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viernes, 4 de agosto de 2023

8. 18. Des proverbes qui sont tirez en nostre langue de ce mot, Chapperon.

Des proverbes qui sont tirez en nostre langue de ce mot, Chapperon.

CHAPITRE XVIII.

Ce fut un affeublement ordinaire de teste à nos anciens que le Chapperon. Chose que l' on peut aisément recueillir tant par ce mot Chapperonner, dont nous usons ordinairement encore aujourd'huy, pour Bonneter, que par ces deux proverbes. Qui n' a point de teste n' a que  faire de Chapperon, Et deux testes en un Chapperon, quand nous voulons signifier deux hommes qui sont de mesme volonté, & colludent ensemblément, duquel dernier proverbe usa autres fois Jean de Mehun dedans son Roman de la Roze, parlant de Contraincte Abstinence & de son Pere Confesseur: Toutes lesquelles manieres de parler estans tirees de l' usage qui couroit lors entre nous se sont continuees jusques à huy, encores que la coustume en ait esté du tout perduë. Or que les anciens usassent de Chapperons au lieu de Bonnets, nous l' apprenons mesmement de nos Annales: quand Charles cinquiesme du nom, pendant la prison du Roy Jean son Pere, estant Regent sur la France, à peine se peut garentir de la fureur des Parisiens, pour un descry de monnoyes qu' il fit lors faire, & eust esté en tres-grand danger de sa personne sans un Chapperon my-party de pers & rouge, que Marcel lors Prevost des Marchands luy mist sur la teste. Et a fin que l' on ne se face point accroire qu' il n' y eust que les grands & puissans qui portassent le Chapperon, ains que c' estoit une chose commune à tous, Maistre Alain Chartier nous en donne certain advertissement en l' Histoire de Charles VII. au chap. traictant de l' an 1449. où il dit que le Roy ayant repris la ville de Rouen fit crier que tout homme grand & petit portast la Croix blanche sur la robbe, ou le Chapperon. Quelques uns ont semblablement estimé que nos ancestres usoient de cet accoustrement de teste tout ainsi que maintenant les femmes, c' est à dire sans se defeubler. Qui est une opinion faulse, comme l' on peut apprendre de deux passages de Monstrelet, l' un au 78. chap. du I. Tome, où il dit que les Flamens qui estoient arrivez en France avec le Duc Jean de Bourgongne s' estans retirez en leurs païs, iceluy Duc envoya le Comte de Nevers son frere pour les prier de demeurer encore quatre jours: Et là dit cet Autheur que le Comte arrivé le Chapperon hors la teste devant eux, les pria à mains jointes tres-humblement qu' ils voulussent demeurer avec luy jusques à quatre jours: Et ailleurs au chap. 199. ensuivant racontant que la Royne Isabelle avoit esté confinee en la ville de Tours, sous la charge de Maistres Jean Torel, Jean Picard, & Laurens du Puys, il dit qu' elle avoit sur tous en grande haine Torel, parce qu' il parloit à elle irreveremment sans mettre la main à son Chapperon: qui est contre l' advis de Maistre Jean de Luc en ses Arrests qui dit, qu' anciennement les Procureurs de la Cour de Parlement vestus de leurs robbes longues & leurs Chapperons en la teste, lors que le President les interrogeoit sur quelque poinct, ne faisioient tant seulement que descouvrir le front, le reste demeurant couvert. De toutes ces choses doncques l' on peut recueillir que le Chapperon estoit le commun usage de teste des anciens, qui apporta comme j' ay dit ces deux Proverbes que j' ay cy-dessus recitez. Depuis petit à petit s' abolit cette usance premierement entre ceux du menu peuple, & successivement entre les plus grands, lesquels par une forme de mieux seance commencerent de charger petits Bonnets ronds portans lors le Chapperon sur leurs espaules pour le reprendre toutes & quantes-fois que bon leur sembleroit, ce que j' ay autres fois averé par un vieux livre enluminé de plusieurs belles images du temps de Charles VII. qui estoit en la Librairie du Roy François I. à Fontaine-bleau, dans lequel y avoit entre autres un Roy tenant Cour planiere, assisté de tous ses Nobles dont les aucuns diversement avoient leurs Chapperons en teste, & les autres sur leurs espaules, qui verd, qui rouge, qui pers, le tout de la mesme couleur qu' estoient les Bonnets, ou Chappeaux qu' ils avoient sur leurs testes: Et comme toutes choses par traite & succession de temps tombent en nonchaloir, aussi s' est du tout laissée la coustume de ce Chapperon, & est seulement demeuree par devers les gens du Palais, & Maistres és arts, qui encore portent leurs Chapperons sur leurs espaules: & les Bonnets ronds sur leurs testes, Bonnets qui furent appellez Ronds pour la forme ronde que lors ils avoient. Desquels je ne veux icy discourir pour leur avoir donné un Chapitre particulier au 4. Livre de ces Recherches.

martes, 27 de junio de 2023

4. 9. Des Bonnets qu' on prend aux Licences, & Maistrises des Escoliers, Estreines, Banquets, que l' on faict à la feste des Roys.

