jueves, 10 de agosto de 2023

9. 29. Invention de l' Imprimerie, & comme, & vers quel temps la langue Latine commença d' estre diversement cultivee en l' Europe.

Invention de l' Imprimerie, & comme, & vers quel temps la langue Latine commença d' estre diversement cultivee en l' Europe.

CHAPITRE XXIX.

Apres vous avoir discouru sur le fait de nostre Université de Paris, qui a produit tant de beaux & nobles esprits par le moyen des bonnes lettres; pourquoy ne me sera-il loisible de vous parler maintenant de l' Imprimerie qui baille vie aux bonnes lettres? Il me souvient d' un Epigramme dont un grand Poëte de nostre temps voulut honorer le docte Alde Manuce Imprimeur Italien, qui avoit par son impression mis en lumiere plusieurs anciens Poëtes, dont la memoire estoit, si non perduë, pour le moins aucunement esgaree: & ayant sur le commencement de son Epigramme monstré comme les Poëtes devoient estre mis au rang des Dieux, pour faire par leurs Poësies reviure les hommes illustres morts, en fin il conclud que Manuce estoit de plus grande recommandation & merite que les Poëtes, puisque par son Impression il leur redonnoit la vie.

Quod si (dit-il) credere fas Deos Poëtas, 

Vitam reddere quod queant sublatam,

Quanto est iustius, aequiusque quaeso,

Aldum Manutium Deum vocare,

Ipsis qui potuit suo labore,

Vitam reddere mortuis Poëtis.

Que si l' Université de Paris, & par mesme moyen toutes les autres ont avec le temps trouvé leurs grandeurs dedans l' Impression; pourquoy serions nous si ingrats de ne l' honorer de son embleme: veu que par une honneste liberté je veux croire que si l' ancienneté establit sept especes de sciences, je ne penseray forligner quand j' y adjousteray l' art de l' Impression pour huictiesme. Recognoissons donc s' il vous plaist quand, & par qui elle prit sa premiere naissance.

Si vous parlez à celuy qui a fait l' Histoire du Royaume de Chine és Indes Orientales, il vous dira que de toute ancienneté l' Impression y estoit en usage, & long temps auparavant qu' elle prist pied en l' Europe; ce qu' on ne peut dire de tout le demeurant de l' Univers, & par especial en nostre Christianisme, où nous n' avions, si ainsi me permettez de le dire, autres Imprimeurs que les Monasteres, aux Librairies desquels nous avions recours, comme magazins des livres manuscrits, qui plus, qui moins, selon le plus ou le moins de devotion qui residoit en ces familles pour l' exercice des bonnes lettres. Le premier qui nous garentit de cette disette fut Jean Gutemberg Gentil-homme demeurant en la ville de Majence, faisant profession des armes. Ainsi l' apprenons nous de Polidore Virgile en son deuxiesme livre de ceux qui furent inventeurs. Munster en sa Cosmographie y adjouste cette particularité, qu' ayant inventé la maniere d' imprimer, il ne la voulut tout aussi tost eventer, ains demeura plusieurs ans, luy donnant diverses façons, jusques à ce que n' y trouvant plus à redire, il la divulgua en l' annee mil quatre cens cinquante & sept. Nostre docte Veignier au second Tome de sa Bibliotheque Historiale, est de mesme opinion, & neantmoins dit que quelques uns attribuoient l' invention à un Joannes Faustius. Je veux croire qu' il y a faute en l' impression, d' autant qu' au lieu de Faustius, il faut lire Fustius. Qui ne seroit pas sans propos: Parce qu' il est autresfois tombé entre mes mains un livre des Offices de Ciceron, imprimé sur du parchemin, à la fin duquel estoient ces mots. Praesens Marci Tullij clarißimum opus, Ioannes Fusti Maguntius cinis (civis), non atramento, non plumali canna, neque aerea, sed arte quadam pulchra, manu Petri Gerrismi pueri, foeliciter effeci: finitum anno 1466. 4. die Februarij. Eloge duquel vous pouvez recueillir qu' en ce livre fut fait le premier coup d' essay de l' Imprimerie, lors fraischement inventee, & que Jean Fust est celuy auquel on le doit, sur la leçon qu' il avoit apprise de l' Autheur, si tant est qu' il y en eust un autre que luy.

