Mostrando entradas con la etiqueta brebis. Mostrar todas las entradas
Mostrando entradas con la etiqueta brebis. Mostrar todas las entradas

lunes, 7 de agosto de 2023

8. 59. Patelin, Pateliner, Patelinage, & de quelques Adages & mots que nos ancestres tirerent de la Farce de Patelin.

Patelin, Pateliner, Patelinage, & de quelques Adages & mots que nos ancestres tirerent de la Farce de Patelin.

CHAPITRE LIX.

Ne vous souvient il point de la responce que fit Virgile à ceux qui luy improperoient l' estude qu' il employoit en la lecture d' Ennius, quand il leur dit, que en ce faisant, il avoit apris de tirer l' or d' un fumier? Le semblable m' est advenu n' agueres aux champs, où estant destitué de la compagnie, je trouvay sans y penser, la Farce de Maistre Pierre Patelin, que je leu & releu avec tel contentement, que j' oppose maintenant cet eschantillon à toutes les Comedies Grecques, Latines, & Italiennes. L' Autheur introduit Patelin Advocat, Maistre passé en tromperie, une Guillemette sa femme qui le seconde en ce mestier, un Guillaume Drapier, vray badaut, je dirois volontiers de Paris, mais je ferois tort à moy-mesme, un Aignelet Berger lequel discourant son fait en lourdois, & prenant langue de Patelin, se faict aussi grand Maistre que luy. Patelin se voulant habiller de neuf, aux despens du Drapier, complote avecques sa femme de ce qu' il avoit à faire. De ce pas il va à la foire, où feignant de ne recognoistre bonnement la boutique du bon Guillaume, apres s' en estre asseuré, il s' abouche avecques luy, raconte l' amitié qu' il avoit porté à feu son pere, les bons advis qui estoient en luy, ayant dés son vivant predit tous les malheurs depuis advenus par la France, & tout d' une suitte luy represente sa posture, ses mœurs, sa maniere de viure, en fin que Guillaume luy ressembloit en tout, de face & de façons. Et ainsi l' endormant sur le narré de cette belle histoire, il jette l' œil sur ses draps, les considere, les manie, nouvelle envie luy prend d' en achepter, encores que venant à la foire il n' y eust aucunement pourpensé, commence de les marchander. Guillaume luy loüe hautement sa marchandise, les laines estans grandement encheries depuis peu de temps, demande vingt-quatre sols de l' aulne. Patelin luy en offre vingt: Guillaume est marchand en un mot, & ne veut rien rabatre du prix. A quoy Patelin condescend, & en leve six aulnes tant pour luy, que sa femme: revenans à neuf francs, qui disoient six escus. Il est question de payer, mais il n' a argent sur soy, dont il est bien aise: Car il veut renoüer avec luy l' ancienne amitié qu' il portoit à son pere. Le semond de venir manger d' une oye qui estoit à la broche, & qu' il le payeroit. Combien qu' il poisast au marchand de n' estre payé sur le champ, comme estant d' une nature defiante, si est-ce que vaincu des importunitez de Patelin, il est contrainct de s' y accorder. Patelin emporte son drap, lequel à l' issuë de là, parlant à part soy, dit que Guillaume luy avoit vendu ce drap à son mot, mais qu' il le payeroit au sien: & en cela il ne fut menteur. Car estant de retour en sa maison, sa femme bien estonnee, luy demande en quelle monnoye il entendoit le payer, veu qu' il n' y avoit croix ny pille chez eux. Il luy respond que ce seroit en une maladie, & que deslors il s' alloit aliter, a fin que le marchand venant, Guillemette le payast de pleurs & larmes. Ce qui fut faict. Le bon Guillaume ne demeura pas long temps sans s' acheminer chez Patelin: Se promettant de faire un bon repas avant que d' estre payé.

Ils ne verront Soleil ny Lune, 

Les escus qu' il me baillera.

