lunes, 7 de agosto de 2023

8. 58. Rompre la Paille ou le Festu avec quelqu'un.

Rompre la Paille ou le Festu avec quelqu'un.

CHAPITRE LVIII.

Nous disons communément Rompre la Paille, ou le Festu avec quelqu'un, quand nous nous disposons de rompre l' amitié que nous avions contractee avecques luy: Mais dont vient cette façon de parler? Car je vous prie, quelle communauté a la rupture du Festu, ou de la Paille, avec l' amitié? Paille dis-je, qui se consomme au feu à un clin d' œil: Amitié au contraire qui doit estre bastie sur un fondement stable, & permanent? Paravanture feray-je icy d' une mouche un Elephant, mais advienne ce qu' advenir en pourra, puisque la pierre est jettee, je diray franchement ce que j' en pense, & prendray mon vol de si haut que de prime face quelqu'un pensera que je mets mon jugement à l' essor. Ce n' est point chose nouvelle, ains tres-ancienne, voire és matieres d' estoffe, que pour contracter alliance de l' un à l' autre, on usoit de quelques actes exterieurs. Les Empereurs és investitures qu' ils faisoient des Archeveschez, & Eveschez, investissoient les Archevesques & Evesques, en leur presentant un Anneau & une Verge, qui estoit un petit baston. Au droict ancien des Romains les demissions de la possession des choses venduës se faisoient per aes & libram, & depuis s' il estoit question de la vente d' une maison, nous en acquerions la possession par la tradition des clefs. Coustume qui s' est perpetuee jusques à nous: à l' imitation dequoy il y eut plusieurs Coustumes en Picardie, esquelles pour mettre un homme en possession de la chose par luy acquise, il prenoit tantost un petit baston, tantost un rameau, & en userent diversement: Car és Coustumes d' Amiens, Laon, Reims, & Arthois, cette possession & saisine qu' ils appelloient autrement Vest, se faisoit par la tradition d' un baston, que le vendeur mettoit entre les mains de l' Achepteur. En la Coustume de Chaulny il faut recevoir le baston par les mains du Juge. Par celle de l' Isle tout homme qui veut avoir quelque heritage par retraict lignager, se doit retirer pardevers le Prevost du lieu, & quatre Eschevins pour le moins, & là faire sa protestation, offrant or & argent à descouvert tant pour le sort principal, que loyaux coustemens. Quoy fait le Prevost ou son Lieutenant le doit mettre en possession de la chose par luy requise par raims & baston, sauf tous autres droicts, à condition que l' offre soit signifiee par un Sergent à l' acheteur dedans sept jours, a fin qu' il vienne consentir, ou dissentir le retraict. Voila des ceremonies qui en leur ancienneté peuvent estre trouvees estranges: & neantmoins je croy que cela advint a fin que tout ainsi que par la tradition des clefs le vendeur estoit estimé s' estre demis de la maison par luy venduë, aussi estant mal-aisé qu' és champs il n' y eust quelques arbres plantez, on pensoit qu' en tirant un baston, rameau ou buchette, qui faisoient part & portion d' heritage, c' estoit faire tradition reelle & actuelle d' iceluy. Et depuis comme avec le temps on saute fort aisément d' un penser à l' autre, ce qui avoit esté introduit pour les terres des champs, fut appliqué à toutes autres sortes d' heritages & possessions.

Or que le Vest se fist par la tradition d' un baston, toutes ces Coustumes y sont formelles: Mais que De vest se fist par la rupture d' iceluy, je n' en voy aucune qui en parle. Et toutesfois ne pensez pas que cela n' ait esté observé en quelques endroits. Car nous trouvons en Frinsingense, Exfusticare, pource que l' on dit autrement se demettre de sa possession, mot qui vient du Latin festuca, qui signifie le brin d' un jeune rameau. Nous avons du Latin festuca fait le mot François festu, que nous approprions aux brins de paille, de là si je ne m' abuse, est venu, que nous dismes premierement rompre le festu ou la paille, quand nous nous voulions departir d' une ancienne amitié. Et en cas non du tout semblable, mais aussi non du tout dissemblable, nous voyons qu' aux obseques de nos Roys, lors que l' on a fourny & satisfait à toutes les ceremonies, le Grand Maistre rompt son baston sur la fosse du deffunct Roy: Et apres avoir crié par trois fois: Le Roy est mort, on commence de crier: Vive le Roy, comme si la rupture de ce baston estoit le dernier Adieu que l' on prenoit du deffunct.

8. 57. De ces mots, Traistre, Trahir, Trahison.

De ces mots, Traistre, Trahir, Trahison

CHAPITRE LVII.