Je vous ay dit que cette noble manufacture avoit esté inventee en l' an mil quatre cens cinquante & sept, & publiee en l' an mil quatre cens soixante & six. Grande chose, qui ne doit estre escoulee sous silence, que le siecle de l' an mil quatre cens fit honorer les langues Latine, & Grecque, & par mesme moyen les sciences. Auparavant, encores que vous y trouviez du sçavoir; toutes-fois en l' estallement d' iceluy, le debit se faisoit en une langue Latine goffe: & oze presque dire qu' en tous nos vieux livres Latins, qui veirent le jour depuis l' introduction de nos Universitez; voire plusieurs siecles auparavant, jusques vers le milieu de l' annee mil trois cens, il y avoit plus de barbarie, que de diction pure & nette. J' en excepte Eghinard, lequel on dit avoir esté Secretaire de l' Empereur Charlemagne, auquel par miracle particulier je trouve au peu qu' il escrivit de la vie, & mœurs de son Maistre, un langage qui ne se ressent en aucune façon de la parole barbare de son temps, ny de plusieurs autres siecles suivans. Chose qui me faict presque croire que celuy qui en fut l' Autheur, vivoit lors que la langue Latine fut rehabilitee entre nous, & que pour donner plus de foy & creance à son Histoire, il emprunta le nom d' Eghinard Secretaire de Charlemagne.

Toutesfois je me remets de cecy au jugement de ceux, qui avecques plus de diligence que moy ont fueilleté les manuscrits. Or le premier que je voy nous avoir affranchy de cette Barbarie fut François Petrarque, celuy qui entre les Poëtes Italiens a acquis le premier lieu de la Poësie Toscane: honneur toutesfois que je n' estime de telle recommandation, que celuy que je remarque maintenant en luy; d' autant que la langue Toscane se borne de l' enceinte de l' Italie, & la Latine de tout l' Univers: Ny pour cela ne pensez pas trouver en luy un langage revestu de toutes les fleurs qui depuis se trouverent en ses survivans: il ouvrit seulement le pas.

Tant y a que vous voyez en ses œuvres Latins une diction nette, un esprit moüelleux, nerveux, & sententieux, un stile court & concis. Bref vous recognoissez en luy un autre Seneque. Mais en cette conformité de plumes, il y eut cette distinction, que l' ancien Seneque ayant succedé au siecle doré d' eloquence de Ciceron, Cesar, Hortense, Saluste, Pollion, & donné quelque privilege particulier en ses escrits non familier aux anciens, fut jugé par Quintilian avoir le premier forligné de la delicatesse de la langue, & Petrarque estant né dedans un siecle barbare, s' estant aucunement mis en bute l' autre Seneque, fut le premier qui la restablit. Chose que je voy estre alloüee par Paule Jove, quand il dit de luy ces mots: Sed debeamus plurimum ingenio sudore semper aestuanti, dum litteras à multo aevo misere sepultas, è Gothicis sepulchris excitaret. 

Et Vives dedans ses livres de tradendis disciplinis: Franciscus Petrarcha ab hinc annos plures ducentis Bibliothecam iamdiu clausam reseravit primus, & pulverem situmque è monumentis maximorum authorum excußit. Quo nomine plurimum ei Latinus sermo debet, non est omnino impurus, nam squalorem sui saeculi non valuit prorsus detergere.

Ce que je vous remarque de ce grand personnage est du siecle de l' an 1300. car il nasquit l' an 1304. & mourut l' an 1374. ayant vescu soixante & dix ans. Ce que je vous deduiray cy-apres concerne le siecle de l' an 1400. Les deux premiers champions que je voy en ce siecle estre entrez en champ de bataille pour combatre cette barbarie, furent Laurent Valle Gentil-homme Romain, & Poge Secretaire de la Republique Florentine, tous deux armez d' armes de haut appareil, tant en la langue Latine que Grecque, & tous deux ennemis formels par une jalousie particuliere qu' ils avoient conceuë l' un contre l' autre. Tellement que ils s' attaquerent par unes & autres invectives Latines, & par leurs divisions particulieres s' accreut l' Estat general des bonnes lettres. Si vous croyez Raphaël Volaterran au vingt & uniesme Livre de son Anthropologie, nous devons à Poge les Institutions Oratoires de Quintilian, & les œuvres d' Asconius Pedianus: fuit in Concilio Constantiensi (dit-il) quo tempore, & Quintilianum, & Asconium Pedianum dicitur reperisse. Toutesfois je voy Quintilian avoir esté allegué long temps devant luy par Petrarque au I. livre de ses Epistres familieres, Epistre 8. escrivant à Thomas Messanense: qui me fait croire qu' auparavant il estoit en vogue: mais pour ne rendre Volaterran menteur, il faut croire qu' il n' estoit lors si correct, comme il fut depuis par la diligence & industrie de Poge: mais la beauté de ce conte est que si nous luy devons le Quintilian, qui est celuy auquel Laurent Valle a plus de creance, en sa deduction de l' elegance Latine, & ainsi le remarque Volaterran au mesme livre, Quintiliani imprimis admirator, simul & imitator. De maniere que par ce moyen il estoit grandement redeuable à Poge, avec lequel il exerçoit une inimitié irreconciliable.

