Mostrando entradas con la etiqueta Aydes. Mostrar todas las entradas
Mostrando entradas con la etiqueta Aydes. Mostrar todas las entradas

sábado, 27 de mayo de 2023

2. 7. De l' Assemblee des trois Estats de la France, Cour des Aydes,

De l' Assemblee des trois Estats de la France, Cour des Aydes, sur le faict de la Justice, Tailles, Aydes, & Subsides. 

CHAPITRE VII. 

Encores que quelques uns qui pensent avoir bonne part aux histoires de la France, tirent l' Assemblee des Estats d' une bien longue ancienneté, voire sur elle establissent toute la liberté du peuple, toutesfois ny l' un ny l' autre n' est veritable. Je sçay & veux recognoistre qu' anciennement en la Gaule, & avant la conqueste de Jules Cesar, l' on faisoit des diettes & assemblees generales, qui furent par luy continuees (par une hipocrisie familiere aux Romains) pour faire paroistre qu' il nous entretenoit en noz anciennes franchises & libertez: mais en toutes ces deliberations vous ne verrez point que le menu peuple y fust appellé, duquel l' on ne faisoit non plus d' estat, que d' un 0 en chifre. Pareillement vous trouverez souz la premiere & seconde famille de noz Roys les convocations solemnelles, que l' on appelloit Parlemens, dont j' ay discouru cy-dessus, principal nerf de nostre Monarchie: Mais en icelles n' estoient appellez que les Princes, grands Seigneurs, Nobles & ceux qui tenoient les premieres dignitez en l' Eglise. Or en nos Assemblees des trois Estats, non seulement on y appelle le menu peuple, avecques le Clergé & la Noblesse, mais qui plus est, il en faict la plus grande & meilleure part: Et comme tel, ceux qui meirent les premiers ceste invention en avant, le voulurent reblandir d' un mot plus doux & moins bas, que nous disons Tiers Estat. Dont vient doncques que depuis quelques centaines d' ans nous luy avons donné place & voix en noz congregations esquelles il s' agit du bien general du Royaume? Je le vous diray. 

