miércoles, 9 de agosto de 2023

9. 21. Chancelier de l' Université.

Chancelier de l' Université.

CHAPITRE XXI.

Ce Chapitre concernant les Magistrats, sembloit avoir deu estre mis soudain apres la creation de l' Université, mais tout ainsi que je l' ay principalement dedié à ceux qui font profession des Arts & de la Philosophie, que j' ay mis au quatriesme lieu de nos Facultez, suivant en cecy l' advis du Cardinal d' Estouteville, aussi voulant parler du Recteur & de sa suite, fondement de cette quatriesme Faculté, je parleray auparavant de l' autre Magistrat que nous appellons Chancelier. Car en autre lieu plus commode ne pourray-je le faire.

Or combien que sous le regne de Louys VII. le nom de l' Université ne fust en usage, & n' eust pris les plis dont elle fut depuis honorée, si est-ce que deslors on commença d' avoir quelque image de Magistrature en l' Eglise de Paris, pour la direction des Escoles. Chose que je recueille d' Abelard, lequel recitant combien d' un costé il estoit favorizé de la commune des Escoliers, & d' un autre, disgratié de plusieurs Prelats jaloux du grand nom qu' il avoit acquis, & comme il s' estoit rendu Religieux Profés en l' Abbaye sainct Denys dit ainsi. 

Cum autem in divina scriptura non minorem gratiam, quam in seculari mihi Dominus contulisset, coeperunt admodum scholae nostrae multiplicari ex utraque lectione, & caeterae omnes vehementer attenuari unde; Magistrorum invidiam atque odium adversum me conciliavi, qui in omnibus, quae poterant, mihi derogantes, duo praecipue absenti mihi obijciebant. Quod scilicet propositi monachi valde sit contrarium, secularium librorum studio detineri, & quod sine Magistro ad Magisterium divinae lectionis accedere praesumpsissem, ut sic inde omne mihi doctrinae secularis exercitium interdiceretur. Ad quod incessanter Archiepiscopos, Episcopos, Abbates, & quascumque personas Religiosas excitabant. Abelard qui lors estoit Religieux de sainct Denys, se donnoit par ce passage tout jeu qu' il luy plaisoit, pour faire tomber le tort sur ceux qu' il disoit estre ses mal-veillans, lesquels empeschoient ses lectures, rejettant sur une envie, ce qui estoit selon mon jugement de la raison. Car de dire qu' on luy eust voulu imputer à faute qu' il s' estoit fait grand Theologien de soy mesme, & sans ministere d' autruy, je pense que ce luy eust esté grand honneur, moyennant que sa doctrine ne se fust escartée du vray chemin. C' est pourquoy je tire de ce passage deux notables anciennetez: la premiere, qu' ores que sur l' avenement de nostre Université, le Religieux peust faire lectures tant en lettres humaines que divines (car ainsi le voyons nous avoir esté fait par Guillaume de Champeaux au monastere sainct Victor, comme aussi par Pierre Abelard) toutesfois dés lors on commença d' y vouloir mettre quelque bride, & fut par progrés de temps ordonné, & religieusement observé en l' Université de Paris, que nul Religieux ne montast en chaire pour enseigner les lettres humaines. Et quant à la seconde elle n' estoit pas moindre, ains paraventure plus recommandable que la premiere. Car comme ainsi fust que sur la premiere ouverture de nos Escoliers il fust loisible à tous ceux qui avoient quelque asseurance de leur suffisance, d' entrer en chaire avecques la permission de l' Evesque, si est-ce que puis apres on y apporta cette discipline, qu' il n' estoit permis à aucun de lire en la Theologie, qu' il n' eust esté prealablement advoüé par un maistre qui avoit charge de cet affaire par le Superieur. Et c' est ce que veulent dire ces mots, Quod sine Magistro ad Magisterium divinae lectionis accedere praesumpsisset. Et de là sont depuis venues les erections, & establissemens des Docteurs en Theologie. Police par laquelle estoient faites defenses, pour la consequence, & le danger qu' il y avoit de mettre ce glaive entre les mains d' un furieux, pour s' en joüer. Comme de fait il advint en la personne mesme d' Abelard, qui pour se fier trop à l' abondance de son sens, fit un livre par lequel il soustenoit que la vraye foy ne pouvoit resider en nous, sinon estant verifiée par bonnes, & valables raisons. Livre qui fut depuis condamné par le jugement du Concil tenu à Soissons.

