jueves, 10 de agosto de 2023

9. 26. Roys, Université de Paris, leur fille.

Que nos Roys ont eu sur tous autres, bonne part en la creation & direction des Universitez de France, & que de toute ancienneté ils ont qualifié l' Université de Paris, leur fille.

CHAPITRE XXVI.

Ne pensez pas je vous supplie, que par le precedant chapitre, je vous aye deduit que nos Roys s' estoient attribuez cognoissance sur la reformation de nos Universitez: car ostee la ville de Paris, dont nous ne voyons point de titre expres de son origine, toutes les autres doivent leurs creations & fondations à nos Roys, ainsi que je vous verifieray cy apres, par le discours de ce mien Livre: Et pour demeurer aux termes de l' Université de Paris, qui est mon present sujet, le plus ancien passage auquel je trouve estre faite mention d' icelle est du Pape Celestin III. au chap. Quod Clerici. De foro compet. Ext. Nous ne voyons point la date de cette Constitution Decretale. Mais il mourut l' an 1192. doncques nostre Université estoit auparavant ce temps, & de nom, & d' effect en essence. Nous eusmes une Ordonnance faite l' an 1200. par nostre Philippes Auguste, concernant le reiglement de cette Université, qui est la plus ancienne de toutes celles que j' ay veuës. Entre le temps de la Decretale, & de ceste Ordonnance il n' y a pas grand entrejet. Davantage tout ainsi qu' en cette Université il y a un conservateur Apostolic; aussi y en a-il un Royal, pour cognoistre des differens des supposts de l' Université. Vray qu' en l' Apostolic, encore y a-il une restriction, que le suppost ne peut faire citer sa partie adverse, resseant outre les quatre diettes de la jurisdiction de l' Apostolique: mais en vertu d' une commission du Conservateur Royal, il peut appeller de toutes parts, quand c' est en & au dedans du Parlement de Paris. Belles certes, & nobles jalousies entre deux grandes dignitez, que l' Eglise pretendant estre la mere, nos Roys pretendent estre les peres: non qu' elle ait pris sa naissance de l' Empereur Charlemagne, comme j' ay dit ailleurs, ains d' autant que l' Eglise luy donnoit son estre, & la Majesté de nos Roys son bien estre. Chose que ne trouverez estrange, quand vous considererez que dés & depuis le regne de Clovis, premier Roy Chrestien des nostres, nos Roys estimerent leur Couronne avoir telle part aux affaires de l' Eglise, que c' estoient choses inseparables. Ainsi sous cette premiere famille, avant que les Maires du Palais se fussent sous le masque de leur dignité, impatronisez de l' Estat, les Concils tenus par la France estoient la plus part du temps ouverts par le commandement de nos Roys, lesquels de fois à autres y assistoient. Et combien que sous la seconde lignee, Pepin eust esté proclamé Roy de France, par l' advis du Pape Zacharie; toutesfois avec tout l' honneur & soubmission, que luy & ses successeurs porterent au S. Siege, ils ne deschevrent de l' ancien privilege de leurs devanciers, tant que la puissance Royale fut vrayement par eux exercee. Et qui fait grandement à noter, c' est que nous avons un Canon d' un Concil Nationnal tenu en ce temps là dedans Paris, rapporté par Gratian dedans son Decret sous ces mots, Principes saeculi, par lequel il fut conclud que les Roys & Princes seculiers devoient & pouvoient avoir l' œil  sur la discipline Ecclesiastique. Constitution Canonique non faite à autre fin qu' en l' honneur de celuy qui commandoit souverainement en ce Royaume: auquel nous voyons mesmement soubs la troisiesme lignee, nos Roys avoir eu tellement leurs cœurs à l' Eglise, qu' en plusieurs Eglises Cathedrales & Collegiales il y a une prebende inseparablement affectee à leur Couronne: Et non seulement leurs Cours de Parlement souveraines estre my-parties de Conseillers, Clercs, & seculiers: mais en outre les premieres & plus grandes dignitez de France, comme furent les Magistratures de nos Pairs, qui estoient de six Pairs Clercs, les uns Archevesques, autres Evesques, & les six autres Laiz, trois Ducs & trois Comtes. Tout de cette mesme façon veux-je dire l' Université de Paris estre un corps mixte, grandement redeuable à l' Eglise, mais non moins à nos Roys qui en ont esté non seulement tuteurs, fauteurs, & protecteurs, mais aussi l' ont intitulée de ce mot de fille, comme ayant esté par eux creée.

