous quelque remarque dedans le mesme Vulteius, par moy cy-dessus allegué au premier livre de ses Epigrammes: où ayant dressé une Epigramme à Budé comme port'enseigne de cette compagnie, il en adresse tout soudain apres un autre à Danes, puis à Tusan, puis à Vatable, Oroncefinee, Stragelle, & Sylvius: Et y a bien grande apparence qu' il les honora tous selon l' ordre de leurs receptions. Cette notable compagnie sur son advenement & depuis, produisit diversement plusieurs personnages d' honneur: En la langue Grecque uns Danes, Tusan, Stragelle, Cheradame, Dorat, Lambin, Helias: En l' Hebraïque Vatable, Mercerus à nous plus cogneu sous ce nom, que sous celuy de Mercier: Genebrard: Es Mathematiques Oronce, Maignan Pemia Forcadel: En la Medecine Sylvius, Goupille, Duret; Es lettres Humaines & Philosophie Gallandius, Tournebus, Regius, Aquercu, Charpentier, Passerat: Et entre ceux-cy principalement Tournebus & Ramus. Celuy-là admirable tant en la langue Grecque & Latine, qu' en la cognoissance de toute l' ancienneté, comme nous rendent certain tesmoignage les livres par luy intitulez Adversaria. Cestuy-cy d' un esprit universel, comme on recueille par ses œuvres, concernans tant les lettres Humaines que Philosophie. J' ay autres-fois appris de trois Allemans, gens d' honneur, qu' en plusieurs Universitez d' Allemagne, lors que ceux qui sont en chaire alleguent Tournebusb & Cujas, aussi tost mettent ils la main au bonnet, pour le respect & honneur qu' ils portent à leurs memoires. Et qu' és Universitez qui sont sous la domination du Lanthgrave de Hain, ils ont banny la Philosophie d' Aristote, pour embrasser celle de Ramus. Se donnans ceux qui estudient en Dialectique le nom & titre de Ramistes. Entre les Professeurs du Roy que je vous ay icy touchez, je ne nomme point les vivans: qui trouveront dedans la posterité leurs trompettes s' ils s' en rendent dignes.

Les Troubles de nostre temps, advenus sous le nom de la Ligue & saincte Union l' avoient effarouché de nostre Université tous les Escoliers vrays François: mais le feu Roy Henry le Grand quatriesme du nom, y ayant esté reintegré en l' an 1594. aussi commença elle à se repeupler: Et l' an d' apres Monentueil Professeur és Mathematiques, ouvrant le pas à ses leçons fit une harangue, comme j' ay dit cy-dessus en l' honneur de tous les Professeurs du Roy, qui avoient tousjours esté diversement espars par la ville: Ayans d' un commun concours choisi le College de Cambray, nombril de l' Université, pour y faire gratuitement leurs leçons publiques: College caduque & antique: cela fut cause que cet honneste homme en sa harangue, souhaita que nos Rois voulussent honorer cette compagnie d' un nouveau College. Souhait qui depuis a sorty effect. Parce que le docte Cardinal du Perron moyenna cet ouvrage envers nostre Henry quatriesme, duquel il estoit grand Aumosnier. Et par son Conseil fut arresté que des deux Colleges de Cambray & Triquier, qui s' attouchoient, en seroit fait un. Lequel sous la conduite de luy, a esté encommencé d' un si superbe arroy, qu' estants parachevé il ne trouvera son pareil en toute l' Europe.

Il y avoit au College de Sorbonne d' une bien longue ancienneté deux Bacheliers en Theologie, qui enseignoient sans gages la Theologie. Ramus dedans les Remonstrances qu' il fit au Roy Charles neufiesme, quelque peu auparavant nos Troubles de l' an mil cinq cens soixante & un, le supplia tres-humblement qu' il luy pleust appointer de bons gages, non des simples Bacheliers, ains deux Docteurs qui seroient tirez des plus Doctes Theologiens, dont l' un enseigneroit les sainctes lettres en Hebrieu, & l' autre en Grec. Cette Requeste fut un souhait pendu au croc, jusques à ce que Henry le Grand estant r'entré dedans Paris, le mesme Cardinal du Perron, estant lors seulement Evesque d' Evreux, obtint de luy que pour cet effect il y avroit deux chaires en la Sorbonne, aux gages de trois cens escus: Et qu' en celle de la matinée seroit faite une leçon de la Theologie contemplative, & en celle de l' apresdisnée, de la Morale. Et sur la nomination faite par ce docte Prelat, fut donnee la matinée à du Val, & l' apresdisnée à Gamasche. Tous deux superlatifs en ce suject, & voulut qu' avenant la mort de l' un d' eux, il fust procedé par le commandement de l' Evesque de Paris, à nouvelle eslection, sans brigues, appellez tous les Docteurs de la Sorbonne, & les deux plus anciens du College de Navarre. Lettres en forme de Chartres du mois de Juin 1597. verifiées au Parlement le 8. d' Aoust, & en la Chambre des Comptes, le 15. Septembre ensuivans.