Par ce que je vous ay cy dessus deduit, vous voyez que ces defenses estoient faites expressement pour le fait de la Theologie, & y a bien grande apparence, que ce fut par un Chanoine, qui auparavant tenoit le lieu de Theologal. Mais comme l' Université fut depuis divisée en deux, les uns estudians en la Theologie en la grande Eglise, les autres és Arts & Philosophie, en celle de sainct Julian: Aussi la necessité des temps produisit en eux deux divers Magistrats; celuy de Chancelier en la grande Eglise, qui se donna avecques le temps l' œil sur les quatre Facultez, mais singulierement sur celle de Theologie, comme estant le fonds de sa premiere & originaire institution, & l' autre le Recteur.

Et tout ainsi qu' en la grande Eglise (premieres Escoles) le Chancelier prist sa premiere naissance, aussi celle de sainct Victor qui la secondoit en ce noble exercice de lettres, en produisit avecques le temps un autre, & voicy comment.

L' Eglise sainct Pierre & sainct Paul, fondée par le Roy Clovis (depuis nommée saincte Geneviefve) estoit sur son commencement servie par Chanoines seculiers, entre lesquels la desbauche extraordinaire s' estant logée le Roy Louys septiesme les en extermina, par l' advis, & entremise de Sugger Abbé de sainct Denys, & y mist en leur lieu douze Chanoines reguliers de l' ordre de sainct Augustin, tirez de l' Abbaye sainct Victor. Or est il que l' Université croissant à veuë d' œil là part où nous la voyons assise, le Roy Philippe Auguste la fit clorre de murailles, dedans le pourprix & allignement de laquelle fut comprise l' Eglise saincte Geneviefve: à qui l' on donna quelque temps apres, un Chancelier comme nouvelle peuplade de celle de sainct Victor, laquelle ne fut honorée de cette dignité, d' autant que son malheur avoit voulu qu' elle fust demeurée hors les murs.

Creation qui apporta depuis diverses jalouzies entre les deux Chanceliers. Celuy de nostre Dame ne voulant avoir compagnon, & l' autre nul superieur. De maniere que le Pape Gregoire X. delegua en l' an 1271. l' Abbé de sainct Jean des vignes, & l' Archediacre de Soissons pour les reigler. Et se passerent les affaires de cette façon, que tout ainsi que l' Eglise nostre Dame passe sans comparaison celle de sainct Victor, aussi est demeurée au Chancelier de nostre Dame, la faculté, & puissance de creer luy seul les Docteurs de Theologie, Decret & de Medecine, apres que les actes ordinaires y ont passé. Et quant aux Maistres és Arts, à l' un ou l' autre Chancelier, selon le choix qui en est fait par celuy qui veut prendre sa licence. Le Chancelier de nostre Dame est celuy auquel le Pape Innocent IV. adressa du consentement du Roy sa commission, pour mettre taux aux loyers des Chambres, & bannir la supercherie, que les proprietaires exerçoient contre les Escoliers locataires, comme il sera deduit en son lieu. Chancelier (dy-je) auquel le Cardinal d' Estouteville, Legat en France, dedans sa reformation, permet d' absoudre du lien d' excommunication, en certains cas, lors que l' on seroit en l' article de la mort. A qua non poßint absolvi (porte le texte) à Cancellario Parisiensi, praeterquam in mortis articulo. Luy qui des membres de l' Université fut particulierement appellé à la reformation d' icelle par les Cardinaux de sainct Mars, & de sainct Martin aux monts: & en celle du Cardinal d' Estouteville: en la premiere un Boniface, en la seconde, un Cibole, tous deux Chanceliers. Et à peu dire, toutes les Bulles qui s' adressent de Rome au Chancelier s' entendent au Chancelier resseant à nostre Dame, estans conceuës sous cette adresse. Dilecto filio Cancellario Parisiensi salutem, & Apostolicam benedictionem: & à l' autre. Dilecto filio sanctae Genouefae, Recognoissans taisiblement par cela le premier avoir plus de part en l' Université, que le second.

