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jueves, 25 de mayo de 2023

2.5. De l' ancienneté & progrez de la Chambre des Comptes.

De l' ancienneté & progrez de la Chambre des Comptes. 

CHAPITRE V. 

Apres avoir discouru du Parlement, il faut que je parle à son ordre de la Chambre des Comptes, comme estans deux compagnies qui fraternisent de tout temps ensemble, bien que soubz diverses charges: Soubz la premiere & seconde lignee de noz Roys, & bien avant soubz la troisiesme, il n' y avoit dedans Paris, Chambre des Comptes, non plus que Parlement. Tout cela se manioit à la suitte des Roys. Je ne puis mieux comparer ceste affaire, qu' à ce que nous voyons encores aujourd'huy en la Cour du Roy, où il y a un Conseil de grands Seigneurs que l' on divise en deux. Dont l' un est appellé Conseil de Justice, ou des parties, l' autre des Finances, ou d' Estat. Ainsi soubz le nom du Parlement, qui estoit le Conseil de noz Roys, on exerçoit ces deux charges pres d' eux. Depuis pour la commodité des subjects, ou paravanture pour le nombre excessif des Seigneurs qui y estoient, il fut trouvé bon d' en descharger la Cour du Roy & l' establir en certain lieu. Ce fut dans Paris, ville Metropolitaine de la France, où l' on feit deux compaignies souveraines, l' une pour la distribution de la Justice de partie à partie, telle que j' ay cy-dessus deduicte, l' autre pour l' ordre des finances & autres choses dont je parleray cy-apres. Compaignies qui curent plusieurs rencontres de l' une à l' autre. Toutes deux furent faictes sedentaires soubz le regne de Philippe le Bel. Et tout ainsi qu' elles avoient esté tirees d' un mesme corps, quand elles sejournoient pres de noz Roys, aussi furent-elles logees dedans un mesme pourprix, au Palais Royal de Paris. Ces deux Colleges furent du commencement appellez Chambres: Mot de tres-grande dignité envers noz anciens dans l' Europe, comme nous pouvons recueillir tant de la Chambre consistoriale de Rome, que de la Chambre Imperiale en Allemaigne. Les uns & les autres appellez Maistres: Ceux-là du Parlement, ceux-cy des Comptes. Autre mot qui prit grand pied sur le declin de l' Empire de Rome. Et comme le Parlement fust composé, partie de personnes Ecclesiastiques, partie de Laiz, aussi le fut la Chambre. Les Advocats & Procureurs generaux du Roy estoient communs pour les deux compaignies jusques en l' an 1454. que pour accommoder les affaires, fut de nouvel erigé un Procureur general pour la Chambre. Ce qui s' est continué jusques à huy. j' adjousteray que comme en la Chambre y avoit Rapporteurs des Comptes qui ne jugeoient, ains seulement les Maistres, aussi se faisoit le semblable en la Chambre des Enquestes du Parlement par sa premiere institution: Les uns estans par nos vieilles Ordonnances appellez Jugeurs, les autres Rapporteurs. Les Baillis, Seneschaux, & Procureurs du Roy des sieges inferieurs, venans rendre raison de leurs charges tous les ans, il failloit que cela fust faict par un commun vœu, en la presence de deux Maistres du Parlement, & d' un de la Chambre des Comptes, qui dressoient leurs procez verbaux, pour en faire diversement leurs rapports à leurs compagnies. Pareillement les Baillis & Seneschaux lors de leur reception, faisoient le serment, tant au Parlement qu' en la Chambre. Et pource que l' on pourroit dire que cela se faisoit en la Chambre, d' autant qu' ils estoient lors comptables du domaine du Roy, je le croy, mais aussi est-ce la verité que ceste coustume dura long temps apres qu' ils n' exercerent plus ceste charge, voire jusques au regne de Louys XII. En l' une & l' autre compagnie se sont tousjours verifiez les Edicts, establissements d' Apanages, engagements du Domaine, & autres affaires qui regardent l' Estat general de la France. 

J' adjousteray que comme l' on envoyoit deux fois l' an vers Pasques, & la sainct Michel, des Conseillers du Parlement pour tenir l' Eschiquier de Justice en la Normandie, aussi faisoit on le semblable des Maistres de la Chambre, pour le faict & examen des comptes. Il n' est pas qu' ils n' ayent quelquesfois pretendu avoir un droict d' indult sur les benefices, sinon tel que le Parlement, pour le moins non grandement eslongné d' iceluy. J' ay voulu toucher par expres toutes ces particularitez contre ceux qui se sont acroire qu' auparavant l' establissement de la Chambre de dans Paris, & long temps apres, les comptes estoient examinez par les Maistres d' hostel du Roy, & que venans sur leur vieil aage on les gratifioit de ceste charge. Chose dont ils n' ont aucuns registres, que de leurs vaines imaginations. Car au contraire il ne se trouve que jamais Maistres d' hostel y soient entrez anciennement, fors un qui tenoit grand rang pres du Roy Jean: Cerluy dont je parle fut Messire Nicolas de Brac, fondateur de la chappelle de Brac. D' ailleurs ceux qui sement ceste opinion, pensent que la Chambre ne peut cognoistre que de la ligne de compte: Qui est une heresie en l' histoire. 

Parquoy pour discourir de fonds en comble ce qui est de l' ancienneté & progrez de ceste compagnie, il ne faut point faire de doute que ceux qui du commencement curent ceste charge, estoient à la suitte de noz Roys. Nous eumes soubz le regne de Philippe de Valois un Jean de sainct Just, Maistre des Comptes, personnage de singuliere recommandation, que je voy avoir esté grandement studieux de l' ancienneté, selon la portee de son temps: parce qu' il nous laissa un Memorial aux archifs de la Chambre, que l' on appelle le registre de sainct Just. Cestuy sur quelque obscurité qui se presentoit lors en la Chancellerie entre la Chambre, & le College des Secretaires du Roy, escrivant au Chancelier, entre autres choses luy remonstre qu' il avoit tousjours entendu de ses anciens, que ceux de la Chambre des Comptes n' estoient pas residens dans Paris, si comme ils avoient esté depuis le temps de saint Louys. Il disoit vray: mais il ne cotte point vers quel temps fut faict ce changement. Et il ne faut point douter que ce fust soubz Philippe le Bel, & quelques annees auparavant la resseance du Parlement. 

