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viernes, 4 de agosto de 2023

8. 12. Laisser le Monstier où il est.

Laisser le Monstier où il est.

CHAPITRE XII.

Il n' y a rien qu' il faille tant craindre en une Republique que la nouveauté: Le grand Legislateur Charondas, en l' une des Loix qu' il bailla aux Thoriens, ordonna par article exprés, que si quelqu'un vouloit apporter quelque Loy nouvelle, il y vint avec le licol, c' estoit à dire que si la loy estoit refusee du peuple, il se tint asseuré d' estre pendu & estranglé, pour avoir voulu innover à l' ancienneté: Qui estoit une grande bride à l' encontre des novalitez. Licurge apres avoir faict publier, & recevoir ses Ordonnances aux Lacedemoniens, s' en alla, & avant que de partir, prist le serment de tous ses citoyens, qu' ils ne changeroient nulle de ses Loix qu' il ne fust de retour, & sur ce serment fit vœu de ne retourner jamais dedans Sparte: voire mourant ordonna que son corps fust ensevely dedans les flots de la mer, craignant que si le peuple eust recueilly ses os, il eust pensé estre affranchy du serment qu' il avoit fait. La question en est fort belle dans Aristote au second de ses Politiques, où il discourt le pour, & contre avec une infinité de raisons. Pour le party du changement, il dict que si en toutes sciences on voit les opinions se changer, selon la diversité des rencontres, à plus forte raison doit-on faire le semblable en une discipline politique. Les Loix (dit-il) estoient anciennement barbares, & conformes aux mœurs du vieux temps. On ne sçavoit rien que les armes, ils achetoient les femmes l' un de l' autre. Bref toutes leurs loix estoient brusques & farouches. Ces vieux pitaux, soit qu' ils fussent engendrez de la terre, ou de quelque putrefaction, aussi furent-ils esloignés de toute civilité. Et à tant seroit chose fort absurde, les mœurs ayans receu polissure avec le temps, de s' arrester aux vieilles loix: Par ce que chacun doit approuver non ce qui s' observoit en son pays, ains ce qui se devoit observer. Partant il ne falloit trouver estrange qu' avec le changement des mœurs, on changeast par mesme moyen de loix: Toutesfois il se ferme en fin au party contraire, disant qu' il n' y a rien que le Magistrat doive tant craindre, que d' estre mesprisé des siens: Inconvenient auquel il peut aisément tomber, introduisant nouvelles loix, ausquelles le peuple ne se pouvant aisément accommoder, il s' accoustumoit aussi de n' obeyr. Davantage que les vieilles loix s' estans tournees en coustume, elles se tournoient tout d' une suite en nature, joint que ce qui estoit d' une longue main empraint dedans nous, estoit beaucoup plus aisé à digerer, ores que moins bon, & les ordonnances, quelque fruict qu' elles nous promissent, coustoient infiniement à un peuple, avant que de pouvoir tomber en usage. 