Ces deux premiers entrez en champ de bataille, eurent plusieurs qui les suivirent en flote, si ainsi me permettez de le dire: Uns Marcus Antonius Sabellicus, Blondus, Georgius Trapezuntius, Aeneas Sylvius, depuis Pape, Domitius Calderinus, Bartholomaeus Capella, Rudolphus Agricola, Bartholomeus Platina, Franciscus Philelphus, Marsilius Ficinus, Ioannes Camarinus, Bartholomaeus, Baptista Guarinus, Georgius Merula, Ambrosius Calepinus, Ioannes Picus Mirandula, & Baptista Mantuanus: Mais sur tous Angelus Politianus, qui n' eut point son semblable entre tous ceux qui florirent en ce siecle, ainsi que nous voyons par ses œuvres: Et furent encores suivis par d' autres qui ores qu' ils fussent nez dedans le siecle de l' annee mil quatre cens, veirent celuy de l' an mil cinq cens, comme uns Hermolanus Barbarus, Philippus Beroaldus, Ascensius Badius, Iacobus Faber, Paulus Aemilius, Robertus Gaguinus. Tous ceux-là firent profession de la langue Latine, avecques lesquels les Grecs de nation voulurent estre de la partie; qui n' apporterent pas peu de lumiere & splendeur aux bonnes lettres: Uns Bessario depuis Cardinal, Jean Lascary de la famille des derniers Empereurs de Constantinople, Theodorus Gaza, Argyropilus, qui depuis provignerent avecques honneur la langue Grecque, que nous avons du depuis veuë grandement fleurir dans l' Université de Paris.

Ceux qui enseignerent le Latin, meslerent avecques le langage terse & poly, l' erudition & doctrine: Du depuis se trouva une nouvelle brigade, qui faisoit plus d' estat de bien parler que des sciences: Ainsi le trouverez vous dedans les lettres des Cardinaux de Bembe, Sadolet, Polus, & de Christophorus Longolius, & Petrus Bunellus. Et fut cette nouvelle secte cause qu' Erasme fit depuis un livre sous le nom de Ciceronian, pour monstrer combien cette opinion estoit prejudiciable aux bonnes lettres. Aussi ne voy-je point que ceux-là en ayent emporté le dessus; Ce fut une fleur Printanniere, ou passagere: nostre siecle porta quatre grands personnages en mesme temps, Erasme Alleman, Budé François, Alciat Italien, Vives Espagnol: & encore eusmes chez nous Adrian Tournebus, & Pierre Ramus, qui avec la superstition du langage par luy affectee traicta la Philosophie, & fit plusieurs autres livres pleins de doctrine & sçavoir: car quant aux Adversaires de Tournebus consistant en Humanité; c' est un ouvrage inimitable en varieté de sçavoir. Les Imprimeurs mesmes ont fait paroistre combien ils affectionnoient cette noble ambition: uns Aldus Manutius, & apres luy Paulus son fils dedans Venise: & en nostre France Robert Estienne par son Thezaurus linguae Latinae, qui n' eut jamais son pareil. Je ne vous fais part des autres qui se sont rendus florissans en ce sujet de nostre temps, dont le nombre est innombrable: Pour vous dire que depuis quelques annees en ça cette ardante devotion envers la langue Latine s' est grandement refroidie; & qui me fait douloir davantage, est qu' un Lipsius homme tres-docte, lequel ayant survescu tous ceux-là, & enseigné les bonnes lettres au pays Bas, a voulu prendre un party nouveau en ses escrits, les reparans de mots antiques hors d' usage. Bijarrerie que je voy aujourd'huy estre embrassee par plusieurs que l' on estime les plus doctes. De maniere que si nous n' y prenons garde, l' ancienne Barbarie se viendra loger derechef chez nous; dont Dieu par sa Saincte grace nous vueille garder. Et puis que je voy les opinions des doctes au fait de la plume se renverser de telle façon: il me plaist tout d' une mesme mesure finir ce Chapitre par un autre monde renversé. 