Or consistoit leur charge en trois subjects, au-menagement des finances, dont est procedé l' ordre que l' on tient aujourd'huy aux Comptes: en celuy du Domaine, autrement appellé par nos anciens Tresor, dont est issuë la police des Tresoriers generaux, & finalement en celuy des Monnoyes, dont depuis a esté tiree la Cour des generaux des Monnoyes. Il n' est pas que les tailles, aides, & subsides ayans esté introduits en ceste France depuis l' advenement de la famille des Valois, les principaux reglemens n' ayent souvent passé par ceste compagnie. Er pour remarque speciale de sa grandeur, je me contenteray de vous en representer trois placards, qui meritent d' être gravez dedans la posterité. Philippe de Valois s' acheminant au voyage de Flandres, par ses lettres patentes du neufiesme Mars, mil trois cens trente neuf, voulut que sans avoir recours au grand seau, la Chambre peut jusques au jour de la Toussainct ensuivant de sa planiere puissance, octroyer plusieurs graces qui despendoient nüement de l' auctorité Royale. La teneur des lettres estoit telle.

Philippe par la grace de Dieu Roy de France, à noz amez & feaux les gens de noz Comptes à Paris, Salut & dilection. Nous sommes au temps present moult occupez pour entendre au fait de noz guerres, & à la defense de nostre peuple. Et pource ne pouvons nous pas bonnement entendre aux requestes, deliurer tant de graces, que de Justice, que plusieurs gens tant d' Eglise, de religion, que autres noz subjects nous ont souvent à requerre. Pour quoy nous qui avons grande & planiere confiance de voz loyautez, vous commettons par ces presentes lettres, planier pouvoir jusques à la feste de la Toussaint prochaine à venir, d' octroyer de par nous à toutes gens, tant d' Eglise, de Religion, comme seculiers, graces sur acquests, tant faicts, que à faire à perpetuité, de octroyer privileges & graces perpetuels, & à temps, à personnes seculieres, Eglises, Communes, & habitans des villes, & impositions & maletoltes pour le profit commun des lieux. De faire graces de r' appel à bannir de nostre Royaume, de recevoir à traicté & à composition quelques personnes & communautez que ce soient, sur causes tant civiles que criminelles, qui encores n' auront esté jugees, & sur quelcomques autres choses que vous verrez que seront à octroyer, de nobiliter bourgeois, & quelques autres personnes non nobles, de legitimer personnes nees hors mariage, quant au temporel, & d' avoir successions du pere & mere, de confermer & renouveller privileges, & donner noz lettres en cire verte sur toutes choses devant dites, & chaque d' icelles à valoir perpetuellement & fermement, sans revocation & sans empeschement. Et avrons ferme & stable tout ce que vous aurez faict és choses dessusdictes, & chacune d' icelles. En tesmoin de laquelle chose nous avons faict mettre nostre seel à ces presentes. Donné au bois de Vincenne, de treiziesme de Mars, mil trois cens trente neuf. 

Auparavant la puissance de la Chambre estoit, comme encores est, de verifier telles graces emanees du Roy, en l' entregect du temps porté par ces letres: c' estoit de les decerner, tout ainsi que le Roy mesmes. Chose non jamais accordee à autre compaignie souveraine. Encores trouvé-je unes autres patentes du mesme Roy, par lesquelles il attribuë à la Chambre des Comptes une authorité toute Royale au faict des Monnoyes.

Philippe par la grace de Dieu Roy de France, à noz amez & feaux les gens de noz Comptes, Salut & dilection. Nous voulons & vous mandons que toutesfois & quantes que vous verrez que bon & profitable sera de croistre le prix en or & en argent, & affoiblir le prix des monnoyes d' or, blanches, & noires, que nous avions n' agueres ordenees à faire en nostre Royaume, vous le faciez faire: toutesfois sans muer ne changer l' aloy, ne le poids d' icelle. 

Escrit à sainct Germain en Laye, le dernier jour de Janvier 1340. Souz nostre seel secret, en l' absence du grand.

Lettres qui furent executees par la Chambre souz diverses commissions decernees aux Maistres des Monnoyes, au mois de Fevrier ensuivant. Et pour venir au dernier passage que je trouve fort singulier, anciennement les Gentils-hommes, Baillis, & Seneschaux, administroient la Justice sans Lieutenans de robbe longue. Advint qu' un messire Godemar de Fay, de Chaulmont & Vitry, se trouvant n' être capable pour exercer ceste charge, il fut ordonné par la Chambre qu' il s' en demettroit, dont les termes se trouvent tels. 

Car comment qu' il soit bon homme d' armes, il n' a pas accoustumé à tenir plaicts ne assise, & que l' en y pourvoye d' aucune bonne personne qui soit Chevalier, & fut dit lors qu' il seroit bon qu' il y eust deux Baillis, comme il souloit. Et porte le Memorial peu apres ces mots. Le trentiesme d' Aoust, mil trois cens trente cinq, Godemar de Fay, Bailly des Baillies de Vitry & Chaulmont, rendit les seaux desdictes baillies, en la Chambre des Comptes, presens Monsieur Hugues de Crusy, Monsieur Guy Cheurier, Jean Billonar, Jean Just, Mille de Figuicour, Monsieur Clarin, Maistres. Lesquels seaux furent baillez ce mesme jour à Jannot Carré, Escuyer de Monsieur Pierre de Terrelier: Lequel Monsieur Pierre est estably de par le Roy Gouverneur desdictes Baillies. 

Toutes lesquelles particularitez ne sont pas petites, pour monstrer de quelle grandeur estoit lors ceste Chambre: aussi est-ce la verité que le plus du temps quand il se presentoit quelque grande affaire qui regardoit le general de la France, le Chancelier avec plusieurs Seigneurs du Conseil d' Estat, (que l' on appelloit Grand Conseil) s' y transportoit pour les decider avecq' les Maistres, & de fois à autres on y appelloit quelques Presidens & Conseillers du Parlement: mais tant y a que la Chambre des Comptes estoit expressemment choisie pour cest effect.