Ce mot de Traistre ne nous est que trop familier, tant de signification que d' effect, lequel nous est encores commun avec l' Italien qui l' appelle Traditore, & l' Espagnol, qui le dit Traydores (traidor, traidores): Et ne faut faire aucune doute que ces trois nations ne l' emprunterent du Latin Tradere, qui ne se rapporte aucunement à ce que nous voulons dire en François, usans du mot de Trahir, car les Romains appellerent Proditor, celuy que nous appellons Traistre, Proditionem amo (disoit l' Empereur Auguste) Proditorem non amo, qui estoit à dire, j' ayme la Trahison, non le Traistre. Mais dont vient que nous l' ayons emprunté de Tradere? Cela est vrayment procedé d' une ignorance, mais ignorance tres-belle. Et moy-mesme par advanture dois-je estre estimé ignorant de l' attribuer à une ignorance: Car pour bien dire, je ne pense point que ceux qui l' approprierent à ces trois langues fussent si grands asnes, qu' ils n' entendissent la signification de Tradere. Je veux donc dire & croire que ce mot fut emprunté de la traduction Latine de nos quatre Evangelistes, au lieu où nostre Seigneur Jesus-Christ disoit qu' il y avoit l' un de ses Disciples qui le devoit liurer aux Juifs: Amen dico vobis quod unus vestrum me traditurus est: Et ailleurs, Judas quaerebat quomodo Jesum traderet. Qui estoit à dire proprement, non comme il le trahiroit, mais comme il le liureroit és mains des Juifs: Et parce qu' entre toutes les malheureuses conspirations il n' y en eut jamais une plus damnable que celle-là, nos bons vieux Peres s' attacherent fermement à cette diction Tradere, ne voulans point considerer quelle estoit sa vraye & naïfve signification, ains la meschanceté qu' avoit produit cette liuraison. Et de là les François, Italiens, & Espagnols firent heureusement ce malheureux mot de Traistre, Traditore, Traydores, qui ont beaucoup plus d' energie, que le Proditor Latin, qui considerera sa source.

8. 56. Vespres Siciliennes, Sicile

Vespres Siciliennes, Proverbe sur lequel est par occasion discouru de l' Estat ancien de la Sicile, & des traictemens que recevrent ceux qui la possederent.

CHAPITRE LVI.

Les fureurs qui se sont passees en cette France soubs ces mots de Huguenot & Catholic, me font souvenir de celles qui furent autresfois en Italie soubs deux autres mots partiaux de Guelphe & Gibelin, au bout desquelles furent attachees les Vespres Siciliennes, premier but, mais non seul & principal de ce chapitre. Quand par quelques sourdes pratiques advient un inopiné massacre à ceux qui pensoient estre à l' abry du vent, les doctes appellent cela les Vespres Siciliennes. Proverbe vrayement nostre, pour nous avoir esté cher vendu. Au recit duquel je vous feray voir une Sicile, jouët de la ville de Rome, amusoir des Princes estrangers aux despens de leurs ruines, & si ainsi me permettez de le dire, or de Thoulouse fatalement malheureux aux familles, qui le possederent anciennement. Je veux doncques sur le mestier de ce Proverbe tresmer un discours d' assez long fil, & vous representer les tragedies qui feurent jouees sur le Theatre d' Italie l' espace de cent ans ou environ, dans lesquelles vous verrez des jugemens esmerveillables de Dieu, & pour closture une nouvelle face d' affaires, & changement general d' Estat. Que si quelque escollier Latin me juge manquer d' entregent en ce livre, que j' avois seulement dedié à l' ancienneté de nostre Langue, & de quelques mots & proverbes François, il ne m' en chauld, moyennant que puissions nous faire sages par les follies de nos ancestres. Usez de ce chapitre, comme d' une piece hors d' œuvre, dedans laquelle je glasseray en passant ce qui regarde nos Vespres Siciliennes.