Il y a Bulles du Pape Gregoire dixiesme, par lesquelles il ordonne que le Chancelier de l' Université esleu jurera és mains de l' Evesque, & Chapitre de l' Eglise. Quod ad regimen Theologiae & Doctorum bona fide, secundum conscientiam suam, loco, & tempore, secundum statum civitatis, & honorem, honestatem Facultatum dictarum, non nisi dignis licentiam largiretur, nec admittet indignum. Et plusieurs lignes apres. Magistri vero Theologiae, & Decretorum, quando incipient legere, praestabunt publice iuramentum, quod super praemißis fidele testimonium perhibebunt: & peu apres. De Physicis autem, & Artistis, ac alijs, Cancellarius bona fide promittet examinare Magistros, & non nisi dignos admittens, indignos remittet.

Vous voyez là le Chancelier avoir toute cognoissance sur les quatre Facultez.

9. 20. Premier abus qui s' est trouvé en la promotion des Professeurs du Roy qui en produit plusieurs autres, au prejudice de l' Université.

Premier abus qui s' est trouvé en la promotion des Professeurs du Roy qui en produit plusieurs autres, au prejudice de l' Université.

CHAPITRE XX.

Advint en l' an 1566. que Dampetre Cozelle Sicilien, fut pourveu par la mort de Pasquier Hamel de la place de lecteur du Roy aux Mathematiques, homme qui entrant en la chaire se trouva si disgracié, qu' il ne sçavoit parler Latin ny François. De maniere qu' il fut deux & trois fois chiflé & baffoüé par tout l' auditoire, & par ce moyen contraint de quitter sa place, mais par une voye inacoustumée, & non jamais auparavant pratiquée la resigna à Charpentier, homme non aucunement nourry aux Mathematiques, mais qui d' ailleurs reluisoit en plusieurs bonnes parties, & par ses lectures s' estoit moyenné grand credit dedans l' Université.

Ramus qui en enseignant la jeunesse estoit un homme d' Estat, ne peut souffrir cette injure estre faite à l' Université. Au moyen dequoy il prend cette querelle en main, presente sa requeste à la Cour contre Charpentier, & tout d' une main obtient lettres du Roy, affin que pour obvier aux abus, nul ne fust à l' avenir admis en leur College, qu' il n' eust auparavant suby l' examen en l' art dont il vouloit faire profession. Grande cause, & deux braves champions, qui sans ministere d' Advocats entrerent au champ, en presence du Parlement, & d' une infinité de peuple. En quoy je puis dire, comme celuy qui veis demesler ce fuzeau, que ce fut à bien assailly bien defendu, & à un beau jeu beau retour.

