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sábado, 12 de agosto de 2023

9. 31. Du different ancien, qui a esté & est entre la Faculté de Medecine de Paris, & le College des Chirurgiens.

Du different ancien, qui a esté & est entre la Faculté de Medecine de Paris, & le College des Chirurgiens.

CHAPITRE XXXI.

Anciennement la profession du Medecin gisoit en l' exercice de trois points. Au Conseil selon les preceptes de l' Art pour les maladies interieures du corps humain; au razoüer & oignemens pour les exterieures: & finalement, en la confection des potions & medicamens.

Je veux dire qu' il estoit Medecin, Chirurgien, & Apoticaire tout ensemble: Ainsi en usa le grand Hippocrat, & long entreject de temps apres, Galien. Chose dont encores nous pouvons trouver des remarques tres-asseurées. Car Ulpian le Jurisconsulte disoit. Proculus ait,  si medicus servum imperite secuerit, vel ex locato, vet ex lege Aquilia competere actionem. Idem iuris est si medicamentis perperam factis usus fuerit. Sed & qui bene secuerit, & dereliquit curaturum securus non erit, sed culpae reus intelligetur. Passages par lesquels on voit que le Medecin exerçoit l' Art de Chirurgie, & encores faisoit les potions qui estoient par luy ordonnées. Or qu' il fust Apoticaire nous l' apprenons encores de deux passages d' Apuleie au dixiesme livre de son Asne d' Or. Par l' un desquels vous voyez un valet s' adresser au Medecin, affin qu' il eust à luy vendre de la poison, pour faire mourir promptement un homme, lequel pour le tromper luy debita un brevuage dormitif. Venenum soporiferum. Et en l' autre, une meschante femme, voulant haster les jours de son mary malade, Medicum convenit quemdam notae perfidiae, qui tam multarum palmarum spectatus praemijs, magna doctrinae suae trophaea numerabat, ut illi venderet momentaneum venenum, illa autem emeret mariti sui mortem, iamque aegroto marito, medicus poculum probe temperatum manu sua porrigebat. Je vous laisse le demeurant, me contentant que vous voyez par ces deux passages que le Medecin avecques sa profession exerçoit ce qui appartenoit à l' Estat d' Apoticaire. Et de cette ancienneté encores en avons nous je ne sçay quelle remarque par le cent vingt & cinquiesme Article de nostre coustume de Paris, qui fait marcher d' un mesme pas les Medecins, Chirurgiens, & Apoticaires au fait des prescriptions: & neantmoins par ce qu' en cest exercice il y avoit je ne scay quoy de vieil, cela fut cause que l' usage de la Medecine Gregeoise estant arrivé dedans Rome, les Gentils-hommes Romains faisoient apprendre cest Art à leurs valets & esclaves, affin d' estre par eux secourus avenant qu' ils fussent malades. Cela fut pareillement cause, qu' en ce nouveau mesnage d' Université, les Medecins pour la necessité de leur charge, ayans trouvé une place entre les quatre Facultez, on estima qu' il la falloit recognoistre en sa pure naïfveté, & luy oster la manufacture du razoüer, pilon & mortier

Et deslors furent formez trois estats distinct du Medecin, Chirurgien, & Apoticaire. Ancienneté doctement remarquée par nostre Fernel sur le commencement du septiesme livre de sa Medecine universelle. Chirurgia (dit il) primum medicinae pars est habita, & ambae eisdem sunt natae authoribus. Nec Chirurgiae alia, quam Medicinae principia, nec aliae demonstrandi sunt leges: postea vero ut unius Medicinae dignitas splendidior praestabiliorque foret, rationis, consilijque facultatem, ut pote liberalem assumentes Medici, ac suo quodammodo iure sibi vendicantes, quicquid manuum opera geri solet, id omne ad Chirurgos, & Pharmacopolas transtulerit. Distinction de Medecin, & Chirurgien, qui estoit des le temps mesme du Roy Philippes Auguste en cette France, ainsi que nous apprenons du cinquiesme livre de la Philippide de Guillaume le Breton, parlant comme Richard Roy d' Angleterre au siege du Chasteau en Limosin, ayant esté feru dedans les espaules d' une fleche, le Roy fut porté en sa maison.

Interea (dit le Poëte) Regem circunstant undique mixtim, 

Apponunt Medici fomenta; secantque Chirurgi

Vulnus, ut inde trahant ferrum leviore periclo. 

Guillaume le Breton estoit du temps de Philippes Auguste, dont il escrivit la vie, duquelle Roy Richard estoit contemporain. Or par ces trois vers vous voyez les fonctions du Medecin, & Chirurgien, distinctes; mais de telle façon que le Medecin ordonnoit les fomentations pour guerir la playe, & le Chirurgien le ministere de ses mains pour tirer la fleche du corps. Car ainsi n' estoit lors le College des Chirurgiens ouvert, comme j' ay plus amplement monstré par le precedant Chapitre. Mais depuis qu' il fut ouvert, ils voulurent en leur Art, aucunement contrecarer la Faculté de Medecine, soustenans que leur charge gisoit non seulement en ce qui estoit de leurs mains, mais aussi de l' Art, ne pouvant l' un subsister sans l' autre. Et tout d' une suite que leur profession estoit plus certaine que celle des Medecins. Comme ainsi fut que leur vacation consistoit en la cure exterieure des maladies du corps, que l' on cognoissoit au doigt & à l' œil, & celle du Medecin aux interieures, auxquelles le plus du temps il y procede plus à taton, & par jugement imaginaire tiré d' un poux inegal, de la veine, inspection des urines, & matieres fecales, jugeant bien souvent d' un, ores que ce soit un autre mal, comme on descouvre en apres par l' ouverture du corps mort. Ce qui a esté depuis representé en peu de vers par le Palingene en son Zodiaque sous le signe du Lyon.