9. 17. Autre plant des Escoles de l' Université de Paris.

Autre plant des Escoles de l' Université de Paris.

CHAPITRE XVII.

La discipline qui s' observa en ses pauvres Escoliers Boursiers qui estoient reclus, fut trouvee si bonne, que la plus part des peres & meres, envoyans leurs enfans à Paris pour estudier; les voulurent aussi loger dedans les Colleges pour eviter la desbauche: & cestuy est le septiesme mesnage de nostre Université. De là vint que les Colleges s' enflans d' Escoliers, on fut contraint d' y faire des Classes (mot dont Quintilian usa au premier Livre de ses Institutions Oratoires, au faict des jeunes Escoliers) & y avoir divers Precepteurs pour enseigner les enfans selon le plus ou le moins de leurs capacitez: Ceux-cy furent appellez Regens d' un mot emprunté du Concil general tenu dedans Rome en l' Eglise de sainct Jean de Latran sous le Pape Alexandre troisiesme. Où au Chapitre dix-huictiesme exhortant les Archevesques, & Evesques de nostre Eglise Gallicane (ainsi le trouverez vous en propres termes) on y adjouste. 

Ut quicunque viri litterati voluerint regere studia litterarum, & caetera. 

C' est à dire que les hommes doctes qui se voudroient regir & enseigner les bonnes lettres. De là nous avons non seulement appellez Regens ceux qui enseignoient la jeunesse en Humanité, & aux Arts: Mais aussi Docteurs Regens, en Decret, en Medecine, & aux Loix. Depuis cet ordre ainsi estably, parce que les Regens devoient estre passez Maistres és Arts, celuy auquel le fondateur du College avoit donné le nom de Maistre, pour avoir l' œil dessus tous ses Escoliers Boursiers, fut ores appellé Magister Paedagogus ores Principalis Paedagogus. Antiquité que vous recueillerez toute entiere d' un Article de la Reformation de Monsieur le Cardinal d' Estouteville sous le tiltre de Artistis. Item, Mandamus & praecipimus, ut quilibet Magister Paedagogus assumat sibi Regentes, & quoslibet submonitores, viros bonos, graves, & doctos, qui sint discipulis ad exemplum, & qui tales sint, ut pro merito suarum virtutum, & scientiae, revereantur à Scholaribus. Est enim metus, & reverentia nervus scholasticae disciplinae. Et ut tales apud se habeant, volumus eisdem Regentibus & submonitoribus, per Principales Paedagogos, de competenti salario, cum victu, provideri: Nec liceat quoquo modo Principali Paedagogo, aliquem in submonitorem accipere, à quo pensionem, vel quantamcumque summam pecuniae pro suo victu, cum labore docendi exigat, aut recipiat. Nec enim facilè est putandus idoneus, qui non suae industriae mercedem expetit, sed ipse sui laboris solvit usuram. Quod si quis reperiatur qui pro docendo, vel regendo quicquam dederit, à Regentia, & omni honore facultatis arceatur. 

Je vous ay voulu representer le passage, non seulement en consideration des mots dont je parle: Mais beaucoup plus pour la prudence qui se trouve en cet article, & en quelque autre ensuivant: Item circa praedictos Paedagogos, & domorum Principales Ministros &c. 

& tout d' une suite, Quia ex bonorum virorum relatione comperimus, nonnullos Magistros Regentes in Artium Facultate, ab antiquo more legendi, & regendi, &c. De tous lesquels passages vous apprenez que les Souverains des Colleges estoient appellez Magistri Paedagogi, aut Principales Paedagogi, & ceux qui sous eux enseignoient les enfans aux Classes, tantost Regentes, tantost Submonitores. Et comme le temps seul donne la vogue aux paroles, aussi est seulement demeuré le mot de Regent, & au principal gouverneur celuy de Principal seulement. Et ainsi que les affaires des Colleges vont, il y a trois sortes de Maistres: Le 