Depuis que l' Empire des Romains fut divisé en deux, l' un prenant le nom & tiltre du Levant dedans Constantinople, & l' autre du Ponant dessoubs Charlemagne, combien que ce grand guerrier eust esté faict Seigneur de l' Italie, toutesfois les affaires se passerent de telle façon, que les pays de Sicile, Poüille, & Calabre demeurerent à l' Empereur de Constantinople, & depuis pour sa neantize hereditaire, qui se transmit de l' un à l' autre, feurent une bute, tantost des Hongres, tantost des Sarrazins, chacun d' eux jouants au boutehors selon la faveur ou desfaveur de leurs armes: Les Gregeois y retenans telle part & portion qu' ils pouvoient. Apres plusieurs secousses, advient que quelques braves guerriers Normands habituez en cette France, ne voulans forligner de leurs devanciers, se resolurent par une belle saillie, de faire nouvelles conquestes. A cette fin levent troupes, voguent en pleine mer, viennent surgir à la Sicile, où par leurs proüesses ils planterent leur siege, & ayants esté longuement gouvernez par Ducs, en fin establirent une Royauté feudatrice du Sainct Siege, non tant par devotion que sagesse, pour estre leur grandeur assistee d' un grand parrein. Conseil toutesfois qui ne leur succeda pas ainsi comme ils s' estoient promis. Car les Papes se lassans par traite de temps de leur voisiné, n' eurent autre plus fort pretexte pour les supplanter que cette infeodation, dont ils firent aussi banniere, tant à l' endroit des Allemands, que François, depuis qu' ils s' engagerent dedans leurs querelles. Mais pour n' enjamber sur l' ordre des temps, Guillaume troisiesme de ce nom Roy de Sicile, estant decedé sans enfans, Tancrede Prince du sang se voulant impatroniser du Royaume, il en fut empesché par le Pape Celestin troisiesme. Lequel attire à sa cordelle Henry fils aisné de l' Empereur Federic premier. Or y avoit-il une Princesse du sang nommee Constance niepce du deffunct Roy plus proche habile à succeder, mais il y avoit un obstacle qui l' en empeschoit: estant religieuse Professe, & Abesse de Saincte Marie de Palerme. Le Pape la relaxe du vœu pleinement & absolument, & lors en faict un mariage avecques Henry, & tout d' une main les investit du Royaume, à la charge de la foy & hommage lige, & de certain tribut annuel envers le sainct Siege. Grand tiltre, mais de peu d' effect sans l' exequution de l' espee, comme aussi ne leur avoit il esté baillé que sous ce gage. Sur ces entrefaictes meurt Federic premier, & apres son decés Henry est esleu Empereur. Adoncques luy & Tancrede commencent de joüer des cousteaux, & à beau jeu, beau retour. Tancrede meurt, & par sa mort, Henry sans grand destourbier se faict Maistre & Seigneur de tout le pays. Mesmes Sibille veufve du deffunct, ses trois filles, & un sien fils se rendent à luy soubs le serment qu' il leur fist de les traiter selon leur rang & dignité. Promesse toutesfois qu' il ne leur tint: Parce que soudain qu' ils furent en sa possession, il les confine dedans une perpetuelle prison, & leur fit creuer les yeux, & par une abondance de pitié fit chastrer le masle, affin de luy oster toute esperance de regrés à la Couronne. Premier trait de tragedie qui se trouve en cette histoire, indigne non seulement d' un Chrestien, mais de toute ame felonne de quelque Religion qu' elle fust.

Constance aagee de 51. ou de 52. ans accoucha d' un fils, auquel fut donné le nom de l' Empereur Federic son ayeul. L' enfant estant encore à la mammelle, il fut declaré Roy des Romains par les Princes de l' Empire, & comme tel luy rendirent le serment de fidelité, l' an 1197. Le tout à la solicitation, priere & requeste du Pere, qui deceda quelques mois apres, laissant son fils au gouvernement de la mere, laquelle le fist couronner Roy de Sicile en l' aage de trois ans seulement.

Elle quitte ce monde l' an 1199. mais avant que de le quitter, supplia par son testament le Pape Innocent III. d' en vouloir prendre la tutelle, ce qu' il fit. Sagesse admirable d' une mere, mettant son enfant en la protection de celuy, qui à la conduite de sa Papauté monstra que ses predecesseurs avoient esté escoliers, au regard de luy.

Jamais Prince ne receut tant d' heurs dés son enfance, dy tant de heurts de fortune sur son moyen aage, jusques à la mort, que cestuy. Proclamé Roy des Romains dés le bers, couronné Roy de Sicile à trois ans, estre demeuré Orphelin de pere & de mere sur les quatre: Adjoustez que sa nativité pouvoit estre revoquee en doute, comme d' une part supposé, la mere estant accouchee au cinquante deuxiesme an de son aage, temps incapable aux femmes pour tel effect, selon la regle commune des Medecins. D' ailleurs une Royauté nouvelle bastie sur une dispence extraordinaire. Et neantmoins sa couronne luy fut conservee en ce bas aage, non vrayement sans quelques traverses. Car Gautier Comte de Brienne, mary de l' une des Princesses aveuglees, esbrecha son Estat pour quelques annees, & l' Empereur Othon cinquiesme prist quelques villes de la Poüille sur luy: Mais tous ces desseins s' esvanoüirent finalement en fumee: Ceux du premier par Dielpod ancien serviteur de Henry, & du second soubs l' authorité du Pape Innocent. J' adjousteray que non seulement elle luy fut conservee, mais l' an 1210. en son absence, luy ne le sçachant, ny poursuyvant, n' ayant atteint que l' aage de seize ans pour le plus, fut au prejudice de l' Empereur, esleu par les eslecteurs se remettans devant les yeux l' ancien serment de fidelité qu' ils luy avoient faict. Et depuis reduisit Othon à telle extremité, qu' il le contraignit de sonner une retraicte à sa fortune, & d' espouser une vie privee. Chasse tout à faict ce qui restoit des Sarrazins dedans la Sicile: nettoye son Royaume des mutins, d' un Thomas & Matthieu, freres Comtes d' Anagni, qui avoient pendant son absence voulu remuer son Estat, & annexe à sa couronne tous leurs biens, pour le crime de leze Majesté par eux commis. Fut il jamais une chesne de plus belles fortunes que celle là? qui dura dés & depuis sa nativité, jusques en l' an 1221.