Consule item si opus est Medicum, vel Clynicus ille,

Vel sit Chirurgus, Chirurgi certior est Ars. 

Nam quid agat certum est, & aperta luce videtur, 

Clynicus ipse autem qui nunc Physicus quoque fertur, 

Dum lotium infelix spectans, inde omnia captat, 

Dum tentat pulsum venae, dum stercora versat, 

Fallitur, & fallit.

Adjoustoient les Chirurgiens qu' ores que par un long progres & succession de temps le Medecin exerçast tant en la Grece que Rome, les trois charges de Medecin, Chirurgien & Apothicaire, toutesfois que la Chirurgie avoit esté du commencement plus en credit. Qu'  ainsi apprenions nous de Pline, qu' Esculape, qui depuis fut canonizé par les Payens entre leurs Dieux imaginaires, se rendit au siege de Troye plus recommandable par la guerison des playes, que des autres maladies

Et que dedans la ville de Rome, comme nous enseigne le mesme Pline, le premier Medecin qui y arriva nommé Archagathus, fut appellé Vulnerarius, comme celuy qui guerissoit seulement les playes. Tellement que sur ces persuasions ils introduisirent entr'eux un College, tel que je vous ay discouru par le precedant Chapitre, à l' instar presque de celuy des Medecins. Et estimerent qu' à eux seuls en consequence de leur razouër appartenoit l' anatomie, & dissection des corps, & le pensement des playes: & qu' en ce pensement ils pouvoient avecques leurs oignemens, selon que la necessité l' exigeoit, ordonner à leurs patiens, aposumes clysteres, potions, saignées, comme remedes annexez à leur profession. Menage que les Medecins ne peurent jamais approuvez (approuver), disans qu' encores que le mot Grec de Chirurgien portast quant & soy quelque prerogative chez nous: toutesfois rendu François, il ne signifioit que Manoeuvre. Parole que nous employons à toutes personnes de basse condition qui vivent au jour la journée: & au surplus, soit que nous considerions le mot Grec ou François en sa naïfve signification, il ne vise qu' à l' ouvrage de la main, & non plus.

Et à peu dire les Medecins pensent que le Chirurgien ne peut rien operer sans leur ordonnance. Au contraire le Chirurgien estime que les Medecins ne luy peuvent rien commander sur le fait qui despend de la Chirurgie; si ce n' est qu' il y ait danger de la vie en un malade: auquel cas il estimoit que pour obvier à tout blasme il n' estoit mat seant aux Medecin & Chirurgien, de concurrer ensemblement. A quoy j' adjousteray par forme de commentaire, que plus facilement deux hommes peuvent porter un corps mort en terre, qu' un seul.

Quelque different qu' il y eust entr'eux, le Medecin estant tousjours le superieur du Chirurgien, voicy un nouvel ingredient qu' il meit en œuvre contre cette maladie. Nous avons eu de tout temps les Barbiers, gens destinez par leur mestier pour accommoder les barbes, & cheveux. Et par ce que nos ancestres se faisoient ordinairement, non tondre, ains raire leurs barbes, comme pareillement de fois à autres leurs cheveux, en quoy le razoüer estoit necessaire aux Barbiers, aussi commencerent ils de s' aprivoiser du Medecin par les saignées qu' il ordonnoit, & en apres d' enjamber petit à petit sur l' Estat du Chirurgien, comme je verifieray en son lieu. Et neantmoins sans aller maintenant foüiller plus avant dedans une longue ancienneté precedante, vous entendrez, que les Medecins ont accoustumé d' eslire de deux en deux ans, un Doyen qui manie tout leur mesnage, & est tenu leur en rendre compte, sa charge finie. Je trouve sous le Doyenné de Maistre Michel de Colonia, que le 19. de Novembre 1491. la Faculté de Medecine fut assemblée en l' Eglise S. Yves, qui lors estoit son rendez-vous ordinaire en telles affaires, pour ouïr la plainte qui leur estoit faite par Messieurs les Chirurgiens, ainsi que porte le Registre. Ad audiendam querimoniam Dominorum Chirurgicorum, ut ipsa dignaretur eis praestare favorem in suis Privilegijs, & signanter contra Barbitonsores, sicuti proviserat eis. Et quod graviter ferebant, quod aliqui Magistri eiusdem Facultatis exposuerant & declaraverant dictis Barbitonsoribus: anatomiam quamdam legebant etiam dicti Magistri, Barbitonsoribus lingua vernacula super quibus deliberatum, & conclusum extitit, quod praefatae anatomiae factae sunt praeter mentem, & ordinationem eiusdem Facultatis, veruntamen credebant quod dicti Magistri sic fecerant ad evitandum maius malum, scilicet ne aliquis extraneus facisset: & addidit etiam ipsa Facultas, & praecepit ne supra dicti Magistri amplius dictis Barbitonsoribus legerent, quousque aliàs providisset.