Tous deux parlans Latin, furent ouïs par leurs bouches, avecques une admirable faculté, & facilité de bien dire. Ramus disoit que c' estoit un nouveau monstre qu' on introduisoit en leur compagnie, d' y proceder par resignation, & non par merite. Et chose encores plus monstrueuse, de voir un Sicilien gratifier de cette place un François à luy incognu. Accusant taisiblement qu' en la resignation il y avoit eu bource desliée. Qu' autre chaire n' estoit vacquante par la mort de Pasquier Hamel que celle de Mathematiques, & que le sens commun ne pouvoit porter, que Dampetre aucunement nourry en ce subject eust esté contraint de quiter la partie, par ce qu' il ne pouvoit descouvrir ses conceptions en langue Latine, & qu' il luy eust esté loisible de surroger en son lieu un homme du tout ignorant les Mathematiques, & qui sçavoit seulement parler: partant concluoit à ce que Charpentier ne fust receu, qu' il n' eust esté premierement examiné sur le fait des Mathematiques, & qu' en enterinant les lettres patentes du Roy, le semblable fust à l' avenir observé en la promotion de ceux qui voudroient estre Professeurs du Roy. Contre cecy Charpentier, qui sçavoit se joüer & de sa langue, & de son esprit, ne revoqua du commencement en doubte qu' il estoit peu versé aux Mathematiques, esquelles toutesfois (mettant en jeu la rencontre de Ciceron) si on luy eschauffoit la cervelle il se monstreroit grand Maistre & Docteur passé en trois jours, comme faisant peu de compte, & mettant sous pieds cette objection. Mais pour recompense il coucha principalement de sa personne, que dés & depuis vingt ans en là il avoit bien merité des bonnes lettres dedans l' Université, dont il pouvoit produire pour pieces justificatives, une infinité de tesmoins ses disciples, tous personnages d' honneur & de qualité; que par degrez il avoit acquis quelque nom. Premierement Regent grandement recognu, puis Procureur de sa nation, puis Recteur, & finalement entre ses compagnons avoit sans aucun contredit obtenu le premier lieu de licence en la Faculté de Medecine. Tellement que nul ne pouvoit, ou devoit luy envier ce nouveau grade de Professeur du Roy, & que s' il n' estoit capable pour enseigner les Mathematiques, il y avoit en luy une infinité d' autres subjects dont il pouvoit accommoder le public par ses lectures au contentement d' un chacun. Je vous ay reduit en petit volume les plaidoyez de l' un, & de l' autre, qui toutesfois occuperent l' audience toute une matinée. En fin la Cour, apres avoir veu ces deux champions vaillamment combatre, leur sonna un hola, par un appointé au Conseil, & ce pendant Charpentier ne laissa d' exercer sa charge. Combat qui engendra depuis deux grandes playes. Car Charpentier ayant avecques la resignation de l' Italien couvé dedans son ame une vengeance Italienne six ans entiers, fit ainsi que l' on dit, en l' execution de la journée sainct Barthelemy 1572. assassiner Ramus, par gens de sac & de corde, à ce par luy attitrez. Et depuis, comme nous sommes en un Royaume de consequence, ce qui s' estoit passé par connivence en la personne de Charpentier pour ses merites ouvrit la porte à d' autres, de telle façon que nous avons veu un Professeur du Roy s' estre demis de sa place en faveur du mariage de sa fille, & un enfant fort jeune avoir esté pourveu de la chaire de feu son pere, pour honorer sa memoire, comme si ce fust une chose patrimoniale & hereditaire. Non que je ne les estime avoir esté, & estre gens capables & suffisans aux professions qu' ils ont exercées & exercent; mais la façon ne m' en peut plaire, craignant qu' avecques le temps ces places n' aillent au mespris. Je voy le docte Cardinal du Perron mettre toute on estude au bastiment du College dont je vous ay cy dessus parlé. Dieu vueille que par cy apres ce ne soit un corps sans ame, & un magnifique College de pierres, au lieu de celuy qui fut premierement basty en hommes par le Roy François.


9. 19. De trois chaires publiques fondées en l' Université de Paris, sur le modelle des Royales, par trois personnages de privée condition.

De trois chaires publiques fondées en l' Université de Paris, sur le modelle des Royales, par trois personnages de privée condition.

CHAPITRE XIX.