Toutesfois lors qu' il estoit au comble de ses souhaits, & pensoit avoir cloüé sa bonne fortune à clouz de diamant, elle luy tourne tout à coup visage, & voicy comment. Les deux freres Comtes d' Anagny proches parens du Pape Innocent, ont recours vers le Pape Honoré IV. qui lors siegeoit, & combien que auparavant il eust fait profession d' amitié avec Federic, toutesfois il prit l' affliction de ces deux Seigneurs au point d' honneur, & avec une impatience admirable, fit de leur querelle la sienne, a recours aux remedes ordinaires des siens, qui sont les fulminations: Nouveaux troubles, nouveau mesnage entre eux. Federic en ce boüillon de jeunesse, auquel il estoit, au lieu de reblandir le Pape par honnestes soubmissions, ainsi qu' il devoit, donne ordre de rappeller les Sarrazins par luy chassez, & les logea en la ville de Lucerie, depuis nommee Nocere la Sarrazine, pour luy servir de blocus contre les avenues de Rome: faute du tout inexcusable, & pour laquelle je veux croire que Dieu le permist depuis estre comblé d' une infinité d' afflictions, dont les Papes furent les outils. Car Honoré estant decedé, Gregoire IX. son successeur se fit son ennemy sans respit, & dés son avenement proceda par autres censures & excommunications irreconciliables contre luy. 

L' Empereur pour se mettre en sa grace entreprit sur son commandement, le voyage d' outremer, où les affaires luy succederent si à propos qu' à la barbe du Soudan d' Egypte, il remist soubs l' obeyssance des Chrestiens, toute la Palestine, & fut Couronné Roy de Hierusalem. Il pensoit par ce bon succez se reconcilier avec le Pape, & obtenir de luy sentence d' absolution. Il despesche Ambassades pour cet effect: mais en vain, voire que le Pape excommunie tous ceux, qui le vouloient suivre, donnant ordre que les havres leur fussent fermez. Medecine paraventure plus dure & fascheuse que la maladie, d' autant que le deny de cette absolution estoit fondé seulement sur ce que l' Empereur à son partement n' avoit receu sa benediction, faute qui avoit peu estre compensee par les heureux succés de l' Empereur au profit de la Chrestienté: qui eussent bien poussé plus outre, mais voyant de quelle façon il estoir (estoit) traitté, & craignant que ses affaires n' allassent de mal en pis de deçà, il fut contrainct de rebrousser chemin, & laissa imparfaict le bel ouvrage qu' il avoit encommencé. Voila comment les affaires des Infidelles commencerent à se restablir, & celles des Chrestiens à s' affoiblir tant au Levant, que Ponant, pour mesler je ne sçay quoy de l' homme dedans nostre Religion. L' Empereur à son retour trouve ses affaires embarrassees dedans un chaos, tant en Allemagne qu' Italie: dedans l' Allemagne prou de Princes & grands Seigneurs le guerroyer: dedans l' Italie prou de villes se dispenser de leurs consciences contre luy: Le tout fondé sur les excommunications & censures. Et pour consommation de ces procedures, Gregoire estant decedé, eut pour successeur Innocent IV. auparavant fort familier de l' Empereur, dont ses principaux favoris s' esjoüirent, estimant que cette nouvelle promotion mettroit fin à leurs differents, mais luy plein d' entendement leur dist. Vous vous abusez, Cardinal il m' estoit amy, Pape il me sera ennemy. Monstrant par cela qu' il estoit un grand homme d' estat, car tout ainsi qu' il l' avoit predit, il advint: Dautant que ce nouveau Pape r'enviant sur les opinions de son devancier, non seulement excommunia l' Empereur, mais fit assembler un Concil general dans Lyon, par lequel en confirmant toutes les fulminations precedantes, il fut privé, & de son Empire, & de ses Royaumes, & declaré incapable d' en tenir. Qui ne fut pas un petit coup pour sa ruine: Parce que combien que dextrement il parast aux coups, n' estant aprenty à ce mestier, toutesfois estant ores dedans, ores dehors, il estoit plus souvent dehors que dedans. Si de toutes ces querelles vous parlez à l' Abbé d' Urspergence qui en vit une partie, il donne le tort à Gregoire IX. Si à tous les autres autheurs, ils le donnent à Federic, & le nomment Persecuteur de l' Eglise Romaine. Si j' en fuis creu Federic ne se peut excuser du remplacement qu' il fit des Sarrazins dedans la Sicile, ny Gregoire de luy avoir denié l' absolution lors qu' il besongnoit si heureusement au Levant. Et si vous me permettez de passer outre je diray qu' avec tout ce que dessus, l' Empereur n' avoit un plus grand ennemy, que sa grandeur, ne voulant ny Gregoire, ny Innocent IV. un si grand voisin que luy pres d' eux. Leçon qui lors estoit ordinaire à Rome, & que la domination Espagnole luy a fait depuis oublier par la longueur du temps.