Le commencement de ce mien discours a esté sur l' Impression des Livres que j' ay attribuee à un Gentil-homme de Majence: Je le veux finir sur l' Artillerie, qui fut l' invention d' un Moine nommé Bertold Scuvards de l' Ordre de S. François, qui vivoit l' an 1354. Ne voyez vous en ces deux inventions un monde renversé. Un Moine inventeur de l' Artillerie, un Guerrier de l' Imprimerie. C' est pourquoy me joüant autresfois de ma plume je fis cette Epigramme Latin.

Bombardam Monacho debet male sana vetustas,

Et Monacho, cui pax alma colenda fuit. 

At mandare typis chartas à milite habemus,

Hoc unum est, currus ducit anhelus equos.


Invention de l' Imprimerie, & comme, & vers quel temps la langue Latine commença d' estre diversement cultivee en l' Europe.

9. 28. Sçavoir si la science des Loix reduicte en Digestes soubs l' authorité de Justinian, a esté autres-fois enseignee en l' Université de Paris.

Sçavoir si la science des Loix reduicte en Digestes soubs l' authorité de Justinian, a esté autres-fois enseignee en l' Université de Paris.

CHAPITRE XXVIII.

Je vous ay cy dessus discouru que l' Université de Paris estoit bastie sur quatre grands pilliers, que nous appellons Facultez de Theologie, Decret, Medecine, & des Arts. Il y en a une quatriesme que nous appellons des Loix, qui vogue par toutes les autres Universitez de nostre France, lesquelles prennent à grand honneur d' estre intitulees Universitez de Loix, encore que dedans cette profession il y en ait d' autres meslees.

Et n' est pas une petite question, de sçavoir si lors que nostre Université fut bastie, sous la Faculté de Decret estoit comprise celle des Loix, je veux dire, que celuy auquel estoit permis d' enseigner le Decret, pouvoit par mesme moyen lire en la chaire le Droict des Romains, que nous appellons Droict Civil. Si vous parlez à un Rigord qui vivoit sous le Roy Philippes Auguste, & apres son decez voüa l' Histoire qu' il fit de luy au Roy Louys huictiesme son fils, il vous dira que les Droicts Canon & Civil s' enseignoient en la ville de Paris. Et parce que le passage est de merite, non seulement pour ce qui s' offre maintenant: mais aussi pour le mot d' Université dont il use, je le vous insereray icy tout au long. 