Disoit ce pauvre idiot: en quoy aussi il dit verité. En cette opinion il arrive gay & gaillard en la maison de Patelin: où pensant estre accueilly d' une mesme chere, il y trouve une pauvre femme infiniement esploree de la longue maladie de son mary: Plus il hausse sa voix, plus elle le prie de vouloir parler bas, pour ne rompre la teste au malade, & le supplie à jointes mains de le laisser en recoy.

Qui me payast (replique l' autre) je m' en allasse. Ce temps pendant Patelin vient aux entremets, qui dit mille mots de resverie. Je vous prie d' imaginer combien plaisant est ce contraste. Car pour dire la verité il m' est du tout impossible de le vous representer au naïf. Tant y a qu' apres une longue contestation, le Marchand est contrainct de s' en retourner en sa boutique: Bien empesché lequel des deux avoit resué, ou luy, ou bien Patelin. Retourné qu' il est, il trouve que ce n' estoit resverie de son costé, & qu' il y avoit six aulnes de tare en sa piece de drap. Au moyen dequoy il reprend sa premiere voye chez Patelin, lequel se doutant du retour, n' avoit encore desemparé son lit. Là c' est à beau jeu beau retour, chacun joüe son personnage à qui mieux mieux, mesme Patelin pousse de sa reste. Car en ses resveries il parle cinq ou six sortes de langages, Limosin, Picard, Normand, Breton, Lorrain: Et sur chaque langage Guillemette fait des commentaires si à propos pour monstrer que son mary estoit sur le point de rendre l' ame à Dieu, que non seulement le Drapier s' en depart, mais à son partement supplie Guillemette, de l' excuser, se faisant accroire que ç' avoit esté quelque Diable transformé en homme qui avoit enlevé son drap. Et deslors tourna toute sa colere contre son Berger Aignelet, qu' il avoit fait adjourner, a fin de luy rendre la valeur de quelques bestes à laine par luy tuees, faignant que elles estoient mortes de la clavellee. Ne se promettant rien moins que de luy faire servir d' exemple en Justice. Le jour de l' assignation, Aignelet se presente à son Maistre, & avec une harangue digne d' un Berger, luy racompte comme il avoit esté à sa requeste, le priant de le vouloir licentier, & renvoyer en sa maison. A quoy son Maistre ne voulant entendre, il se resout de prendre Patelin pour son conseil. Lequel apres avoir entendu tout le fait où il n' y avoit que tenir pour luy, est d' advis, que comme s' il fust insensé, quand il seroit devant le Juge, il ne respondist qu' un Bee à tout ce qui luy seroit demandé, qui estoit le vray langage de ses moutons. Et que joüant ainsi son personnage, Patelin luy serviroit de truchement, pour suppleer le deffaut de sa parole. Le Berger meschant, comme est ordinairement telle engeance de gens, trouve cet expedient tresbon, & qu' il n' y faudra d' un seul point. Sur cela Patelin stipule une & deux fois d' estre bien payé de luy au retour des plaids, quand il avroit gaigné sa cause: & le Berger aussi luy respond une fois & deux qu' il le payeroit à son mot, comme il fit. La cause est audiancee: Là se trouvent les deux parties, & mesmement Patelin qui tenoit sa teste appuyee sur ses deux coudes, pour n' estre si tost apperceu du Drapier. Lequel auparavant que de l' avoir envisagé, propose articulément sa demande, mais soudain qu' il eut jetté l' œil sur luy, il perdit esprit & contenance tout ensemble, meslant par ses discours, son drap avecques ses moutons. Et Dieu sçait comme Patelin en sçeut faire son profit pour monstrer qu' il avoit le cerveau troublé. D' un autre costé le Berger n' ayant autre mot dans la bouche qu' un Bee, Monsieur le Juge se trouve bien empesché. Mesmement qu' il n' estoit question que de moutons en la cause, neantmoins le Drapier y entremesloit son drap, & luy enjoint de revenir à ses moutons. En fin voyant qu' il n' y avoit ny rime ny raison d' une part & d' autre, il renvoye le deffendeur absous des fins & conclusions contre luy prises par le demandeur. Il est maintenant question de contenter Patelin, qui commence de gouverner le Berger. Luy applaudit & congratule du bon succez de sa cause, qu' il ne restoit plus que de le payer, le somme & interpelle de luy tenir parole: mais à toutes ces sommations, le Berger le paye seulement d' un Bee. Et à vray dire, il luy tint en cecy sa promesse. Car il avoit promis de payer Patelin à son mot, qui estoit celuy de Bee. Ce grand personnage se voyant ainsi escorné par son client, vient des prieres aux menaces: mais pour cela il n' advance de rien son faict, n' estant payé en autre monnoye que d' un Bee.