Ceste compagnie est composee de diverses sortes d' Officiers, de Presidents, Maistres, Correcteurs, Auditeurs, Advocat & Procureur generaux, deux Greffiers, Huissiers, gardes des livres: de tous lesquels je parleray selon leur ordre: En tant que touche les Presidents ce fut une regle generale, dez l' institution de la Chambre, qu' il y en avoit deux. Le premier Archevesque ou Evesque, & quelque Seigneur & Chevalier de marque qui le secondoit. Quelquefois y trouvé-je deux Prelats, quelquesfois trois, avec un Seigneur Lay: mais sur tout l' Estat de premier President estoit affecté à la Prelature. 

Car pour le regard du second, encores que par les vieux Registres de la Chambre il fust destiné ordinairement pour les Seigneurs Chevaliers, si est-ce qu' avecques le temps il se forma une opinion de l' affecter au grand Bouteiller de France. Les premieres dignitez de la Couronne, comme je discourray en son lieu, estoient celles du Chancellier, Connestable, grand Maistre, Bouteiller, & grand Chambellan. Je trouve que le vingt septiesme Juillet 1397 Messire Jacques de Bourbon, cousin du Roy Charles VI. estant pourveu de l' estat de grand Bouteiller, vint faire le serment à la Chambre. Et decima sexta die Augusti (porte le Memorial) praestitit in camera computorum Parisiensi solitum iuramentum primi præsidentis Laici in camera praedicta. Quod officium spectare dicebatur magno Buticulario Franciae quicumque sit, licet in litteris Regis praedictis de hoc nulla fiat mentio. Je rendray ce passage Latin en François, afin que ceste ancienneté soit entenduë de tous. 

Et le 16. jour d' Aoust ensuyvant, il fit le serment accoustumé en la Chambre des Comptes de Paris, pour l' Estat de premier President, Lay en icelle. Estat que l' on disoit être affecté au grand Bouteiller de France quel qu' il feust, ores que ses lettres de provision n' en fissent aucune mention. Je vous puis asseurer comme de chose tres-vraye, que de tous les Presidens Laiz auparavant luy, je n' en trouve un tout seul qualifié grand Bouteiller. Le premier des Seigneurs Laiz que je voy avoir tenu lieu de President en la Chambre soubs un Prelat, fut le Sire de Sully l' an 1316. & le sire de Coussi 1344. Un Pastourel, un Messire Oudart de Colombs. Ce neantmoins les affaires de la France estans infiniment broüillees soubs le regne de Charles VI. la Chambre voulut gratifier un Prince du sang de cest Estat de President, encores qu' il ne fut fondé en tiltre ny en possession, par ce que lors de sa reception on n' en parloit qu' à perte de veuë, comme l' on peut recueillir de la lecture du passage. Et s' il y eut quelque subject de besongner de ceste façon, c' est qu' en un vieux boucquin de la Chambre intitulé Pater, en recitant divers droicts qui appartenoient au grand Bouteiller on adjouste qu' il estoit Souverain des Comptes. Tant y a que vous pouvez recueillir quelle estoit la grandeur de la Chambre, puis qu' un Prince du sang grand Bouteiller, s' estimoit être honoré de porter tiltre & qualité de President de céte compagnie. Or depuis que le pas fut ouvert en la maniere que dessus, ceste opinion ne tomba pas puis apres aisément en terre: Car comme toutes choses nouvelles plaisent, aussi fut depuis cela authorisé par deux Edicts, dont le premier qui fut publié le 29. Octobre 1408. portoit cest article. Item que le nombre ancien de noz Officiers de la Chambre des Comptes y demeure aux gages accoustumez. C' est à sçavoir le president prelat, & le grand Bouteiller de France, qui ordonné y a esté & y doit être. Et par le second 21. Juillet 1410. on passe plus outre: d' autant que le prelat est mis hors du compte, & est ordonné qu' il n' y avroit plus que deux Presidens, dont le grand Bouteiller seroit l' un, ainsi que du temps passé avoit accoustumé, & l' autre maistre Eustace de Laistre. Lors estoit grand Bouteiller messire Guillaume de Melun Comte de Tancarville, successeur immediat du Seigneur de Bourbon, lequel assez souvent vint tenir son siege en la Chambre. Et apres luy successivement, messire Pierre des Essars, Jean de Crouy, Charles d' Albert, Valeran de Luxembourg, Robert de Bar, tous grands Bouteillers de France, firent le serment de president: vray qu' ils en iouyssoient plus par honneur que d' effect. Et le dernier auquel je trouve le pas avoir esté clos, est messire Robert de Bar, vers l' an 1417. auquel tout ainsi que le nom, la dignité de grand Bouteiller commença de s' afoiblir, aussi ne voy-je plus qu' il soit parlé que tel Estat fust affecté au president Lay. Quoy que soit le XV. de Novembre 1424. Un Jean de Neuf-chastel, Seigneur de Montiguy neufiesme en son Estat de grand Bouteiller de France fit le serment en la Chambre, mais nulle mention de l' Estat de president. 

La venuë des Anglois dans Paris apporta nouvelle face d' affaires par la France, par ce que Charles Dauphin ayant esté contraint desemparer la ville, erigea une Chambre des Comptes dans Bourges, en laquelle y eut deux Presidens, l' un Prelat, l' autre Lay. Et d' autant que la meslange des affaires avoit aussi apporté un desordre en ces Estats, quelque temps apres qu' il fut restably dans Paris, par son ordonnance du dixhuictiesme Mars, 1437. il remeit l' ancienne coustume de Presidens, Prelat & Lay. Laquelle fut inviolablement observee jusques soubs Louys XI. qui non seulement pourveur de l' Estat de premier president, Messire Bertrand de Beauvau sieur de Precigny son grand Chambellan, mais pareillement du second. Et non content de ce y adjousta un supernumeraire soubs le nom de Vipresident qui iouïsfoit de mesmes droicts & prerogatives que les presidents. Depuis le regne de Louys XI. je ne voy que dispenses contre l' ancienne police, par ce que tout ainsi que ce Roy confera à Beauvau l' Estat de president Clerc, aussi Charles VIII. son fils par une contraire dispence donna l' Estat de president Lay à l' Evesque de Laudeve. Et à peu dire, l' on voit plus de premiers presidents mariez, que d' autres: Mesmes soubs Louys XII. Messire Jean Nicolaï, maistre des Requestes de son hostel, fut pourveu de cest office en l' an 1506. personnage qui avoit esté employé par le Roy Charles VIII. en plusieurs grandes charges de là les monts, & nommément en celle de Chancellier au Royaume de Naples. Et est chose grandement memorable que cét Estat de premier president ait esté transmis & continué en quatre successivres generations de bisayeul, ayeul, pere, & fils, Messires Jean Aimard, Antoine & Jean Nicolaï. Ce qui n' advint jamais à autre famille de la France.

