Mostrando entradas con la etiqueta Cassiodore. Mostrar todas las entradas
Mostrando entradas con la etiqueta Cassiodore. Mostrar todas las entradas

lunes, 29 de mayo de 2023

2. 13. Des Comtes, Baillis, Prevosts, Vicomtes & Viguiers.

Des Comtes, Baillis, Prevosts, Vicomtes & Viguiers

CHAPITRE XIII.

Les Comtez premierement n' estoient dignitez de telle parure comme nous le voyons aujourd'huy, ains de leur primitive institution estoient mots appropriez presque à toutes manieres d' estats qui estoient autour des Empereurs de Rome, rapportans les anciens, l' effect de ceste diction à la signification Latine. Pour laquelle cause estoient appellez ceux qui avoient superintendance, ou sur le Palais, ou sur l' Escuyrie, ou sur l' Espargne de l' Empereur, Comtes du Palais, Comtes d' Estable, & Comtes des Largitions, & ainsi presque de tous les autres. Verité est qu' à l' imitation de ceux-cy, les Courtizans, & Gentils-hommes qui estoient pris de la suitte des Empereurs pour aller gouverner les Provinces, prindrent semblablement en plusieurs endroicts ce tiltre de Comte: Comme nous voyons être faite assez frequente mention des Comtes de la Marche d' Orient. Et petit à petit ce nom s' espandit de telle façon, qu' il n' y avoit ville qui n' eust son Comte pour juge. Voulant chaque Juge rapporter sa grandeur, comme s' il eust esté tiré de la suitte & compagnie des Empereurs. De là vint que les François arrivans aux Gaules, y trouverent presque ceste generale police plantee, laquelle ils ne voulurent changer non plus que plusieurs autres. De ces Comtes ayans ainsi charge & superintendance de la commune Justice, vous trouverez être souvent faicte mention dedans les loix de Charlemaigne, & de Louys le Debonnaire son fils lesquelles en la plus part de leurs chapitres, ne chantent d' autre chose que la diligence que les Comtes doivent faire en leurs Comtez à rendre droit à chacun. Et fut cecy cause que sur une mesme ville y avoit un Duc, puis un Comte. Mais le Duc ayans sous soy plusieurs Comtes comme celuy qui estoit Visroy & Gouverneur, ainsi que j' ay deduit cy dessus, & les Comtes establis pour le faict de la Justice. Gregoire au chapitre septiesme du troisiesme de ses Histoires, dit qu' Ennode, qui estoit Duc de Tours & de Poictiers, fut osté de sa charge par le Roy Childebert, à l' instigation & pour suitte des Comtes d' icelles villes. Or comme ainsi fust que les Comtes prestassent residence assiduelle sur les lieux, comme Juges ordinaires des villes: & que pour ceste cause ils peussent commettre plusieurs abus & malversations, qui ne leur eust fait controlle: Pour y obvier, noz Roys s' adviserent d' une nouvelle police. Ils deleguoient certains Gentils-hommes de leur Cour, qui avoient tous leurs territoires distincts, desquels l' office estoit de vaguer par leur ressort, & cognoistre si les Comtes exerçoient bien & deuëment leurs offices, & s' il venoit quelque clameur du peuple encontre eux, ils en faisoient puis apres leur rapport au Roy. Ceux-cy exerceans cest office estoient appellez par nos anciens (Missi) desquels il est faict expresse mention en la Decretale premiere, au tiltre des immunitez des Eglises, dans laquelle il est dit en tels termes. 