Que Bee (dit Patelin) l' on me puisse pendre,

Si je ne feray venir 

un Sergent, mesavenir 

Luy puisse s' il ne t' emprisonne

A quoy le Berger luy respond. 

S' il me trouve, je luy pardonne.

Et en ce vers est la closture de la farce: dont on peut dire pour fin de compte, qu' à trompeur, trompeur & demy.

Voila en somme tout le sujet de cette farce. Mais en bonne foy dites moy, ay-je esté de plus grand loisir la lisant, ou bien en la vous discourant? Il n' y a remede, encore me veux-je estancher. Car s' il vous plaist examiner les pieces particulieres de ce petit œuvre, vous y trouverez un entregent admirable: mais sur tout en la harangue que le Berger fit à son Maistre lors qu' il luy vint reciter l' adjournement qu' on luy avoit fait.

Mais qu' il ne vous vueille desplaire,

Ne sçay quel vestu desvoyé,

Mon bon Seigneur, tout desroyé,

Qui tenoit un foüet sans corde,

M' a dit, mais je ne me recorde,

Pour bien au vray que ce peust estre,

Il m' a parlé de vous mon maistre,

Je ne sçay quelle adjournerie.

Quant à moy par saincte Marie,

Je n' y entens ny gros, ny gresle,

Il m' a broüillé un pesle-mesle,

De brebis, & de relevee,

Et m' a fait une grand levee,

De vous, mon Maistre, de boucler.

Repassez par toutes les Comedies, tant anciennes que modernes, il n' y en a une toute seule où se trouve une harangue plus brusque & naïfve que cette cy. Dans laquelle vous remarquerez en passant que le Berger en son lourdois remarque la verge du Sergent, un foüet sans corde. Or si l' Autheur a gardé une merveilleuse bien-seance en cet honneste homme: encore l' a-il observee, autant & plus à propos, quand il introduit Guillaume troublé en son ame par la presence de Patelin, qu' il pensoit estre malade en extremité. Car apres avoir plusieurs fois entrevesché sa matiere, tantost de son drap, tantost de ses moutons, le Juge luy ayant commandé de laisser son drap en arriere, & revenir aux moutons, dont il estoit question, le Drapier continuë son theme en cette façon.

Monseigneur, mais le cas me touche,

Toutesfois par ma foy, ma bouche

Meshuy un seul mot n' en dira, 

Une autre fois il en ira

Ainsi comme il en pourra aller.

Il me le convient avaler

Sans mascher: Or ça je disoye

A mon propos, comme j' avoye

Baillé six aulnes, dois-je dire 

Mes brebis, je vous prie, Sire 

Pardonné-moy, ce gentil maistre 

Mon Berger, quand il devoit estre 

Aux champs, il me dit que j' avrois 

Six escus d' or, quand je voudrois: 

Dy-je depuis trois jours en ça 

Mon berger m' enconvenança 

Que loyaument me garderoit 

Mes brebis, & ne m' y feroit 

Ny dommage, ny vilennie, 

Et puis maintenant il me nie

Et drap & argent plainement

Ha maistre Pierre vrayement 

Ce ribault cy embloit mes laines 

De mes bestes, & toutes saines 

Les faisoit mourir & perir, 

Par les assommer & ferir 

De gros bastons sur la cervelle. 

Quand mon drap fut sous son esselle, 

Il se mit en chemin grand erre, 

Et me dit que j' allasse querre 

Six escus d' or en sa maison.