In diebus illis studium litterarum florebat Parisiis, nec legimus tantam aliquando fuisse Scholarium frequentiam Athenis, vel Aegypti, vel in qualibet parte mundi, quanta locum praedictum studendi gratia incolebat: quod non solum fiebat propter loci illius admirabilem amoenitatem, & bonorum omnium superabundantem affluentiam, sed etiam propter libertatem, & specialem praerogativam defensionis, quam Philippus Rex, & pater eius ante ipsum ipsis Scholaribus impendebant. Cum igitur in eadem nobilißima civitate, non modo de trivio & quadrivio, verum & de quaestionibus Iuris Canonici, & Civilis, & de ea Facultate, quae de sanandis corporibus, & sanitatibus conservandis, scripta est, plena & perfecta inveniretur scriptura, ferventiori tamen desiderio, sacram paginam, & Theologicas docebant. En ce passage vous voyez que Rigord faict mention expresse de trois Facultez, qui estoient enseignees dans Paris, Theologie, Decret, & Medecine, lesquels presupposent les supposts avoir prealablement passé par celle des Arts. Et nommément que dedans Paris on y enseignoit le Droit Canon, & Civil. Et par le mesme Livre vous trouverez que du temps de Philippes Auguste, le mot d' Université couroit par la France en la ville de Paris: quand il parle qu' Amaulry Heretique fut condamné par Decret du Pape, ainsi que j' ay cotté ailleurs, & pour cette cause je ne reprendray le passage. Et finalement outre ce qu' il dedie à Louys huictiesme l' histoire qu' il faisoit de Philippes premier son pere, parlant encore de la bataille qui fut faite à Bouines entre Philippes Auguste d' une part, & l' Empereur Othon, Jean Roy d' Angleterre, Henry Comte de Flandres, & Richard Comte de Boulongne d' autre. Car comme ainsi fust que le Roy voulust choquer les ennemis: Rigord poursuit ainsi son Histoire. His dictis petierunt milites à Rege benedictionem, & statim insonuerunt tubae, & fecerunt insultus viriles in hostes, & audacißime, & strenuißime conflixerunt. In ipsa hora stabant retro Regem non procul ab ipso, Capellanus qui scripsit haec, & quidam Clericus, qui audito tubarum clangore, cecinerunt Psalmos. Benedictus Deus meus, qui docet usque in finem. Et post. Exurgat Deus. Passage qui monstre que Rigord escrivoit lors l' histoire qui estoit advenuë de son temps. Adjoustez que de ce mesme Autheur nous apprenons que le nom d' Université estoit en essence à Paris. Particularitez qui me font croire que le Droict Civil des Romains estoit enseigné en ce mesme lieu, tout ainsi que le Droict Canon, puis qu' ainsi je l' apprens de ce mesme Autheur. Ce qui n' est point certes hors de propos: car adonc le Concil general qui depuis fut fait en la ville de Tours sous le Pape Alexandre III. n' estoit intervenu. Et quand nous voyons Honoré troisiesme au Chapitre: Super specula. De privileg. Extr. faire deffense à l' Université de Paris de lire en Droict Civil, cela me faict croire qu' auparavant on y lisoit, qui occasionna le Pape de faire les mesmes deffences, voyant que l' Université de Paris croissoit assez, par le moyen des quatre autres Facultez: Et ce qui m' induit mesme de penser que nonobstant ces pretendues deffenses, on y faisoit leçon de ce Droict; c' est que je trouve un Epitaphe sur une Tombe qui est dedans le Chapitre des Augustins de Paris: Hic jacet Nobilis vir Philippus de Vologniaco, Legum Professor, qui obijt anno 1317. die Dominica, post Assumptionem Beatae Mariae Virginis, cuius anima requiescat in pace. Amen. 

Cet Epitaphe vous represente ce deffunt, comme ayant faict profession d' enseigner le Droict Civil des Romains, sans declarer en quel lieu. Tellement qu' il sembleroit de premier œil que c' eust esté en la ville de Paris où il est enterré. Toutesfois ce seroit errer: d' autant que lors l' estude des Loix en la ville d' Orleans avoit esté authorizee par Edict du Roy Philippes le Bel de l' annee mil trois cens douze: Et de faict que depuis la lecture des Loix n' eust esté faicte à Paris, nous en avons un fidele tesmoignage. Parce que lors que la ville de Caen voulut faire emologuer ses lettres d' erection de l' Université des Loix à elle octroyees par Henry sixiesme, soy disant Roy de France & d' Angleterre, l' Université s' y opposant offroit de faire enseigner le Droict Civil. Sur quoy par Arrest du Parlement de Paris, qui lors suivoit le party Anglesche, fut ordonné qu' elle bailleroit ses causes d' opposition par escrit, & que cependant sans prejudice d' icelles, les lettres seroient verifiees.

Cet Arrest prononcé le douziesme jour de Novembre mil quatre cens trente & trois. Reglement dont je tire deux choses: L' une de la part de la Cour de Parlement, que par son Arrest elle entendoit dire par son appointé au Conseil, n' en parlez plus nonobstant vos offres: Comme aussi est-ce la verité que cette opposition se tourna en fumee: L' autre de la part de l' Université, qu' elle ne lisoit point lors en Droict Civil: car en vain eust elle offert d' y lire de là en avant, si elle y eust lors leu. Cela estoit fait depuis les deffenses d' Honoré troisiesme: mais devant, je me fais fort aisément accroire que sous le mot de Decret, les supposts de l' Université, y comprindrent le Droict Civil, suivant les termes de Rigord: Or pour oster toutes ces obscuritez, nostre Roy Henry troisiesme par le soixante-neufiesme Article de son Edict, faict en la ville de Blois par l' advis de ses trois Estats, deffend nommément à tous ceux de l' Université de Paris, de lire ou graduer en Droict Civil; Loy qui donna effect aux choses futures, sans prejudicier aux passees.