Voila la premiere escarmouche, & depuis ils s' attaquerent diversemenz, les Medecins se donnans tousjours quelque advantage sur les Chirurgiens. L' unziesme Janvier mil quatre cens nonante trois sous le Doyenné de Maistre Jean Lucas: Placuit Facultati (porte le Registre) quod Barbitonsores haberent unum de Magistris Facultatis qui leget eis Guidonem, & alios authores verbis Latinis, eis exponendo aliquando verbis familiaribus & Gallicis secundum suam voluntatem. Et permet aux Barbiers d' acheter un corps exposé au gibet pour l' anatomiser, moyennant que l' anatomie fust faite par l' un des Docteurs en Medecine. Vous voyez comme pied à pied les Medecins prenoient terre sur les marches des Chirurgiens. Au moyen de quoy sous le Doyenné de Maistre Thierry le Cirier le dixhuictiesme de Novembre mil cinq cens nonante quatre. Supplicavit Magister Philippus Roger Chirurgicus, ut Magistri Facultatis de caetero non legerent Bartitonsoribus in lingua materna

Cui respondit Facultas, quod placebat sibi suspendere pro nunc illas lectiones, non tamen volebat absolute acquiescere petitioni illi, nisi etiam Domini Chirurgici desisterent ab ordinationibus receptarum ad Magistros Facultatis, & non ipsos Chirurgicos spectantibus. C' estoit (comme j' ay touché cy dessus) que les Medecins pretendoient que d' ordonner quelque Medecine à celuy qui estoit nauré, cela devoit sortir de leur boutique, & non de celle des Chirurgiens. Cette querelle depuis fut diversement promenée. Parce que sous le Doyenné de Maistre Bernard de la Vaugiere 1498. les compagnons Barbiers presenterent leur Requeste, à ce qu' il pleust à la Faculté commettre quelque Docteur, pour leur enseigner l' anatomie d' un corps qui leur avoit esté promis par le Lieutenant Criminel. A quoy s' opposerent les Chirurgiens, soustenans que cela estoit de leur gibier, & estoient pres d' y vacquer. Sur cette opposition fut ordonné le 13. Decembre, que l' anatomie seroit faite par un Docteur Medecin, qui l' expliqueroit, tant en Latin que François. Qui estoit tousjours autant esbrecher l' authorité des Chirurgiens.

Le dixhuictiesme Octobre mil quatre cens nonante neuf sur autre Requeste presentée par les Barbiers, il est permis de leur lire tous les livres de Chirurgie, Dummodo id fieret sermone Latino, & non alàs. Cum Magistri non soleant aliter libros suos legere. Une chose sans plus me desplaist, que l' avarice se vint loger au milieu de ces contrastes & altercations. Parce que sous le premier Doyenné de Maistre Richard Gassian mil cinq cens deux fut arresté: Quod Domini Chirurgici facerent anatomias, si vellent obedire Facultati, solvendo tertiam partem, & ut praeferrentur Tonsoribus, aliàs Facultas privat eos. La premiere recepte qui est faicte en consequence de cette ordonnance, est au compte de Gassian portant ces mots. Alia recepta pro anatomia à studentibus Chirurgicis Tonsoribus, & his qui voluerint interesse. A communitate Chirurgicorum qui solverunt tertiam partem expensa-sarum (expensarum) quadraginta duos solidos Parisienses. Sous le deuxiesme Doyenné de Maistre Jean Avis, la Faculté estant assemblée en l' Eglise sainct Yves, le troisiesme Janvier mil cinq cens cinq, se presenterent tous les Chirurgiens de Paris ayans tous le bonnet aux poings (ainsi que porte le Registre) & declarerent par l' organe de Maistre Philippes Roger, qu' ils estoient Escoliers de la Faculté: dont elle demanda acte à deux Notaires de la conservation en Cour d' Eglise, Maistre Martin Menart, & Jean Maioris. Ce fait Roger remonstra que les Maistres Chirurgiens estoient fondez en plusieurs Privileges Royaux, au prejudice desquels la Faculté avoit besongné, en donnant permission à un François Bourlon d' exercer la Chirurgie, la suppliant que de là en avant on n' entreprist plus sur leurs anciennes prerogatives. A quoy Helin, comme le plus ancien des Medecins, respondit que ces pretendus privileges avoient esté obtenus par subreption, & sous le faux donner à entendre des Chirurgiens, les Medecins non ouis ny defendus. Et neantmoins fut advisé qu' on en delibereroit plus amplement, mesme sur la requeste presentée par les Barbiers. Et quelque peu apres fut passé un contract le troisiesme Janvier mil cinq cens cinq pardevant Calais & Coste, Notaires au Chastelet de Paris, entre Giraut Tougaut Maistre Barbier à Paris, & garde des Chartres du mestier de Barbier, Pierre Cerisay, Jean Courroye, Guillaume Alain, Jean le Fort jurez, tant en leurs noms, que comme stipulans pour les autres Maistres Barbiers de cette ville de Paris d' une part, & Maistre Jean Avis natif de la ville de Beauvois, Docteur Regent en la Faculté de Medecine, Doyen d' icelle, tant en son nom, que comme stipulant pour la dite Faculté. Par lequel contract est narré que depuis quelque temps en là quelques Docteurs de leur Faculté avoient esté commis, pour declarer & exposer la science de la Chirurgie aux supplians. Pour ces causes estoit entr'eux passé ce contract portant les articles qui s' ensuivent. C' est à sçavoir que ces lectures se continuëroient, quoy faisant, les Barbiers jureroient estre vrais Escoliers de la Faculté, se feroient par chacun an inscrire au papier du Decanat, & pour leur inscription seroient tenus de payer deux sous parisis; jureroient de non administrer Medecine laxative, ains seulement ordonneroient ce qui appartiendroit à l' execution de la Chirurgie manuelle: Mais quand il seroit question de Medecine, ils avroient recours à l' un des Maistres de la Faculté. Que pour recevoir un Barbier à la Maistrise, on y appelleroit deux Docteurs de la Faculté, lesquels apres la deliberation des Maistres Barbiers, concluroient sur la suffisance, ou insuffisance de l' examiné, & pour leur assistance, avroient chacun deux escus sol pour leur salaire; qu' ils n' exerceroient l' art de Chirurgie avecques autre Medecin, qui ne seroit de leur Faculté; qu' apres que l' examiné avroit esté trouvé suffisant, il seroit tenu de jurer, & faire le serment de ce que dessus, en la main de l' un des Maistres Docteurs Commissaires. Moyennant cela la Faculté promettoit leur faire leçon en Chirurgie, & de leur communiquer, & faire exposer les anatomies, en payant par eux les droits specifiez: & où quelques uns les voudroient troubler en l' exercice de la Chirurgie, en ce cas la Faculté seroit tenuë  de prendre le fait & cause pour eux, & les garentir, à la charge que les Barbiers seroient tenus de faire les fraiz. 