Y eust-il jamais un plus bel entrelas de matiere en un esprit foible, combatu de deux diverses passions? Ne pensez pas que par une opinion particuliere, je sois seul auquel ait pleu ce petit ouvrage. Car au contraire nos ancestres trouverent ce Maistre Pierre Patelin avoir si bien representé le personnage pour lequel il estoit introduit, qu' ils meirent en usage ce mot de Patelin, pour signifier celuy qui par beaux semblans enjauloit, & de luy firent uns Pateliner & Patelinage, pour mesme sujet. Et quand il advient qu' en commun devis quelqu'un extravague de son premier propos, celuy qui le veut remettre sur ses premieres brizees, luy dit, Remenez à vos moutons, Dont a usé à mesme effect Rabelais en son premier livre de Gargantua. Il n' est pas que de fois à autres quand on tire un payement en longueur, nous ne disions, Qui me payast, je m' en allasse: Et en autre sujet contre les gens de mauvaise foy, avoir drap & argent ensemble: Tous proverbes que nous avons puisez de la fontaine de Patelin. Je seray encore plus hardy. Car j' ayme mieux recognoistre de luy le mot de Baye, que nous disons Repaistre un homme de Bayes, c' est à dire de discours frivoles, par un eschange de Bée en Baye, que de passer les montagnes pour le mendier de l' Italien. J' adjousteray que nostre gentil Rabelais le voulut imiter, quand pour se donner carriere il introduisit Panurge, parler sept ou huit langages divers, au premier abouchement de luy avec Pantagruel, le tout en la mesme façon qu' avoit fait Patelin, contre le resveur.

Davantage je recueille quelques anciennetez qui ne doivent estre negligees. Car quand vous voyez le Drapier vendre ses six aulnes de drap, neuf francs, & qu' à l' instant mesme il dit que ce sont six escus, il faut necessairement conclurre qu' en ce temps-là, l' escu ne valoit que trente sols. Mais comme accorderons nous les passages? En ce qu' en tous les endroits où il est parlé du prix de chaque aulne, on ne parle que de vingt & quatre sols: Qui n' est pas somme suffisante pour faire revenir les six aulnes à neuf francs, ains à sept liures quatre sols seulement. C' est encore une autre ancienneté digne d' estre consideree, qui nous enseigne qu' en la ville de Paris, où cette farce fut faicte, & paradvanture representee sur l' eschaffaut, quand on parloit du sols simplement, on l' entendoit Parisi, qui valoit quinze deniers tournois (car aussi estoit-il de nostre ville de Paris) & à tant que les 24. sols faisoient les 30. sols tournois. A ce propos il me souvient qu' en ce grand & solemnel testament de la Royne Jeanne femme de Philippes le Bel, qui fut du 24. Mars 1304. par lequel elle fonda le College de Champagne, dit de Navarre, faisant une infinité de legs à uns & autres siens Gentils- hommes & serviteurs, elle declara ne vouloir que les sommes par elle leguees fussent estimees au Parisi, sinon aux legs, où elle en feroit mention expresse. Depuis par succez de temps, tout ainsi qu' il ne se trouve plus de la monnoye du Parisi, aussi quand nous la voulons exprimer nous y adjoustons par exprez le mot de Parisi en queuë, autrement soit à Paris ou ailleurs nous n' entendons parler que de sols tournois.

Je ne veux pas aussi oublier qu' en ce temps là les Sergens exploictans portoient leurs manteaux bigarrez, ainsi que nous recueillons de ces mots, Ne sçay quel vestu desrobé, & encore estoient tenus de porter leurs verges: Et c' est ce que le Berger veut dire quand il parle d' un foüet sans corde. De cela nous pouvons apprendre que ce n' est sans raison que l' on appelloit les Sergens de pied, Sergens à verge. Coustume que l' on voulut faire reviure par l' Edit d' Orleans, fait à la postulation des trois Estats en l' an 1560. quand par article expres on ordonna que fussions contraints d' obeïr aux commandemens d' un Sergent & de le suivre: voire en prison, lors qu' il nous toucheroit de sa verge. Je diray encore ce mot, & puis plus. Nous avons deux noms, desquels nous baptizons en commun propos ceux qu' estimons de peu d' effect, les nommans Jeans, ou Guillaumes. Dont soit cela provenu, je m' en rapporte à ce qui en est. Bien vous diray-je que dés le temps que cette farce fut composee, on se mocquoit des Guillaumes. Et paravanture l' Autheur pour cette mesme raison appella le Drapier Guillaume. Car Guillemette voulant sçavoir son nom, Patelin luy respond.