9. 27. Privileges octroyez par nos Roys à l' Université de Paris.

Privileges octroyez par nos Roys à l' Université de Paris.

CHAPITRE XXVII.

Nos Roys non contens d' appeller l' Université de Paris leur fille, comme en ayans esté les premiers fondateurs, ils la voulurent d' abondant gratifier de plusieurs & divers Privileges, esquels il y a trois diverses occurrences d' affaires, les unes qui concernent nos corps pour les crimes, les autres nostre bourse, pour la conservation de nos biens domestiques, & finalement le payement des Aydes & Subsides que la necessité publique a introduite pour la subvention des guerres.

Quant au premier, ils voulurent que l' Escolier enseignant ou enseigné, fust traicté avec toutes les douceurs que l' on pouvoit souhaiter, & pour cette cause luy baillerent l' Evesque de Paris pour Juge, avecques certaines comminations contre les Juges Royaux, qui contreviendroient à cette Ordonnance. Ainsi le voulut le Roy Philippes Auguste deuxiesme de ce nom par Edit de l' an 1200. de son regne le 21. portant l' ordre qu' on devoit observer confirmé, & mot pour mot rapporté par autres lettres patentes de S. Louys son petit fils portans. Nos autem praedicta omnia approbamus, & volumus, & sigilli authoritate, & Regij nominis caractere inferius annotato confirmatum. Actum apud Fontem Bleaudi, anno Dominicae Incarnationis 1229. mense Augusti, Regni vero nostri anno tertio. Adstantibus in Palatio nostro quorum nomina supposita sunt, & signa, Dapiferi, Nullius, Roberti buticularij Bartholomaei, Camerarij Matthaei Constabularij. Datum vacante Cancellaria. Autres du Roy Philippes le Bel quatriesme du nom, confirmatives de celles de Sainct Louys, & veut qu' elles soient leuës tous les ans en l' Auditoire du Prevost de Paris, le premier Dimanche de la Toussaint. 

Actum Parisiis, anno Incarnationis Domini 1301. mense Martio. 

Voire permirent nos Roys, que si le Prevost de Paris avoit entrepris au prejudice de ce que dessus, il en fust exemplairement chastié, & qu' il fust permis à l' Université d' en dresser des Eloges, pour luy servir comme de trophees, ny n' oserent jamais les Juges Royaux revoquer cela à injure. Ainsi le voyez vous dedans le Cloistre des Mathurins, joignant l' Epitaphe de Leger de Moissel Normand, & Olivier Bourgeois Breton, Escoliers qui avoient esté pendus par sentence du Prevost de Paris l' an mil quatre cens sept, puis dependus par Arrest du Parlement, rendus à l' Evesque, comme Clercs & ses justiciables, & mis en sepulture l' an mil quatre cens huit, portant le Placard ces mots: Et furent les dits Prevost & son Lieutenant demis de leurs offices, comme plus à plein apert par lettres patentes, & instrument sur ce cas. Je vous laisse plusieurs particularitez de honte & pudeur recitees par Monstrelet, & Maistre Alain Chartier, qui furent contre ces Juges pratiquees. Pareille remarque trouvez vous au coing d' une ruë sur une muraille du Monastere des Augustins, par laquelle est representé au long le tort qui avoit esté fait à frere Pierre Gongy de l' Ordre des Augustins, Docteur en Theologie, & de quelle façon les Sergens qui l' avoient offensé furent chastiez, à la requeste & poursuite du Recteur, & supposts de l' Université. Vous en trouvez un autre prés l' Eglise saincte Catherine du Val des Escoliers: pour les excez commis contre les Escoliers, par les gens de Messire Charles de Savoisy. Portant que sa maison avoit esté demolie l' an mil quatre cens quatre par Arrest, pour les excez par luy & les siens commis contre l' Université. Tant furent nos Roys desireux en la manutention d' icelle, que non seulement ils voulurent le parchemin y passer, mais aussi que les parois parlassent pour elle, a fin d' en perpetuer la memoire dedans la posterité.