Or si cette proposition est bonne pour la loy commune, encore est elle plus requise en ce qui concerne la venerable Religion, laquelle se doit au jugement des sages, plus soustenir par une longue ancienneté, que par toutes les raisons mondaines des hommes: Au contraire il faut le plus qu' il est possible en deffendre au commun peuple la dispute: Ainsi le tenoit le divin Platon au 12. de ses Loix, & sans aller rechercher autre authorité que de nostre grand Maistre: Quand nostre Seigneur Jesus-Christ demandoit au peuple s' il croyoit, il se contentoit d' un ouy, & ne vouloit point que l' on entrast en plus grande information de sa creance, respondant, Ta seule foy t' a sauvé. De cette mesme proposition est venu que nous disons en France, Laisser le Monstier où il est, c' est à dire, ne rien eschanger des anciennes constitutions de l' Eglise: Car encore que Monstier vienne de Monasterium, que nous disons maintenant Monastere, qui est le sejour & habitation des Moines: si est-ce que nos ancestres en userent indifferemment pour toutes Eglises Parrochiales, comme de fait vous voyez que l' on dit ordinairement Mener l' Espousee au Monstier, quand on meine une fille en l' Eglise pour estre espousee par son Curé. Proverbe que nous appliquons generalement à toutes mutations: Parce que toutes & quantes fois que l' on ne trouve bon quelque changement de l' ancienneté, on dit que le meilleur est de laisser le Monstier où il est. Nous devons doncques honorer ce commun dire, & nous souvenir que la ville de Marseille fut honoree entr'autres choses, de ce qu' ayant un vieux glaive enroüillé sur l' une de ses portes, il n' estoit permis au bourreau d' en prendre un autre pour decapiter ceux qui estoient condamnez à mort. Il ne faut rien eschanger de ce que une longue ancienneté a approuvé en une Religion, voire jusques aux paroles mesmes. De nostre temps Sebastian Castalion pensant mieux parler Latin que les autres en sa traduction du vieux & nouveau Testament, voulut mettre en usage le mot de Genius, au lieu de celuy d' Angelus, & son œuvre en fut condamné par tous. Il n' y a rien en cela qui puisse estre mieux descouvert qu' en ce mot de Verbe, qui nous est si familier, voulant exprimer la grandeur incomprehensible de Dieu en nostre Eglise: Quand en l' Evangile de S. Jean on usa du mot de *grec (Sophos), cette diction avoit beaucoup plus grande energie que celle de Verbum Latin que le traducteur mist en œuvre. Et de fait Lactance Firmian au 9. livre de ses Institutions divines, n' a douté d' en faire un chapitre exprés qui est le 3. Quod melius (porte le tiltre) à Graecis *grec quam à Latinis Verbum, & à la suitte de cela. Sed melius Graeci *grec dicunt, quam Verbum sive sermonem: *grec enim & sermonem significat, & rationem: Quia ille est vox & sapientia Dei. Le traducteur ne pouvant rendre en Latin un mot autant significatif que le Grec, y employa seulement celuy de Verbum, beaucoup moindre que l' autre. Toutes-fois le temps luy a donné telle façon, & emphase en nostre Religion, qu' il n' y a mot Grec, Latin, François, Italien, ou Espagnol, qui arrive à la grandeur de cestuy-cy: & qui voudroit user du mot de Sapientia pour Verbum, il gasteroit tout. Le semblable adviendroit en celuy qui voudroit appeller le vieux & nouveau Testament, vieille & nouvelle Alliance: Car la verité est que le mot Hebrieu signifie vrayement Alliance, & le lieu qui nous a enseigné de dire Testament, a esté par la traduction des huit, 9. & 16. chapitres de l' Epistre de S. Paul aux Hebrieux, où le traducteur a usé du mot de Testament, non d' Alliance: Paradventure pour autant que l' une & l' autre Alliance se fit par le sacrifice premierement que Dieu voulut estre fait d' Isaac par Abraham son pere (vray qu' il luy retint la main) puis de Jesus-Christ son fils, & qu' en telles occurrences nos dernieres volontez sont appellees Testamens: Tant y a que ce mot ayant gaigné cours, & credit par succession de temps entre nous qui voudroit aujourd'huy traduire soit en langue Latine, ou Françoise le mot Hebrieu en sa naïfve signification, qui dit Alliance, il seroit reputé Schismatique. A peu dire, jamais chose ne fut mieux dite que ce que disoit Quintilian en son premier livre, de ces paroles, qu' une ancienne Religion a authorisees. Ea mutari vetat Religio, & consecratis utendum.

viernes, 19 de mayo de 2023

CHAPITRE II. Que Jules Cesar n' eut les Gaulois en opinion de Barbares,

Que Jules Cesar n' eut les Gaulois en opinion de Barbares, & que l' occasion de ce vint de leur ancienne police, ensemble de ce que quelques Autheurs Italiens nous veulent blassoner de ce tiltre.

CHAPITRE II.