C' est un Guillaume

Qui a le surnom da Jouceaulme.

Et en un autre passage, le Drapier se mescontentant à part soy de Patelin.

Il est Advocat potatif

A trois Leçons, & trois Pseaumes. 

Et tient-il les gens pour Guillaumes?

Il est meshuy temps que je sonne icy la retraite, à la charge que peut estre seray-je estimé de grand loisir, d' avoir employé mon loisir au discours du present chapitre. Il n' est point mal seant à tout homme qui fait profession des lettres, de faire son profit de tous les livres qu' il lit.

//

La Farce de Maître Pathelin

domingo, 6 de agosto de 2023

8. 33. Passer plusieurs choses par un Fidelium, & autres Adages de mesme subject.

Passer plusieurs choses par un Fidelium, & autres Adages de mesme subject.

CHAPITRE XXXIII.

Chose piteuse & detestable, que l' impieté ait apporté entre nous certains proverbes, qui ne furent oncques introduit (introduits) qu' à la derision & mocquerie, ou de Dieu, ou des bonnes, & anciennes institutions de l' Eglise. Si je ne craignois que ce chapitre apportast plus de scandale au Lecteur, que de profit, & qu' en ce faisant je fusse reputé estre sçavant ineptement, je particulariserois plusieurs choses que le peuple dit ordinairement, sans sçavoir ny quoy, ny comment, lesquelles toutes-fois ne prindrent jamais leur origine, que de personnes abhorrens du tout de nostre Christianisme. Ce neantmoins pour ne tomber au vice commun des Prescheurs, qui en accusans les heresies, donnent le plus du temps à entendre au menu peuple celles où il n' avoit jamais pensé, je suis contant passer toutes ces mocqueries sous silence, & raconter seulement quelques proverbes qui courent assez souvent par la bouche du peuple.

Quand au lieu de nous acquiter de plusieurs charges, esquelles sommes obligez, nous les passons à la legere, on dit que nous les avons toutes passees par un Fidelium. Il ne faut point faire de doute que nous avons emprunté ce commun dire, des fautes qui sont faites par nos Curez, quand ils ne rendent le devoir qu' ils doivent aux morts. Car comme il advient que l' on ait fondé plusieurs Obits en une Eglise, esquels par longs laps de temps pour la multitude d' iceux il seroit impossible de fournir, ou bien que la negligence des Ecclesiastiques soit telle, nos anciens dirent que tout cela se passoit par un Fidelium, qui est la derniere Oraison dont on ferme les prieres des morts: Voulans dire que l' on avoit employé une seule Messe des morts pour toutes les autres: Aussi fut employé ce mesme proverbe en toutes autres affaires, où l' on commettoit pareilles fautes.