superintendant de tous les autres que nous appellons Principal, les Regens qui enseignent aux Classes, & les autres qui sans faire lectures publiques tiennent chambres à loüage du Principal, que l' on nomme Pedagogues, parce qu' ils ont la charge & gouvernement sur quelques enfans de Maison. De ces Escoliers nous appellons pensionnaires ceux qui sont à la pension du Principal, & Cameristes les autres qui sont nourris par leurs Pedagogues. Outre ceux-là il y a encore des Escoliers qui demeurent en ville hors les Colleges, qui vont ouïr les leçons d' uns & autres Regens selon que l' opinion leur en prend, ou aux Maistres qui les gouvernent. Les jeunes appellez Martinets, par nous, & les autres du nom de Galoches. Recherche vrayement plus curieuse qu' utile; non toutesfois à negliger quand vous entendrez que cette police ne fut pas jettee en moule, ny tout d' un coup par l' Université, ains petit à petit jusques à nous. Bien vous diray-je qu' elle estoit en usage dés le temps du Roy Charles V. comme nous apprenons par les Statuts du College des Dormans fondé par son Chancelier, dont l' un des articles estoit tel. Que tous Escoliers forains pourront aller estudier en ce College, à la charge que chacun d' eux payera par chacun an la somme de 4. sols Parisis pour le profit & entretenement du College. Ny pour cela n' estoient lors, ny assez long temps apres discontinuees les leçons que l' on faisoit aux grandes Escoles de la ruë au Fouërre, singulierement en la Philosophie, pour y passer les Maistres és Arts. Mais comme les leçons en Humanité se fussent peu à peu plantees dedans les Colleges, aussi firent le semblable celles de la Philosophie. Chose dont le Cardinal d' Estouteville en la reformation de nostre Université se plaignoit comme je vous ay cy-dessus monstré: ne nous estant rien resté de cette longue ancienneté, sinon que l' on y donne encore le bonnet de Maistrise aux Arts. Qui estoit la closture ancienne de la Philosophie en laquelle on y avoit estudié.

Et est advenu en l' oeconomie de ces Colleges ce qui advient ordinairement aux Blancques, esquelles les Benefices ne tombent souvent aux gens de merite. Ainsi veirent nos predecesseurs des Colleges s' estre advantagez avec le temps en reputation, ores que leurs Statuts originaires fussent foibles, & les autres estre demeurez en friche, bien qu' ils fussent fondez en plusieurs beaux & notables Statuts. De quelle marque sont les Colleges de Laon, Maistre Gervais, S. Michel, Boissy, & entre ces quatre celuy de Maistre Gervais. Je vous ay dit que le College de Sorbonne, est le premier & plus ancien de tous, lequel commença d' ouvrir sa porte dés l' an 1253. & le dernier est celuy des Grassins fondé l' an 1569. par Maistre Pierre Grassin Conseiller au Parlement de Paris. Cela s' appelle trois cens seize ans de l' un à l' autre.

9. 16. College de Navarre.

College de Navarre.

CHAPITRE XVI.

Ce College merite son Eloge particulier, aussi bien que celuy de  Sorbonne, non seulement pour la dignité de sa fondatrice, mais aussi pour la discipline que je voy y avoir tousjours esté religieusement observee. Jeanne Roine de Navarre, Comtesse de Champagne & Brie, femme & espouse du Roy Philippes le Bel, par son testament fait au Bois de Vincennes, le jour & feste de la nostre Dame de Mars l' an mil trois cens quatre, apres avoir fondé un Hospital en la ville de Chasteau-thierry, voulut aussi fonder un College dedans Paris en faveur de soixante & dix pauvres Escoliers, vingt Grammairiens, trente Artiens, & vingt Theologiens, à chacun desquels elle assigna honneste pension, pour son entretenement: & ordonna que son Hostel de Navarre, siz hors la porte sainct Germain des Prez fust vendu, pour des deniers qui en proviendroient de la vente, & autres, estre achetee une maison convenable dans la ville, en laquelle ces trois especes d' Escoliers fussent diversement logez. Qui avroient chacun endroit soy trois Maistres, je veux dire un en chaque profession. Et pour faciliter l' execution de sa derniere volonté, ordonna estre acheté de son revenu de Champagne és environs de Paris, deux mille liures tournois de rente en Fiefs, & terres Seigneuriales. Donnant pleine puissance à ses executeurs testamentaires; quoy que soit à ceux qui s' en voudroient charger, sans toutesfois mespriser les autres, de corriger, expliquer, & augmenter son testament. Chose qu' elle confirma par son Codicile du dernier jour du mesme mois de Mars au mesme an. Ordonnance vrayement tres-saincte, & digne d' une grande & devote Royne, suivant laquelle les executeurs, apres avoir adoüerié l' Hostel de Navarre, acheterent celuy que nous voyons aujourd'huy au Mont saincte Geneviefve, appellé du commencement College de Champagne, & depuis de Navarre. Nom qui luy est demeuré jusques à huy. Et se passerent les affaires de cette façon, que tout ainsi que dedans le pourprix de Paris, sejour ordinaire de nos Roys, il y a trois villes encloses, que nous appellons, Ville, Cité, & Université; aussi dedans l' enceinte de ce College Royal il y a trois Colleges divers, de la Grammaire, des Arts, c' est à dire de la Philosophie, & de la Theologie, & trois intendans, qui porterent le tiltre de Maistres: l' un pour l' Institution de la Grammaire, Rhetorique, Poësie, Histoire, & lettres humaines; l' autre pour la Philosophie, & le dernier pour la Theologie. Et eux trois en general pour la conduite des mœurs.