Je ne puis quelquesfois, qu' à juste occasion je ne me rie de la plus part de noz modernes Italiens, lesquels se pensent avantager grandement en reputation envers toutes autres contrees, lors que faisans mention des guerres que nous avons euës contre eux, ils nous appellent Barbares. Entre ceux-cy Paule Ioue (Jove) n' y a usé d' aucune espargne, comme celuy qui en commun propos se vantoit n' avoir en si grande recommandation la verité historiale, qu' il ne fist plus grand compte de la gloire de son pays. Et neantmoins comme celuy qui a sa plume exposee à qui plus luy donne, quand il entre aux termes du Roy François premier, duquel il avoit pension, vous recognoistrez à l' œil qu' il commence d' attremper son stile & de flatter nostre France. De mesme façon a voulu user un autre non vrayement de telle marque, mais toutesfois authorisé envers le * populaire. Cestuy dont je parle, est Crinit, lequel à chaque propos penseroit avoir fait coruee, lors qu' il met le nom des Gaulois en avant, si d' une mesme suitte il ne l' accompagnoit d' un surnom ou de lourdaut, ou Barbare, s' estant tellement esgaré en tels tiltres, qu' en quelque lieu, entre autres faisant mention de la brave responce que les Ambassadeurs de Gaule feirent iadis à Alexandre le grand, quand il leur demanda quelle chose ils redoutoient le plus en ce monde, estimant que par leur responce ils deussent rapporter ceste crainte à la seule grandeur de luy: Ces Gaulois (dit cet Italien) comme ceux qui de leur nature sont lourds, escornans l' outre cuidee presumption d' Alexandre, respondirent seulement, qu' ils craignoient que ceste grande voulte du Ciel tombast sur leurs testes. Voyez je vous pry comme ce sot nous appelle sots en une responce si brave, & par laquelle nous pouvons descouvrir je ne sçay quoy de la proüesse & magnanimité de noz ancêtres. Tellement que luy, qui en cest endroict nous impute ceste parole à lourdise, est toutesfois contrainct confesser que par icelle se trouva ce ieune Roy de Macedoine tout confus. Certes si vous lisez en Jove, vous trouverez le plus de temps toutes nos victoires tellement abastardies, qu' il semble à l' oüir parler, que toutes & quantesfois que la honte est tombee sur son pays, il n' y ait rien de nostre bonne conduite, ains seulement ou de la fortune, ou du temps. Abaissant luy & tous ses semblables en tout, & par tout, & noz victoires & noz façons, tant anciennes que presentes, combien qu' il n' y ait aucune comparaison des partialitez & divisions d' Italie, à la commune union de nostre France: mais induits (ce croy-je) à ce faire pour être dicts imitateurs des anciens Romains, qui estimerent en leur commun langage toutes autres nations Barbares, fors la Gregeoise & la leur: & aussi pour mieux representer un Tite Live, lequel par animosité peculiere semble s' être du tout destiné à vilipender la memoire de noz Gaulois. En quoy combien que Jules Cesar n' ait du tout forligné de ses comtemporains, toutesfois comme celuy qui n' en parloit par advis de pays, ains qui par longue usance & frequentation cognoissoit leur ordre & police, se trouve avoir plus de respect, que tous les autres. Et de faict, du peu que j' ay observé le lisant, je ne trouve que ce mot de Barbare luy soit eschappé de la plume à l' endroict de nous, hors mis en deux lieux: l' un quand Crassus, son Lieutenant ayant pris au pays d' Aquitaine une ville qu' il nomme Sontiac, voulant donner contre quelques autres peuples des frontieres & esloignez pour l' assiete de leur region, de la courtoisie de la Gaule: A donc (dit-il) ces Barbares estonnez, luy envoyerent de toutes parts Ambassades. L' autre au cinquiesme Livre, auquel lieu plus forcé de colere que de raison, pour les novalitez qui de jour à autre se brassoient encontre luy pour la recousse de la commune liberté, il nous appelle Barbares, nous ayant en tous autres passages reputez de conditions civilizees le possible. Et si quelqu' un, peut être vouloit attribuer cela, d' autant que c' estoit la grandeur de Cesar de ne tomber en opinion envers les siens d' avoir deffait gens Barbares, certainement il s' abuse grandement: Car quand il s' achemina à la conqueste de ceux de la grande Bretaigne, où la fortune luy fut aussi favorable comme en la Gaule, pour le nompris en quoy il avoit leur maniere de faire, il les appelle à chasque bout de champ, gens Barbares, ne daignant les caresser de plus honorable tiltre. Mesmement apres qu' au cinquiesme Livre il a deduit le commun Estat des Gaules, adjoustant celuy de la Germanie au pied, quasi par une anthitese & contredite: 