Ny soubs la premiere, ny sous la seconde, ny bien avant sous la troisiesme lignee de noz Roys, nous ne recognoissions en France l' usage des Tailles, Aides, & Subsides, tels que nous les voyons aujourd'huy. Je lairray ce qui est des deux permieres & toucheray seulement ce qui est de la derniere, comme celle de laquelle nous avons des Memoriaux plus fidelles. Nos Roys pour leur entretenement faisoient fonds de leur Domaine, qu' ils appelloient leur Thresor. Et quant aux levees extraordinares, il s' estoit insinué une coustume, que les Roys passans par les signalées Archeveschez, Eveschez & Abbayes, ils y gistoient & hebergeoient pour une nuict. Chose qui fut eschangee en quelque redevance d' argent, non grande, que l' on appelloit droict de Giste: comme aussi passans pays, le menu peuple estoit tenu pour passade d' une journee, de les aider de chevaux & charroy, dont quelques bourgs & bourgades se dispensoient par argent, & estoit appellé cela droict de Chevauchee. Coustume que nous avions empruntee des Romains. Je ne veux pas dire pourtant, que le mot de taille ne fust en usage, mais c' estoit une forme de Taille coustumiere, quand l' un des enfans de France prenoit l' Ordre de chevalerie (car en autre suject ne l' ay-je point leu avoir esté pratiqué) & le Pape Alexandre quatriesme, en la premiere constitution decretale souz le tiltre des Immunitez de l' Eglise, defendoit par exprez aux François de ne lever tailles & exactions sur le Clergé, quand il achetoit quelque heritage. C' est ce que noz Roys ont pris de toute ancienneté, pour le droict d' amortissement. Il n' est pas que de fois à autre ils ne contraignissent leurs subjects de leur bailler quelques deniers, que l' on appella aussi Tailles, par ce qu' ils estoient levez par capitations & departemens: car le mot de tailler signifie entre nous diviser. Sainct Louys par son testament commandoit à son fils de ne lever tailles sur son peuple, c' estoit de ne lever des deniers extraordinaires. Levees que le peuple ne pouvoit gouster, les appellans Maletoultes, comme deniers mal tollus & ostez: & ceux qui se mesloient de les lever, Maletoultiers: ce qui causoit fort souvent des émotions populaires. Pour ausquels obvier les sage-mondains qui manioient les affaires de France, furent d' advis, pour faire avecques plus de douceur avaler cette purgation au commun peuple, d' y apporter quelque beau respect. Ce fut de faire mander par noz Roys à toutes leurs Provinces que l' on eust à s' assembler en chasque Seneschaussee & Bailliage, & que là le Clergé, la Noblesse, & le demourant du peuple, qui fut appellé Tiers Estat, advisassent d' apporter remede aux defaux generaux de la France, & tout d' une main aux moyens qui estoient requis pour subvenir à la necessité des guerres qui se presentoient: & qu' apres avoir pris langues entr' eux, ils deputassent certains personnages de chaque ordre, pour conferer tous ensemble en la ville, qui estoit destinee pour tenir Assemblee generale. En laquelle, ainsi que nous en usons maintenant, apres que le Chancellier en la presence du Roy a remonstré le desir que sa Majesté apportoit à la reformation de l' Estat, & les urgentes necessitez qui se presentoient pour le fait de la guerre, il les adjure d' y apporter chacun son talent, & de contribuer d' un commun vœu à ce qu' ils trouveroient necessaire pour la manutention de l' Estat. En ce lieu quelques bonnes ordonnances que l' on face pour la reformation generale, ce sont belles tapisseries, qui servent seulement de parade à une posterité. Cependant l' impost que l' on accorde au Roy, est fort bien mis à effect. De maniere que celuy a bien faute d' yeux, qui ne voit que le Roturier fut expres adjousté, contre l' ancien ordre de la France, à cette assemblee, non pour autre raison, sinon d' autant que c' estoit celuy sur lequel devoit principalement tomber tout le faix & charge: Afin qu' estant en ce lieu engagé de promesse, il n' eust puis apres occasion de retifuer ou murmurer. Invention grandement sage & politique. Car comme ainsi soit que le commun peuple trouve tousjours à redire sur ceux qui sont appellez aux plus grandes charges, & qu' il pense qu' en descouvrant ses doleances, on restablira toutes choses de mal en bien, il ne desire rien tant que l' ouverture de telles assemblees. D' ailleurs se voyant honoré pour y avoir lieu, & chatoüillé du vent de ce vain honneur, il se rend plus hardy prometteur à ce qu' on luy demande: mais ayant une fois promis, il ne luy est pas puis apres loisible de resilir de sa parole, pour l' honneste obligation qu' il a contractee avecques son Prince en une congregation si solemnelle. D' avantage qui est celuy qui ne trouve un Roy plain de debonnaireté, lequel par honnestes remonstrances veut tirer de ses subjects, ce que quelques esprits hagards penseroient pouvoir estre exigé par une puissance absoluë? Tellement que souz ces beaux & doux apasts, l' on n' ouvre jamais telles Assemblees que le peuple n' y accoure, ne les embrasse, & ne s' en esiouysse infiniement, ne considerant pas qu' il n' y a rien qu' il deust tant craindre, comme estant le general refrain d' iceux, de tirer argent de luy. Et en ces generales convocations il en prend à nos Roys, tout d' une autre sorte qu' il ne faict aux Papes, aux Concils generaux de l' Eglise: Car l' on dict qu' il ne se faict gueres Concil general, auquel on ne retranche aucunement une partie des entreprises de la Cour de Rome sur les Evesques & Ordinaires, au moins le voyons nous avoir esté faict aux Concils de Constance & de Basle.

Au contraire jamais on ne fit Assemblee generale des trois Estats en ceste France, sans acroistre les finances de noz Roys à la diminution de celles du peuple. Chose que vous descouvrez plus à l' œil és Provinces de Bretaigne, Languedoc, Dauphiné, Provence: où jaçoit que l' on face souvent de telles Assemblees Provinciales, si est-ce qu' elles ne se sont que lors que noz Roys leur demandent ayde d' argent.