Ut in domibus Ecclesiarum neque Missus, neque Comes, vel iudex publicus, quasi pro consuetudine, Placitum teneant, sed in publicis locis domos constituant, quibus placitum teneant. Qui est à dire: Nous defendons que l' Envoyé, le Comte, ou autre Juge public, ne tiennent point leurs plaicts dans les Eglises, souz pretexte de quelque coustume, ains qu' ils se pourchassent ailleurs un lieu pour ce faire. Qui monstre que lors que ceste constitution fut bastie, les Comtes estoient encores juges, & outre plus qu' il y avoit une autre espece de Juges, qui estoient appellez Missi. Aimoïn au chap. centiesme du 3. livre, les appelle d' un mot plus elegant (Legatos) & au dixiesme chap. du 4. Fideles ac creditarios à latere. Nos Croniques Françoises redigees par escrit du temps de Charles VIII. les ont appellez Messagers, & speciallement en un lieu, où parlant de l' Empereur Louys le Debonnaire, elles font mention, & des Comtes & des Messagers qui estoient en ceste France commis à l' exercice de la Justice. Lors (porte le passage) n' entrelaissa pas l' Empereur qu' il ne pensast du profit de la commune. Car il fit avant venir ses Messagers qu' il avoit envoyez par tout le Royaume, & s' enquist diligemment de chacun comment il avoit exploité. Et quand il sçeur qu' aucuns de ses Comtes avoient esté paresseux & lasches de leurs terres garder, & de prendre vengeance des latrons, & des mal-faicteurs, il les condamna par diverses sentences, & les punit de telles peines comme ils avoient deservy pour leurs paresses. Si doit-on cecy entendre, que ce n' estoient pas Comtes qui fussent Princes, ne hauts Barons qui tinssent Comtez, ne heritages, mais estoient ainsi comme Baillifs, que l' on ostoit & mettoit à certain temps, & punissoit de leurs meffaits quand ils le desservoient. Auquel lieu il ne faut pas estimer que ce qu' il compare le Comte au Bailly, il entende que ce feussent mesmes estats: mais le compilateur de ces Croniques a voulu dire qu' anciennement les Comtes n' estoient constituez en telle dignité & preeminence comme ils furent depuis, ains exerçoient l' estat de judicature à leur vie, comme de son temps les Baillis. A laquelle opinion Robert Gaguin & tous autres qui font tant soit peu nourris en l' ancienneté de nos Histoires, condescendent sans difficulté.

L' estat donc de ces Messagers estoit, de vacquer par tout leur ressort (que nos ancestres appellent Missaticum) & cognoistre si les Comtes faisoient bonne & loyalle Justice. Pour laquelle cause au 4. livre des ordonnances du Debonnaire article 64. estoit porté en termes Latins. Que nul Messager n' eust à faire longue demeure, ny convoquer le peuple aux endroits où il trouveroit les Comtes avoir fait bonne Justice, ains qu' il s' arrestast seulement és lieux esquels il trouveroit la Justice avoir esté mal ou negliemment administree.

Outre ce, estoit leur jurisdiction fondee sur peages & tributs. Avoient l' œil sur les Fiefs & vassaux du Roy (car les causes communes & de legere estofe appartenoient aux Comtes) estoient chargez de faire sommaires descriptions des cens & rentes qui appartenoient au Prince, & combien de serfs & esclaves estoient compris soubz chaque fief. Et si paravanture, faisans le faict de leur charge, il se presentoit cause d' importance, estoient tenus d' en faire leur rapport au Roy. Comme de toutes ces choses nous nous sommes acertenez par les ordonnances de Charlemaigne & du Debonnaire. Quelquesfois aussi leur estoit enjoint de rapporter aux Parlemens ce qu' ils avoient exploité pendant leur voyage, comme nous voyons dans Aimoin au quatriesme livre de ses Histoires chapitre quinziesme. Il commanda (dit-il) à ses Messagers d' aller par chaque Comté, pour nettoyer le pays d' un tas de meschans garniments, qui ne faisoient que piller: à la charge, que s' ils trouvoient resistance, ils prissent confort & aide tant des Comtes, que des gens des Evesques, pour deffaire ceste canaille. Leur enjoignant, que de tout ce qu' ils avroient fait, ils luy en vinssent faire rapport au prochain Parlement, qu' il devoit tenir en la ville de Uvorme (Worme, Worms). Qui sont tous actes qui se conforment directement à noz Baillis, & dont nous devons estimer leur estats avoir esté pris. D' autant qu' encores pour le jourd'huy cognoissent-ils du faict, & causes des Prevosts qui sont au lieu de ces Comtes, ont specialement cognoissance des matieres des Nobles & des fiefs, cognoissent seuls entre les autres Juges, des matieres domaniales du Roy. Et mesmes, tout ainsi qu' anciennement ces Messagers visitoient les Provinces qui estoient de leur charge, pour faire droict à chacun, aussi comme pour image & simulacre de cecy, furent pratiquees entre nous les Assises que les Baillis avant l' Edict des Juges Presidiaux, avoient accoustumé de tenir de Prevosté en Prevosté qui estoit de leur Bailliage. Toutes lesquelles choses ainsi rapportees piece à piece, nous rendent asseurez dont est procedee l' origine de noz Baillis. Chose que l' on peut encores descouvrir aisément à l' œil par un vieil passage du grand Coustumier de Normandie. Car comme ainsi soit que l' Estat du Bailly & du Seneschal soient tout un, & different sans plus, de noms, se trouve au chapitre dixiesme, l' Estat du grand Seneschal de Normandie être en ceste façon expliqué. Anciennement souloit descovrir par le pays de Normandie un Justicier greigneur, qui estoit appellé le Seneschal au Prince. Il corrigeoit ce que les autres bas Justiciers avoient delinqué, gardoit la terre du Prince, les loix & les droicts de Normandie *il faisoit garder: Et ce qui estoit moins, que deuëment faict par les Baillis, il corrigeoit les ostoit du service du Prince, s' il voyoit qu' il les convint oster: il visitoit les forests & les hayes du Prince, & revoquoit les forfaits, & s' enqueroit comme ils estoient traictez: Et la paix du pays fermement il entendoit: principalement à faire: Et ainsi en descourant par Normandie de trois ans en trois ans, visitoit chacunes parties & Bailliages d' iceluy. A celuy appartenoit en chacun Bailliage d' enquerir de ces excés, & des injures des soubs-Justiciers. Qui monstre bien qu' estans les baillis reduits chacun en leurs ressorts au païs de Normandie, encores fut erigé un estat par dessus eux, qui fut nommé grand Seneschal, qui est autant que grand Bailly: lequel faisoit les mesmes chevauchees qu' avoient fait anciennement les Baillis. Mais tout ainsi que ceux qui estoient particuliers, les faisoient seulement dans les destroicts de leurs Bailliages, aussi celuy-là qui estoit le grand & general, les faisoit sur tout le Duché.

