Que nos Roys ont eu sur tous autres, bonne part en la creation & direction des Universitez de France, & que de toute ancienneté ils ont qualifié l' Université de Paris, leur fille.
CHAPITRE XXVI.
Ne pensez pas je vous supplie, que par le precedant chapitre, je vous aye deduit que nos Roys s' estoient attribuez cognoissance sur la reformation de nos Universitez: car ostee la ville de Paris, dont nous ne voyons point de titre expres de son origine, toutes les autres doivent leurs creations & fondations à nos Roys, ainsi que je vous verifieray cy apres, par le discours de ce mien Livre: Et pour demeurer aux termes de l' Université de Paris, qui est mon present sujet, le plus ancien passage auquel je trouve estre faite mention d' icelle est du Pape Celestin III. au chap. Quod Clerici. De foro compet. Ext. Nous ne voyons point la date de cette Constitution Decretale. Mais il mourut l' an 1192. doncques nostre Université estoit auparavant ce temps, & de nom, & d' effect en essence. Nous eusmes une Ordonnance faite l' an 1200. par nostre Philippes Auguste, concernant le reiglement de cette Université, qui est la plus ancienne de toutes celles que j' ay veuës. Entre le temps de la Decretale, & de ceste Ordonnance il n' y a pas grand entrejet. Davantage tout ainsi qu' en cette Université il y a un conservateur Apostolic; aussi y en a-il un Royal, pour cognoistre des differens des supposts de l' Université. Vray qu' en l' Apostolic, encore y a-il une restriction, que le suppost ne peut faire citer sa partie adverse, resseant outre les quatre diettes de la jurisdiction de l' Apostolique: mais en vertu d' une commission du Conservateur Royal, il peut appeller de toutes parts, quand c' est en & au dedans du Parlement de Paris. Belles certes, & nobles jalousies entre deux grandes dignitez, que l' Eglise pretendant estre la mere, nos Roys pretendent estre les peres: non qu' elle ait pris sa naissance de l' Empereur Charlemagne, comme j' ay dit ailleurs, ains d' autant que l' Eglise luy donnoit son estre, & la Majesté de nos Roys son bien estre. Chose que ne trouverez estrange, quand vous considererez que dés & depuis le regne de Clovis, premier Roy Chrestien des nostres, nos Roys estimerent leur Couronne avoir telle part aux affaires de l' Eglise, que c' estoient choses inseparables. Ainsi sous cette premiere famille, avant que les Maires du Palais se fussent sous le masque de leur dignité, impatronisez de l' Estat, les Concils tenus par la France estoient la plus part du temps ouverts par le commandement de nos Roys, lesquels de fois à autres y assistoient. Et combien que sous la seconde lignee, Pepin eust esté proclamé Roy de France, par l' advis du Pape Zacharie; toutesfois avec tout l' honneur & soubmission, que luy & ses successeurs porterent au S. Siege, ils ne deschevrent de l' ancien privilege de leurs devanciers, tant que la puissance Royale fut vrayement par eux exercee. Et qui fait grandement à noter, c' est que nous avons un Canon d' un Concil Nationnal tenu en ce temps là dedans Paris, rapporté par Gratian dedans son Decret sous ces mots, Principes saeculi, par lequel il fut conclud que les Roys & Princes seculiers devoient & pouvoient avoir l' œil sur la discipline Ecclesiastique. Constitution Canonique non faite à autre fin qu' en l' honneur de celuy qui commandoit souverainement en ce Royaume: auquel nous voyons mesmement soubs la troisiesme lignee, nos Roys avoir eu tellement leurs cœurs à l' Eglise, qu' en plusieurs Eglises Cathedrales & Collegiales il y a une prebende inseparablement affectee à leur Couronne: Et non seulement leurs Cours de Parlement souveraines estre my-parties de Conseillers, Clercs, & seculiers: mais en outre les premieres & plus grandes dignitez de France, comme furent les Magistratures de nos Pairs, qui estoient de six Pairs Clercs, les uns Archevesques, autres Evesques, & les six autres Laiz, trois Ducs & trois Comtes. Tout de cette mesme façon veux-je dire l' Université de Paris estre un corps mixte, grandement redeuable à l' Eglise, mais non moins à nos Roys qui en ont esté non seulement tuteurs, fauteurs, & protecteurs, mais aussi l' ont intitulée de ce mot de fille, comme ayant esté par eux creée.