Le premier qui meit ceste invention en avant fut Philippes le Bel, soubs lequel advindrent plusieurs mutations, tant en la police seculiere, qu' Ecclesiastique. Cestuy avoit innové certain tribut qui estoit pour la premiere fois, le centiesme, pour la seconde le cinquantiesme de tout nostre bien. Cest impost fut cause que les manans & habitans de Paris, Roüen, Orleans se revolterent & meirent à mort tous ceux qui furent deputez pour la levee de ces deniers. Et luy encores à son retour d' une expedition contre les Flamans, voulut imposer une autre charge de 6. deniers pour liure de chaque denree vendue, toutesfois on ne luy voulut obeyr. Au moyen dequoy, par l' advis d' Enguerrand de Marigny grand superintendant de ses Finances, pour obvier à ces esmeutes, il pourpensa d' obtenir cela de son peuple, avecques plus de douceur. Car s' estant faict sage par son exemple, & voulant faire un autre nouvel impost, Guillaume de Nangy nous apprend, qu' il feit eriger un grand eschafaut dedans la ville de Paris: Et là par l' organe d' Enguerrand, apres avoir haut loüé la ville, l' appellant Chambre Royalle en laquelle les Roys anciennement prenoient leurs premieres nourritures, il remonstra aux Scindics des trois Estats les urgentes affaires qui tenoient le Roy assiegé pour subvenir aux guerres de Flandre, les exhortant de le vouloir secovrir en ceste necessité publique, où il y alloit du faict de tous. Auquel lieu on luy presenta corps & biens: levant par le moyen des offres liberales qui furent faictes, une imposition fort griefue par tout le Royaume. L' heureux succés de ce premier coup d' essay se tourna depuis en coustume, non tant soubs Louys Hutin, Phlippes le Long, & Charles *le Bel, que soubs la lignee des Valois, & speciallement soubs le Roy Jean, aydé en cecy des instructions & memoires de Charles cinquiesme son fils: lequel ne fut pas sans raison surnommé le Sage apres sa mort, par ce qu' en toutes ses actions il eut ceste proposition stable de les faire authoriser par les trois Estats, ou bien en une Cour de Parlement, chose qui n' estoit pas si familiere à nos Roys auparavant luy: Et encores que de fois à autres il receust quelques traverses des Estats, estans à ce instiguez, par les solicitations & menees du Roy de Navarre, & fut pour ceste cause contraint d' acquiescer contre son opinion à leurs volontez, si est-ce que leurs coleres refroidies, ou l' assemblee dissoluë, il restablissoit toutes choses conformemment à son desir. Voilà surquoy les tailles, aides & subsides ont pris leur premier fondement, & ont avecques le temps pris tel pied entre nous, qu' elles sont parvenues au sommet. Du commencement on proceda par impositions que l' on obtenoit des Estats, lesquelles ne duroient qu' un an, que l' on appella Aides & Subsides, par ce qu' elles estoient mises sus, pour aider noz Roys au defroy des guerres qui lors se presentoient: Et afin de ne mescontenter le peuple on crea des Officiers populaires, les uns appellez Generaux, & les autres Esseuz: Et depuis les choses prenans leurs accroissements pied à pied, d' un on passa à deux & trois ans, & en fin à perpetuité: Encores ne fut-ce pas assez: Par le mesme advis des Estats, on meit une nouvelle charge d' impost sur le peuple qui se leva par capitations & feux, que l' on appella du commencement Foüage. Cela fut levé pour une fois, & à petite somme, par testes. Toutesfois soubs Charles VII. on le rendit perpetuel: Et est ce que nous appellons aujourd'huy Tailles, ayant remis en avant le mot ancien en usage, mais d' autre façon qu' il n' avoit esté pratiqué par noz plus vieux ancestres. Chose que je vous verifieray par parcelles.