Le Roy François premier de ce nom par son introduction nouvelle des Professeurs, fit un trait digne de soy, & apres nostre Roy Henry le grand. Maintenant vous en veux-je raconter un autre d' un simple escolier, que trouverez digne de Roy. Celuy dont j' enten parler est Pierre de la Ramée, qui en Latin voulut estre appellé Ramus, lequel par son testament du 8. Aoust 1568. d' un cœur Royal ordonna un lecteur és Mathematiques en nostre Université. Ce docte homme avoit par un long travail de quarante cinq ans tiré de son espargne cinq cens liures de rente à prendre sur l' Hostel de ville de Paris, dont il legua cent liures à un sien Oncle maternel, cent autres à un sien nepueu enfant de sa sœur uterine, & les cinq cens liures restans à celuy qui par son sçavoir se trouveroit le plus digne de la Chaire de Mathematiques. Vray que tout ainsi que pendant la vie il avoit entretenu ses Estudes par diverses contentions d' esprit, tantost contre Aristote par ses Animadversions Aristoteliques, tantost contre Ciceron, par ses questions Brutines, tantost contre Euclide, luy voulant enseigner une plus seure methode que celle qu' il avoit observée en ses œuvres, aussi fit il le semblable par son testament. Car il voulut que de trois en trois ans par nouvelles disputes qui seroient faites au College de Cambray, cette place fust adjugée à celuy qui se trouveroit emporter le dessus. Disputes (dy-je) qui seroient faites, Praesentibus, aut certe rogatis atque invitatis, Senatus Praeside primo, primoque Oratore regio, tum mercatoram praefecto, deinde professoribus Regijs, omnibusque omnino quibus interesse libuerit. 

Et peu apres. Ex omnibus examinatis, qui iudicio professorum Regiorum, omniumque Matheseon peritorum, aptißimus ad Mathematicam Profeßionem videbitur in triennium proximum, deligitor. 

Et au bout de tout cela il baille la charge de son execution testamentaire à Maistre Nicolas Bergeron & Anthoine Loisel, Discipulis quondam meis (porte le texte) modo advocatis in Senatu. Quibus quod ad quingentarum librarum vectigal attinet, decanum Regij Collegij adiungo, & mortuis substituo. Brave, grande, & magnifique ordonnance, qui merite d' estre gravée en lettres d' or au plus haut du temple d' Honneur. Toutesfois pour vous en dire librement ce que j' en pense, je crains qu' elle ne se tourne en friche. Et de ce en ay-je quelque appercevance. Car quelque diligence que Loisel y ait voulu apporter depuis le decez de son compagnon, & y apporte encores aujourd'huy, je voy les assemblees qui se sont faites à sa poursuite, reüssies presque à neant, tant sont les volontez refroidies en l' Estude des Mathematiques. 