Federic second en fin mourut de sa belle mort l' an 1150 (1250). n' ayant trouvé aucun repos que lors depuis l' an 1121 (1221). Il laissa plusieurs enfans legitimes de 3. licts, & plusieurs bastards: Mais tous aboutirent en deux, l' un legitime, qui fut Conrad, l' autre bastard qui fust Mainfroy. Conrad est empoisonné par Mainfroy, d' un poison lent & mesuré: Et ne sçachant ce pauvre Prince de quelle main luy estoit procuree cette mort, il l' institua tuteur, & curateur de Conradin fils unique de Henry fils aisné de Federic qui estoit mort du vivant du pere. Mais Mainfroy ne suyvant la voye du grand Innocent, au lieu de conserver l' Estat à son pupille, l' empiete sur luy, & prend le titre de Roy. Et pour estayer cette induë usurpation donne en mariage une sienne fille unique Constance à Pierre fils de Jacques Roy d' Arragon. Ses deportemens desplaisoient, non sans cause, au Pape Urbain IV. successeur d' Innocent, il l' excommunie, & affranchit tous ses subjects de l' obeyssance qu' ils luy avoient vouée. Et pour faire sortir effect actuel au plomb, semond Charles Comte d' Anjou, & de Provence, frere de nostre S. Louys, à cette entreprise: Lequel s' y achemine d' un franc pied, avec une puissante armee. Escarmouches diverses, il estoit sur l' offensive, l' ennemy sur la deffensive, clos & couvert dedans ses villes & forteresses: La guerre prend quelque trait, toutesfois apres avoir marchandé longuement d' une part & d' autre chacun estimant avoit (avoir) le vent à propos, la bataille se donne. Charles obtient pleine victoire, Mainfroy occis, son armee mise en route, les villes ouvertes aux victorieux, & luy couronné Roy de Sicile par le Pape. Et pour surcroist de grandeur le fait Vicaire general de l' Empire dedans l' Italie.