Philippes de Valois en l' an mil trois cens quarante neuf, un an auparavant son decez, pour les guerres qu' il avoit contre les Anglois, du consentement du Prevost des Marchans, Eschevins, Manans & habitans de Paris, obtint pour un an un subside de six deniers pour liure sur chaque denree qui seroit venduë, en & au dedans de la ville, Prevosté & Vicomté de Paris. Par ses lettres patentes du dixseptiesme Fevrier mil trois cens quarante neuf, il proteste que cest impost n' apporteroit pour l' advenir aucun prejudice aux privileges & libertez des Parisiens, ny qu' aucun droit nouveau luy seroit acquis encontre eux, ny à eux contre luy: mais qu' il l' imputoit à un subside gratieux. Il fut prevenu de mort avant que de luy faire sortir effect: Au moyen de quoy le Roy Jean son fils supplea à ce defaut.

Et d' autant qu' il n' y avoit Juges des differens qui pouvoient resulter de ceste levee, il en attribua la cognoissance aux Prevost des Marchans & Eschevins de la ville, à la charge que là où ils ne pourroient accorder les parties, les gens des Comptes en cognoistroient. Ce mesme aide fut par luy imposé en mil trois cens cinquante deux, & cinquante trois, tant és Seneschaussees d' Anjou & du Maine, que Bailliage de Senlis, le *ar le consentement des trois Estats des pays: Et comme ainsi fut que la Royne de Sicile alors Dame d' Anjou & du Maine, soustint que cest aide ne devoit avoir cours sur ses subjects, le Roy, pour luy clorre la bouche, luy en donna la moitié. De ces lieux particuliers, on s' advisa de passer plus outre, & d' imposer nouvel aide, non sur tout le Royaume, ains sur tout le pays de Languedoc & Coustumier. Aussi fallut-il lors avoir recours à une assemblee generale des trois Estats qui fut tenuë en ceste ville de Paris. Là il fut accordé au Roy d' augmenter la Gabelle du sel (Le Roy Philippes de Valois son pere en avoit esté le premier innovateur en l' an mil trois cens quarante deux,) & encores huict deniers pour liure de chaque marchandise qui seroit venduë, (en ce non compris la vente des heritages) laquelle seroit payee par le vendeur. C' estoit un coup fort hardy, lequel aussi receut grand contraste, ainsi que nous aprenons par les lettres sur ce decernees le vingt-deuxiesme Decembre mil trois cens cinquante cinq. Car il fut ordonné, que nul Tresorier ou Officier du Roy n' avroit la charge, direction & maniement de ces deniers, mais que les trois Estats commettroient certains personnages, bons, honnestes & solvables, pour en être les ordinateurs, selon les instructions qui leurs en seroient prescriptes: Et qu' outre ces Comissaires generaux, ils en esliroient encores en chaque Province, neuf particuliers, trois de chaque Ordre, desquels les trois du Clergé, jugeroient les Ecclesiastiques, les trois Nobles, ceux qui seroient de leurs qualitez, & les trois Roturiers, les gens de condition roturiere: Appellez toutes fois chacun en leur endroict leurs autres compaignons au jugement des procez. Et au cas que l' on appellast d' eux, on avroit recours aux deputez Generaux, qui en jugeroient en dernier ressort. 

Le Roy jura de ne faire employer à autre usage ces deniers, que pour le fait de la guerre, comme aussi ces deputez Generaux jurerent sur les sainctes Evangiles qu' ils ne les convertiroient ailleurs, nonobstant quelques Mandemens qu' ils en eussent du Roy. Et s' il advenoit que sous umbre de quelques impetrations les Officiers du Roy les voulussent contraindre d' intervertir en autres usages ces deniers, permis aux deputez Generaux de s' y opposer par voye de fait, voire d' implorer tout confort & aide des bonnes villes circonvoisines à cest effect. Et au surplus ne pourroient rien ces Deputez & superintendans Generaux des trois Estats au fait de leur charge & administration s' ils n' estoient tous d' accord ensemble. Ce neantmoins en cas de discord la Cour de Parlement les pourroit accorder. Je vous laisse une infinité d' autres particularitez concernans la reformation de l' Estat, au recit desquelles si je me voulois amuser, j' attedierois le lecteur, parce qu' elles ne furent observees. Je me contenteray de vous dire que sur la fin de l' Edict, ou lettres patentes, on adjousta qu' au premier jour de Mars ensuivant, les trois Estats se r' assembleroient dans Paris, par eux, ou par Procureurs suffisamment fondez, pour voir & examiner le compte de ce qui avroit esté baillé & distribué: & à ce jour seroit rapporté par les Deputez Generaux, combien ceste Gabelle & Aide avroit valu, & s' ils voyoient qu' ils ne fussent suffisans pour le defroy de la guerre, ils pourroient croistre la Gabelle ainsi que la necessité le requerroit suivant l' advis des trois Estats, sans que les deux, ores qu' ils fussent d' accord, peussent lier le tiers. C' estoit un apenty de continuation de subside: Car comme nous sommes en un Royaume de consequence, il ne faut rien aisément promettre, encores que ce ne soit que pour une fois, que l' on ne le vueille permettre à jamais.