Or furent ainsi appellez à mon jugement ces Baillis, pour autant que de leur premiere origine, ils estoient baillez & envoyez en diverses Provinces, par noz Roys. Ou bien sans aucune alteration de lettre, Baillis, comme conservateurs & gardiens du bien du peuple encontre les offences qu' il eust pou encovrir des Juges ordinaires. Tout en mesme façon comme de nostre temps, le Roy Henry II. voulant eriger un Magistrat en chaque Bailliage qui eust l' œil sur les Baillis & Prevosts, pour en faire son rapport au Conseil Privé du Roy, le voulut intituler, Pere du Peuple: Car le mot de Bailly en vieil langage François, ne signifioit autre chose que Gardien, & Baillie, Garde: Jean de Melun en son Romant de la Roze

Cœur failly

Qui de tout dueil est bailly.

Et en autre endroit, où Faux semblant se vante que Contrainte abstinence est en sa garde & protection.

M' amie Contrainte abstinence

A besoin de ma pourveance,

Pieça fut morte ou mal sortie,

S' elle ne fut en ma baillie.

De la mesme façon voyons nous que dans la plus grand part de noz Coustumes de France nous appellons ceux Baillis ou Baillistres qui ont la garde noble ou bourgeoise de leurs enfans. Tellement qu' il n' est pas du tout hors propos, de penser que tels Messagers fussent de ceste derivaison nommez Baillis. Aussi Jean le Bouteiller vieil autheur, en tout son traicté de pratique qu' il intitule Somme rural, appelle Baillies seulement, ce que nous appellons Bailliages. Et qui plus est, je puis asseurer comme chose vraye que l' on ne commença d' user du mot de Bailliage que souz le regne du Roy Jean, & encores fort sobrement. 

Car quant au mot de Seneschal, qui n' a autre puissance ou authorité entre nous que le Bailly, ainsi que je disois maintenant, quelques personnages de bon sens, comme feu François de Conan, estiment que ce soit un mot corrompu, my Latin & my François, signifiant vieil Chevalier. Qui n' est pas une opinion du tout hors propos: parce qu' anciennement tels estats estoient seulement donnez à vieux Gentils-hommes & Chevaliers: & en estoit la porte fermee aux Advocats & Legistes. Voire qu' au Vieil stile de la Cour de Parlement, il est defendu à tous Baillis & Seneschaux de commettre pendant leurs absences, en leurs sieges, Lieutenans de robe longue. Toutesfois je suis presque semonds de croire que ce mot de Seneschal ait esté emprunté du vieil langage Anglois, par nous non entendu: Parce que je le voy principalement pratiqué és lieux de la France qui ont esté autrefois souz l' obeïssance des Anglois, voire jusques aux portes presque de Paris, comme en la Seneschaussee de Ponthieu.