Les deux premiers devoient estre passez Maistres és Arts, & le troisiesme Docteur en Theologie, auquel les deux premiers estoient tenus de reveler les defaux de leurs Escoliers, pour y apporter remede. Comme celuy pardevers lequel residoit la generale surintendance du College: & qui d' ailleurs portoit le titre de Gouverneur, tant pour l' administration du temporel que du spirituel. Et pour cette cause on apportoit une grande circonspection, quand il estoit question de l' eslire: car dedans le testament on fait mention de luy sous ces mots. Un preud- homme seculier, Maistre en Divinité, qui lira aux Theologiens, & qui aura le general gouvernement de tout l' Hostel. Il sera esleu & estably gouverneur par le Doyen, & la greigneur partie des Maistres de la Faculté de Theologie, lesquels jureront sur saincts Evangiles à establir le dit Gouverneur, que pour amour, ne pour haine, ne pour affection d' amy, ne de nation, fors que purement, pource qu' ils croyent qu' il soit profitable, ils ne le reçoivent ne establissent gouverneur. Et sera tenu iceluy Gouverneur rendre compte chacun an des biens de l' administration de la dite maison deuëment, à la greigneur partie des Maistres dessusdits. De ce que dessus vous pouvez recueillir deux choses: L' une, avec quelle religion & conscience on procedoit a l' eslection de ce Maistre en Divinité, & comme il falloit avoir recours à la plus grande & saine partie de la Faculté de Theologie: L' autre, que tout ainsi qu' il avoit la superiorité sur les deux autres Maistres pour la discipline des mœurs de leurs Escoliers; aussi residoit pardevers luy le maniement du revenu & temporel, dont il en estoit comptable.

