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miércoles, 28 de junio de 2023

4. 20. Dont vient qu' anciennement en la France representation n' avoit lieu tant en ligne directe, que collaterale.

Dont vient qu' anciennement en la France representation n' avoit lieu tant en ligne directe, que collaterale.

CHAPITRE XX.

Je seray en ce Chapitre, & Advocat, & Historien tout ensemble. Tout ainsi que nature nous a separez d' Italie d' un grand entreject de montagnes, aussi sommes nous en une infinité de choses, distincts & separez des propositions de droict. Laissant à part plusieurs autres rencontres, je toucheray seulement ces deux cy, que je me suis mis en butte par ce Chapitre. La representation en matiere des successions, & la Communauté de biens d' entre le mary, & la femme. Si vous prenez le droict des Romains, representation avoit lieu en ligne directe, jusques à une infinité de lignes, chose certes tres-juste: & en succession collaterale, jusques aux enfans des freres & soeurs: Car les nepueux succedoient avecques leurs oncles en souches, c' est à dire, que quatre ou cinq enfans plus ou moins representoient leurs peres & meres: Mais si tous les oncles estoient morts, & qu' il n' y restast que des cousins, la question estoit s' ils succederoient par testes, ou par souches: L' opinion d' Azon estoit d' y parvenir par testes, celle d' Accurse, par souches. Or par le droict ancien de nostre France, nous ne recognoissons aucune representation, tant en succession directe, que collaterale: & le fils excluoit l' arriere-fils és successions des peres & meres, & l' oncle pareillement son nepueu en une succession collaterale. Chose infiniment rude, voire cruelle pour le premier cas, & neantmoins tant approuvee, qu' elle s' observoit en la succession de nostre Couronne. Car il est certain que l' Empereur Charlemagne eut deux enfans, Pepin son aisné, & Louys le Debonnaire puisné: Pepin deceda du vivant de son pere, delaissé un seul fils nommé Bernard, auquel si representation eust eu lieu, devoit appartenir tant le droict d' Empire d' Italie & Germanie, que de la Couronne de France: Toutesfois Charlemagne estant decedé, on ne douta jamais que Louys ne deust estre le principal heritier (comme il fut) & pour tout partage Bernard eut tant seulement l' Italie. Coustume qui se practiqua aussi par toutes les Seneschaussees, & Bailliages de France: Vray qu' estant trouvee trop rude, on y apporta avec le temps quelque moderation & attrempance. De tant qu' és contracts de mariages que l' on faisoit, on avoit accoustumé d' y adjouster cette clause, que là où les futurs mariez iroient de vie à trespas auparavant leurs peres & meres, les enfans qui naistroient d' eux succederoient à leurs ayeuls, & ayeules, avec leurs oncles, nonobstant toutes coustumes à ce contraires. Clause qui fut depuis trouvee devoir operer pour tous les autres enfans: Car s' il fust advenu qu' en mariant l' un des autres enfans on eust oublié d' opposer cette reservation dans leur contract de mariage, toutes-fois il suffisoit que l' un d' entr'eux eust esté autres-fois rappellé, pour faire jouyr de mesme privilege ses autres freres: & ainsi le jugeoit-on par les Arrests de la Cour, jusques à ce qu' aux reformations de Coustumes qui furent faites en l' an 1507. par Monsieur Baillet President, cet article fut biffé, & en son lieu mis, que de là en avant representation avroit lieu en ligne directe in infinitum. La Coustume d' Amiens a encores perseveré en l' ancienne: car combien qu' en l' an 1567. elle fut reformee par Monsieur le premier President de Thou: Toutes-fois par article expres, il est dit que representation n' a lieu en ligne directe, si elle n' est expressément stipulee par contract de mariage. Mais Charles du Moulin en ses Annotations rendant raison de cet article dit fort à propos, que jaçoit que cette Coustume semble de prime-face estrange, si est-elle plaine de raison, pour empescher que les enfans ne se marient sans le consentement de leurs peres & meres. Dedans la Chronique du Moine Sigebert, l' on trouve que cette mesme question ayant esté agitee devant l' Empereur Othon premier, les Docteurs en Droict de la Germanie s' y trouverent tant empeschez, qu' il la convint juger par les armes, & en fin celuy qui estoit pour le party de la representation obtint la victoire.