Icy je me fermeray, pour le fait des presidents de la Chambre, à la charge d' en dire encores paradventure cy apres quelquemot, selon que l' occasion se presentera. Maintenant je viendray aux Maistres des Comptes, lesquels lors de leur premier establissement estoient comme le parlement my-partis de Clercs & de Laiz. Distinction religieusement observee par une longue suitte d' annees, n' estant permis au maistre Clerc de se marier: Et le premier qui faulsa ceste loy fut maistre Antoine le Gresle en la Chambre de Bourges, par lettres de Charles VII. du. 22. Juillet 1430. La police estoit telle, qu' en l' absence des Presidens, le Doyen des maistres Clercs presidoit, & en l' absence de luy le Doyen des Laiz: Ainsi fut ordonné par Charles VII. en l' an 1436. Les Clercs avoient leur seance du costé droict plus proche du premier president. Nous trouvons que Messire Jean d' Orgemont, fils du Chancellier, & Conseiller au grand Conseil (c' est à dire au Conseil d' Estat) & Maistre des Requestes, ayant obtenu lettres de provision de Conseiller, & maistres de Comptes avecques dispence de preceder tous les autres Maistres, pour le grand rang qu' il tenoit, ceste affaire longuement mise en deliberation, tout ce qu' il peut en fin obtenir, fut qu' il siegeroit comme premier au dessus des Maistres Laiz, & non Clercs.

Le nombre des Maistres de leur premiere institution fut de cinq, trois Clercs & deux Laiz. Philippes le Long y adjousta un quatriesme Clerc, qui fut Maistre Jean Mignon, fondateur du College qui porte son surnom en l' Université de Paris. Quelque temps apres on y adjousta deux autres Laiz, estans par ce moyen huict Maistres d' ordinaire: Vray que les favoris de noz Roys desirans ambitieusement être de ceste compagnie, on y adjoustoit plusieurs extraordinaires. Qui fut cause qu' avec le temps ceux qui stoient pourveus des vrays & anciens offices s' appellerent Conseillers & Maistres ordinaires de la Chambre des Comptes, à la difference des extraordinaires: Mot que l' on ne peut encores pour le present oublier, combien que ce soit sans propos, car il n' y a plus de Maistres extraordinaires.

Pour oster ces confusions le Roy Louys XII. par son Edict donné à Blois en l' an 1511. voulut que les deux Presidens, & dix Maistres des Comptes, qui lors estoient (dont les deux extraordinaires seroient à l' advenir censez & reputez ordinaires) demoureroient, & deux Correcteurs, seize Clercs & Auditeurs, son Advocat & son Procureur, deux Greffiers, le Receveur, & l' Huissier. Cest Edict sembloit avoir fermé le pas au desordre: car mesmes il avoit suprimé l' Estat de Vipresident: toutesfois soudain que le Roy François premier de ce nom, fut arrivé à la Couronne il s' en fit croire, par ce que bon gré mal gré il enfraignit ceste regle: Car il fit un Harlin Maistre, & un Refuge Correcteur: l' un & l' autre extraordinaires, & fit reviure l' Estat de Vipresident en la personne de maistre Helie du Tillet. En l' an 1520. outre tous ceux-là, il crea de nouveau un tiers President, un Maistre Clerc & Conseiller, un Correcteur, & quatre Clercs & Auditeurs: Et pour donner quelque fueille à ceste nouvelle augmentation, il voulut que l' on tint deux Bureaux, le Grand & le Petit. Sur le reply des lettres il fut mis qu' elles estoient verifiees: De expressis mandatis dicti Domini nostri Regis, tam verbo quam scripto, saepius iteratis, usque ad eius beneplacitum, laquelle verification fut depuis reformee par autre commandement tres-expres du Roy en la presence de Messire René, Bastard de Savoye & grand Maistre de France, & furent ces mots rayez usque ad eius beneplacitum. Cela vous fait paroistre avecques quel creue-cœur cest Edict fut verifié. Depuis que ce Roy eut franchy le pas, non seulement en rendant les Officiers de la Chambre extraordinaires ordinaires, mais aussi en creant d' autres nouveaux, il ne fut plus question de ceste distinction ancienne, qui causoit une combust ou intestine. Un traict de plume assopit tous ces differens, mais en les supprimant, il introduisit un plus grand Chaos que celuy qui estoit auparavant: Car en l' an mil cinq cents quarate quatre, il transforma l' estat de Vipresident en celuy de quart President: Et le Roy Henry second son fils en l' an mil cinq cens cinquante un, multiplia les Estats au double par l' introduction du Semestre. La posterité jugera si en cela, & tout ce qui depuis a esté faict, n' y a point eu beaucoup plus d' extraordinaire, que lors que ce mot estoit en essence soubs les autres Roys qui furent devant le regne de Louys XII. Il me suffit de toucher ceste occasion en passant, pour le peu de plaisir que je prens en la deduction d' icelle.