Par le moyen de ce contract les Medecins passerent le Rubicon, & voulurent introduire un nouvel ordre de Chirurgie au prejudice de l' ancien. Et de fait ores qu' auparavant dedans leurs memoriaux, parlans des Barbiers ils les appelassent simplement, tantost Barbitonsores, tantost Barbirasores, ils commencerent de les honorer de ce titre, Tonsores Chirurgici, pour ne desmentir leur contract: & ceux qui pensoient plus elegamment parler, Chirurgi à tonstrina. Et non contens de cela par une assemblée du septiesme Juillet mil cinq cens six, la Faculté arresta, Quod nullus Magistrorum compareret in artibus Chirurgicorum, sub poena privationis. Qui estoit faire une profession expresse d' inimitié encontre le College ancien des Chirurgiens. Je me donneray bien garde de controller ce contract, & d' examiner si les Medecins pouvoient introduire une loy nouvelle, au prejudice des anciens statuts de l' Université de Paris, qui veut que les Arts s' enseignent par les siens en langue Latine, ne s' ils pouvoient attenter chose aucune au desavantage de la compagnie des Chirurgiens, ny de se faire juges & parties en leur cause.

Je laisse cette tasche à ceux qui voudront faire les Critiques, me contentant, comme simple Historiographe, de vous avoir representé comme le fait s' estoit passé. Bien vous diray-je qu' en cette nouvelle entreprise je trouve je ne sçay quoy de sage-mondain aux Medecins, quand par la closture du contract ils promettent prendre la cause des Barbiers contre les Chirurgiens, mais à leurs despens, perils, & fortunes. Qui estoit se mettre à l' abry des coups.

La connivence que les Chirurgiens apporterent à ce contract, rendit les Medecins de là en avant plus hardis, qu' ils n' avoient esté par le passé. Car le 3. de May mil cinq cens sept les Chirurgiens furent citez pardevant la Faculté de Medecine à certain jour, sur ce qu' ils ordonnoient des clysteres, aposumes & medecines, tout ainsi que les Medecins. Le premier de Juin ils comparent, & sur les remonstrances à eux faictes, promirent par serment fait sur les sainctes Evangiles (ainsi le portent les memoriaux de la Faculté de Medecine) qu' à l' avenir ils ne tomberoient plus en cet accessoire. Ainsi trouvé-je que sous le Doyenné de Maistre Jean Bertoul le 18. Decembre 1507. Eadem Facultas per iuramentum convocata dedit concorditer adiunctionem iuratis tonsoribus, studentibus in Chirurgia, sub doctoribus dictae Facultatis in certo processu, contra eos intentato, per Iuratos Chirurgicos, expensis videlicet ipsorum tonsorum: Aux anciens Registres on les appelloit Dominos Chirurgicos,  comme mesnagers, & ministres d' une partie de la Medecine: Icy on les nomme seulement jurez à l' instar des mestiers mecaniques. Ce procez prit quelque traict, mais je ne voy point quelle en fut l' issuë. Quoy que soit sous le premier Doyenné de Maistre Jean Ruelle l' an 1508. le Doyen en pleine assemblee remonstra, Quod Chirurgici, iampridem inchoatum processum continuare contendebant, dederantque suas posseßiones & saisinas, quae lectae fuerunt. Quibus auditis dedit Facultas deputatos, quorum consilio, necnon consiliarorum, in hoc processu ageretur. Deputati autem fuerunt Magistri, Richardus Helin, Michaël de Colonia, Theodoricus Sirier, Ioannes Bertoul, & Ioannes Avis: Au second Doyenné de Ruelle le 12. Novembre en une congregation de l' Université: Petita est per Decanum adiunctio Universitatis in processu quem facultas habebat, eo quod Chirurgici actus Baccalaureorum, in gravißimum Universitatis detrimentum faciebant. Cui porrectae supplicationi se adiunxit Universitas. Et le 9. jour de Mars ensuivant fut advisé par la Faculté, qu' on chercheroit toutes les pieces & Arrests, qui pouvoient estre contre les Chirurgiens: & prendre Advocat, Procureur, & soliciteur. Le 28. de Decembre 1510. sous le Doyenné de Maistre Jean Guischard, fut la Faculté assemblee à S. Yves, pour le procez des Chirurgiens: & conclud que la Faculté soustiendroit fortement le procez: Et sustineret praefatum Clodoaldum, & communitatem tonsorum, adversus Chirurgos. Et tout d' une suite fut arresté que Requeste seroit presentee à la Cour, pour contraindre les Chirurgiens de frequenter les leçons ordinaires des Docteurs en medecine, & de se soubsigner tous les ans au livre du Doyen, a fin qu' on fust suffisamment informé du temps de leurs Estudes, lors qu' ils se voudroient passer Maistres en leur Art. Au demeurant que les Barbiers seroient adjournez, sur les malversations qu' on pretendoit avoir esté par eux commises au desadvantage de la Faculté. Conclusion capitulaire, qui n' estoit ce me semble hors de propos. Or comme ce procez se poursuivoit chaudement, le dernier jour de Janvier comparuerunt in Burello Facultatis sponte sua Domini Chirurgi (en cet acte de Pacification le mot de Domini eschappe) quaerentes pacem cum Facultate, ut aiebant, & finem processus contra eos, similiter inter eos & tonsores. Quibus Facultas bene convocata congratulata est, & cum gaudio benigne suscepit: Et leur declara (porte le passage) qu' ils estoient les mieux que bien venus, moyennant qu' ils la voulussent recognoistre comme leur mere en cet Art; & pour trouver moyen de concorde entr'eux, elle deputa Helin, le Cirier, de Colonia, Bertoul, & Rozee: qui s' assemblerent plusieurs fois avec les Chirurgiens: mais je ne voy quelle fin eut leur procez. Que si je ne m' abuse ce fut une surseance d' armes, dont les Chirurgiens sceurent fort bien faire leur profit: car ayans fait cette declaration eh Janvier 1510. en plein bureau de vouloir nourrir paix & amitié avec la Faculté de Medecine, & ayans esté par elle embrassez: Aussi trouvez vous que le 5. Avril 1515. le Recteur & Université de Paris, en une congregation generale declara que les Chirurgiens devoient estre estimez Escoliers de l' Université. Et par acte emané de la Faculté de Medecine du 17. Novembre au mesme an, ils furent aussi declarez Escoliers de la Faculté de Medecine, & que comme tels ils devoient estre declarez francs & exempts de tous imposts & aydes: le tout comme vous avez peu plus amplement entendre par le precedent Chapitre. Depuis ce temps je ne voy nulle guerre ouverte entre le Medecin & le Chirurgien, ny pareillement entre le Chirurgien & le Barbier, ains une longue trefve dura jusques en l' an 1582. qui estoit temps suffisant pour leur faire mettre en oubly leurs anciens maltalens. Toutesfois voicy comme la memoire s' en renouvela. Les Chirurgiens d' un costé n' avoient autre plus grande ambition en leurs ames, que d' estre estimez enfans de l' Université de Paris: & les Barbiers d' un autre que d' estre incorporez au College des Chirurgiens. 