La Testatrice, comme j' ay dict, avoit ordonné que les deux mille liures de rente fussent achetees des biens de ses Comtez de Champagne & Brie: Qui fut cause que le Roy Philippes le Bel n' ayant donné ordre à cette acquisition, ces deux mille liures furent prises sur la Recepte generale de Champagne: chose qui s' est continuee jusques à huy. Or de tous les executeurs de son testament, qui estoient huit en nombre, il n' y en restoit plus que trois en l' an mil trois cens & quinze, Messire Simon Festu Evesque de Meaux, auparavant Confesseur de la Testatrice, Frere Gille Abbé de sainct Denis, & Messire Guy de Chastillon Comte de sainct Pol. Les deux premiers, apres avoir pris par escrit le consentement du dernier, voulurent suivant la permission à eux baillee, apporter quelque polisseure à la police portee par le testament: Et a fin de ne faire estat de tous les autres articles contenus és Statuts par eux faits du troisiesme Avril mil trois cens & quinze, je me contenteray de vous en representer trois seulement. La Princesse avoit par son testament ordonné une Chappelle pour l' administration du service Divin, sans faire mention du Patron, sous le nom duquel elle seroit servie: L' Evesque de Meaux son Confesseur, & qui par consequent avoit eu bonne part en sa conscience, & Gille son coexecuteur, nommerent sainct Louys ayeul de Philippes le Bel: Sous le nom duquel le service Divin a tousjours esté depuis administré. Elle avoit donné au Maistre en Divinité (que depuis nous avons appellé Grand Maistre) la charge du spirituel, & encore du temporel, dont il seroit comptable. Ce deux Prelats diviserent cette charge, & luy laisserent le spirituel avecques toutes les autres prerogatives à luy octroyees par le testament, fors & excepté du temporel, pour le maniement duquel ils establirent un Proviseur, & ores que dedans les Statuts il soit par fois appellé Procureur, toutesfois celuy de Proviseur comme plus honorable luy est demeuré. La Princesse ordonnant que le Maistre en Divinité seroit tenu de rendre compte, ne s' estoit advisee de specifier pardevant qui, ny comment. Ces deux Prelats sagement cognoissans que la fondation du College avoit esté non seulement faite par une Royne de France, mais aussi que les deniers voüez à la nourriture des Escoliers estoient pris sur la Recepte Royalle de Champagne, adjousterent dedans leurs Statuts cet article: Provisor autem semel in anno, in crastino Sancti Ludovici, reddat computum de expensis, misiis, & receptis per ipsum factis, praesentibus gubernatoribus dictae domus, vel mandato eorundem qui inferius nominabuntur. Praesente etiam  Magistro in Theologia ad hoc vocato: Et praesente aliquo de Camera Computorum Regiorum Parisius, quem Magistri de Camera deputabunt ad postulationem Magistri in Theologia dictae domus. Qui propter hoc ipsos adire tenebitur in dicta Camera, in vigilia dicti Festi, vel ante. Qui deputatus pro labore suo, audiendo, videndo, & examinando dictum computum, habebit quadraginta solidos Parisienses de reditibus dictae domus, & caet. La Chambre des Comptes n' avoit lors aucuns Auditeurs: Et pour ceste cause commettoit à cet effect l' un des Maistres. Depuis les Auditeurs ayans esté introduits, l' ordre dont on y a procedé est, que sur la requisition que faict le Grand Maistre, ou l' un des premiers Docteurs en Theologie du College, la Chambre leur distribuë un des plus anciens & capables Auditeurs; entre les mains duquel est mis le compte, pour le voir & examiner apart soy, & en faire son rapport au Grand Maistre, & autres anciennement à ce deputez; ausquels on a depuis adjousté le premier Confesseur du Roy. Nouvelle introduction procuree par Guiencour, Religieux de sainct Dominique, premier Confesseur du grand Roy François. Et les comptes rendus & clos, l' original est mis aux Archifs de la Chambre des Comptes, tout ainsi que de tous les autres comptables, & la coppie collationnee à l' original, demeure par devers le College. Et tout ainsi que ce College fut de fondation Royale, aussi son heur fatal a porté, que tous les jeunes Princes du Sang, & autres Princes & grands Seigneurs, ausquels on veut faire gouster les bonnes lettres, prennent leur premiere nourriture & institution en ce lieu: Et qui est un poinct que je ne dois oublier, pour closture du present discours, c' est que l' Université luy a baillé en garde tous les titres & enseignemens de ses Privileges. Qui sont comme un depost sacrosainct gardez en la chappelle du College.

Depuis la fondation de ce College Royal, les Colleges commencerent de provigner dans Paris, & lors les fondateurs choisirent leurs domiciles vers le Mont saincte Geneviefve, tant haut que bas: qui est le quartier que nous appellons l' Université. Et adoncques tout ainsi qu' aux Statuts de Navarre, aussi voy-je que l' ordre general qu' on observa en toutes ces fondations, fut en faveur des pauvres Escoliers de leurs Dioceses, si c' estoient Prelats qui aumosnassent ce bien au public, ou des autres contrees esquelles les fondateurs faisoient leurs habitations. Ces Escoliers furent en la ville de Tholose appellez Collegiaux, comme enfans des Colleges, & en l' Université de Paris Boursiers, comme estans nourris & alimentez de la bourse commune de leurs fondateurs. Et eurent presque tous les fondateurs cette reigle imprimee en leurs Statuts d' y establir deux superieurs, l' un pour la conduite du spirituel, auquel ils donnerent le nom de Maistre, l' autre du temporel, qui fut nommé par eux Procureur, ce dont il estoit comptable. Le tout à l' instar de celuy du College de Navarre. Et quant aux Maistres, l' ordre que je voy y avoir esté gardé depuis les deux cens ans premiers fut tel. 

La Sorbonne estoit dediee aux lectures de la Theologie, non seulement pour les pauvres Escoliers de son College, ains de tous ceux des autres Colleges voüez à mesme estude. Je n' entens sous ceux-cy comprendre celuy de Navarre qui avoit son Professeur expres pour ce sujet. Les lettres Humaines estoient enseignees aux Escoliers Boursiers, par ceux qui portoient le nom de Maistres en l' institution de chaque College: jusques à ce qu' estans promeuz, il leur convint entrer au cours de la Philosophie, & lors leur general rendez-vous estoit aux grandes Escoles de la ruë au Foüerre, pour apres avoir atteint au degré de Maistrise aux Arts, estudier en Theologie, qui estoit la premiere & principale bute des fondations.

Jeanne, Navarre, Juana de Navarra, reina, esposa de Felipe IV el hermoso, Phillipes IV le Bel