Maistre Jean Gerson preschant en l' an 1415. la veille de Pasques fleuries devant les Prelats qui estoient au Concil de Constance, parlant de l' Université de Paris; Celeberrima Parisiensis Universitas (dit-il) cultrix, & amatrix eorum omnium, quae Christianae Religionis pietatem, quae sanam doctrinam respiciunt, ipsa ad exemplar Christianissimi Francorum Regis Patris sui dignißimi, &c. Tout de ceste mesme façon trouve l' on dedans ses œuvres une Epistre adressee au Roy Charles VI. sous le nom de l' Université de Paris, par laquelle elle le supplie treshumblement comme sa fille, vouloir exaucer ses defenses, contre les fausses imputations de l' Université de Tholose. Si cette qualité ne luy eust esté d' une longue main acquise, ce grand personnage eust esté merveilleusement impudent de la luy bailler: comme aussi ne la faut-il revoquer en doute; Par l' Ordonnance du Roy Charles V. du 18. May 1366. Quamvis de iure nostro Regio, pedagiorum, & immunitatum ad nos, & forum nostrum spectet, & spectare dignoscatur, tamen filiae nostrae Universitati Parisiensi, concedimus quod Conservator privilegiorum de praemissis cognoscat, &c. 

Gerson vivoit sous le regne de Charles VI. duquel nous voyons deux lettres patentes, l' une de l' an 1383. sur la conservation des privileges de l' Université: Si donnons en mandement (portent elles) à nos feaux Conseillers sur le fait des Aydes ordonnez pour la guerre, que nostre tres-chere & tres-amee fille l' Université de Paris, les Recteurs, Maistres, Bacheliers, Escoliers, Lisans & Estudians, & c. L' autre de l' an 1391. aux gens tenans l' Eschiquier de Rouen, dont les mots sont tels. Nostre amee fille l' Université de Paris, & c. Deffences aux Officiers de Normandie de cognoistre des causes des Escoliers & supposts de la dite Université, ny les troubler en leurs privileges. Charles VIII. par autres lettres de l' an 1488. portans mesme confirmation l' appelle pareillement sa tres-chere & tres-amee fille: Le semblable fait le Roy Louys XII. par son Edit donné à Blois le 9. Avril 1513. Et le Roy François I. de ce nom par son Edit du mois d' Avril 1515. l' appelle non seulement sa tres-chere, & tres-amee: mais aussi sa fille premiere aisnee: Et fait encore le semblable par autre Edit du 5. Juin 1543. Et son fils Henry II. du nom suit ses mesmes traces par son Edit fait à Fontainebleau au mois de Septembre 1547. Et par autre du mois de Mars 1554. Henry, & c. Combien que les Maistres Principaux des Colleges, nos Lecteurs ordinaires & Precepteurs de nostre tres-chere & tres-amee fille aisnee l' Université de Paris: & a fin que je ne m' esloigne de ce qui s' est passé par mes mains quand en l' an 1564. je plaiday la cause de l' Université de Paris contre les Jesuistes (depuis appellez Jesuites) M. Pierre Versoris leur Advocat ayant ou par mesgarde, ou peut estre par artifice occupé le barreau des Pairs, (qui est du costé des Conseillers Laiz) pour y faire sa proposition & demande, pour faire incorporer ses parties au corps de l' Université de Paris, je m' arrestay de propos deliberé contre luy, & soustins que c' estoit la place de l' Université de Paris, fille aisnee du Roy. Et comme il eut fait quelque instance au contraire, & soustenu qu' il pouvoit plaider en ce mesme lieu. Monsieur de Thou premier President, apres nous avoir oüis d' une part & d' autre, en communiqua à tous Messieurs les Conseillers au Conseil, & par Arrest donné par jugement contredit, il fut ordonné que Versoris desempareroit ce barreau, & le lairroit à l' Université tout ainsi comme és causes des Pairs. Ce fut nostre premiere demarche; & ne me repentiray jamais de croire, que les premieres estudes en sont deuës à l' Eglise, mais la creation d' Université à nos Roys, puis qu' ils s' en disent les peres, & l' appellent pour leur fille aisnee; Aussi est-ce la verité, que c' est la premiere & plus ancienne de toutes les Universitez de la France.