Pour le regard du premier point, je vous ay cy-dessus discouru en combien de manieres ils y voulurent donner quelque atteinte. En fin se voyans assistez de deux declarations par moy presentement touchees, & d' unes longues trefves qu' ils estimoient equipoller à une ferme paix, ils obtindrent unes lettres patentes du Roy François I. de ce nom en Janvier 1544. par lesquelles il vouloit qu' ils joüissent de mesmes Privileges, franchises, & immunitez que l' Université de Paris. A la charge que ceux qui voudroient estre Bacheliers, puis Licenciez en Chirurgie, seroient tenus de respondre en Latin pardevant les Examinateurs, qui seroient commis pour s' informer de leurs suffissances: Et au surplus qu' ils se trouveroient en l' Eglise S. Cosme, & S. Damien tous les premiers Lundis de chaque mois, & en ce lieu seroient tenus de visiter & penser, depuis dix heures du matin jusques à douze, tous les pauvres malades affligez en leurs membres qui se presenteroient à eux. Ces lettres adressees à la Cour de Parlement, Chambre des Comptes; Generaux des Aydes pour y estre verifiees; toutesfois je ne voy point qu' elles y eussent passé. Bien voy-je que la derniere clause d' icelles, concernant les malades, a esté pour eux, & est encores plainement executee: Et neantmoins je ne sçay si auparavant ces patentes cette charge estoit annexee à leur fonction: car je n' en ay rien veu ny appris par les tiltres qui sont passez par mes mains. Plusieurs annees s' escoulerent du depuis, pendant lesquelles les Chirurgiens se tindrent clos & couverts, sans remuer aucun nouveau mesnage jusques au 1. de Janvier 1579. qu' ils obtindrent un Indult du Pape Gregoire XIII. par lequel en entherinant leur requeste il voulut conformément aux termes portez par icelle: Ut omnes & singuli Chirurgi, tam coniugati, quam non coniugati, qui prius Grammatici, & postea in eadem Universitate Magistri artium recepti, ac ut moris est, eorumdem Chirurgorum examinati & approbati fuerint, ut à pro tempore existente dictae Universitatis Cancellario, postquam profeßionem fidei iuxta formam descriptam in eius manibus emiserint, benedictionem Apostolicam, quemadmodum caeteri Magistri, & Licentiati eiusdem Universitatis consueverunt cum debitis reverentia & humilitate recipiant.

Ce sont les propres mots de l' Indult, lequel mit aucunement en cervelle les Medecins, qui implorerent l' aide du Recteur & supposts de l' Université: & eux tous se joignans ensemble, appellerent comme d' abus de la fulmination de ces bulles. Cause qui fut plaidee au Parlement par Maistre Jacques Chouard pour l' Université, par Maistre René Chopin pour la Faculté de Medecine, par Maistre Barnabé Vest pour celle des Chirurgiens: trois Advocats de marque, & de nom: & par Messire Augustin de Thou pour Monsieur le Procureur general: qui n' oublia rien de ce qu' il pensoit faire à l' avantage des Chirurgiens: comme j' ay apris par son plaidoyé qui est tout au long inseré par l' arrest que l' on a levé: car quant aux plaidoyez des 3. autres, ils y sont couchez en blanc. Et neantmoins nonobstant les conclusions par luy prises, la cause fut appointee au Conseil par Arrest du Mardy 21. Mars 1582. Appointement qui dormit plusieurs annees: toutesfois en fin resveillé de cette façon. Maistres Jean Philippes, Guillaume Poulet, & Estienne Bizeret ayans suby l' examen à ce accoustumé par les Maistres Chirurgiens, & esté Licenciez en Chirurgie, s' estans presentez au Chancelier de l' Université, apres avoir fait la profession de foy prescrite, & receu de la benediction portee par les Bulles, l' Université de Paris, & la Faculté de Medecine en appellerent comme d' abus, pretendans que c' estoit un attentat expres commis au prejudice de l' appointé au Conseil de l' an 1582. Cause qui fut pareillement appointee au Conseil, & jointe avec la premiere, par Arrest du 24. Mars 1609. Esquelles deux causes les parties ont respectivement escrit & produit. Et adhuc sub iudice lis est.