Et neantmoins cette question advint plusieurs centaines d' ans apres, entre nos Princes François de la Maison d' Anjou, qui tenoient le Royaume de Naples. Car entre les autres enfans masles du Roy Charles deuxiesme, qui furent neuf en nombre, il eut Charles Martel son fils aisné, Louys son second qui fut Evesque de Tholoze, & lequel pour avoir espousé une vie Ecclesiastique ne pretendoit rien en la succession de son pere: Le troisiesme fut Robert Prince de Salerne. Pendant la vie du pere Charles Martel Roy de Hongrie decede, delaissé un fils nommé Charles par les Hongrois, & par les Italiens Carobert, mot composé de Charles & Robert, l' un empruntant le premier de son pere, & le second de Robert son oncle & parrain. Apres la mort de Charles second, Robert se fit investir Roy de Naples par le Pape Clement cinquiesme, tenant son siege en Avignon. Carobert son nepueu pretendoit le Royaume luy appartenir, comme representant au droict d' aisnesse son pere Charles Martel. Il fait adjourner son oncle pardevant l' Empereur Henry septiesme, où l' oncle ne compare: & par son jugement declare la Couronne n' appartenir à Robert. Arrest depuis cassé & annullé par le Pape Clement, fondant sa sentence sur ce que Robert n' avoit esté oüy, & neantmoins luy-mesme estoit tombé en mesme faute, parce qu' il n' avoit oüy Carobert. Quelques Docteurs Italiens pour excuser ce dernier jugement dirent que le Pape avoit esté meu d' ainsi le sententier, d' autant que Carobert se devoit contenter du Royaume de Hongrie, partant qu' il n' estoit pas mal seant d' adjuger celuy de Naple à Robert son oncle Prince sage, pour l' utilité des sujects. Qui eust esté une absurdité telle que le Gouverneur du Roy Cyrus dedans Xenophon declara, Quand deux hommes, l' un grand, l' autre petit, disputerent devant ce jeune Roy, deux robbes, l' une grande, & l' autre petite, sans approfondir la cause il adjugea la grande au grand, & la petite au petit. Sur quoy il fut griefvement repris & blasmé par son gouverneur: luy disant que la cause avoit deu estre par luy jugee, non sur un droict de bienseance, ains sur le merite du droict de portion. C' est pourquoy je veux croire que l' Empereur jugeant contre Robert, establit son jugement sur la representation du pere, & le Pape sur la proximité du sang. Tellement que chacun d' eux à son endroit avoit quelque grande apparence de raison au soustenement de son opinion. A quoy j' adjousteray ce mot en passant par forme de remplissage, & peut estre ne sera ce discours oiseux. Carobert mourant laissa deux enfans, Louys son aisné Roy de Hongrie, & Audrasse son puisné. D' un autre costé Robert n' eut qu' un fils nommé Charles dit Sans-terre qui le preceda, delaissees trois filles, Jeanne, Marie, & Marguerite: Robert mourant par son testament ordonna Jeanne son heritiere universelle au Royaume de Naples, à la charge qu' elle espouseroit Audrasse son cousin comme elle fit apres sa mort. Et cette Ordonnance testamentaire dernier jugement de Robert, me fait dire qu' en sa conscience il recogneut lors avoir fait tort à Carobert son nepueu: Cecy soit par moy touché en passant, pour les successions directes.

Quant à la ligne collaterale, toutes les Coustumes anciennes demeurerent en leur estat, jusques à ce que le mesme de Thou President obtint Commission lors du Semestre, pour reformer quelques unes, & en toutes celles où il besongna, il fut dit que representation avroit lieu en ligne collaterale, jusques aux enfans des freres & soeurs, tout ainsi que du droict civil des Romains, & que les cousins germains succedans en mesme degré viendroient par testes, non par souches, & aux autres qui n' ont esté reformees, on suit ce qui estoit de l' ancienneté. Voila ce qui est tant de l' ancien usage que moderne, en matiere de successions, directes & collaterales.