Apres avoir parlé des Maistres, il sembleroit que je deusse maintenant

parler des Correcteurs qui les secondent en dignité, toutesfois par ce que cet Estat ne fut formé que sur le moyen aage de la Chambre, je parleray des Auditeurs qui dés le premier establissement eftoient avecques les Maistres. En quoy si j' ay quelque sentiment en ceste ancienneté, mon opinion est que les maistres Clercs estans à la suitte de noz Roys, estoient du commencement & Rapporteurs & Juges des Comptes tout ensemble. Je dy maistres Clercs par expres, comme ceux ausquels on avoit plus de creance pour leurs suffisances & capacitez. C' est pourquoy Philippes le Bel par son Ordonnance de l' an mil trois cens trois, voulut que nul compte ne fut examiné que les trois maistres Clercs n' y assistassent. Or comme ainsi fut que ceste charge de r' apporter leur fut onereuse ils s' en deschargerent sur leurs Secretaires que l' on appelloit anciennement Clercs: Car le mot de Clerc à noz anciens signifioit tantost l' Ecclesiastic, tantost se donnoit à celuy que l' on estimoit sçavant, tantost à celuy que nous appellons aujourd'huy Secretaire. Cela fut cause, si je ne m' abuse, que les Auditeurs furent du commencement appellez, petits Clers, à la difference des maistres Clercs & Ecclesiastiques: Et fort souvent Clercs d' embas ou d' aval: Par ce que les Maistres faisoient leur seance au Bureau d' enhaut, & les autres en ceux d' embas. Or de mon opinion j' ay quelques conjectures qui ne sont point hors de propos: car combien que sur l' advenement de la Chambre il y eust cinq Maistres, trois Clercs & deux Laiz, si n' avoit-il que trois petits Clercs: Qui estoit pour revenir au nombre ancien des maistres Clercs qui les commirent premierement. A ce propos je trouve que maistre Robert de Loriz Secretaire du grand Conseil, ayant esté pourveu par le Roy Philippes de Valois d' un Estat de maistre Clerc, il voulut ramener ceste ancienneté en usage. Car par ses lettres de provision il estoit mandé aux gens des Comptes qu' apres avoir pris le serment de luy à ce requis & accoustumé, ils le laissassent instituer & mettre soubs luy un Clerc en icelle Chambre. Si comme (porte le texte) les maistres Clercs de nostredite Chambre les y mettent. Par l' ordonnance de Philppes le Long, il fut defendu aux Maistres de tenir aucun petit Clerc avecq' soy. Et par un reglement de l' an 1378. il est porté, que s' il y avoit aucun Clerc d' aval qui eust esté faict par l' un des Maistres, que les Comptes qui seroient rapportez par luy, ne seroient visitez ny cloz par le Maistre, si les autres n' y estoient presens. Il n' est pas que par certaine Ordonnance du Roy Jean, de l' an mil trois cens cinquante cinq, ils ne soient appellez Clercs & Compagnons d' aval. Que les Compagnons & Clercs d' aval ne soient chargez d' autre chose que de leur ordinaire avant disner, & besongnent jusques à' midy. Toutes lesquelles particularitez me font croire, ou que tous les Maistres ensemble, ou pour le moins les Ecclesiastics se deschargerent du raport des comptes sur leurs Clers. Tellement qu' à la longue la nomination venant d' eux, ceux-cy recevrent confirmation du Roy: Et en fin furent erigez en tiltres d' offices formez ainsi que les autres, sans avoir plus recours aux Maistres. Or comme peu à peu on appellast puis apres les Maistres simplement, sans suitte de ce mot de Clerc: Aussi appella-l'on ceux de ce second ordre Clercs seulement, & sans adjection d' autre parole, & depuis nommez Auditeurs. Mot que je treuve avoir esté pour la premiere fois en usage par l' ordonnance de l' an 1454. Dans laquelle combien qu' il soit faite frequente mention de Clercs, si est-ce qu' au dixneufiesme article, vous y trouverez par exprez le mot d' Auditeur. Desorte que petit à petit on commença de les appeller Clercs & Auditeurs. Ce que je voy avoir esté fort frequent sous les regnes de Louys XII. & François premier, jusques à ce que la Chambre ayant esté soubs Henry II. faicte Semestre en l' an mil cinq cens cinquante & un il fut ordonné qu' au lieu de Clerc, on les appelleroit Conseillers du Roy & Auditeurs: Et en l' an ensuyvant leur fut permis d' opiner sur les difficultez qu' ils trouvoient aux comptes dont ils estoient Raporteurs: Ce qui ne leur estoit auparavant permis. Je ne veux pas oublier qu' à l' advenement de la Chambre dans Paris, ils estoient seulement trois en nombre, & quelque temps apres, Philippes le Long y en adjousta huict, & depuis y en eut douze ordinaires & six Chambres en bas où ils besongnoient. Vray que l' on y en introduisoit d' extraordinaires tout ainsi que les Maistres, jusques à ce que Louys XII. suprimant le mot d' extraordinaire en l' an mil cinq cens unze, voulut qu' il y en eust seize, & depuis son regne les choses sont arrivees en telle confusion qu' il y en a aujourd'huy soixante.