Les Germains (dit-il) sont du tout differens de telles façons de faire. Car ils n' ont ny Druydes qui ayent la charge des choses divines, ny ne sont soucieux de tant de religions. Et ainsi deduisant leurs façons au parangon des nostres, monstre de combien ils estoient rudes & mal façonnez au regard de nous. Et à ceste occasion parlant des nations limitrophes & attenantes à la nostre, se trouvera qu' apres avoir parlé des Suéves affis au terrouer d' Allemagne, Non loing d' eux (faict-il) estoient les Ubiens, Republique de nom, & florissante selon la portee du pays, voire quelque peu d' avantage, mieux polie que tout le surplus d' Allemaigne, par ce qu' ils confinent au Rhin. Au moyen dequoy plusieurs marchans trafiquent avec eux, mesmes pour la proximité des lieux, ils se conforment en quelques traicts aux coustumes de la Gaule. Et en autre endroict faisant la description ou topographie de la grand Bretaigne, il dit que ceux, qui resseoyent en la ville de Cantium, estoient les mieux appris du pays, pour autant qu' elle estoit maritime & approchant des mœurs & façons du Gaulois. De sorte que l' on peut par là cognoistre en quelle reverence estoient les manieres de faire de noz Gaulois à l' endroict des nations prochaines; & mesmement envers ce grand Jules Cesar. Et vrayement à bonne raison: par ce que, qui considerera de pres leur ancienne police, il trouvera un pays merveilleusement bien ordonné. Car combien que la Gaule fust bigarree en factions & puissances, comme nous voyons maintenant l' Italie (qui fut veritablement le premier defaut de leur Republique, & pour lequel finalement ils se ruinerent) toutesfois en ceste varieté d' opinions fondees pour leur grandeur, si avoient-ils une justice generale par laquelle estoit rendu le droict à un chacun particulier. Chose qu' il est facile de tirer de Cesar au lieu où, apres avoir discouru tant sur la Republique des Heduens que sur celle des Auvergnacs & Sequanois, lesquelles se guerroyoient sans entrecesse, venant subsecutivement à discourir sur la Religion des Druydes, Ils exercent (dict-il) la justice, & si quelque personnage de privee condition, ou mesmement aucun peuple n' obeist à leurs decrets, en ce cas, ils l' excommunient, estant ceste peine envers eux fort redoutee. Car ceux qui encourent telles censures, sont reputez meschans, & fuiz du reste du peuple, afin que par ceste conversation il n' en demeure contaminé & infect comme eux. Et qui plusest leur est deniee toute audience de iustice. Et peu apres: Ces Druydes s' assemblent annuellement sur les limites du Chartrain (qui est une region qui tient le milieu de la Gaule) & là siegent en certain lieu sacré, faisants droict universellement aux Gaulois, lesquels se ferment à leurs sentences, comme arrests. A la verité qui voudra examiner ce propos, il semblera que Cesar se contrevienne. Car comme n' agueres je disois, il maintient que la Gaule estoit reduite en deux principales factions, qui se faisoient journelle guerre: & maintenant comme s' ils eussent tous esté concords, il dict que les Druydes s' assembloient en lieu destiné pour sentencier sur chacun. Que veulent donc enseigner tels propos? non autre chose, sinon, combien *entent ces Gaulois en recommandation le faict de la justice. Veu qu' entre leurs communes divisions, justice toutesfois avoit cours, & qu' ils avoient gens choisis soubs la puissance desquels nonobstant les debats de leurs primautez, ils