Nous en avons encores un autre assez ord & sale, quand nous disons qu' un homme qui est fort crotté, est crotté en Archidiacre, qui sembleroit de premiere rencontre plustost mot de gueule que proverbe: Toutesfois qui le considerera de pres, il trouvera qu' il contient aussi bien son ancienneté que plusieurs autres: D' autant que dés la premiere institution de nostre Eglise, les Diacres estoient comme nous pourrions dire les Censeurs à Rome, & ceux qui avoient charge de s' informer des fautes commises par les gens Ecclesiastiques ou menu peuple, pour puis en faire leur rapport à l' Evesque. Toutes-fois depuis il advint que la Chrestienté croissant de jour en jour en grandeur, & par mesme moyen les Prestres que nous appellasmes Curez (tellement que chaque lieu, ville, & village avoit ses Curez à part) aussi fut de necessité d' eriger Archidiacres qui presidoient sur les Diacres, lesquels tout ainsi que les Diacres du commencement de l' Eglise (outre ce qu' ils servoient, & ministroient à l' Evesque) prenoient cognoissance des fautes du peuple, aussi les Archidiacres de là en avant (comme estans de plus grande authorité que les Diacres) s' informeroient des bonnes ou malversations du Clergé: De là vient que par traicte de temps ils gaignerent lieu de  Jurisdiction dans les Eveschez: & semblablement pour autant que les Ministres de l' Eglise estoient divisez en plusieurs & diverses Parroisses, aussi estoient les Archidiacres tenus en certain temps faire les visites (comme encores ils font) sur chaque Curé, pour le tout rapporté à l' Evesque, en estre faite telle animadversion qu' il luy plairoit. De ces chevauchees qui au temps passé estoient plus frequentes qu' à cette heure, est venu à mon jugement que nous disons estre crotté en Archidiacre.

Quant à ce que nous appellons Eauë beniste de Cour, toutes & quantes-fois qu' un Courtisan nous repaist liberalement de plusieurs belles paroles, il ne faut point douter que cette maniere de parler n' ait esté empruntee des ceremonies de nostre Eglise, entre lesquelles il n' y a rien que l' on distribuë  avec tel abandon que l' eau beniste. C' est pourquoy on voulut aussi rapporter cela aux belles promesses sans effect, dont les courtisans ne sont avaricieux. Et ne voudrois pas jurer que celuy qui premier mit ce proverbe en usage, n' estimast que l' eau beniste dont nous usons dans les Eglises, ne fust de pareil effect, se trouvans de gros Chrestiens qui estiment que l' eau beniste est un amusoir de peuple, emprunté des ceremonies des Payens, entre lesquelles il est certain que dans leurs Temples ils avoient de l' eau qu' ils appelloient *Lustrale, laquelle ils jettoient sur ceux qui y entroient. Toutesfois ceux qui en jugent sainement, rapportent l' usage de nostre eau beniste au vieux Testament. Je viendray maintenant à celuy qui pour estre estimé un gros lourdaut, est par nous appellé Veau de Disme. Nous devons tous la disme à nos Curez, tant grosse, que menuë: Grosse des biens de nos terres qui procedent de nostre labeur: Menuë, des bestes qui naissent chez nous, comme veaux, brebis, & cochons. Estans tels que devons estre, nous devons offrir les meilleurs des animaux de nostre croist. Ainsi que sommes admonnestez au 26. du Deuteronome. Et il comme faisoit Abel dans le 4. du Genese, lequel receut la benediction de Dieu parce qu' il offroit du meilleur de son revenu, & Caïn la malediction, d' autant qu' il choisissoit du pire. Entre tous les animaux nous estimons un jeune veau fort lourd & grossier. Parquoy ceux qui premierement appellerent Veau de Disme celuy qui estoit un grand sot, voulurent dire que tout ainsi qu' entre les veaux, celuy de Disme estoit le plus signalé, aussi estoit tel nostre lourdaut entre les lourdaux.

Des Eglises Parrochiales je veux entrer dans les Monasteres. Quand nous disons qu' un homme est plus estourdy que le premier coup de Matines: C' est que les Religieux estans endormis, ne se peuvent aisément resveiller au premier coup de cloche que l' on sonne pour les sommer d' aller à Matines. L' on dit aussi qu' il n' y a rien tant à craindre que le retour de Matines: C' est à dire que quand un Religieux porte quelque inimitié à un autre, il luy est lors plus aisé de le surprendre, pour l' obscurité de la nuict qui le garantit des tesmoins.

Tout ce que j' ay deduit au present Chapitre va plus à la risee ou mocquerie qu' au bien: Ce que je discourray au Chapitre suivant sera tout d' une autre estoffe.