Je ne veux par ce mien Chapitre estre un composeur d' Almanachs, & prognostiquer quel je pense devoir estre le succés de toute cette poursuite. Toutesfois si les souhaits ont lieu (comme il est mal-aisé de commander à nos premiers mouvemens) je vous diray franchement que je souhaite les Chirurgiens obtenir gain de leur cause; mais sous les conditions que je vous diray cy-apres, & non autrement. Que si desirez sçavoir qui fait naistre en moy ce souhait, je le vous diray franchement. Il est certain & sans doute que la Chirurgie fait part & portion de la Medecine. Partant semble y avoir grande raison d' aggreger au corps de l' Université le Chirurgien, tout ainsi que le Medecin. N' y ayant rien qui l' en ait cy-devant forclos, que la cruauté que l' on estime se trouver en l' exercice de son estat. Et comme l' Eglise n' abhorre rien tant que le sang; aussi ne faict l' Université sa fille par son premier institut: qui est la cause pour laquelle le Medecin mesme ordonnant une saignee à son patient, se donne bien garde d' y employer sa main; ains celle du Barbier: chose qui devoit appartenir au Chirurgien. Tout de ce mesme fonds l' Université de son originaire & premiere institution, ne permettoit qu' aucun de ses ministres fust marié, & pour cette cause, ny celuy qui vouloit passer Maistre és Arts, ny le Docteur en Medecine, ny le Docteur Regent en Decret, ne pouvoient estre mariez (car pour le regard du Docteur en Theologie, le celibat est une charge fonciere, annexee à sa profession sans exception & reserve,) & combien que le mariage fust prohibé & deffendu aux enfans de l' Université, toutesfois le Cardinal d' Estouteville Legat en France, ne douta de passer dessus ces deffenses, & de permettre aux Docteurs en Medecine d' estre mariez. Ce qui ne fut jamais trouvé de mauvaise digestion par nos ancestres: voire en plus forts termes les Docteurs en Decret s' en sont dispensez de nostre temps, sans qu' on leur ait imputé à faute, ny qu' on leur ait fait perdre leurs chaires, ores que contre leur ancienne institution ils fussent mariez. Que si un simple Cardinal Legat en France peut favoriser la famille des Medecins, & leur permettre d' estre mariez au prejudice des anciens statuts de l' Université, sans que l' on ait revoqué son Decret en aucun scandale, bien que ce fust un grand coup d' Estat, serions nous si osez de revoquer la puissance du S. Pere en doute, & de vouloir soustenir qu' il ne puisse authoriser le serment du nouveau Chirurgien, qui sera fait és mains du Chancelier de l' Université? Singulierement eu esgard que la Faculté de Chirurgie fut declaree faire partie de l' Université par deux congregations du Recteur, faictes aux Mathurins en l' an 1436. & l' an 1515. & encore par une autre des Medecins du mesme an. Je l' appelle Faculté, de mesme façon que celle de la Medecine, car ainsi la voy-je estre qualifiee par l' arrest de 1351. donné sous le regne du Roy Jean: par un autre sous le regne de Henry II. donné entre Maistre Charles Estienne Docteur en Medecine, & Maistre Estienne de la Riviere Chirurgien en l' an 1541. & finalement par l' arrest du 26. Juillet 1603. dont sera parlé cy-apres, donné entré les Chirurgiens, Barbiers, & Medecins intervenans. Voila le premier souhait que je fais en faveur des Chirurgiens: mais pour le rendre de toutes façons accomply, & que l' on sçache qu' il ne m' entre en l' ame sous faux gages, je desire que celuy qui veut prendre les degrez de la Chirurgie soit Chirurgien, non à petit semblant, ains à bon escient. Premierement qu' il soit bien & deüement instruit en la langue Latine, comme veulent les anciens Statuts de leur ordre: que comme les Medecins; aussi ceux-cy soient passez Maistres és Arts, avant que d' entrer au corps de la Chirurgie, le tout ainsi qu' il est porté par les Bulles du Pape Gregoire, & aussi est-ce la verité qu' aux deux actes qui se passerent entr'eux & l' Université l' an 1436. & 1515. & le 3. au mesme an, avec la Faculté de Medecine: ceux qui porterent les paroles pour la Faculté de Chirurgie nommez, Jean de Soulfour, Claude Vanif, Estienne Barat, prindrent qualité de Maistres és Arts & en Chirurgie. Je desire qu' ils facent leurs premieres estudes de Chirurgie en l' escole de Medecine: ainsi qu' il leur est enjoint par l' acte de l' an 1436. par lequel ils sont advoüez enfans de l' Université: Proviso tamen (dict le texte) quod ipsi lectiones Magistrorum actu Parisius in Facultate Medicinae Regentium, ut moris est, frequentent. Et apres qu' ils avront passé par tous ces alambics, qu' il leur soit permis d' entrer au cours de deux ans de la Chirurgie (rapportans bonnes & seures testimoniales de tout ce que dessus) & de se choisir tel Maistre qu' il leur plaira des Docteurs en la Chirurgie, pour se rendre plus capables de cet art, & subir les examens à ce requis & accoustumez, pour le degré premierement de Bachelerie, puis de Licence: car autrement quelques rolles qu' ils vueillent joüer sous ces dignitez Scholastiques, je ne les estime faire vrais actes de Chirurgie, ains de cingerie, moulez sur ce qu' ils voyent estre praticqué doctement aux Escoles de Medecine, par les Medecins.

martes, 8 de agosto de 2023

9. 12. Faculté de Medecine.