soubmettoient les negoces des particuliers. Car pour le regard des affaires de plus grande importance & qui concernoient l' universel de la Gaule (apres qu' ils s' estoient longuement embroüillez des guerres, revenant par un commun consentement chasque Republique à soy) elles se vuidoient ordinairement par diettes, esquelles s' il estoit question de quelque grand personnage qui eut conspiré contre la liberté du public, ou aspiré à la tyrannie de la Republique, par la sentence des Estats il souffroit condamnation de mort, bannissement, ou telle reparation que l' on trouvoit bonne de faire. En quoy ils avoient une telle foy l' un à l' autre, que combien que les Heduens & Sequanois eussent une perpetuelle jalousie de leur grandeur ensemblement, tontesfois Ariouist, extraict de la Germanie, ayant envahy sur les Sequanois quelque partie de leur territoire, encores en feirent les Heduens en une assemblee leur complainte, appellans Cesar à leur ayde mesmes en faveur de leurs ennemis. Laquelle coustume fut souvent pratiquee par Cesar aux grands affaires, bien qu' il eust empieté la Gaule. D' autant que sur son premier advenement il ne vouloit du tout effacer (craignant les rebellions) les anciennes franchisses & libertez des Gaulois. Ainsi voyons nous que luy revenant du degast du Liege encontre Ambiorich, fit signifier une telle façon de diette à Reims, où il fut traicté entre autres choses des rebellions de ceux de Chartres, & de Sens, & fut speciallement recherché un nommé Acon, qui avoit procuré avecques ses complices, la mort du Roy de Chartres. Pour lesquelles choses ayant esté declaré atteinct & conuaincu de crime, en fut pris tel exemple, que portoit l' ancienne usance de Gaule. Et en l' absence de Cesar s' en trouvent deux memorables: L' un, quand Induciomare, tenant les premieres parties entre les Treuires, voulant tailler nouvelle besongne à Cesar, & ayant intelligence avecques le Chartrain, Tournaisin & quelques autres, feit faire une journee, par laquelle entre autres capitulations fut declaré Cingethorich son concurrant en grandeur, & partisan des Romains, ennemy de la Republique, & ses biens à elle acquis & confisquez. L' autre, quand soubs la conduite de Versingethorich, toutes les Gaules se rebellerent, en laquelle diette fut conclud quant, & combien de gens d' armes chacque Republique soudoyeroit à ses despens. Qui monstre quelle foy toutes les villes avoient l' une à l' autre parmy leurs riottes & dissentions. Car combien que pour la préeminence ils se feissent souvent guerres, si est-ce qu' au relasche d' icelles, ils avoient telles journees & diettes de reserve, pincipalement pour se fortifier & garentir des estrangers. Toutes lesquelles choses mises ensemble nous servent d' assez ample leçon pour nous enseigner qu' il n' y avoit rien lors en la Gaule, qui sentist son esprit grossier ou barbare. Car * & les Censeurs des Druydes entre nous autres Chrestiens encores s' observent aujourd'huy, & à l' exemple des Druydes qui s' assembloient tous les ans, en certains lieux pour quelque temps, pour rendre droict aux parties, nous avons presque introduits en noz Parlemens les grands Jours, combien qu' il y ait quelque diversité, comme il est possible que toutes choses anciennes se rapportent d' un droict fil aux modernes. Et de la mesme façon que la Gaule s' entretenoit jadis par diettes, nous voyons aujourd'huy l' Allemaigne maintenir en grandeur son Empire. 