J' avois achevé ce Chapitre, & mis entre mes memoriaux, en attendant de le faire voir au peuple, lors qu' en reimprimant mes Recherches, je les augmenterois de ce neufiesme livre, quand voicy deux nouveaux guerriers qui se sont mis sur les rangs, en bonne devotion de terrasser nos adversaires, Maistre Claude Pelgé cy devant Conseiller du Roy, & Maistre en sa Chambre des Comptes de Paris, & Maistre Jean de Rouan à present proviseur du College du Thresorier de nostre Dame de Rouen. Celuy là qui apres avoir fait plusieurs longs services à nos Roys, s' estant demis de son estat, & espousé une vie, sinon solitaire pour le moins esloignée de l' ambition & avarice en cette honneste retraite, voyant, ainsi que luy mesme m' a dit, que plusieurs se detraquoyent du vray chemin de nostre foy & Religion, par faute d' entendre la saincte escriture, pour remedier à ce mal a voulu fonder une lecture en Theologie, aux Escoles exterieures du College de Sorbonne, pour y lire le vieux & nouveau testament, selon l' exposition des Peres & saincts Docteurs de l' Eglise, Hebrieux, Grecs, & Latins: à cette fin a donné six cens liures de rente au denier seize, les cinq cens pour celuy qui seroit appellé à cette charge, & les cent liures restans pour le College de Sorbonne, à condition qu' il seroit tenu d' eslire un Docteur de la maison, capable de faire cette leçon, par contract fait le 26. Septembre 1606. & par autre du 14. Aoust. 1612. Et neantmoins cette fondation n' a lieu qu' apres le decés du fondateur. Vray que dés à present il a choisi du consentement de Messieurs de Sorbonne, Maistre Jean Dautruy, lors Bachelier de la premiere Licence, & maintenant Docteur en Theologie, pour commencer cette lecture, moyennant certaine moderee pension. Docteur en Theologie, vous dis-je, jeune de reception, mais ancien d' erudition, comme l' on peut recueillir, tant des leçons par luy faictes en sa nouvelle profession és Escoles de Sorbonne, que par ses predications aux Eglises. Car à Maistre Jean de Rouan, apres avoir regenté & enseigné la jeunesse en divers Colleges, l' espace de quarante ans, que plus, que moins: & specialement les quatre dernieres annees à Harcour, avecques un applaudissement de trois ou quatre cens Escoliers, en fin creé proviseur du College du Thresorier, il l' a voulu renvier, & pousser de sa reste sur les deux premiers. Dautant que par contract passé pardevant sainct Wast & Fardeau, Notaires au Chastelet de Paris le 20. Octobre 1612. entre Messieurs de la Sorbonne & luy, il instituë tout ainsi que Pelgé, un Docteur de leur societé (je vous insereray icy mot pour mot les mots substantiaux du contract) qui soit tenu d' enseigner en leurs Escoles les cas de conscience, & non autre partie de la Theologie, mais d' une liberalité admirable eu esgard à sa qualité, leur paye & deliure content la somme de mille six cens liures, dont ils seroient tenus de faire six cens livres de rente au denier seize, suivant l' Edict; a sçavoir cinq cens liures en faveur du professeur, qui disent par chacun quartier cent vingt cinq liures, & les cent liures restans, appliquables au profit de la societé, & congregation de Sorbonne, laquelle recognoist avoir receu de luy manuellement sur le champ aux especes plus amplement specifiees, cette somme de neuf mille six cens liures. Et moyennant ce promet payer la rente de cinq cens liures aux termes accoustumez à ceux qui par cy apres seront appellez à cette chaire. Lequel de Rouan cognoissant l' experience qu' avoit Maistre Pierre le Clerc, Docteur en Theologie de la dite societé de Sorbonne, pour avoir depuis plusieurs annees continué la lecture des cas de conscience, le dit fondateur l' a nommé pour Lecteur & Regent de la profession par luy fondée, pour lire chacun an les dits cas de conscience, & non autre partie de la Theologie. Veut & entend que mesme lecture facent ceux qui succederont apres le dit sieur le Clerc à la profession & regence du dit sieur de Rouan. Et le cas advenant que le dit sieur le Clerc vienne à deceder, ou se desister de sa dite profession, le dit sieur fondateur ordonne, qu' il soit pourveu par le Prieur, Senieur, & autres de la societé de la dite maison & College de Sorbonne, d' un autre Docteur pris de la dicte maison & non d' ailleurs, qu' ils jugeront suffisant & capable en leurs consciences, sans faveur ny brigue aucune: qu' à la dite election apres le decés du dit fondateur, soit appellé le proviseur du College du dit Thresorier, qui sera lors en charge. Et finalement que cette profession & regence soit par la posterité appellée la chaire ou profession du sieur du Rouan fondateur, & que ces termes soyent portez par les elections qu' on fera à la pluralité de voix sans brigue ny faveur, d' un docte & sçavant Theologien entre les Docteurs de la dite maison & societé de Sorbonne. Car ainsi a esté convenu entre les parties.