Faculté de Medecine.

CHAPITRE XII.

Combien que la Faculté de Medecine soit l' une des plus anciennes professions qui se trouvent entre toutes les autres. Car elle prit son origine avecques l' homme & la femme, lesquels estans exposez aux maladies selon la diversité des occurrences, aussi fallut il y trouver des remedes, que nous appellons Medecines. D' ailleurs il faut particulierement porter reverence au Medecin (selon l' opinion du sage) pour la necessité qui reside en l' exercice de son estat. Considerations qui de premier œil nous pourroient aisément induire à croire, que par honneur elle fut anciennement defalquée des autres Arts & sciences, pour luy donner une place d' honneur à part avec les trois autres Facultez de l' Université de Paris. Toutesfois c' est un abus de le croire. Chaque nation a son air particulier qui luy cause la diversité de mœurs & humeurs, & consequemment des maladies, ce neantmoins nous allons mandier nos remedes au Levant, comme si nature eust esté en chaque pays si ingrate qu' elle n' y eust aussi produit les remedes.

Cette pratique ne fut introduite dedans Rome que six cens ans apres sa fondation, & en cette France nous ne commençasmes d' en recognoistre l' usage que bien avant sous la troisiesme famille de nos Roys. Pour le moins ny nos histoires anciennes, ny nos Romans faicts à plaisir; images de ce qui s' estoit passé par la France, ne nous en donnent aucuns enseignemens. Si un Chevalier est blecé, une Dame, ou Damoiselle a ses onguens pour guerir sa playe. Et dedans l' Arioste, un Medor couché à l' issuë d' une bataille entre les soldats morts en plaine campagne, est guery par la belle Angelique, dedans la maisonnette d' un Pastre. Ny pour cela ou ne laissoit de trouver sa guerison dedans Rome, ny dedans la France, tout ainsi comme depuis. Il n' est pas qu' encores aujourd'huy il n' y ait quelque reste de cette ancienneté chez nous au plat pays, ou la plus part des gens de village se guerissent de leurs fievres, non par les ingrediens (leçon ordinaire des Medecins qui demeurent és villes) ains par certaines herbes pilées, qu' ils appliquent seur leurs poignets, & avecques une longue patience rapportent, ce que l' on tasche de gagner par une precipitation dans les villes. Chaque nation a ses simples, non seulement tirez de la terre, ains de toutes sortes de subjects, voire quelquesfois bien vils & abjects, dont nous rapportons des operations merveilleuses pour nostre santé: & en cecy le principal defaut que j' y trouve vient de la fetardise, paresse, & nonchaillance de nos Ancestres. Car si aux hospitaux dediez à la guerison des pauvres malades, on eust fait registres des receptes, par le moyen desquelles on avoit diversement guery d' unes & autres maladies, tout ainsi qu' on avoit fait au temple d' Esculape, dont Hipocrat sceut fort bien faire son profit, nous n' avrions que faire d' autre aide que de nous mesmes.

Or combien que la maxime que je vous ay presentement proposée soit non seulement particuliere pour nostre France, ains generale & commune à toutes les nations, toutesfois elle s' est par succession de temps trouvée changée en toute l' Europe d' une bien longue ancienneté jusques à nous. La Grece produisit plusieurs beaux & rares esprits, desquels comme d' un Ocean sourdirent deux grandes fontaines, la Philosophie, & la Medecine. Quand je dy la Philosophie, j' enten les sages discours qui naissent naturellement parmy tous les peuples, pour l' entretenement & conduite de leurs mœurs, & vies bien reglées. Toutesfois en ce pays là se trouverent personnages de nom qui en donnerent divers preceptes, de quelle marque furent les Academiciens, Peripateticiens, Stoïques, Epicuriens, & plusieurs autres de telle marque, qui espandirent diversement leurs doctrines par l' univers, au desir, & contentement d' unes & autres personnes.

Le semblable leur advint il au fait de la Medecine, en laquelle le premier dans leurs histoires qui en enseigna la leçon à ses successeurs, fut Esculape, en l' ost Gregeois, au siege de Troye, où pour avoir fait des cures miraculeuses, il fut apres son decez deifié par Decret general des hommes, & à luy consacré un Temple en l' Isle de Lago, lieu de sa naissance, où par une devotion solemnelle, & hereditaire de pere à fils, on appendoit, & les regles qu' ils trouvoient servir à l' entretenement de la santé, & les bonnes receptes par le moyen desquelles les malades avoient trouvé guerison: dont quelques centaines d' ans apres le grand Hipocrat sceut fort bien accommoder ses livres (ainsi que j' ay dit cy dessus) qui sont, & ont esté tant honorez, & estimez par sa posterité, non toutesfois sans le controlle des siens. Dautant qu' apres son decez il fut d' un gnet (guet) à pens contredit en tout, & par tout par Chrisippe, & luy par Erasistrat, prenans plaisir à se dementir l' un l' autre, tout ainsi que les Philosophes en leurs sectes. Tellement qu' il n' y avoit rien plus certain en l' exercice de cest Art, que l' incertain. Et neantmoins ne laissoit un chacun d' eux de faire de grands gains, & de grandes Cures dedans cette incertitude. Cela fut cause que les esprits les plus retenus & solides de Rome ne pouvoient bonnement gouster qu' on donnast seur accez en leur ville à ces Medecins de la Grece. Ainsi trouvons nous que Caton le Censeur, voyant que de son temps on commençoit de forligner en cecy, escrivoit à son fils, que cette nouvelle introduction seroit une nouvelle ruine des hommes, dont avecques le temps on verroit ses effects plus amples.

