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viernes, 9 de junio de 2023

3. 14. Des Eveschez, Abbayes, & autres charges Ecclesiastiques, que nous appellons Benefices,

Des Eveschez, Abbayes, & autres charges Ecclesiastiques, que nous appellons Benefices, & de la nouvelle forme de Republique qui se planta dans nostre Eglise, depuis que ce mot de Benefice fut mis en usage. 

CHAPITRE XIV.

En l' Ordre premier de nostre Eglise, il n' y avoit distinction entre l' Evesque & le Prestre. Quelque temps apres l' Evesque tint la premiere dignité, & le Prestre la seconde. Et deslors on ne promouvoit nul à la dignité d' Evesque, que ce ne fust par eslection. Bien est vray que de fois à autres en mourant, quelques Prelats nommoient leurs successeurs au Clergé, comme dans Rome, Linus, Anaclet, & luy, Clement: dans Alexandrie Athanaise, Pierre qui avoit contribué à ses afflictions. Nominations qui estoient admises par le Clergé, non qu' il fust contraint de ce faire, ains par une curialité, pour le respect qu' il portoit à la memoire du deffunct. Mais quant aux eslections elles se faisoient de necessité. C' estoit une leçon qui nous avoit esté enseignee par les Apostres lors que pour remplacer l' Apostolat de Judas, ils esleurent sainct Matthias. Coustume trouvee si recommandable à la posterité, qu' à nostre exemple, l' Empereur Alexandre Etnique n' envoyoit aucun Visempereur par ses Provinces, que premierement il ne l' eust nommé au peuple, a fin que chacun peust proposer contre luy tout ce qu' il sçavoit de sa vie. Disant qu' il luy eust esté tres-mal seant de ne le faire, veu que les Chrestiens procedoient par eslections en leurs premieres dignitez. C' estoit la forme que l' on observoit pour les Evesques, non toutesfois pour les Prestres, que nous appellames depuis Curez. Parce que les Evesques les nommoient en leurs Dioceses. La devotion des gens de bien introduisit au milieu de ces deux Ordres, un troisiesme, qui fut de ceux qui voulurent mener vie solitaire, & se confinoient en lieux escartez avecq' leurs confreres, pour vacquer plus aisément à leurs prieres & oraisons, lesquels furent par les anciens appellez d' un mot Grec, Moines, dont Helisee fut le premier instituteur, auparavant la venuë de nostre Seigneur Jesus-Christ: & depuis, S. Jean Baptiste. Ordre qui prist depuis de grands avancemens dedans les deserts d' Egypte, sous la conduitte de Saincts Anthoine, Julian, Paule, Macaire, & Hilarion. Et à leur suitte nous eusmes au Levant Saincts Gregoire Nazianzene, & Basile qui firent provigner & espandre ceste devotion par les villes, & en l' Occident sainct Benoist, instituteur de l' Ordre des Benedictins, desquels, comme d' une grande fontaine, la plus grande partie de ceux qui furent depuis introduits sous autres noms, emprunterent leurs premiers fondements, jaçoit que l' on adjousta à leur ancienne institution quelques articles de nouvelle regle. En tous ces Monasteres, il y eut tousjours un Chef, que nous appellames, Abbé, lequel estoit esleu par les Religieux. 