Estat nouveau, & non auparavant cognu, partant il ne sera hors de propos d' en discourir le subject. Auparavant tous ces troubles, l' Italie ne recognoissoit toutes ces principautez particulieres, que nous y avons depuis veuës, l' Empereur en estoit general possesseur, fors de la ville de Rome, & du Patrimoine de S. Pierre, & de ce dont la Seigneurie de Venise jouyssoit, & s' il y avoit quelque Seigneur souverain particulier, il estoit fort rare: l' Empereur envoyoit par les villes ses Juges & Podestats, pour juger les procez comme celles qu' il possedoit en plein Domaine. Puissance qui esclairoit de bien pres, non la spirituelle de Rome, ains la temporelle, dont les Papes s' estoient faits Maistres par une longue & sage opiniastreté. Et pour cette cause le principal but où ils visoient, estoit de bannir & esloigner cette puissance Imperiale, le plus loing qu' ils pourroient d' Italie. Les grandes & longues guerres qui furent entre le Pape Alexandre troisiesme, & l' Empereur Federic premier enseignerent à plusieurs villes de mescognoistre leur Empereur. Comme de fait vous lisez que pour s' y estre la ville de Milan aheurtee, il la ruina rez pied, rez terre, & lors plusieurs autres villes balancerent entre l' obeïssance & rebellion. L' excommunication faicte par le Pape contre Federic portoit quant & soy absolution du serment de fidelité aux subjets, & en cas de ne s' en dispenser, suspension de l' administration du service divin dedans les villes & plat pays. Que pouvoit moins faire une ville pour se garentir de ce haut mal, que de quitter l' obeïssance de son Prince, qu' il n' appelloit rebellion, ains reduction au droict commun, obeïssant à l' authorité & mandement du sainct Siege? En fin se voyant Federic premier tant pressé par la force spirituelle que temporelle du Pape, qui estoit assisté de Guillaume troisiesme Roy du nom de Sicile, il fut contraint de condescendre à la paix, que le Pape & luy jurerent dans Venise, ville neutre, & non subjecte aux dominations temporelles de l' un ny de l' autre Seigneur. Et lors fut l' accomplissement du malheur. Parce que la commune des Historiographes demeure d' accord que Federic s' estant mis à genoux pour baiser les pieds du S. Pere, il le petilla avec cette outrageuse parole, Super aspidem & basiliscum ambulabis, & conculcabis Leonem & Draconem: Particularité sagement passee sous silence par Platine Italien, & l' Abbé d' Urspergense Alleman dedans leurs Histoires pour couvrir la pudeur tant de celuy qui fit le coup, que de l' autre qui le receut. Mais tant y a que cet acte en paix faisant porta plus grand coup contre l' Empire, que toutes les guerres passees, auquel ce grand Empereur Federic para seulement de ces quatre mots, Non tibi, sed Petro: De maniere qu' il fut de là en avant fort aisé aux villes d' Italie de secoüer d' elles le joug de l' Empire. Comme de fait les affaires s' y acheminerent depuis en flotte: Car apres le decez de Henry sixiesme fils aisné de Federic, Philippes son puisné ayant esté appellé à l' Empire par les Princes Electeurs, & empesché par Innocent troisiesme, qui luy opposa un Othon avec ses fulminations, ce fut un nouveau seminaire des guerres civiles entre le Pape & l' Empereur, pendant lesquelles les villes d' Italie mettoient fort aisément en nonchaloir l' obeïssance qu' elles devoient rendre à l' Empire. Et pour accomplissement de ce malheur advindrent les grandes guerres de la Papauté, & l' Empire du temps de Federic second, pendant lesquelles se logerent les partialitez des Guelphes & Gibelins, les unes se faisans toutes Guelphes, les autres toutes Gibelins: Et quelquesfois dedans une mesme ville se trouvant confusion de l' un & de l' autre party. Les Guelphes favorisans le party des Papes Gregoire, & Innocent, & les Gibelins celuy de l' Empereur Federic. Et comme l' Italie estoit en ces alteres, apres la mort de Federic, & de Conrad son fils, il y eut une forme d' interregne d' Empire l' espace de vingt ans dedans l' Allemagne, qui fut par eschantillons possedee, & trois divers portans le titre, mais non l' effect d' Empereurs. Et de ce grand chaos s' escloït la diversité des Ducs, Marquis & Comtes, & par mesme moyen des Republiques souveraines d' Italie, chacun prenant son lopin non seulement au prejudice de l' Empire, ains des Papes mesmes, selon que la necessité de leurs affaires le portoit. Chacun d' eux s' approprians souverainement du domaine des villes, & neantmoins avec une recognoissance de foy & hommage, qui envers l' Empire, qui envers la Papauté. Et depuis ce temps on ne recogneut plus dedans l' Italie cette grande puissance & authorité qui estoit de tout temps & ancienneté deuë aux Empereurs. Et par ce moyen obtindrent les Papes ce qu' ils avoient si long temps desiré. Or tout ainsi que la ruine des affaires y avoit produit ce nouvel ordre particulierement sur unes & autres villes, aussi les Papes pour le fait general de l' Italie, introduisirent un Vicaire de l' Empire qui n' estoit pas un Empereur, car il faisoit son sejour dedans l' Allemagne, mais un Procureur absolu, qui pouvoit disposer des biens qui restoient de l' Empire. Et c' est l' Estat dont Charles d' Anjou fut gratifié par Urbain quatriesme apres qu' il eut occis Mainfroy & toute sa suite en bataille rangee. Restoit encores Conradin de la posterité de Federic deuxiesme, lequel croissant d' aage, creut par mesme moyen de cœur, & voulut entrer en l' heritage qu' il estimoit loyaument luy appartenir, trouve argent, leve gens, prend pour compagnon Federic d' Austriche sien parent. La decision de ce grand procez despendoit d' une bataille. Pour le faire court: la victoire demeure par devers Charles, & quant aux deux Princes ils se garentissent par la fuitte, & desguisez se rendent en la maison d' un meusnier, où ils furent nourris 8. jours durans à petit bruit, tant qu' ils eurent argent en bourse, mais leur defaillant ils furent contraints mettre une bague de cinq cens escus entre les mains de leur hoste, pour la vendre, lequel recogneut par cela que ce n' estoient simples soldats, & en donne advis au Roy Charles, qui se saisit de leurs personnes. Selon le droit commun de la guerre ils en devoient estre quites par leurs rançons. Et de faict telle estoit l' opinion de sa Noblesse Françoise: toutesfois le Roy en voulut estre esclaircy par le Pape, qui en peu de mots luy manda que la vie de Conradin estoit la mort de Charles. Le Roy gouste fort aisément cet advis, & neantmoins pour y apporter quelque fueille, fit juger cette cause par neuf ou dix Jurisconsultes Italiens, lesquels sçachans où enclinoit le Roy, firent aussi passer la loy par son opinion: ces deux pauvres Princes sont exposez au supplice en pleine place sur un eschaffaut, où ils eurent les testes tranchees, & à l' instant mesme, on en fait autant au bourreau, a fin qu' à l' advenir il ne se glorifiast de les avoir executez. O que la Justice eust esté plus belle si on y eust aussi compris tous ces Jurisconsultes flateurs! Car quant à celle du Roy elle fust reservee à un plus grand Roy. L' Histoire porte que Conradin avant que de s' agenoüiller, jetta un de ses gands au milieu du peuple, comme un gage de bataille contre le Roy Charles, priant la compagnie de le relever, & porter à l' un des siens, pour vanger l' injure ignominieuse qui luy estoit faite & à son cousin. Gand qui fut relevé par l' un de sa troupe, & porté au Roy d' Arragon, avec la sommation du jeune Prince.