9. 25. Reformations de l' Université de Paris.

Reformations de l' Université de Paris.

CHAPITRE XXV.

Non, je diray franchement que sur la premiere origine de nostre Estat,  l' espee fut deuë à nos Roys, & la plume à nos Archevesques & Evesques, & que l' occasion pour laquelle vous ne voyez Universitez en cette France, que ce ne soit en ville Archiepiscopale ou Episcopale, & singulierement en celle de Paris, qui est la premiere & plus ancienne de France: & neantmoins au long aller nos Roys y voulurent avoir bonne part, faisant cet honneur à l' Université de Paris de la nommer leur fille, & l' honorant de plusieurs grands Privileges: Mais comme il n' y a rien si bien institué qui avecques le temps ne reçoive diverses corruptions, aussi le semblable advint-il à nostre Université: laquelle se recognoissant vraye fille de nostre grande Eglise, le premier qui se mesla de la reformer fut un Cardinal Sainct Estienne, Legat du Sainct Siege en nostre France, par son Reiglement du mois d' Aoust mil deux cens quinze: C' estoit vers la fin du Pontificat du Pape Innocent troisiesme qui mourut l' an mil deux cens dix-sept. Apres ce premier Legat vint Simon Cardinal de saincte Cecile aussi Legat, duquel je remarque un Reiglement general, qu' il fit pour l' eslection future du Recteur de trois en trois mois, au lieu qu' elle se faisoit auparavant tantost de mois en mois, tantost de six en six sepmaines, par ses Bulles de l' an mil deux cens septante huict: Car quant à tout le demeurant de ses actes, ce furent sentences Decretales par luy renduës dedans Paris sur les differens qui estoient ores entre les Nations, ores entre les Facultez. Mais sur tout ne faut oublier qu' ayans esté en une brigue deux Recteurs esleus, pour s' estre trouvez les eslisans my-partis en leur eslection, les quatre Nations ayans compromis en ce Legat, il donna en fin sa sentence en la maison Abbatiale de saincte Geneviefve, pour & au profit de l' un des deux Recteurs, lequel demeura par ce moyen en l' Estat, & depuis ne s' est jamais trouvee cette partialité advenuë en telles eslections. La troisiesme qui fut recogneuë pour vraye Reformation est celle qui fut faite à Rome l' an mil trois cens soixante & six, en presence de Boniface, Chancelier de l' Université de Paris, par Jean Cardinal de sainct Marc, & Gille, Cardinal de sainct Martin aux Monts, à ce expressément commis & deleguez par le Pape Urbain cinquiesme: Mais sur toutes les anciennes celle que je voy avoir esté la plus signalee, est celle de Guillaume Cardinal d' Estouteville, Legat en France, laquelle je voy avoir receu toutes ses façons. Parce que nostre Roy lors regnant y voulut avoir bonne part. Qu' ainsi ne soit, combien que la compagnie qui fut lors assemblee, ne porte sur le front que le nom du Cardinal, pour l' honneur que l' on portoit au sainct Siege, toutesfois vous voyez vers la fin Presidens, & Conseillers de Parlement y estre intervenus. C' est pourquoy je m' y veux plus arrester, que sous les trois autres. Le commencement de cette Reformation est tel.