Ce que je vous dy icy, n' est pas pour vilipender cette Faculté (ja à Dieu ne plaise que cette opinion m' entre en la teste) ains pour vous reciter ce qui est de la verité historiale sur ce subject, & comme toutes choses s' y sont passées. Tout de cette mesme façon en France, des & depuis le regne de Pharamond, qui commença de regner en l' année quatre cens vingt, jusques au Roy Louys septiesme, qui commença de regner en l' année mil cent trois, & mourut en l' année mil cent octante, nous ne sçavions en cette France que c' estoit de la Medecine des Grecs. Mais comme sous le regne de Louys, plusieurs belles ames s' addonnerent, qui à la nouvelle Theologie de Pierre Lombard, qui aux Decrets de Gratian, aussi firent elles le semblable en la doctrine du grand Hipocrat, & de Galien son commenteur (ainsi le veux-je appeller, ores qu' il y ait apporté plusieurs belles choses du sien) Car il y avoit assez de subject en eux pour allecher & contenter les esprits deliez & curieux, lesquels ne feirent estat de la Medecine que l' on exerçoit d' ancienneté par la France, comme d' une Medecine rurale dont on ne pouvoit rendre raison, & en laquelle y avoit beaucoup plus de hazard que d' art: au moyen dequoy ils prindrent le nom de Physiciens du mot Grec, c' est à dire de gens qui sçavoient & enseignoient, tant les mouvemens de nostre nature, que de nos maladies. Science qu' ils avoient apprise des Grecs. Toutes nouveautez plaisent, sinon aux plus sages, pour le moins au commun peuple, qui a le dessus des sages par la pluralité du nombre. C' est pourquoy ces nouveaux Docteurs commencerent d' estre en credit, lors que vers le regne de Louys septiesme l' Université commençoit de naistre, & en fit on une Faculté particuliere avecques les trois autres de Theologie, Decret, & des Arts. Et par ce que chacun desireux de nouveauté y accouroit, il fut par un Concil general tenu en l' année mil cent soixante trois sous le regne de Louys VII. en la ville de Tours, où le Pape Alexandre troisiesme presida. Defendu à tous Religieux profez de sortir de leurs Cloistres, pour aller ouyr les leçons, tant de ces nouveaux Physiciens que legistes. Nous en avons les prohibitions & defenses expresses d' Alexandre en ces mots. Statuimus ut nulli omnino post votum Religionis, & post factam in aliquo loco profeßionem ad Physicam, legesve mundanas legendas permittatut exire. Si vero exierint, & ad claustrum suum, intra duorum mensium spatium non redierint, sicut excommunicati ab omnibus evitentur. Defenses qui estoient provenuës du Concil tenu à Tours, comme nous apprenons du Pape Honore troisiesme. Contra Religiosas personas de claustris exeuntes ad audiendum leges, vel Physicam, Alexander praedecessor noster olim statuit in concilio Turonensi, ut nisi infra duorum mensium spatium ad claustrum redierint, sicut excommunicati ab omnibus evitentur. Qui nous enseigne que lors la Medecine des Grecs, qu' ils appelloient Physique, estoit autant nouvelle en la France, que les loix Romaines. Laquelle depuis s' est esparse non seulement dedans la ville de Paris, ains par tout le Royaume. Qui nous doit faire croire par les evenemens, que l' usage de cette Medecine Gregeoise y estoit necessaire.

Ne pensez pas je vous prie que je vous aye voulu en vain entretenir des discours du present Chapitre. Je vous ay cy dessus discouru que vers le commencement les Medecins prenans pied dans l' Université s' estoient accommodez de leur College pres les quatre grandes Escoles des Arts, toutesfois je sçay bien que quelques uns maintiennent, que l' Escole de Medecine au lieu auquel elle est maintenant assise, fut par les Medecins achetée l' an mil quatre cens septante & un, & l' année d' apres rebastie, toutesfois nous repaissans de cette opinion, ils recognoissent n' en avoir jamais veu les enseignemens, ains en parler par un ouyr dire.

Chose dont me voulant plus amplement informer, j' en ay parlé à quelques anciens Docteurs, miens amis, qui gouvernoient ordinairement le menage de cette Faculté, quand les occasions se presentoient, lesquels m' ont dit n' en avoir jamais veu dedans leurs archifs aucun titre. Au moyen dequoy je croy que c' est un Vaudeville. Bien peuvent elles avoir esté rebasties de nouveau, mais non acquises. Et ne me peut entrer en teste, soit ou que les Medecins pour la necessité de leurs fonctions, ou bien pour la nouveauté qu' ils introduisirent en la France, voulussent avoir cet honneur de faire une des Facultez de l' Université de Paris, & eussent esté si fetards qu' au milieu des trois autres, chacune desquelles avoit le siege de ses Estudes, ils eussent seuls fluctué sans avoir retraite, pour vacquer à leurs leçons, lectures, & actes publiques, qu' il leur convenoit faire, pour parvenir à leurs licences, & doctorandes. Singulierement en esgard que cest Art Gregeois ne pouvoit estre du commencement trouvé bon par les personnes signalées. Et au surplus grandement me plaist la decision ancienne des Jurisconsultes, qui estiment en matiere de terres n' y avoir titres & enseignemens plus certains, que les anciennes bornes. Aussi voyant ce College de Medecine estre situé au lieu où estoit nostre premiere Université je croy que des ce mesme temps la Faculté de Medecine y fut establie, sauf à changer de jugement lors qu' on me fera apparoir de pieces contraires.