Maistre Jean Gerson preschant en l' an 1415. la veille de Pasques fleuries devant les Prelats qui estoient au Concil de Constance, parlant de l' Université de Paris; Celeberrima Parisiensis Universitas (dit-il) cultrix, & amatrix eorum omnium, quae Christianae Religionis pietatem, quae sanam doctrinam respiciunt, ipsa ad exemplar Christianissimi Francorum Regis Patris sui dignißimi, &c. Tout de ceste mesme façon trouve l' on dedans ses œuvres une Epistre adressee au Roy Charles VI. sous le nom de l' Université de Paris, par laquelle elle le supplie treshumblement comme sa fille, vouloir exaucer ses defenses, contre les fausses imputations de l' Université de Tholose. Si cette qualité ne luy eust esté d' une longue main acquise, ce grand personnage eust esté merveilleusement impudent de la luy bailler: comme aussi ne la faut-il revoquer en doute; Par l' Ordonnance du Roy Charles V. du 18. May 1366. Quamvis de iure nostro Regio, pedagiorum, & immunitatum ad nos, & forum nostrum spectet, & spectare dignoscatur, tamen filiae nostrae Universitati Parisiensi, concedimus quod Conservator privilegiorum de praemissis cognoscat, &c.
Gerson vivoit sous le regne de Charles VI. duquel nous voyons deux lettres patentes, l' une de l' an 1383. sur la conservation des privileges de l' Université: Si donnons en mandement (portent elles) à nos feaux Conseillers sur le fait des Aydes ordonnez pour la guerre, que nostre tres-chere & tres-amee fille l' Université de Paris, les Recteurs, Maistres, Bacheliers, Escoliers, Lisans & Estudians, & c. L' autre de l' an 1391. aux gens tenans l' Eschiquier de Rouen, dont les mots sont tels. Nostre amee fille l' Université de Paris, & c. Deffences aux Officiers de Normandie de cognoistre des causes des Escoliers & supposts de la dite Université, ny les troubler en leurs privileges. Charles VIII. par autres lettres de l' an 1488. portans mesme confirmation l' appelle pareillement sa tres-chere & tres-amee fille: Le semblable fait le Roy Louys XII. par son Edit donné à Blois le 9. Avril 1513. Et le Roy François I. de ce nom par son Edit du mois d' Avril 1515. l' appelle non seulement sa tres-chere, & tres-amee: mais aussi sa fille premiere aisnee: Et fait encore le semblable par autre Edit du 5. Juin 1543. Et son fils Henry II. du nom suit ses mesmes traces par son Edit fait à Fontainebleau au mois de Septembre 1547. Et par autre du mois de Mars 1554. Henry, & c. Combien que les Maistres Principaux des Colleges, nos Lecteurs ordinaires & Precepteurs de nostre tres-chere & tres-amee fille aisnee l' Université de Paris: & a fin que je ne m' esloigne de ce qui s' est passé par mes mains quand en l' an 1564. je plaiday la cause de l' Université de Paris contre les Jesuistes (depuis appellez Jesuites) M. Pierre Versoris leur Advocat ayant ou par mesgarde, ou peut estre par artifice occupé le barreau des Pairs, (qui est du costé des Conseillers Laiz) pour y faire sa proposition & demande, pour faire incorporer ses parties au corps de l' Université de Paris, je m' arrestay de propos deliberé contre luy, & soustins que c' estoit la place de l' Université de Paris, fille aisnee du Roy. Et comme il eut fait quelque instance au contraire, & soustenu qu' il pouvoit plaider en ce mesme lieu. Monsieur de Thou premier President, apres nous avoir oüis d' une part & d' autre, en communiqua à tous Messieurs les Conseillers au Conseil, & par Arrest donné par jugement contredit, il fut ordonné que Versoris desempareroit ce barreau, & le lairroit à l' Université tout ainsi comme és causes des Pairs. Ce fut nostre premiere demarche; & ne me repentiray jamais de croire, que les premieres estudes en sont deuës à l' Eglise, mais la creation d' Université à nos Roys, puis qu' ils s' en disent les peres, & l' appellent pour leur fille aisnee; Aussi est-ce la verité, que c' est la premiere & plus ancienne de toutes les Universitez de la France.
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