Guillelmus miseratione divinae, Cardinalis sancti Martini in Montibus, Sacrosanctae Ecclesiae Presbyter, Cardinalis d' Estouteville, vulgariter nuncupatus, in Regno Franciae, singulisque Galliarum Provincijs, Apostolicae Sedis Legatus. Maiores nostri, & caet. De là sautant de la plus digne Faculté aux moindres selon leur ordre, apres avoir passé sur la Reformation de la Faculté de Theologie, il va à celle de Decret, puis de la Medecine, & en fin aux Arts, il fait plusieurs beaux Reiglemens, & entre autres, confirme le Statut du Cardinal de saincte Cecile, touchant l' eslection trimestre du Recteur: & aussi les Reiglemens de Jean Cardinal de sainct Marc, & de Gille Cardinal de sainct Martin: & au fait de la Medecine, non seulement reforme, ains à pleine bouche, deteste l' usage ancien qui estoit de ne marier les Docteurs en Medecine. 

Vetus statutum (dit-il) quo coniugati, à Regentia in Facultate Medicinae prohibentur, impium & irrationabile reputantes, cum eos maximè ad ipsam facultatem docendam & exercendam admitti deceat, corrigentes & abrogantes, sancimus deinceps coniugatos, si docti, & sufficientes appareant, & morum gravitate ornati, ad regendum in dicta Facultate admittendos, nisi eos levitas ad vitium aliquod indignos reddat, super quo iudicium in correctione, Facultati relinquimus. Autres Articles y a-il, singulierement en la correction des Artistes, dont j' ay fait ailleurs mon profit. Qui me les fait maintenant passer sous silence: & au bout. 