De ce que dessus, vous pouvez recueillir le premier plant des Generaux & Esleuz: car les uns & les autres nommez par les Estats, les uns pour avoir l' œil sur l' aide particulier des Provinces, & les autres generalement sur tout le Royaume, le hazard du temps voulut qu' aux uns demourast le nom de General, aux autres celuy d' Esleu, chose dont il ne faudra d' icy en avant faire doute par les discours que j' enfileray cy apres selon la suitte des ans & des affaires. La prison du Roy Jean contraignit Charles son fils aisné (qui du commencement prit le nom seulement de Lieutenant general de la France, puis de Regent) de faire convoquer les Estats dedans la ville de Paris en Mars 1355. Comme le peuple est fort en bouche, singulierement en telles adversitez, esquelles il pense qu' il faut que les grands ayent du tout recours à luy, aussi le fit-il lors fort bien paroistre: Car jamais ne se trouverent plus grandes esmeutes que celles-là. Et parce que nos Annales les ont discouruës amplement je vous diray seulement qu' il seroit impossible de dire combien de propositions hagardes furent mises en avant au desavantage du Roy, à la suscitation du Roy de Navarre. Cestuy pensoit la Couronne luy appartenir du chef de sa femme, & la recouvrer au meillieu de ceste affliction publique. C' est un secret que nos Roys doivent apprendre de ne faire jamais ouvrir les Estats, quand il y a un Prince, qui pour avoir le vent en pouppe au milieu d' un peuple, se rend chef de part: Mais qu' eust fait en cecy Charles Regent? Il tenoit proprement le Loup par les aureilles, la necessité presente le convioit de trouver argent pour le defroy & soustenement de la guerre. S' il eust donné congé aux Estats, c' estoit quitter la partie: D' un autre costé de les continuer, il ne pouvoit rien obtenir d' eux qu' il n' acquiessat à une infinité de demandes injustes & tortionnaires: Car encores qu' il y en eust plusieurs justes, comme de s' opposer à l' affoiblissement des monnoyes, qui estoit lors la querelle commune du peuple, si est-ce que l' on y mesloit de la vengeance contre uns & autres grands Seigneurs, dont on requeroit le des-appoinctement, & de là passans plus outre, ils creoient plusieurs Conseillers du grand Conseil, & vouloient que de là en avant toutes les affaires du Royaume passassent par leurs mains. Le premier advis que prit ce jeune Prince fut de licentier l' Assemblee, & la remettre à une autre fois, esperant obtenir d' eux en un autre temps, ce qu' il ne pouvoit adoncques: Conseil sage, mais defavorisé de la saison qui estoit disposee à sedition. Le peuple commence de se mutiner plus que devant, ayant pour porte-enseigne Estienne Marcel Prevost des Marchands de Paris. Au moyen dequoy le Regent, faisant comme le sage Pilote, qui pour sauver son vaisseau calle la voile à la tempeste, aussi delibera-il de temporiser à ceste fureur. C' est pourquoy il leur bailla la carte blanche, & non seulement leur passa condemnation de tout ce qu' ils desiroient, mais permit qu' elle fut authorisee par la verification du Parlement de Paris: Ce qui ne s' estoit encore veu ny usité en telles affaires, mais aussi pour contre-eschange il obtint des trois Estats tel aide qu' il desiroit. Vous pourrez recueillir par parcelles, & jour par jour, comme toutes choses se passerent lors dedans les Annales de Guillaume de Nangy. Comme celuy qui fut spectateur de ceste tragedie: Et encores dans des lettres en forme d' Edict du 5. Fevrier 1356. verifiees au Parlement, par lesquelles on peut voir tout le bon & le mal qui se passa lors sous le nom de la reformation de l' Estat. 