L' ordre de la dignité (comme j' ay dict) vouloit que je parlasse des Correcteurs, premier que des Auditeurs, mais j' ay suivy celuy des ans, pour avoir esté l' estat d' Auditeur en essence, long temps auparavant celuy de Correcteur: Office toutesfois lequel bien mis en œuvre est le vray nerf par lequel les comptables sont plus retenus en leur devoir. Et encores qu' il ne fut du commencement erigé en titre, si est-ce qu' il s' exerçoit par commission non d' ordinaire, ains comme la necessité le requeroit, tantost par les maistres, tantost par les Auditeurs. Par l' Ordonnance de Philippes le Long de l' an 1319. y avoit un article expres, portant que pour la multitude des comptes qu' il y avoit à corriger, ce que l' on ne pouvoit faire sans plus grand nombre de Maistres Clercs, outre les trois anciens, il en creoit un nouveau, dont il pourveut Maistre Jean le Mignon: & ordonne que des quatre, les deux seroient continuellement en la Chambre, pour ouir les comptes, & les autres en bas pour les corriger. Ordonnant que tous les Samedis, ils vinsent rendre raison de leur correction en plain Bureau. Depuis on y employa quelques-uns des Clercs d' embas: Et à ce propos le Roy Jean par une lettre de provision du dix-huictiesme Novembre mil trois cens trente deux, declare que pour advancer la correction des Estats de la Chambre des Comptes, il avoit pourveu Maistre Jean de Ver de l' office de petit Clerc, & veut que l' on preigne de luy le serment. Auquel lieu je fais aucunement doute, sçauoir si ce mot de Correction se rapportoit à ce que nous disons aujourd'huy, corriger les comptes, ou bien s' il entendoit que ce fust pour les voir & examiner: Et ainsi le voy-je usurpé en plusieurs autres endroicts: Mais ce que je reciteray presentement, vous le trouverez en sa propre signification: D' autant que l' unziesme Janvier 1395. par reglement de la Chambre, il fut ordonné que Maistres Jean Moulnier, & Jacques de Bussy Clercs, vacqueroient par quelques jours à faire les corrections: Et au surplus, pour la multitude des comptes qui estoient à rendre, afin de soulager les dix autres Clers, elle commit Maistres Nicolas du Pré, & Jean Boüillon. En fin par Edict du quatorziesme Juillet 1410. on en feit un Estat formé. Et par ce qu' il est de necessité (porte le texte) pourvoir au fait des corrections des comptes, qui de long temps sont demourees à faire, pour la multitude des besongnes, Avons ordonné & ordonnons par ces presentes, qu' en nostre Chambre aura d' oresnavant deux notables personnes, expers & bien cognoissans au fait de nosdits comptes, qui continuellement entendront au faict de nosdites corrections: Et pour icelles corrections faire, nous avons commis & commettons nos amez, feaux Maistres Estienne le Bray & Nicolas des prez. Il avoit seulement usé du mot de commis. Qui apportoit quelque obscurité en leurs provisions. Au moyen dequoy, par autres lettres du vingtdeuxiesme Aoust ensuyvant, le Roy Charles VI. declara qu' il avoit tiré ces deux-cy du corps des Clercs d' embas, les ayans faicts Correcteurs pour la necessité des comptes, & surrogé en leur lieu Maistres Antoine Gresle, & Jean Bussy sans gages, lesquels il faict dés lors Clercs en chef. Et par ce que de Bray & des Prez craignoient que leurs corrections estans faites & finies, ils demourassent du tout sans Estats, ne leurs ayans esté reservez certains droicts qui appartiennentaux Maistres, ny le nom de Conseiller, le Roy pour ces causes voulut qu' ils iouyssent de ces droits & prerogatives, ensemble du nom de Conseiller: Et au surplus qu' advenant suppression de ce nouvel Estat de Correcteur, il leur fust loisible de retourner en leurs anciennes charges de Clercs, souz condition que s' ils vacquoient puis apres quelques places de Clercs par mort, Bussy & le Gresle en seroient remplis. Je ne voy point que depuis cest Estat ait esté suprimé: Et n' estoit leur dignité petite, par ce qu' ils avoient continuelle seance au grand Bureau avecques les Maistres: Et qui est un poinct digne d' être remarqué, ils seoient au dessus des Thresoriers de France, comme vous trouverez en certain registre du douziesme Janvier mil quatre cens douze. Et aussi devant les Generaux des Finances & de la Justice, quand selon les occasions ils venoient à la Chambre. Le Vendredy vingtiesme Avril mil quatre cens quatorze, apres Pasques presents au Burel, dont les noms s' ensuyvent, trois Maistres des Comptes clercs, quatre maistres Laiz, (& y sont les noms apposez) Maistres Estienne de Bray, & Nicolas des Prez Correcteurs, G. Toreau & G. du Menil Generaux des Finances, H. de Savoysy & F. Brumel Generaux de la Justice, sur un apoinctement touchant la ville de Paris, pour le tiers des aydes de la dite ville, à eux octroyé par le Roy, il fut dit que tant qu' ils en iouyroient, les Prevost des  Marchans & Eschevins payeroient la somme de quinze cens liures: Et en une autre seance solemnelle au mesme an le vingt quatriesme Janvier où presidoit le Chancellier, ces deux Correcteurs sont mis devant G. de Morroy, J. de la Cloche, & A. Giffart Thresoriers de France. La coustume des Greffiers estoit lors d' inserer l' un apres l' autre les noms de ceux qui se trouvoient au Bureau selon leurs rangs & dignitez. Ainsi continuerent les Correcteurs leur seance, au dessous des Maistres jusques en l' an 1447. que par Edict du 2. Juin, Charles VII. voyant que pendant qu' ils affectionnoient de seoir journellement au grand Bureau, ils oublioient ce qui estoit de leur charge, leur en ferma la porte, & voulut qu' ils vacquassent sans discontinuation au faict de leurs corrections. A la charge toutesfois, que venans faire leurs raports en la grand Chambre, ils y avroient seulement seance, ce qui s' est continué jusques à huy. Ils ne furent du commencement que deux. La Chambre qui fut transferee à Bourges soubs Charles VII. fut longuement sans en avoir. Toutesfois en fin & en l' an mil quatre cens trente deux, Maistre André le Roy y fut fait Correcteur: Et depuis les choses establies dans Paris, encores n' y en eut-il qu' un jusques en l' an mil quatre cens cinquante quatre, que l' on y en adjousta un deuxiesme suyvant la premiere institution. Maintenant les affaires sont arrivees en tel desordre qu' il n' y en a que trop.