Le sacrifice ainsi fait de ces deux ames innocentes, Charles d' une sanglante main poursuit sa route, faisant passer la plus grande part des Seigneurs Siciliens, & Napolitains au fil de l' espee, & bannissant les autres qui avoient favorisé le party de Conradin, & demolissant leurs Chasteaux. En recognoissance dequoy le Pape Urbain luy fait donner l' Estat de Senateur de Rome par la voix du peuple. C' estoit un Estat que les Citoyens avoient mis sus pour reigler toute la Police seculiere au prejudice du Pape, de l' authorité duquel ils pretendoient estre exempts en cet affaire ainsi que j' ay touché ailleurs. Ce Senateur representoit ceux qui sur le declin de l' Empire occuperent dedans Rome sous le nom de Patrices, sur la dignité Imperiale qui estoit à Constantinople. Et combien que ces dignitez de Senateur dedans Rome, & de Vicaire de l' Empire dedans l' Italie, tombans en une main commune fussent seulement images des vrayes, toutesfois estans tombees entre les mains de celuy, qui sous le titre de Roy de Sicile, commandoit à la Sicile, la Poüille, & la Calabre, mesmes qui avoit obtenu deux grandes victoires contre Mainfroy & Conradin, croyez qu' elles luy apporterent grande puissance & authorité par tout le pays: Car lors il s' en voulut faire accroire absolument, mesmes dedans la ville de Rome. Auparavant la grandeur de Federic estoit suspecte aux Papes pour estre trop proche de leur ville, & lors il y avoit plus de subject de redouter celle de Charles qui estoit nourrie dedans le sein de la ville: Baudoüin son beau pere avoit esté chassé de Constantinople par Michel Paleologue usurpateur de son Estat. Le gendre veut armer en faveur du beau pere, estimant qu' en restablissant il s' establiroit. Toutes choses luy avoient ry jusques en ce temps, mais lors la fortune commença de se mocquer, & rire de luy.

Jean Prochite grand Seigneur Sicilien avoit couru mesme traictement que les autres Seigneurs, en son bien, mais s' estoit garanty de la vie par une bonne & prompte fuite: ne respirant en son ame qu' une vangeance, par le moyen de laquelle il se promettoit d' estre reintegré en ses biens. Il visite Pierre Roy d' Arragon gendre de Mainfroy, luy met devant les yeux, & sa femme, & le gand à luy envoyé, cartel de defy, luy promet tous bons & fideles services. Pour le faire court on entreprend contre Charles une tragedie qui fut joüee à trois personnages, dont Prochite estoit sous la custode, le Protecole, uns Pierre Roy d' Arragon, Michel Paleologue Empereur de Constantinople, le Pape Nicolas troisiesme. Pierre leve une grande armee, faisant contenance de vouloir s' acheminer au Levant pour secourir les Chrestiens, Paleologue fournit aux frais: Il n' est pas que Philippes troisiesme de ce nom Roy de France, nepueu de Charles ne contribuast au defroy de cette guerre, estimant que ce fust pour guerroyer les Infideles. (Voyez comme quand Dieu nous delaisse nous sommes traictez.) Le Pape Innocent se voyant ainsi appuyé ne doute de luy rongner les aisles à l' ouvert, le debusquant & de l' Estat de Senateur, & du Vicariat de l' Empire. Qui n' estoit pas un petit coup d' Estat, & ne fust-ce que pour ravaller sa reputation, par laquelle ordinairement les Grands maintiennent leurs grandeurs: Et depuis ce temps Charles alla tousjours au deschet. D' un costé l' Arragonnois fait voile avecques ses trouppes, d' un autre Prochite sous l' habit de Cordelier practique la rebellion de ville en ville par toute la Sicile. Quoy plus? cette tresme est ourdie de telle façon, qu' à point nommé le jour de Pasques selon le rapport de quelques Historiens, ou de l' Annonciade, ainsi que disent les autres, le premier son des Cloches de Vespres, par toutes les villes, bours & bourgades, servit de toxin general, sur lequel tout le peuple Sicilien se desbanda d' une telle furie contre les François qu' ils les massacrerent tous, sans acception, & exception de personnes, de sexe, ny d' aage, ne pardonnans pas mesmes aux femmes Italiennes qu' ils estimoient estre enceintes du fait des François. L' Arragonnois estoit anchré sur mer & aux escoutes, pour sonder quelle issuë avroit la practique de Prochite, & adverty de ce qui s' estoit passé, y accourt à toute voile, le bien venu & embrassé de tout le peuple. Cela fut fait l' an mil deux cens quatre-vingts deux en la Sicile qui eut de là en avant nouveau Roy & non à la Poüiile, où la ville de Naple est assise, ny pareillement en la Calabre, qui demeurerent és mains de Charles: Pour cette cause on commença d' un Royaume en faire deux. Et au lieu que auparavant on appelloit Roy de Sicile seulement celuy qui commandoit à ces trois païs: L' Arragonnois fut appellé Roy de Sicile, & Charles & ses successeurs Rois de Naples. Et en effect, voila quand, comment, & dont est venu ce brutal, & cruel Proverbe de Vespres Siciliennes, dans le discours duquel j' ay voulu comprendre tous les autres exploits tragiques de je ne sçay de combien d' annees.