Et combien qu' ils se fussent du tout vouez au service de Dieu, si est-ce que de leur primitive & originaire institution, ils n' estoient mis au nombre des Ecclesiastics, qui fut cause que l' on ne les eust en telle estime entre nous, que le Clergé: Car combien que les eslections fussent tousjours entretenuës pour les Evesques, & que par nos Concils Gallicans il eust esté ordonné que les Abbez seroient esleuz par les Moines, toutesfois les choses arriverent en tel abus, que nos Roys s' en faisoient croire comme ils vouloient. Mesmes on commença d' obtenir d' eux, par forme de privilege les eslections des Abbez. En l' Abbaye de Tournuz païs de Maconnois, ils ont un vieux tiltre, par lequel Charles le Chauve leur octroya ce privilege. Caeterum eidem congregationi (porte le texte) licentiam concedimus, de se semper eligendi Abbatem, secundum regulam sancti Benedicti. Desbauche qui estoit dés le temps mesme de la premiere lignee de nos Roys: ainsi que nous apprenons de Flodoart, quand il dit qu' un Archevesque de Rheims, ayant fondé une Abbaye en l' honneur de S. Pierre & tous les Apostres, il obtint ce privilege du Roy Clovis second: Ut ipsi Monachi potestatem haberent, prælatum sibi regulariter eligendi, quemadmodum in descriptione ipsius privilegii continetur. Or comme un abus en produit aisément un autre, aussi advint-il que d' une mesme licence, on donna les Abbayes aux Gentil-hommes & Capitaines, Voire nos Roys, ne faisoient conscience de les donner à des femmes: car comme j' ay dit ailleurs, le premier mescontentement de Hugues le Grand, fut que Charles le Simple avoit osté à Rotilde sa belle mere une Abbaye qu' elle avoit, pour en revestir Haganon. Et lors que nos Roys exerçoient ces liberalitez induës, on disoit qu' ils avoient baillé telles Abbayes, iure Beneficii, c' estoit à l' instar des Fiefs, que l' on appelloit lors Benefices. Rheginon parle d' une Abbaye que Charles le Chauve avoit donnee à un particulier in Beneficium: Et Flodoart dit que Foulques Archevesque de Rheims, ayant conferé l' Evesché de Chaalons à un Herilande, au prejudice de Bertaire, qui avoit esté canoniquement esleu, Formose Pape l' en reprit: Succensens quod hunc vocatum canonicè, noluisset conservare, sed in transitu defuncti Episcopi, Herilando, Beneficiali more ferebatur Episcopatum contulisse. Depuis les choses se passerent de ceste façon, que le mot de Benefice se vint loger dedans nostre Eglise, laissant son ancien domicile des Fiefs. Tellement que l' on pouvoit dire y avoir double espece de Benefices viagers entre nous, les uns Seculiers pour les gens de Guerre, les autres pour les gens d' Eglise. Et tout d' une suitte introduisimes une nouvelle forme de Republique en nostre Eglise, sous l' authorité du S. Siege: qui fut d' admettre les resignations des Benefices à uns & autres. Parquoy la police Ecclesiastique devint telle. Les Archeveschez & Eveschez furent electifs, comme auparavant quand vacation en advenoit par mort, & que les Prelats ne les avoient resignez. Le semblable fut-il des Abbayes, non en consideration de leur premiere institution, mais par le moyen des nouveaux Ordres entez sur celuy de S. Benoist, qui se mirent sous la protection du sainct Siege, a fin de n' être plus exposez aux flots des Princes Seculiers qui en mes-usoient. Et failloit que les eslections fussent confirmees, ou bien les resignations admises en Cour de Rome. Car *quant aux autres Benefices: s' ils vacquoient par mort on se pourvoioit, ou en Cour de Rome, par prevention, ou par devant les Diocesains & Ordinaires: & si par resignations, les unes estoient pures & simples que l' on addressa aux Ordinaires, les autres en faveur de quelques uns, permutations de Benefices, retention de pensions sur iceux pour lesquels nous feusmes contrains d' aller reblandir le sainct Siege, par ce que toute paction en matiere Beneficiale est reputee Simoniaque, & n' y avoit que les Papes qui nous en peussent dispenser. Tout d' une suitte nous y allames rechercher les dispenses de l' aage de pluralité de Benefices, de Regulier en Commande, & de Commande en Regulier, bref toutes choses que l' on peut souhaitter de grandeur pour cest effect, auparavant incogneuës, & non jamais mises en usage dedans la France. Et tout ainsi que ces propositions regardoient plus le bien que les mœurs, aussi vous puis-je dire, & est vray qu' en la plus part des Concils qui furent depuis faicts, vous y trouverez autant d' articles & plus, concernans l' edification des procés, que l' edification de nos ames, sur lesquels on a depuis basty une bonne partie des Decretales, du Sexte, des Clementines & des Extravagantes. De maniere, que là où auparavant nous recherschions la ville de Rome, pour y puiser, comme d' une vive source, le repos de nos consciences, nous commençames de la recognoistre, comme un grand Occean de procez. Chose qui produisit à la longue, une pepiniere de Docteurs que nous appellasmes Canonistes, lesquels furent si excellens en ce subjet, que nous leur faisions cest honneur de dire, que les Jurisconsultes Romains les passent en decisions, mais qu' encontr' eschange ils passent les Jurisconsultes en pratique, & instruction de procez. Honneur qui à mon jugement, leur doit retourner à pudeur. Le malheur veut qu' il n' y ait poinct tant de chicaneries en tout le reste de noz affaires, & dont on se puisse moins desveloper qu' en matieres Feodales & Beneficiales, qui deussent toutesfois de leur premiere origine être franches de tous procez. Cecy soit par moy touché en passant. Voila doncques comme depuis la venue de Hugues Capet l' on commença de menager les affaires de nostre Eglise, tout d' autre pied qu' auparavant. Menage toutefois sagement institué selon l' occurrence qui se presentoit, mesmes pour les Resignations d' un benefice. Car puis que par un taisible consentement de tous, on les avoit approuvees, & qu' elles ne se faisoient qu' en intention que les Evesques pourveussent ceux qui leurs estoient nommez de bouche par les Resignans, ou par escrit. A quoy ils n' estoient contrains d' acquiescer, sous le pretexte de Simonie, ains en gratifioient leurs serviteurs ou amis: pour ne frustrer celuy qui resignoit en faveur d' un autre, on trouva l' expedient d' aller à Rome, où le Pape pour la plenitude de sa grace, ne fermoit les bras à aucun. Ce que je deduiray au prochain chapitre appresta plus grand subject de mescontentement à nostre Clergé.