Quant à l' Advocat & Procureur Generaux, il n' y en avoit point du commencement qui fussent particulierement pourveus pour le service de la Chambre. Bien trouvé-je que quelques uns voulurent de fois à autres crocheter telles charges. On lit qu' un Maistre Robert Carlier en l' an mil trois cens nonante trois, s' intituloit Procureur du Roy en ses Chambres des Comptes, Thresor & Monnoyes, au lieu d' un Maistre Pierre du Bourget. Et en l' an 1413. il est faict mention d' un Maistre Jean de Bailly Advocat du Roy en la Chambre: mais ce feurent oyseaux passagers qui dans leurs tombeaux enseuelirent aussi leurs tiltres. La verité est, que le Procureur General de la Cour de Parlement l' estoit aussi de la Chambre des Comptes, en laquelle il se trouvoit souvent avec ses compaignons pour y prendre les conclusions, és causes qui le requeroient. Et tout ainsi comme il a des substituts au Parlement pour le foulager, aussi trouvé-je que l' an mil quatre cens dixhuict, Maistre Jean Aigueuin Procureur general substitua pour luy en la Chambre Maistre Estienne de Nouian, lequel y fut receu le quinziesme Septembre. En fin par Edict du vingt troisiesme Decembre mil quatre cens cinquante quatre, portant un reglement general des affaires de la Chambre, fut creé un Procureur du Roy en icelle, & le premier qui porta ce tiltre fut Nouian duquel j' ay parlé presentement: Et apres luy Maistre Jean Aigret Secretaire du Roy en l' an mil quatre cens cinquante neuf, auquel succeda Maistre Guillaume du Moulinet son gendre. A luy Maistre Gervais, & finalement мaistre Gervais second, se trouvans trois de la famille des Moulinets avoir exercé ceste charge de pere en fils & petit fils: Et par la mort du dernier en fut pourveu Maistre Jacques Mangot, pour lors Maistre des Requestes du Roy, & apres luy Maistre Jean Dreux auparavant Conseiller de la Cour des Generaux des Aydes, qui exerce aujourd'huy l' Estat. Quant à l' Advocat, il n' eust lieu en la Chambre que vingt ans apres ou environ, soubs le regne de Louys unziesme. Le premier fut Maistre Pierre Frelet, & apres luy par une longue succession de l' un à l' autre, Maistres Jean Bauliard, Louys Seguier, Jean Berzeau, Jean de Harlin, François le Feure, Antoine Minart, Estienne Bouchard, Guy d' Ausseurre, Jean Prevost, Jean Bertrand, & Estienne Pasquier Autheur des presentes Recherches, qui depuis a mis cest Estat és mains de Maistre Theodore Pasquier son fils aisné.

Car quant est des Greffiers il y en a eu tousjours deux dés le premier establissement. Sous Charles V. en l' an 1368. nous y en trouvons un troisiesme, maistre Jean de Mouton, mais depuis son decés la regle des deux n' a point failly jusques à huy. Entre autres est celebré maistre Jean le Begue qui exercea ceste charge dignement l' espace de 50. ans: Et pour la longue ancienneté obtint lettres de Charles VIII. en l' an 1454. portans permission à maistre Jean Aigret Secretaire du Roy d' exercer au lieu de luy son Estat, lesquelles furent enterinees, à la charge que le Begue mort, il ne prejudicieroit aux deux Greffiers. Toutesfois estant decedé aagé de 89. ans, Aigret fut continué en cette comission par la Chambre, jusques à ce qu' autrement en eust esté ordoné. C' est luy qui quelque temps apres fut pourveu de l' Estat de Procureur general en la Chambre. Nul ne pouvoit être Greffier qu' il ne fust par mesme moyen Notaire & Secretaire du Roy: Le premier qui enfraignit cette regle fut Maistre Louys le Blanc, lequel par lettres de Louys XII. du 16. Avril 1499. obtint permission de se defaire de son Estat de Secretaire avec dispense de pouvoir exercer celuy de Greffier: & ce en consideration des longs services qu' il avoit faits à la Chambre, en laquelle il avoit exercé le Greffe l' espace de 32. ans. Le College des Secretaires s' y opposa: disant les Greffes des Cours souveraines ne pouvoir être exercez que par ceux qui estoient de leurs corps: En fin les Secretaires s' estans par importunitez & prieres departy de leur opposition, la Chambre enterina à iceluy le Blanc ses lettres, ne cognoissant pas que cette verification se faisoit plus de prejudice pour sa dignité, que non pas aux Secretaires. Et comme apres une premiere ouverture on franchit de là en avant aisément le sault: aussi cettuy mourant resigna son Estat à мaistre Estienne le Blanc son fils qui fut receu en l' an 1508. sans être qualifié Secretaire. Chose dont' quelques autres se sont aussi avec le temps dispensez, non sans notable interest de la Chambre: car comme ainsi soit que les arrests des Cours souveraines ne soient jamais seellez au seau qu' ils ne soient signez d' un Greffier Secretaire du Roy, cela a esté cause qu' avecq' le temps on deliura les Arrests sous la simple qualité des Maistres des Comptes, contre l' ancienne coustume, qui estoit de deliurer les Arrests de marque sous le nom & authorité de nos Roys, & les communs sous le nom des Maistres. Chose dont je rafrachy la memoire à Messieurs de la Chambre 1589. le premier an de ma reception, estimant que cela importoit à leur dignité.

Tout ce que j' ay deduit jusques icy est pour les grands Estats de la Chambre, ce que je deduiray cy apres ne sera pas de telle estofe. Je viens maintenant aux Huissiers qui executent les arrests & commissions de la Cambre. La derivaison du mot d' Huissier nous enseigne que ce n' estoit autre chose qu' un portier. Aussi quand aux anciens registres il est parlé de l' Huissier, on entend parler de celuy auquel estoit baillé la garde de la porte de la chambre. On annexa avecq' le temps à cest Estat par forme de commission la charge de payer Messieurs de leurs gages, & le premier qui en ceste charge eut quelque nom, ce fut Nicolas Malingre par lettres de Charles septiesme, du dernier Janvier 1446. lequel depuis, 8. ans apres & en l' an 1454. 10. Decembre par composition faite avecq' Messieurs, se chargea de faire venir les assignations de leurs gages, moyennant la somme de 300. liures par chacun an, & depuis par longue succession de temps on l' appelloit l' Huyssier & Receveur de la Chambre. Voire qu' en l' an mil cinq cens sept, Pierre Daniel fut receu en l' office d' Huyssier & Receveur du payement des gages des Officiers de la Chambre & menuës necessitez: Et par ce que cest Huissier estoit vrayement concierge de la Chambre, on luy assigna une maison pour demeure: Et ainsi le remarquons nous dés l' an 1468. que Simon Malingre estant pourveu de cest Estat par la resignation de Nicolas Malingre son pere, on adjouste nommément à sa reception sa maison & demeure avecques l' Estat.