Les Historiographes sont grandement empeschez de rendre raison de ce malheur. Les Italiens pour excuser cette cruauté Barbaresque l' imputent aux insolences des François qui n' espargnoient pas mesmement la pudicité des femmes de bien, és lieux où ils avoient plein commandement, & les nostres au contraire, à une trop grande bonté, disans que si nous les eussions tenus en bride, comme depuis les Espagnols ont fait, jamais nous ne fussions tombez en un si piteux desarroy. Discours toutesfois qui me semble grandement oiseux. Parce que s' il vous plaist rechercher la cause de tout ce que je vous ay cy-dessus deduit, ce furent coups du Ciel. Je vous ay dit que Henry contre son serment avoit fait creuer les yeux à la mere, aux filles, & à un jeune enfant, lequel il avoit d' abondant fait chastrer, leur faisant espouser tout d' une suite une prison clause en Allemagne. Esperant perpetuer par ces moyens inhumains, en sa famille la Couronne de Sicile. Dieu veut que Federic son fils en joüisse, mais avec tant de revers & algarades de fortune depuis l' an 1221. jusques en l' an 1250. qu' il est mal aisé de juger s' il regnoit, ou si en regnant il mouroit. Et pour closture finale de ce jeu, Dieu veut que la famille de Henry soit affligee par elle mesme, & qu' apres la mort de Federic, Mainfroy son bastard empoisonne Conrad son fils legitime, & vray heritier, que non assouvy de cette meschanceté, il empiete la Royauté sur Conradin son pupille, fils de Conrad: En fin que Conradin & Federic d' Austriche son cousin meurent sur un eschaffaut. Ne voyez vous en cecy une Justice tres-expresse de Dieu pour expier l' inhumanité de Henry, Justice, dis-je, executee par les injustices des hommes? Qu' il y eust du Machiaveliste és morts des deux Princes Allemans, & de tout le demeurant des pauvres Seigneurs du Royaume, 

qui furent occis de sang froid, je n' en fais aucune doute, pour cuider par Charles asseurer à luy & à sa posterité le Royaume de Sicile. Henry avoit commencé par les veuës, & cestuy-cy achevé par les vies, tous deux à mesme progrez. Le sang innocent des deux Princes, & de toute la suitte des Seigneurs assassinez, cria vangeance devant Dieu, qui exauça leurs prieres, & permist cette cruelle Vespree, non contre la personne du Roy, ains contre ses sujets, qui est en quoy il exerce ordinairement les punitions quand les Princes ont faict quelque faute signalee. Et je veux croire que si l' Arragonnois eust consenty à ce detestable carnage, luy ou sa posterité eussent esté chastiez de Dieu. Bien trouvé-je qu' il avoit mis en besongne Prochite pour faire revolter le peuple, mais non qu' il eust consenty à cette execrable boucherie. Belles leçons pour enseigner à tous Princes Chrestiens de ne maintenir leurs estats par ces malheureux preceptes que depuis Machiavel a voulu recueillir de l' ordure, honte & pudeur de quelques anciennetez en son chapitre de la Sceleratesse, au traicté du Prince.

Voila le premier fruict que je desire estre cueilly de ce chapitre: Il y en a encore un autre, qui est, qu' au faict de la Religion nous devons tous viure en l' union de l' Eglise sous l' authorité du sainct Siege de Rome, comme celuy qui fut basty sur la pierre de sainct Pierre, & cette-cy assise sur celle de Jesus-Christ: mais quand avec la Religion on y mesle l' Estat, & que par belles sollicitations, & promesses on nous semond de passer les monts, c' est tout un autre discours, & en une asseurance de tout il faut tout craindre, je ne dis pas que quelquesfois les affaires ne soient pas reüssies à souhait, comme à uns Pepin & Charlemagne, qui furent deux torrens de fortune, mais pour ces deux il y en a peu d' autres qui ne s' y soient eschaudez. La papauté est une dignité viagere, qui produit ordinairement successeur non heritier des volontez du predecedé. Tellement que la chance du jeu se tournant, celuy en fin de jeu se trouve lourche, qui pensoit estre maistre du tablier, comme vous voyez qu' il advint aux trois familles des Normans, Allemans & François dont je vous ay cy-dessus discouru. Adjoustez, que les volontez mesmes de ceux qui nous employent sont passageres selon la commodité ou incommodité de leurs affaires, & faillent souvent au besoin.

Federic II Sicile
(Federic II)