Des Bonnets qu' on prend aux Licences, & Maistrises des Escoliers, Estreines, Banquets, que l' on faict à la feste des Roys.

CHAPITRE IX.

Les franchises & libertez dont j' ay parlé cy-dessus, me feront maintenant discourir de celles que les Escoliers acquierent en nos Universitez par leurs Maistrises & degrez de Licences. Par les deux precedens Chapitres j' ay esté homme du Palais, je seray maintenant Escolier. Quand un jeune homme a esté longuement sous la verge de son pedagogue, apres avoir passé sa jeunesse sous l' alambic d' une Grammaire, Rhetorique & Philosophie, à quoy certains temps sont prefix dans l' Université de Paris, par la reformation du Cardinal de Toute-ville, il n' y a Escolier qui ne desire de passer Maistre, pour estre de là en avant à soy. Cette ceremonie se fait tous les ans en Caresme apres la Feste de sainct Gregoire. J' ay veu en mon jeune aage qu' il n' y avoit College, où il n' en passast vingt & trente, maintenant il y en a beaucoup moins. Parce que soudain que nos enfans out esté quelques ans à l' estude d' humanité, nous les envoyons aux Universitez des Loix, pour leur faire puis apres suivre le barreau, dont on attend plus de profit.

Or en ces Maistrises on baille à chacun le Bonnet aux grandes Escholes, avec quelques autres solemnitez, & ce fait, on a acquis toute liberté, c' est à dire, que l' Escolier n' est plus sujet à la verge de ses Superieurs. Qui estoit une espece de servitude, par laquelle on dependoit en tout & par tout de leur volonté: & commencent d' estre appellez Maistres, tout ainsi que ceux de la puissance & authorité desquels ils dependoient auparavant. Tellement que par le commun mot de l' Université, quand on dit, il a pris le Bonnet, c' est autant comme si l' on disoit, il est passé Maistre. Chose que nous avons empruntée des Romains, lesquels entr' autres manieres d' affranchir leurs serfs, en avoient une particuliere qui estoit de donner le bonnet. Ainsi l' apprenons nous de Seneque au 6. de ses Epistres, où parlant de plusieurs bons & recommandables services que les Maistres avoient receuz de leurs serfs, apres avoir haut loüé leur fidelité. Dicet aliquis (fait-il) me vocare ad pileum servos. Le semblable fait Macrobe au premier de ses Saturnales, où apres avoir desrobé tout le discours de Seneque, il finit par mesme conclusion que luy, Dicet aliquis nunc me dominos de fastigio suo deijcere, & quodammodo ad pileum servos vocare. Comme si l' un & l' autre eussent voulu dire, on dira que je veux donner le bonnet aux serfs au prejudice de leurs Maistres, qui est à dire la liberté.

Or en cette ancienneté il n' y a rien qui ne soit loüable: je crains que le semblable ne soit à ce que je veux maintenant deduire: Car toutes & quantesfois que nous empruntons quelques Coustumes de Payens, & les adjoignons à nos jours de festes, je ne le puis trouver bon. Nous penserions faire tort au premier jour de l' an, auquel nous celebrons la Circoncision de nostre Seigneur, si nous ne l' accompagnions d' Estreines, c' est à dire, de dons que nous envoyons les uns aux autres. Ce qui fut observé avec telle devotion par nos ancestres, que nous recognoissions plus le premier jour de l' an sous le nom d' Estreines, qu' autrement. Nous tenons cette Coustume en foy & hommage du Payen. Suetone en la vie de Tibere, Prohibuit strenarum usum ne ultra Calendas Ianuarias exercerentur. Or que cela se fust depuis perpetué en l' Estat de Rome, nous le recueillons de Theodoret en son Histoire Ecclesiastique, quand il dit que l' Empereur Julian voulant discerner le Soldat Chrestien d' avec le Payen, il les estrenoit par fois le premier jour de sa nativité, & en recevant estreines de luy, il vouloit que les Soldats incensum (c'estoit   que nous appellons encens) ei offerrent. Erat enim ante eum positum thus. Symaque au 6. de ses Epistres, nous dit que les Estreines se bailloient dans Rome le premier jour de l' an, & qu' elles furent ainsi appellees, Quia viris strenuis dabantur. Au demeurant que telles Estreines fussent mises entre les actes d' idolatrie, nous en avons un grand Maistre, c' est Tertulian, lequel au Livre qu' il a fait de l' Idolatrie, dit que le Precepteur Chrestien, qui enseigne aux Escholes des Ethniques est idolatre, adjoustant ce mot, etiam strenae captandae sunt, voulant dire qu' à l' imitation des Payens il faudroit qu' il prit des Estreines. C' estoit, comme il est vray-semblable, une Coustume familiere aux Payens, qui enseignoient la jeunesse, de prendre tous les ans des Estreines, comme nous voyons maintenant les Regens des Colleges prendre tous les ans des dons & presens de leurs disciples, sous le nom de Lendiz.