Non que je vacille dire que d' eux, ny l' Alemaigne, ny nous qui sommes Chrestiens, ayons emprunté telles coustumes: mais je veux conclure puis que, par les deux poincts qui entretiennent aujourd'huy une grande partie des Monarchies de l' Europe, noz vieux Gaulois se maintenoient deslors en honneur, qu' il n' y avoit rien en eux qui ne partist de bon esprit à l' entretenement de leur commune police. Et si de ce general ordre nous voulons entrer aux particularitez, voyez je vous supply, l' Estat des Heduens, de ce que nous en pouvons extraire & apprendre du mesme Cesar, bien qu' à la traverse & peut-être, sans y penser il nous en ait donné les Memoires. Car apres qu' il fut venu à chef de la ville d' Auaric en Berry, luy vindrent (dit-il) Ambassades de la part des Heduens pour le prier humblement qu' il luy pleust prendre la cause de leur Republique en main, allans leurs affaires en grand desarroy. Pour autant que combien qu' anciennement leur souverain magistrat, & qui avoit mesme prerogative qu' un Roy, fust esleu seul d' an à autre, toutesfois y en avoit deux qui s' ingeroient au maniment de cest Estat: soustenant chacun d' eux en son endroict être le vray. En sorte que la Republique estoit toute en armes, & le Senat & le peuple partialisez en brigues, & au grand dommage du public, si les choses prenoient longue traitte. Au moyen de quoy Cesar (ainsi qu' il recite) combien qu' il luy fut fort fascheux laisser ses propres affaires & ennemis en arriere, ce neantmoins pesant la consequence de ces nouvelles, & desirant y obvier : aussi qu' il estoit acertené que de toute ancienne loy, en ceste Republique ceux qui estoient commis à l' exercice de tel estat, pendant l' an de leur magistrat, leur estoit prohibé de sortir hors de leurs limites: pour ne vouloir être veu enfraindre ceste ancienne coustume, ains entretenir ses citoyens en leurs droicts & libertez, luy-mesmes se transporta sur les lieux, faisant venir par devers soy le Senat, & les deux dont estoit question. Auquel lieu ayant esté informé par quelques uns soubs main, que Cotte un des pretendans avoir esté creé en temps & lieu indeu, & mesmement par son frere, qui l' an auparavant avoit exercé cest estat: nonobstant que les loix deffendissent que deux d' une mesme famille peussent administrer aucun office qui auroit esté exercé par un sien parent, jusques apres la mort de luy, & interdissent mesmement à deux d' une parentelle l' entree du Senat: à cette occasion Cesar ordonna que Cotte resigneroit tout le droict qu' il pouvoit pretendre, en faveur de Convictolitane, qui avoit esté créé par les Prestres suivant l' usance ancienne. En effect voila que Cesar dict en passant. Mais que tirons nous de cecy? En premier lieu, que entre les Heduens, le Roy estoit sans plus annuel. En second, qu' il ne luy estoit loisible, pendant son magistrat, vuider les fins du pays. Tiercement que d' un parentage deux ne pouvoient être Senateurs. Et finallement que les Prestres qui par commune renommee devoient être plus religieux & fideles, estoient commis pour l' election de ceux qui estoient appellez à cest estat. Quoy? quels moyens y a-il plus souverains pour exterminer & bannir toute tyrannie que ceux-cy? Desquels le premier fut pratiqué en la Republique de Rome: le second par la Seigneurie de Venise: le tiers, par noz vieilles & plus estroictes ordonnances: & le quart par les grands Roys & Empereurs, qui demandent, voire affectent religieusement (pour la conservation de leurs Estats) le sacre & couronnement de l' Eglise. Je veux donc conclure par cecy, qu' il n' y eut oncques defaut de police bien ordonnee entre noz anciens Gaulois, ny consequemment occasion pour laquelle ils deussent du Romain encourir le nom de Barbares. Car s' il nous faut passer plus bas, & descendre au temps que les François s' impatronizerent de ceste Gaule jusques à nous, je voudrois volontiers sçavoir, qui esmeut nos nouveaux autheurs d' Italie (j' entends depuis trois cens ans en ça) à nous blassoner de tel tiltre. Premierement si nous considerons noz vieux François, lesquels tous fraiz esmolus passerent de la Germanie en la Gaule, bien qu' ils n' eussent occasion d' être de telle trempe que leurs successeurs, au moyen des perpetuelles guerres esquelles ils estoient seulement nourris, si est-ce qu' un Procope, & apres luy Agathie, qui toucherent presque à leur aage, leur donnent sur toutes autres nations qui passerent d' outre le Rhin, loüange de civilité & justice. A laquelle mesmement l' un d' entre eux attribuë autant la cause de leurs grandes victoires, comme à leurs propres forces & armes, en quoy toutesfois ils furent de leurs temps uniques. Et me souvient entre autres lieux qu' Agathie deplorant l' estat de Marseille, laquelle ville auparavant adonnee aux lettres Grecques, estoit tombee soubs la puissance des François (qu' il nomme en ce lieu là Germains, comme faict en quelque autre passage Procope) est neantmoins en fin finale contrainct confesser qu' elle n' estoit digne de telle commiseration que l' on eust bien dict: attendu que les François n' estoient gens agrestes, comme plusieurs nations Barbares, ains civilizez & polis, selon les coustumes Romaines, ausquelles ils se conformoient non seulement és nopces, festins, & autres grandes assemblees, mais aussi en regimes ou medecines, pour la conservation, ou recouvrement de leur santé. Et si de ces bons vieux peres François il nous plaist venir à la commune police que de main en main nous observons depuis cinq ou six cens ans en ça, je m' asseure que l' on trouvera l' Italie n' être qu' une chose divisee en partialitez, & discordes, sans aucune asseurance de bon ordre. Et au rebours, nostre France être reiglee par une Monarchie appuyee de si bon conseil, qu' encores qu' il y ait quelques defauts (comme le commun cours de Nature n' est jamais sans) toutesfois si voit-on qu' il faut qu' il y ait une grande conduite, puis que depuis onze ou douze cens ans, l' Estat de noz Princes s' est perpetué jusques à nous.