En l' an 1358. le Roy Jean estant encores prisonnier, l' on fut contrainct d' assembler de rechef les trois Estats dedans la ville de Compieigne, où l' on fit pour la deliurance du Roy, un grand impost extraordinaire, qui eut cours sur toutes sortes de personnes: Et lors on ne douta plus d' appeller Generaux ceux qui avoient la charge generale, & Esleuz ceux qui avoient la charge particuliere des Aydes par les Dioceses. Et furent esleuz trois Generaux diversement par chacun des trois ordres, & au lieu qu' auparavant les Esleuz, Grenetiers, Controolleurs, Receveurs & Sergens des tailles estoient payez de leurs vacations par taxations, qui venoient à la grande foule du peuple, on commença de leur assigner certains gages pour l' avenir. Les Generaux des Aydes estoient nommez par les Estats, & confirmez par le Roy entre les mains duquel, ou de ses officiers, ils faisoient le serment de bien & loyaument exercer leurs charges. Depuis le Roy seul sans autre controolle y pourveut. Auparavant les Aydes que l' on prenoit estoient sur les marchandises & denrees qui estoient venduës en gros ou detail. Charles V. plain d' entendement en l' an 1379. s' advisa de lever de chaque feu, pour un an, un franc, le fort portant le feible, & fut cest impost appellé foüage. Lequel depuis fut remis en avant par Charles VI. en l' an 1388. mais bien plus rude que le premier qui fut par luy appellé Taille, mot qui n' est point depuis tombé. 

Charles V. mettant son foüage en avant, apporta plusieurs reglements par ses lettres du vingtiesme Novembre 1379. Et entre autres choses, suprima tous les Receveurs Generaux des Aydes, voulant qu' il n' y en eust plus qu' un qui feroit sa residence dans Paris. Defendit aux Esleuz & Receveurs particuliers de nommer Asseeurs & Collecteurs : ains voulut qu' ils fussent nommez par les paroissiens de chaque paroisse. Charles VI. par ses lettres de l' an 1388. ordonna que toutes personnes contribuassent à la taille qu' il mettoit sus, fors les Nobles extraicts de noble lignee, portans les armes, les Ecclesiastics & les pauvres mendians. En tout cecy l' un & l' autre Roy commit de les favoris tels qu' il luy pleust, pour la levee de ces deniers, les uns estans Maistres des Comptes, les autres d' autre qualité: car il n' y avoit celuy qui ne fust tres-aise d' être employé en ceste charge, pour le gain qu' il en rapportoit: En laquelle aussi ils n' estoient point perpetuez, ains changez selon qu' il plaisoit au Roy, ou à ceux qui l' attouchoient de plus pres. Et lors ceux qui estoient Generaux des Aydes l' estoient, tant pour l' ordination des deniers à quoy ils devoient être employez, que pour la distribution de la Justice en dernier ressort, quand l' on appelloit des Esleuz ou Grenetiers, mesmes fut grandement augmentee leur authorité: car on leur permettoit d' instituer & destituer Esleuz, Grenetiers, Controolleurs, Receveurs & Sergens des Aydes, quand ils feroient leurs chevauchees par les Provinces. Et parce que le Roy y en commettoit tantost six, tantost cinq, tantost quatre, la regle generale estoit que pour l' ordination des deniers, il falloit que tous, ou quatre, ou trois pour le moins le consentissent, mais quant à ce qui estoit de la distribution de la Justice, il suffisoit qu' il y en eust deux seulement: Et neantmoins ce qu' ils jugeoient, estoit tenu pour Arrest, sans que la Cour de Parlement le peust reformer, ains falloit que ce fussent ceux-là mesmes qui avoient jugé, & leurs compagnons appellez avecq' eux trois ou quatre des Seigneurs du grand Conseil. 