Car quant aux causes pecuniaires, du bien qui concernoit la conservation de leurs biens domestiques, ou de leurs Privileges, nos Roys leur donnerent de toute ancienneté un Juge, qui porteroit le nom & tiltre de Conservateur de l' Université de Paris, lequel cognoistroit de leurs causes tant en demandant qu' en deffendant, sous l' authorité du Prevost de Paris d' en cognoistre, sous peine non seulement de nullité, ains de punition: Et combien que du commencement ce Juge fust ordonné pour decider les causes qui attouchoient vrayement le fait des Escoliers: toutesfois, comme Solin disoit qu' anciennement les Gaulois estoient zelateurs, tant de la Religion que procez. Particularitez qui se sont depuis transmises aux François, qui leur ont avec le temps succedé en ce Royaume: Aussi se logea avec le temps la sophistiquerie en cette Université: parce que l' Escolier estudiant, ou lisant, fondé és lettres de Scholarité du Recteur, ayant cession & transport de pere, mere, frere, sœur, oncle, ou tante de quelque heritage ou debte pecuniaire. Adonc, soit qu' il demande, ou deffende, il peut distraire la cause de sa Jurisdiction ordinaire, & la faire transporter pardevant le Conservateur son Juge: qui est une leçon pour apprendre de bonne heure aux supposts de l' Université à plaider: & neantmoins permission à eux donnee par nos Roys, pour la faveur qu' ils portoient à cette Université.

Ordonnance qui a pris son trait jusques à nous, & tout d' une suite voulurent nos Roys que tous ces supposts, voire les serviteurs mesmes de tous les Aydes, Subsides & Imposts qu' on levoit sur le peuple, pour le defroy & subvention des guerres. A cet effect sont les patentes du Roy Philippes de Valois de l' an 1340, par lesquelles il veut ordonner, que les Maistres & Escoliers ne soient recherchez: Occasione pedagij, talliae, impositione, costumae, vel aliorum huiusmodi personalium operum.

Et par ces mesmes lettres est attribuee la cognoissance de telles causes au Lieutenant Conservateur de leurs Privileges, privativement de tous autres. Charles VI. passa plus outre par son Edit du 18. May 1366. car il estend ce privilege, non seulement pour le revenu des biens temporels, ains des spirituels, pour le revenu de leurs benefices & des decimes, la levee desquelles luy seroit octroyee par le Pape; mesme pour le fait des Aydes, & Subsides, y adjouste leurs serviteurs, Prerogatives à eux donnees, non pour apprendre à plaider; ains a fin qu' ils ne fussent distraicts de leurs estudes, par les Fermiers des imposts, qui ne sont que trop bons maistres pour se faire remplacer des fermes qu' ils prennent à haut prix, pensans se faire grands & riches de la despoüille & perte publique

Les imposts sont deuz à nos Rois pour subvenir aux necessitez publiques, les peages à uns & autres Seigneurs, pour l' entretenement de leurs affaires privees, selon l' ancien usage & coustume dont ils ont joüy. De l' impost nos Roys ont peu dispenser l' Université comme ils ont voulu: des peages c' est un autre discours; & neantmoins je trouve un Edit de nostre Roy Philippes le Bel IV. du nom, par lequel il exempte l' Université de Paris de certain peage, dont Richard Comte de Boulongne pretendoit devoir estre servy & acquitté par les passans.

Philippus Dei gratia Francorum Rex, & c. Notum facimus universis praesentibus & futuris, quod cum Magistri, & Scholares Universitatis Parisiensis graviter conquerantur, quod dilectus & fidelis noster Ricardus Comes Bononiae, où ses gens leur faisoient payer certain peage plus amplement mentionné par les lettres, & c. Requerans estre sur ce mis en la sauve-garde du Roy, & de les en descharger: Memorato Comite in contrarium asserente: Soustenant que luy & les siens estoient de tout temps & ancienneté fondez en la perception de ce Droict, Nos attendentes, & c. De consensu praefati Comitis, propter honorem Dei, & nostrum ordinationi nostrae, ius suum, licet clarum,  quoad dictos studiosos Universitatis solum, & non quoad alios, subposuit, immunitatem concedimus, & c. In cuius rei testimonium nostrum praesentibus litteris fecimus apponi. Datum Parisius anno 1312. mense Martij. Bel Edict & digne d' un Roy, faict en faveur de l' Université, du consentement toutesfois de celuy auquel il pouvoit prejudicier.