Telle fut doncques la premiere police des Comtes & Baillis. Bien est vray que pour autant que du commencement les Baillis n' estoient pas Juges qui prestassent resseance ordinaire sur les lieux, ains alloient par certains entrejects de tems (sans p) faire leurs reveuës: & au contraire les Comtes se tenoient ordinairement sur leurs jurisdictions, & que d' ailleurs ils avoient (comme nous apprennent les mesmes ordonnances par moy cy-dessus alleguees) certains fiefs qui estoient annexez à leurs estats, afin que d' une mesme main ils vacquassent quand la necessité le requierroit au faict de la guerre, tout ainsi que de la Justice: pour ceste cause il advint que les Baillis, n' ayans surquoy prendre terre, ne peurent s' accroistre & augmenter de telle façon que firent les Comtes, lesquels commencerent de là en avant de s' arrester seulement aux biens-faits du Roy, laissans la jurisdiction à leurs Lieutenans: dont les aucuns furent appellez Vicomtes, & les autres Viguiers du mot de Vicarius, & les autres Prevosts, d' un autre mot Latin que nous appellons Præpositus. Car en ceste façon les voyons nous être appellez és anciennes lettres de noz Roys, lors qu' elles s' addressoient aux Prevosts. Ayant changé la lettre de P, en V, ainsi que nous avons faict de quelques autres dictions Françoises: Car de Lepus, Lepusculus, & pauper, Aperire, & cooperire, recuperare, operari, nous avons façonnez les mots de liévre, lévraut, pauvre, ouvrir, couvrir, recouvrer, ouvrer. Je sçay que plusieurs sont d' advis que la dignité Prevostale a esté tiree des Romains, estimans que lors que les François arriverent és Gaules, ils trouverent chaque cité garnie de ses Prevosts, mais apres avoir couru tous les estats que les Romains establissoient sur les Provinces, je ne voy point avec lequel d' entr' eux nous puissions assortir ce mot. Et qui m' induit davantage à penser que c' est un estat venu en usage depuis le temps de Charlemaigne & du Debonnaire: c' est que combien que je voye plusieurs reglements en leurs ordonnances pour les Comtes en qualité de personne : *qui exerçoient la Jurisdiction ordinaire, si est-ce que je ne voy point un seul endroit où il soit parlé des Prevosts. Et ne me puis persuader s' ils eussent esté en essence qu' ils eussent esté oubliez: de maniere qu' il faut que l' office de Prevost soit venu lors que les Comtes se desmirent de leurs estats de judicature sur autruy: c' est à dire, lors qu' ils commencerent à se faire grands & à manier les armes, tout de la mesme sorte que les Ducs qui fut depuis le regne du Debonnaire. Croissans en telle grandeur, que comme j' ay deduit ailleurs, entre ces grands Ducs & Comtes qui florirent du temps de Hugues Capet & quelque intervalle au dessouz, il n' y avoit pas grande difference pour le regard de l' authorité & preéminence, ains chacun selon que la fortune & hazard du temps luy donna le tiltre, s' estimoit aussi grand seigneur, cestuy estant Comte de Flandre, comme l' autre qui se disoit Duc du pays de Normandie.

Au demourant, entant que touche le mot de Viguier, tout ainsi que nous le voyons être seulement en usage au pays de Languedoc & és environs, pour representer le Prevost que nous avons en ce pays cy, aussi avoit esté ce mot mis en œuvre en ce pays là par Theodoric Roy des Ostrogots, lequel feignant de garder une partie du Languedoc à son arriere-fils Amalaric grandement affligé par les guerres du Roy Clovis, y establit un Vicaire, ou si ainsi le voulez dire, Viguier general de ceux qui souz son nom avoient le gouvernement du pays. Constituit (dit Cassiodore parlant d' iceluy Theodoric) Gemellum in *Gallis Vicarium præfectorum ad exercendas iustitias. Il establit (dit-il) aux Gaules Gemelle, Vicaire de tous ses gouverneurs, pour rendre le droict à chacun. Et combien qu' il die par un mot general, les Gaules, si les faut-il restraindre au pays que possedoit lors Theodoric dedans icelles, qui estoit seulement le Languedoc. Certes ceste dignité de Viguier destinee à l' estat de Judicature, estoit fort familiere aux Gots. Et pour ceste cause voyons nous que dans Rome pour mesme effect lors qu' iceux Gots regnoient sur l' Italie, y avoit une telle forme de Magistrat, comme nous apprenons du mesme Cassiodore, au quatriesme de ses Epistres, en une lettre de Theodoric à Jean Archiatre, c' est à dire, premier, ou principal medecin. Qui fut cause, à mon jugement, que les Comtes laissans au pays de Languedoc l' exercice personnel de la justice pour s' habituer du tout aux armes, il fut aisé d' y insinuer le mot de Viguier, tant pour y avoir esté autresfois planté, que aussi pour ne representer en sa signification autre chose que l' estat d' un Lieutenant. En l' ordonnance de Charles VI. 1388. Qu' il n' y ait nul Prevost ou Vicaire parent du Bailly ou Seneschal