Desquelles choses on ne recueille aucune demonstration de Barbarie: si, peut être nous ne voulons nommer Barbares les nations, qui ont chastié l' Italie pendant qu' elle aneantie & reduicte en un perpetuel nonchaloir, n' avoit pour son subject autre chose, que les delices & voluptez. Car en ceste mesme façon voyons nous que le commun, d' une opinion esvolee deteste ordinairement la nation des Gots, comme gens grossiers & mal appris, pour autant qu' ils ruïnerent quelques fois Rome jadis chef de l' univers. Combien que qui voudroit raconter leur histoire de point en poinct, on trouveroit que lors de leur venuë, l' Italie estoit trop plus desnuee d' une commune civilité. Et qu' ainsi ne soit, lequel se monstra plus Barbare, ou le Romain, qui, ayant donné sa foy & sauf-conduit à Alaric, Roy des Visegots pour passer au pays d' Aquitaine, ce neantmois par gens interposez luy fit liurer l' assaut le propre jour de Pasques, pour le prendre à l' impourueu: ou Alaric, qui, pour reparer ceste injure, meit puis apres Rome à feu & à sang? Certes je croy qu' on trouvera que le Romain avoit usé contre tout droict de gent, & ouvré un tour de Barbare. Et au contraire, qu' Alaric, semonds d' une juste vengeance avoit practiqué ce que tout noble cœur ne sçavroit passer par dissimulation. Au demourant, qui voudra sans passion considerer la Monarchie que tint Theodoric Roy des Ostrogots, sur l' Italie, il cognoistra un Prince debonnaire le possible, & advisé au profit de soy & de son peuple, trop plus que les Exarques & Ducs, qui depuis souz la puissance de l' Empire commencerent à prendre ply en Italie, les Gots en estans expulsez. Tellement que par ces exemples on peut voir que ce que plusieurs autheurs d' Italie ont mis ce mot de Barbare en œuvre au contemnement de nous autres, ou des estrangers > ç' a esté seulement pour penser venger par leurs escrits & traicts de plume, noz braves traicts d' armes & proüesses: & attenuer les victoires que nous avons sur eux gaignees. Aussi à peine qu' on trouve que l' Italie, depuis le declin de l' Empire, c' est à dire, depuis huict ou neuf cens ans en ça, estant foulee des estrangers, ait esté remise sus, que par nostre moyen: ny que l' opinion de sa grandeur ait bien esté rabatuë, que semblablement de noz verges. En quoy combien que nous n' ayons tousjours eu vent en pouppe, aussi le plus du temps en avons nous rapporté telles despoüilles, que jamais ne sera que les Italiens ne nous en redoutent, & par mesme moyen n' implorent en leurs adversitez nostre aide. Et au contraire, ne trouverez que depuis Charlemaigne, ny long temps auparavant ils ayent usé d' aucun acte de braverie en nostre endroict, mais connillans selon les temps & occasions, tantost se sont soubmis à nostre devotion, tontost s' en sont dispensez, non toutesfois sans opinion de retour. Toutes choses par moy deduictes par maniere d' avant-jeu, non point que par elles j' entende de primer en aucune façon l' Italien: mais aussi afin qu' il entende que nous, ne sommes à luy inferieurs, ny en police & bonnes mœurs, ny en bonne conduite de guerre, soit que nous advisions l' ancienne Gaule, ou nostre nouvelle France.

Chapitre III