Or estoit-il anciennement appellé seulement Huissier, non premier, comme nous faisons maintenant, parce qu' il estoit lors seul, ayant la garde de la porte. Homme toutesfois qui non seulement n' avoit permission d' exploicter, mais qui plus estoit on n' y en admettoit aucun qui sceut lire & escrire. Les Memoriaux de la Chambre portent: Que Colinet Malingre Huissier de La Chambre, obtint dispense en l' an 1435. par laquelle il luy fut permis exercer comme devant son estat, parce qu' il estoit Clerc, & que quelques uns disoient que selon la coustume & ordonnance ancienne de la Chambre, l' Huissier ne devoit être Clerc, & se doutoit que pource qu' il estoit assez cognoissant en l' escriture, aucun luy voulsit mettre empeschement en son dit office pour le temps advenir. Il n' y avoit aussi lors Huissier ou Sergent en la Chambre pour executer ses contraintes & mandemens, ains estoient pris des Jurisdictions ordinaires, ausquels elle faisoit taxes. Le 8. jour d' Aoust 1344. il fut ordonné par le Bureau que les Sergens ou autres qui de là en avant exploicteroient en vertu des ordonnances des sieurs des Comptes ou tresoriers, avroient chacun huit sols Parisis par jour, pour la despense d' eux & de leurs chevaux, jusques à ce que les viures fussent amendez, & que s' ils faisoient quelque mise necessaire, elle leur seroit allouee avecq' icelle despense, & que tels despens leur passeroient par le compte de la messagerie au Thresor. Ce Registre porte en termes exprés compte de la Messagerie, d' autant que si la Chambre ne commettoit les Sergens, il y avoit des hommes que l' on envoyoit diversement par les Provinces porter les commissions, pour les faire executer sur les lieux par les Sergens des Bailliages & Seneschaussees. Ceux-cy estoient appellez Messagers à pied: Et dés l' an 1455. il y en avoit dixhuict qui se donnoient comme offices & prestoient le serment à la Chambre. Louys XII. par ses lettres du vingt-deuxiesme Janvier 1511. confirmant leur charges, ordonna que tous les Roolles, Mandemens, & Commissions emanez de la Chambre des Comptes, pour adjourner & faire tous exploicts contre les officiers comptables, seroient portez par ces dixhuict Messagers és lieux des charges & Receptes desdits comptables, ou de leurs domiciles, & illeq' seroient faire les adjournemens, ou autres exploicts à l' encontre desdits comptables par les Huissiers & Sergens ordinaires, lesquels seroient payez par lesdits Messagers de leurs salaires & vacations, és mains desquels ils seroient tenus rendre les exploicts, & taxe pour chacun exploit un sol, qui seroient rendus ausdits Messagers, qu' à faute d' Huissiers ou Sergent ces Messagers pourroient exploicter en presence de deux tesmoins: Et ce seulement és adjournemens simples, & non pour les executions.

Par un autre Edict du 12. de Mars 1514. leur pouvoir est augmenté, leur estant permis de faire tous exploicts en vertu des Roolles & Mandemens de la Chambre, à l' encontre des comptables, mesmes au pays de Normandie, & de pouvoir faire des executions & autres exploicts necessaires, soit pour le Domaine, Regale ou autrement. Voulant le Roy qu' ils fussent de tel effect comme les Huissiers de Parlement: Et neantmoins par cest Edict, le mot de Messager ne leur tomba, car jusques en l' an 1514, faisant le serment à la Chambre on les appelloit seulement Messagers: Et vers l' an 1526. Huissers & Messagers de la Chambre, & furent ainsi qualifiez jusques en l' an 1540. que l' on commença de les appeller seulement Huissiers, qui fut cause que l' Huissier ancien de la Chambre, fut de là en avant appellé premier Huissier, à la difference des autres. Je ne veux pas oublier une chose qui m' estoit tombee de la plume par mesgarde, que ces xviij. Messagers, auparavant qu' ils peussent faire aucuns exploicts, obtindrent lettres en Avril 1508. par lesquelles ils furent declarez francs, & exempts de tous subsides & imposts mis & à mettre, tout ainsi que les autres officiers de la Chambre. Aujourd'huy le nombre de ces Huissiers se trouve creu de la moitié.

Encores ne veux-je oublier les autres petits Estats: Par l' ancienne police il y a tousjours eu en la Chambre un relieur des livres & comptes. Le 14. Septembre 1425. Guillaume d' Ingouville, est receu par la Chambre, porte le registre, en l' estat de relieur des livres & comptes, & qu' il n' y seroit rien de mal, ny ne permettroit être fait. En l' an 1492. on y apporta une particularité plus precise: Parce qu' en la reception de Guillaume Oger en cest Estat, on le fit jurer qu' il ne sçavoit escrire ny lire, afin qu' il ne descouvrit les secrets des comptes. Qui estoit la mesme consideration pour laquelle on avoit desiré le semblable à l' Huissier. Chose que je vous voux representer, afin que l' on sçache quelle estoit anciennement la discipline de ceste compaignie. Il restoit d' avoir quelque homme, à la fidelité duquel on commit la garde des livres. Le Roy François premier y donna ordre, & en erigea un nouveau en l' an 1520. Le premier qui eut ceste charge, fut Jean le Comte, auparavant Messager de la Chambre, lequel depuis avec le temps nous veismes tenir grand lieu en la Cour du Roy, & avoir porté tiltre d' Intendant de ses finances. Au regard des Estats de Procureurs, ce sont charges esquelles il n' est requis d' employer l' auhorité du Roy, pour leur promotion, ains celle de la Chambre seulement. Par une ordonnance du Roy Jean il estoit deffendu aux Clercs des Clercs d' embas de dresser les comptes des comptables. Il y eut depuis gens à ce par expres destinez: Ce furent les Procureurs dont je voy être faite mention, par l' ordonnance de l' an 1454. comme de gens qui faisoient bonne part & portion de la Chambre. 

A tant je pense avoir amplement discouru, & paravanture plus que ne *porze la patience du François, ce qui regarde ceste Chambre, ne vous faisant nul recit de la police qui y a esté diversement observee selon la diversité des temps, remettant cela paravanture à un autre mien plus grand loisir. Une chose vous puis-je dire (& c' est sur quoy je veux clorre ce chapitre) que lisant leurs anciens Registres & Memoriaux, esquels on trouve une infinité d' affaires d' Estat, il faut que les Seigneurs des Comptes ayent eu des premieres dignitez de la France, ou bien qu' ils ayent eu sur tous les autres Officiers du Roy ua soin particulier de rediger soigneusement par escrit dans leurs archifs tous les negoces de poids qui se passoient par la France.