Haec sunt salubria instituta, quae ad almae Universitatis decus, reformationem morum, & studiorum incrementum, magno studio elaborata, & digesta conscripsimus. Aßistentibus nobis, Reverendis Patribus, Guillelmo Parisiensi, & Ioanne Meldensi Episcopis: & clarißimis viris, in iure peritißimis, Arnaldo de Merle, Regis Parlamenti praeside, Georgio Havart, Magistro Requestarum, Guillelmo Totin, in camera Inquestarum Praesidente, Millone Dilliers, Decano Carnotensi, & Regij Parlamenti Consiliario, Roberto Cibale, Ecclesiae Parisiensis Cancellario, Magistro Ioanue (sic) Regio Advocato. Omnibus praedictis, à Christianißimo, & excellentißimo Principe, Domino Francorum Rege, ad Regia privilegia reformanda, deputatis. Quorum in praedictis statutis edendis consilium adhibuimus, eáque statuta atque Decreta, singulis facultatibus, ad nos vocatis, ipsis praesentibus tradidimus, insinuavimus, ac publicavimus, harumque serie, illis perpetuum valitura tradimus, insinuamus, atque sub authentico nostro sigillo transmittimus. Decernentes, ut etiam supra mandavimus, in voluminibus Statutorum singularium Facultatum, ea redigi, fideliterque transcribi. Datum Parisius, anno Incarnationis Dom. 1452 Die I. mensis Iunij Pontificatus sanctiss. in Christo Patris, & Domini nostri, Domini Nicolai divina prudentia Papae 4. anno 6. Et combien que l' authorité du Legat, assisté de quelques Seigneurs du Parlement y eust passé; toutesfois pour luy faire sortir plein effect, à cette Reformation furent attachees sous le contreseel de la Chancellerie, lettres patentes du neufiesme de Mars mil quatre cens cinquante neuf. Qui furent verifiees en la Cour de Parlement du consentement du Procureur General le 9. Juillet ensuivant. Ce fut un an auparavant le decez de Charles VII. lequel se mettant lors de la partie, il fut arresté, non seulement ce qui se devoit reformer; ains authorizé ce qui se trouvoit bon du passé. A quoy il voulut mettre la main, & pour cette cause confirma le Statut du Cardinal Simon Legat, sur l' eslection trimestre du Recteur, & la reformation faite par les Cardinaux de S. Marc, & de S. Martin aux Monts, autrement elles eussent peu estre revoquees en doute. Du depuis pour la nonchalance des Ecclesiastics, on n' eut plus recours au S. Siege; ains prist nostre Prince seul cette charge, par l' advis mesme de nos trois Estats: d' autant que par l' Edit tenu en la ville d' Orleans conclud au mois de Janvier 1560. le Roy Charles IX. en l' article 105. declare, que parce qu' il ne pourroit en son Conseil promptement pourvoir aux plaintes dés long temps faictes, tant par les Universitez de son Royaume, que contre icelles, & les abus qui se commettent sous pretexte de leurs privileges, franchises, & exemptions, ensemble sur la reformation des dites Universitez. Pour ces causes il ordonne que lettres de commission seroient expediees, & adresees à certain nombre de notables personnages qu' il deputeroit, pour dedans six mois, voir & visiter tous les privileges octroyez par ses predecesseurs Rois, les fondations des Colleges, la reformation du feu Cardinal d' Estouteville, & ce fait proceder à l' entiere reformation des dites Universitez & Colleges, nonobstant oppositions ou appellations quelconques: Article qui fut depuis renouvellé par Henry III. au 67. Article de l' Ordonnance faite à Blois l' an 1579. à la suite dequoy vous trouvez une infinité de reiglemens de nostre Prince concernans les Universitez, tant en spirituel que temporel, dés & depuis le 68. Article, jusques au 88. includs. Mais pour ne m' esloigner de l' Université de Paris, laquelle par ce present Chapitre je me suis mis en bute. Belle fut la reformation que par la voix commune du peuple on attribuë au Cardinal d' Estouteville: mais je n' en voy point de telle, que celle qui fut faite par Messire Jacques Auguste de Thou President en la grand Chambre du Parlement, & Maistres Lazare de Coquelei, & Edoüart Molé Conseillers, appellé avecques eux Maistre Louys Servin Advocat du Roy. Le tout en vertu de l' Arrest donné par la Cour, à la requeste du Procureur General le 3. Septembre 1598. soit que l' on considere la façon, ou l' estoffe; car pour le regard de la façon, je ne leu jamais une diction plus nette, & plus Ciceroniane que cette-cy: rien du Lipsian; & quant à l' estoffe la discipline y est, non seulement scholastique, ains en sa scholarité grandement politique: Aussi estoient tous ces reformateurs assistez de plusieurs braves protecoles, en la Theologie, Decret, Medecine, & Arts. Et toutesfois, ô malheur! (il faut que cette parole à mon grand regret m' eschape) soit ou qu' en l' ancienneté de mon aage, par un jugement chagrin du vieillard, toutes choses du temps present me desplaisent, pour extoller celles du passé, ou que sous cette grande voute du ciel, il n' y ait rien, lequel venu à sa perfection, ne decline puis apres naturellement jusques à son dernier periode, je trouve bien quelques flammeches, mais non cette grande splendeur d' Estudes qui reluisoit pendant ma jeunesse; & à peu dire je cherche l' Université dedans l' Université sans la retrouver: Pour le moins celle qui estoit sous les regnes de François I. & Henry II. La mort malheureuse & inopinee de cestuy, le bas aage de ses enfans, bigarrement de Religions, desbauche frequente de Troubles, non seulement de Catholique au Huguenot, ains de Catholique à Catholique, sous mots de faction malheureusement controuvez de Ligueur, Politique, Maheustre, luy ont fait cette grande bresche. Face Dieu par sa saincte grace, qu' on la voye quelque temps reflorir comme auparavant, à l' honneur de luy, exaltation de son Eglise, ornement de la France, ainçois de toute la Chrestienté.

miércoles, 9 de agosto de 2023

9. 24. Escoles de France, Picardie, Normandie, d' Angleterre: cette cy aujourd' huy nommée d' Allemagne,

Escoles de France, Picardie, Normandie, d' Angleterre: cette cy aujourd' huy nommée d' Allemagne, & depuis quel temps, & pourquoy.

CHAPITRE XXIV.