Clause derniere en laquelle je trouverois je ne sçay quoy de vanité, n' estoit que cette ambition est fondée sur une noble institution, à laquelle selon mon jugement peu d' autres de l' Université se peuvent apparier, qu' un simple Escolier (car ainsi veux-je appeller celuy qui n' eut jamais plus ample qualité, que de proviseur d' un petit College) se soit pendant sa vie, suum defraudans genium, despoüillé du peu d' espargne qu' il avoit faite par ses longues vielles & lectures. Et vrayement cest honneste homme en se deterrant s' est basty non un tombeau, ains un Colosse, par lequel il se voit dés son vivant jouïr du fruit de la gloire immortelle, dont la posterité l' honorera apres son decez. Et qui est une observation par moy faite qui ne doit estre escoulée sous silence, c' est que le premier College de l' Université est celuy de Sorbonne esclos l' an 1253. & le second celuy du Thresorier fondé l' an 1269. Or est-ce la verité qu' entre les traits dont Maistre Robert de Sorbonne nous fit part, le plus celebre fut celuy où il discourt les cas de nos consciences, duquel je vous ay representé un eschantillon au Chapitre du College de Sorbonne. Et maintenant apres plusieurs revolutions d' années par une sainte fatalité, le proviseur du second College a institué un Docteur particulier, pour nous en elaguer les chemins. En honorant ce troisiesme je n' entens en rien deroger à l' honneur ny du premier ny du second. Chacun d' eux merite son laurier: mais par ce que la pleine execution du second contract demeure en suspens jusques apres le decez de Pelgé, je parleray seulement du premier & du dernier.

On ne sçavroit assez trompeter la memoire de Ramus, qui par une hardiesse royalle ouvrit le premier la porte aux particuliers, pour les semondre & inviter à creer des Professeurs publics, mesme ait choisi la profession des Mathematiques: toutesfois si j' en suis creu, le dernier s' estant mis en bute la Theologie, se peut vanter d' avoir un advantage sur luy, de tant que le ciel est par dessus la terre. Ramus par son testament ordonna la chaire des Mathematiques pour jouïr de cinq cens liures de rente apres son decez: qui est selon le jugement des Sagemondains, disposer du bien de ses hoirs, non du sien. Et ce dernier a mis dés son vivant sa liberalité à effect. Le premier assigna la pension annuelle de son Professeur sur les rentes courantes de l' Hostel de Ville de Paris. Qui peuvent à la longue selon la calamité des temps faire faillite, ainsi que nous en avons senti quelque espreuve, par le moyen de nos derniers troubles. Or le dernier a assigné sa liberalité sur le fonds du College de Sorbonne, laquelle partant ne peut prendre fin que par la fin du mesme College. Et finalement cettuy-cy veut que son Professeur soit esleu par la Societé de Sorbonne, & jouïsse du benefice de leur election tout le demeurant de sa vie. Qui n' est pas un petit secret pour bannir les brigues tumultuaires. Et au regard de Ramus, il voulut, que de trois en trois ans on procedast à l' election d' un Mathematicien, n' apportant moins de zele que le dernier, en la police par luy ordonnee. Mais de malheur je ne voy qu' en la sienne il y ait Juges competans pour juger des coups. Et qui est l' accomplissement du mal, c' est qu' apres le trespas de ses deux executeurs testamentaires, il leur surroge le Doyen des Professeurs du Roy; Doyenné qui ne s' acquiert, ny par le merite des lettres, ny de la preudhommie, ains par l' ancienneté de promotion. Place que je voy non seulement tomber en decadence, ains celles mesmes des Professeurs du Roy, lesquelles sur leur commencement se bailloient à personnages de choix, qui par leurs livres, ou longues leçons, avoient acquis reputation, & depuis par le malheur du temps c' a esté un autre discours. Et dont est ce desarroy procedé, je le vous discourray en peu de paroles par le Chapitre suivant.