Mais dont estoit procedee cette Coustume, que nulle representation n' avoit lieu en quelque lignee que ce fust? Je le vous diray en peu de paroles. C' est une Loy generale de cette France en tout pays Coustumier, quand il s' agit des successions: Que le mort saisit le vif, le plus prochain habile à succeder. En consequence de laquelle il falloit, ou qu' elle n' eust point de lieu, ou bien l' ayant, que les petits enfans ne succedassent aux biens de leur ayeul & ayeule, avec leurs oncles qui estoient plus proches en degré, ny pareillement en ligne collaterale les nepueux. C' est ce qui fut amplement disputé en la cause du Comte de Blois, & Jean Comte de Montfort pour le Duché de Bretagne. Actur deuxiesme de ce nom Duc de Bretagne mourant delaissa trois enfans, deux de Beatrix Vicomtesse de Limoges sa premiere femme, nommez Jean & Guy: & un autre appellé aussi Jean d' Yoland de la Comtesse de Montfort sa seconde femme. Actur estant decedé, Jean son fils aisné luy succeda au Duché qui fut troisiesme de ce nom. Guy de Bretagne Comte de Pontieure decede quelque temps apres, delaissee Jeanne la Boiteuse sa fille, qui fut mariee à Charles de Chastillon Comte de Blois, nepueu du Roy Philippes de Valois. Jean Duc de Bretagne decede sans enfans. Par son decez Jean Comte de Montfort son frere fut dans la ville de Nantes proclamé Duc de Bretagne par les Prelats & Barons, & depuis dans la ville de Renes receut la Couronne Ducale. Il voulut faire la foy & hommage au Roy, à quoy Charles de Blois s' opposa du chef de sa femme soustenant le Duché luy appartenir. Cette opposition renvoyee par le Roy en sa Cour de Parlement pour y estre jugee par luy & ses Pairs: Charles proposoit que par les uz & coustumes notoires de Bretagne en successions feudales entre nobles personnes, quand il y avoit plusieurs freres, l' aisné succedoit en tous les Fiefs de quelque grandeur & Noblesse qu' ils fussent, & estoit seulement tenu de faire provision de viures à ses freres puisnez, ou de les apannager selon leur estat, & valeur de la terre. Disoit que le frere aisné trespassé sans hoirs procreez de son mariage, tout son bien estoit transmis au second d' apres luy, ou à ses enfans, qui venoient en tel droict d' aisnesse, comme si leur pere eust vescu. Que ce n' estoit chose nouvelle de voir en France les filles succeder aux grands Duchez & Comtez, comme on avoit veu advenir és Comtez de Tholoze, Champagne & Arthois, & mesmement en la Bretagne, en laquelle la femme de Pierre Mauclerc avoit recueiily le Duché par la mort de son pere, sans aucune contradiction: Que Jean Comte de Montfort n' estoit conjoinct du deffunct Duc, que du costé paternel, & Jeanne Comtesse de Blois des deux costez: Qu' elle estoit fille de Guy, qui secondoit en aage Jean le dernier mort, qu' à luy s' il eust vescu eust appartenu le Duché, consequemment que l' on ne le pouvoit denier à sa fille unique, qui representoit son pere. A cela Jean Comte de Montfort respondoit en un mot, Que par la Coustume generale du Royaume, le mort saisissoit le vif son plus prochain lignager, du costé dont venoient les heritages, en excluant tous autres, estans de plus loingtain degré, ores qu' ils fussent parens de l' un & de l' autre costé. 

C' estoit à dire en bon langage, que representation n' avoit point de lieu, puis que luy comme plus prochain devoit estre saisi du Duché. Disoit outre que par la Coustume notoire de France, la femme ne devoit estre receuë à succession de Fiefs & dignitez feudales en ligne collaterale, quand il y avoit hoirs masles qui l' en excluoient, voire quand ils seroient en pareil degré. Et que pour le regard des Comtez de Tholoze, Champagne, Arthois, esquels les femmes avoient succedé, c' estoit en succession directe, comme aussi au Duché de Bretagne la femme de Pierre Mauclerc, ayans mesmement succedé à leurs peres au prejudice des collateraux.

Raisons certes tres-pertinentes, & si j' ose dire indubitables, & lors mesmes il est tres-certain que representation n' avoit point de lieu en ligne directe, à plus forte raison il n' y avoit propos de l' admettre en ligne collaterale: & quant au second point de ses repliques, par lequel en matiere de Fiefs, mesmes en ces grandes dignitez, le masle excluoit la femelle, la cause avoit esté fraischement jugee au profit de Philippes de Valois pour la Couronne de France, contre Edoüard d' Angleterre, fils d' Ysabelle & nepueu de Charles le Bel: Toutesfois par Arrest donné à Conflant le 7. jour de Septembre 1341. le Roy Philippes de Valois estant en son lict de Justice avecques ses Pairs, fut Charles Comte de Blois à cause de Jeanne sa femme declaré Duc de Bretagne, & le Comte de Montfort debouté. Dont il appella à Dieu: car combien que pour complaire à un Roy, les hommes luy eussent osté ce que justement luy appartenoit selon les Coustumes de France, Dieu le luy conserva, & apres plusieurs guerres demeura le Duché à luy, & à sa posterité. Cela soit par moy discouru pour le faict de la representation.