Il ne faut faire aucune doubte qu' entre les quatre nations de l' Université de Paris, à chacune desquelles fut du commencement voüée une grande Escole pour y entendre les leçons des Arts, il y en avoit une qui portoit particulierement le nom d' Angleterre. Ainsi le voy-je par expres, en l' accord que Simon Cardinal de saincte Croix legat en France fit en l' an 1275. entre la nation de France d' une part, & celles de Picardie, Normandie, & Anglesche d' autre part. Distinction qui estoit encores en essence sous le regne de Charles VI. comme je recueille d' une cause qui fut traitée de son temps au Parlement de Paris dont le fait estoit tel. Un Jourdain de Olivis Anglois, Maistre és Arts, & Bachelier en Theologie, se donnant qualité de Vichancelier de saincte Geneviefve, & ayant sous soy creé trois examinateurs, Maistre Jean Troüillet Picard, Jean de Vaux Normand, Guison Anglois, pour proceder à l' examen des Maistres és Arts, qui vouloient passer Maistres és Arts en l' Eglise saincte Geneviefve, il fut empesché de ce faire par l' Abbé & le Chancelier, qui formerent contr'eux complainte en cas de saisine & nouvelleté: avec lesquels demandeurs se joignit le Procureur de la nation de France, pour l' interest qu' il y pouvoit avoir. La cause du commencement introduite pardevant le Prevost de Paris, ou son Lieutenant conservateur, depuis devoluë par appel au Parlement. Soustenoient l' Abbé, & le Chancelier, que combien qu' à eux seuls appartint privativement de tous autres  de commettre un Vichancellier & quatre examinateurs de telle nation qu' il leur plaisoit, fors toutesfois & excepté qu' ils estoient tenus d' en prendre un de la nation Françoise: toutesfois les defendeurs de leur authorité privée s' estoient dispensez de cette regle concluans pour cette cause aux fins &c. A quoy les deffendeurs venans à respondre, le narré de l' Arrest estoit tel Dictis ex adverso proponentibus & dicentibus, quod in Universitate Parisiensi sunt quatuor nationes, videlicet Gallicana, nec non Picardiae, Normaniae, & Angliae. Je vous laisse leurs moyens qui ne furent trouvez bons, & les demandeurs maintenus & gardez en leurs possessions & saisines, me contentant de vous dire que par l' Arrest qui est du douziesme Juillet mil trois cens octante deux, deuxiesme du regne de Charles sixiesme, il est fait mention de la nation d' Angleterre tout ainsi que des trois autres, & tant & si longuement que ce Roy regna, l' Escole Anglesche fit part & portion de l' Université. Car mesme Henry cinquiesme Roy d' Angleterre de ce nom espousa Catherine de France fille du Roy Charles sixiesme, portant le contract de mariage clause expresse d' exheredation de Charles son fils, en faveur des enfans qui naistroient de ce mariage. Et en l' an mil quatre cens vingt deux ces deux Roys estans decedez, Henry sixiesme leur fils fut qualifié Roy de France, & le Duc de Bethfort son Oncle, regent pendant la minorité de son Neueu (: nepueu), commanda absolument dedans Paris jusques en l' an mil quatre cens trente six que le Roy Charles VII. fils de Charles VI. y entra. Et ne faut faire aucune doubte que jusques à ce periode il semble que l' Escole Anglesche perdit son credit, ny ne changea de nom. Tellement que si par advis de pays il falloit examiner cette histoire, on pourroit dire que quand les portes de Paris furent ouvertes au Roy Charles VII. elles furent d' une mesme main fermées aux Anglois ses ennemis capitaux. Toutesfois cette histoire est d' une plus longue haleine, dont je me suis voulu esclaircir au mois d' Octobre 1612. par les mains de Maistre Jan Cecile Frey Procureur, Pierre Valens Doyen, & Jean Bidaut receveur de la nation d' Allemagne, qui me communiquerent leurs vieux Registres, par lesquels nous trouvasmes ensemblement que de toute ancienneté les congregations de cette nation, qui se faisoient aux Mathurins, estoient sous le nom de l' Anglicane, jusques au dernier Registre qui commençoit l' annee 1425. dedans lequel je voy commencement de changement en l' an 1431. Ces quatre nations contiennent sous soy diverses provinces, & nommement sous la nation Anglesche estoit comprise celle d' Allemagne qui ne tenoit pas petit rang & authorité en cette Escole, ains se parangonnoit à l' Anglesche, de maniere que l' an mil quatre cens & trente un sous un Albert de Bourdon Gueldrois, Procureur de cette nation, s' estant tenuë aux Mathurins une congregation, elle est recognuë par le Registre avoir esté faite par la nation d' Allemagne. Facta congregatio nationis Allemaniae apud sanctum Mathurinum (porte le texte) die quinta Maij 1431. Alberto de Gourdan procuratore dictae nationis Baccalaureo ex Theologia nato de campis. C' est au pays de Gueldre.