Encores y a-il plus d' excuse en cette Coustume, qu' en celle des Roys, laquelle nous solemnisons avec une infinité de desbauches de bouche, qui emportent ordinairement quant & soy plusieurs autres sortes de hontes & pudeurs. Et faut neantmoins que ceux qui en furent les premiers introducteurs fussent gens de lettres par toutes les rencontres qui se trouvent en ce deduit. Nous commençons dés la vueille, non de prier Dieu, mais de faire bonne chere. Celuy qui est le maistre du banquet a un grand gasteau, dans lequel y a une febue cachee, Gasteau, dy-je, que l' on coupe en autant de parts qu' il y a de gens conviez au festin. Cela fait on met un petit enfant sous la table, lequel le Maistre interroge sous ce nom de Phebé, comme si ce fut un qui en l' innocence de son aage representast une forme d' Oracle d' Apollon. A cet interrogatoire l' enfant respond d' un mot Latin Domine: sur cela le Maistre l' adjure de dire à qui il distribuera la portion du Gasteau qu' il tient en sa main, l' enfant le nomme ainsi qu' il luy tombe en la pensee, sans acception de la dignité des personnes, jusques à ce que la part est donnee à celuy où est la febue, & par ce moyen il est reputé Roy de la compagnie, encores qu' il fust le moindre en authorité. Et ce fait, chacun se desborde à boire, manger, & danser. Il n' y a respect des personnes, la festivité de la journee le veut ainsi. Qu' il n' y ait en cecy beaucoup de l' ancien Paganisme, je n' en fais doute. Ce que nous representons ce jour là, est la feste des Saturnales que l' on celebroit dedans Rome sur la fin du mois de Decembre, & commencement de Janvier. Les anciens Romains eurent cette ferme opinion, que sous le regne du Roy Saturne tous biens estoient en commun, & qu' il n' y avoit ny mien ny tien entre les vivans, & moins encores estoient ces qualitez de Maistres, & Serfs en usage. C' est pourquoy on appelloit son siecle un aage d' or, & en commemoration de ce, en solemnisant sa feste tous les ans, toutes choses sembloient communes dans les maisons entre les maistres, & les valets. Ce n' estoient que festins, & allegresses: les maistres despoüilloient leur grandeur, & les serviteurs leurs bassesses, voire commandoient lors à leurs maistres, si le sort de ce faire avoit rencontré sur eux. Seneque au 6. de ses Epistres, en la 47. Epistre disoit, Nec illud quidem videtis quam omnem invidiam maiores nostri dominis, omnem contumeliam servis detraxerint: dominum patrem familiae appellarunt, servos, (quod etiam in mimis adhuc durat) familiares. Instituernut diem festum, non quo solum domini cum servis vescerentur, sed quo etiam honores illis in domo gerere, ius dicere permiserunt, & domum pusillam Rempublicam esse iudicaverunt. C' estoit en la feste des Saturnales, de laquelle Tacite disoit au 13. Livre de ses Annales, Festis Saturno diebus inter alia aequalium ludicra regnum iusu sortientium, evenerat ea sors Neroni. Cela monstre qu' en rendant tout le monde esgal dans les maisons, encores faisoient-ils lors un Roy. Chose que l' on voit au doigt & à l' œil s' estre transplantée chez nous, non vrayement au mois de Decembre, ains en celuy de Janvier son plus proche, & en la Feste des Roys sur la rencontre du nom: Car quant à ce que nous y employons la febue, nous l' avons emprunté de la Grece. Xenophon au Livre des dits, & actes de Socrates, nous enseigne que dans la ville d' Athenes les Magistrats estoient creez au sort de la febue: Paravanture leur servoit-elle de balote, & c' est pourquoy quand Pythagore nous enseignoit à fabis esse abstinendum, il entendoit parler des Magistrats. Ainsi l' explique Erasme en ses Chiliades, comme s' il eust voulu dire qu' il y avoit plus d' asseurance en une vie privee, qu' en celle qui estoit exposee aux flots, & tempestes publiques.