Vers ce mesme temps on commença de mettre quelque distinction entre les Generaux des Finances & de la Justice, non toutesfois absoluë telle que je deduiray cy apres, & encores d' authoriser ceste charge de chefs, tirez du corps de l' Eglise, comme Archevesques & Evesques, afin que le peuple y eust plus de creance. Par les lettres du dernier jour de Fevrier 1388. je voy que Charles sixiesme y commit l' Evesque de Noyon, Maistres François de Chanteprime, Guillaume Brumel, Guy Chrestien, Jean le Flamen & Pierre Desmier, pour exercer la Justice, voire jusques au nombre de deux comme j' ay dit cy dessus, & entre-eux choisit Chrestien, le Flamen & Desmier, pour être ordinateurs des deniers, defend aux trois autres de s' en entremettre. De façon que les six estoient deputez pour l' exercice de la Justice, mais en particulier les trois autres avoient d' outre plus la charge de la dispensation des deniers. Je cotte nommément ces lettres du dernier de Fevrier, parce que c' est l' un des premiers reglemens concernant ceste distinction d' Estats, & aussi qu' à la suitte de cela il est derechef ordonné qu' il n' y avroit qu' un Receveur general. Qu' en la chambre des Generaux y avroit un Greffier pour les procés, & quatre Clercs & Secretaires qui signeroient en Finances selon que les trois Generaux l' ordonneroient. Enjoint aux Generaux de faire les uns apres les autres leurs chevauchees par les Provinces, pour voir le bon ou mauvais menage des Esleuz, Receveurs, Grenetiers & Controolleurs. Et en fin que les Generaux sur le fait de la Justice (ainsi les appelle-il) orroient les causes sommairement & de plain, sans long procés, & feroient faire le semblable aux Esleuz en chaque Eslection.

Deslors en avant furent faites deux sortes de Generaux des Aydes, les uns appellez les Generaux des Finances sur le fait des Aydes, les autres Generaux de la Justice sur le fait des Aydes. Estats qui commencerent d' être exercez separément, encores que je sçache bien que la regle ne fust pas tousjours generalement vraye. Parce que Charles VI. ou pour mieux dire ceux qui le gouvernoient, en tailloient comme il leur plaisoit, mais tant y a que l' ordinaire estoit tel. Par lettres du vingt-huictiesme Aoust 1395. l' Archevesque de Bezançon, Philippes des Essars maistre d' hostel du Roy, Jean de Chanteprime Tresorier des guerres, font faits Conseillers Generaux sur le fait des Aydes, sans que les Generaux Conseillers sur le fait de la Justice s' en peussent entremettre. Le semblable le cinquiesme Aoust 1399. où l' Archevesque de Sens, Jean Couran, Guillaume d' Orgemont, & Arnaut Boucher sont commis. 