Et le semblable au mois de Septembre ensuivant. Facta congregatione nationis Allemaniae (porte le Registre) apud sanctum Mathurinum vigesima Septembris 1431. Magistro Conrado Wildam Saltis burgensis Diocesis procuratore. C' est la ville de Ratinberg. Ny pour cela les Anglois ne laissoient d' estre tousjours enfans de l' Université, se faisans les congregations tantost sous le nom de la Faculté d' Angleterre, tantost sous celuy d' Allemagne. Brief depuis l' an mil quatre cens trente & un jusques en l' an mil quatre cens trente & six, par une contrecarre d' elections, tout ainsi que vous voyez ores l' Alleman, ores l' Anglois, estre eleus Procureurs de cette nation Angleche (Anglesche), aussi voyez vous les congregations porter sur leur frontispice tantost le nom de la nation d' Allemagne, tantost d' Angleterre. Et le dernier Anglois Procureur avant l' entrée du Roy Charles septiesme dans Paris, fut un Ollanus Magnus, personnage de quelque recommandation selon la portée du temps.

Chose vrayement admirable, ains miraculeuse, que je ne puis passer sous silence sans encourir marque d' ingratitude envers ma patrie, que lors que les Anglois penserent avoir atteint au comble de leurs heurs dedans nostre France, ce fut lors qu' ils commencerent de cheoir. Le plus grand contentement qu' ils eurent chez nous pendant le regne de leur jeune Roy, fut la prise qu' ils firent au siege de Compiegne de nostre Jeanne la Pucelle: En faveur de laquelle ils chanterent un Te Deum laudamus dedans l' Eglise nostre Dame de Paris, pour action de graces à Dieu: & ores que prisonniere de guerre, toutesfois son procés criminel luy fut fait & parfait, pour se vanger de la honte qu' elle leur avoit procuree, faisant fidele service à son Roy. Et par sentence du troisiesme jour de May mil quatre cens trente & un, renduë par l' Evesque de Beauvais, elle fut declaree Heretique relapse, & ordonné qu' elle seroit mise és mains du bras seculier. Veit-on jamais traict de prosperité plus benin que cestuy, & toutesfois Dieu voulut que le cinquiesme du mesme mois & an, deux jours apres la sentence, les Anglois possedans encore la ville de Paris, commencerent de se voir descheuz de l' ancienne dignité qu' ils avoient en l' Université. Premier & fatal prognostic de leur cheute future: tant avoit sur eux de pouvoir l' influence de nostre Pucelle.

Et neantmoins ne pensez pas qu' à l' arrivee du Roy Charles septiesme dedans Paris, l' Anglois fust tout à fait exterminé de son ancienne Escole: Car combien que de là en avant toutes les congregations se fissent sous le nom de la nation d' Allemagne; toutesfois j' en trouve une pendant la procure d' Alberic Textoris du sixiesme jour de Decembre mil quatre cens quarante & un, & une autre pendant celle de Goda Holandois, avoir esté faicte sous le nom de la nation Anglesche. Toutes les autres du depuis jusques à huy sous celuy de la nation de Allemagne: & ne verrez aucun Anglois promeu à la dignité de Procureur, ains seulement Alleman. Or le premier qui en fut pourveu depuis l' entree du Roy Charles, fut le mesme Arbert de Bourdon Gueldrois, dont j' ay parlé cy-dessus. Cestuy avoit premier franchy le pas en l' an mil quatre cens trente & un, au prejudice des Anglois, & luy-mesme fut le premier honoré de cette Procure sous le Roy Charles, par une je ne sçay quelle fatalité. Parce que le nom de Bourdon en Aleman signifie fin. Comme celuy auquel devoit prendre fin aux Escoles la nation Anglesche. Et depuis les Allemans ayans empieté cette dignité, firent razer du frontispice des Escoles, tout ce qui concernoit l' Anglois, & graver l' Aigle, & l' image de l' Empereur Charlemagne, non comme fondateur de l' Université, ains comme leur particulier patron, tirant son extraction de la nation Germanique.