La friandise de manier les deniers fut telle, que les Princes voulurent avoir part au gasteau. Premierement le sire d' Albret en l' an 1401. Et apres luy Louys Duc d' Orleans frere du Roy par lettres patentes du dixhuictiesme Avril 1402. fut commis pour presider dessus ces Generaux des Aydes: les Ducs de Berry & de Bourgongne voulurent être de la partie: Et à vray dire, les jalousies des deux maisons d' Orleans & de Bourgongne, qui depuis causerent la ruine & desolation de la France, furent fondees sur ceste querelle. Les Ducs de Bourgongne, Berry, & Bourbonnois oncles du Roy, furent aussi à ce deputez, mais en fin tous ensemblément deschargez par lettres du dixneufiesme May 1403. Lors que les humeurs de ces Princes se disposoient à sedition intestine, ceux qui desiroient être mediateurs firent faire un Edict du septiesme Janvier 1404. par lequel ils passerent sur la reformation de toute la France, & specialement des Aydes & subsides: Et fut adoncques ordonné qu' il n' y avroit que trois Conseillers generaux, pour ordonner de la distribution des Aydes, c' est à sçavoir, l' Archevesque de Sens, Maistres Thibault de Miseray & Jean des Hayes, qui avroient les quatre Clercs ordinaires, & un Receveur general: Et pour le fait de la Justice trois Conseillers Generaux & l' Archevesque de Bezançon qui estoit Conseiller au grand Conseil. Les trois Conseillers l' Evesque de S. Flour, Maistre Jean du Drac & Nicolas de Maulregard, & lequel Evesque de S. Flour presideroit pendant l' absence de l' Archevesque. Je vous laisse toutes les autres particularitez de reglement portees par icelles lettres, pour vous dire qu' en l' an 1407. qui fut l' annee que Louys Duc d' Orleans fut assassiné, on reprit ces mesmes arrhemens de reformation, & fut encores ordonné que par tout le Royaume de Languedoc, il n' y avroit plus que trois Generaux des Finances, quatre Clercs & un Receveur general: pour le fait de la Justice quatre Generaux: Tous lesquels seroient Esleuz par le grand Conseil. Et neantmoins deslors l' Evesque de Limoge est nommé pour President à la Justice. Là il leur est *enjoinct que s' il se presentoit devant eux quelque matiere d' estofe, ils appelleroient avecques eux, deux Conseillers du Parlement, & qu' ils n' avroient qu' un Greffier pour enregistrer leurs plaidoiries, & suprima-l'on tous autres Generaux de la Justice auparavant à ce commis. Cela apporta une nouvelle face d' affaires en ceste France: car outre les Conseillers qui portoient tiltre & qualité de Generaux de la Justice, on leur bailla pour aides d' autres juges qui estoient seulement appellez Conseillers, & non Generaux, à moindres gages que les autres. En l' an 1413. nouvelles plaintes & doleances: pareillement nouvelle Assemblee des Estats dans Paris, & aussi nouveau pretexte de reformation. L' Université de Paris, qui lors se faisoit ouyr par dessus tous les autres, se plaignit qu' il y avoit sept Conseillers Generaux sur le fait de la Justice. Par la reformation sur ce faite, il fut ordonné qu' il y avroit pour l' advenir seulement un President aux gages de cinq cents liures tournois, & deux Generaux de la Justice aux gages de trois cents liures parisis qui seroient esleuz en la Chambre des Comptes par le Chancelier, appellez avecq' luy les gens du grand Conseil, & que pour visiter, conseiller, rapporter, & aider à juger les procés, il n' y avroit que trois Conseillers, chacun desquels avroit cent liures. Plusieurs annees s' escoulerent avant que ceste compagnie fust erigee en forme de Cour souveraine, ores que ceux qui y estoient commis jugeassent en dernier ressort, & de cela n' en faut autre tesmoignage que cestuy. Quand Charles VII. r' entra dans Paris, qui fut le premier Vendredy d' apres Pasques l' an 1436. en commemoration de cest agreable retour, les Prevost des Marchands & Eschevins de la ville, convient à mesmes jour tous les ans, tant la Cour de Parlement que Chambre des Comptes, pour le trouver dans l' Eglise Nostre-Dame pour en rendre graces à Dieu, & de là, festoyent en l' hostel de ville les Seigneurs qui y font envoyez, nulle mention des Generaux de la Justice, qui monstre que ceste compagnie n' estoit lors estimee faire corps. Les affaires doncques des Aydes furent telles: Du commencement les Generaux qui estoient commis pour l' ordination des Finances venans des Aydes, l' estoient aussi pour le fait de la Justice: Et lors estoient appellez Generaux des Aydes. Depuis, ces charges estans divisees entre diverses personnes, on appella les uns Generaux des Finances sur le fait des Aydes, les autres Generaux de la Justice sur le fait des Aydes. Qualité qui resida continuellement en eux jusques sur la fin du regne de François premier qu' ils reprindrent leur ancien tiltre, & se firent nommer Generaux des Aydes sur le fait de la Justice: qui est celuy dont ils usent aujourd'huy.