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viernes, 4 de agosto de 2023

8. 9. Du Proverbe, Je veux qu' on me tonde, dont userent anciennement nos Peres, & ayeuls, pour signifier une peine.

Du Proverbe, Je veux qu' on me tonde, dont userent anciennement nos Peres, & ayeuls, pour signifier une peine.

CHAPITRE IX.

Ce n' est pas chose de petite recommandation que la longue chevelure, & mesmement entre les Gaulois. Pour le moins le pouvons nous recueillir de ce que l' une partie de nos Gaules estoit appellee Comata, à la difference de celle que l' on appelloit Togata: & encores en ce que nos premiers Roys de la France, par un commun vœu remarquoient leurs Majestez par une bien longue perruque, voire qu' il y eut un Gondovault, qui faillit de se faire declarer Prince du sang soubs la premiere lignee de nos Roys soubs une fause remarque des longs cheveux. Herodote au premier livre recite une Histoire fort notable pour cest effect, quand il dit que les Lacedemoniens avoient accoustumé d' estre tondus, & les Argives autre peuple de la Grece de porter longue chevelure: Toutesfois depuis une bataille entre eux donnee, par laquelle les Lacedemoniens eurent du bon, gaignans sur les autres l' Isle de Tyrce, les victorieux commencerent de porter longs cheveux contre leur ancienne coustume, & les vaincus les tondre avec un ferme propos de ne les laisser croistre, jusques à ce qu' ils eussent recoux leur Isle. De ma part je ne fais point de doute que l' ancienneté tira à gloire & honneur la cheveleure, & estime que cela fut cause que ceux qui quittoient le monde pour se renger aux Cloistres, furent raiz, pour monstrer qu' ils renonçoient à toute mondanité, & aussi paravanture pour tesmoigner toute soubmission & obeyssance envers leurs Superieurs. Nos plus vieilles Croniques parlans d' un homme que l' on rendoit Moine, disoient qu' il avoit esté tondu, & dans le quatriesme livre des Loix de Charlemagne, article vingtdeuxiesme. Si quis puerum invitis parentibus totunderit, aut puellam velaverit. Nous usons encores d' une autre signification de ce mot de Tondre contre celuy qui a perdu sa brigue, ou est descheu de son entreprise, quand nous disons qu' il a esté tondu de sa brigue, ou de son entreprise. Comme si le contraire fust un signe de la victoire, tout ainsi qu' aux Lacedemoniens contre les Argives. Si vous croyez Nicolas Gilles en ses Annales de France, Clodion le Chevelu fut ainsi surnommé: par ce qu' ayant conquis quelque partie des Gaules sur les confins du Rhin, il restablit les cheveux aux Gaulois, que Jules Cesar en signe de victoire leur avoit faict abbatre: Au contraire si à l' Abbé Triteme, il dit que ce surnom luy fut donné, d' autant qu' apres avoir vaincu une partie des Gaulois, il les fit tondre: à fin de les discerner d' avec les François qui avoient participé à ses victoires. Tant y a que soit l' une ou l' autre opinion veritable, le tondre estoit imposé au vaincu, & à vray dire, il semble par ce Distique que le Romain estant victorieux fit tondre les pays par luy subjuguez, pour magnifier leurs victoires: quand Ovide dans ses Amours escrivant à sa Maistresse qui commençoit d' user de faulse Perruque: dit ainsi:

Nunc tibi captivos mittet Germania crines, 

Culta Triumphatae munere gentis eris.

Maintenant tout le Germain 

Fait Romain 

T' envoyera ses cheveux, 

Aux despens de ce pays 

Nouveau pris, 

Cointe seras si tu veux.

Mais dont peut estre provenu que nos predecesseurs passans plus outre denoterent en ce mot de tondre une maniere de peine? François de Villon ce bon fripon en ses Repuës franches parlant du temps qu' il alla à Paris.

Pource que chacun maintenoit 

Que c' estoit la ville du monde, 

Qui plus de monde soustenoit, 

Et où maint estranger abonde, 

Pour la grand science profonde 

Renommee en icelle ville, 

Je partis & veux qu' on me tonde,

S' à l' entree avois croix, ou pille.

Et moy-mesme en ma jeunesse ay veu ce Proverbe fort familierement tomber en nos bouches: maintenant que nous ne nourrissons plus les longs cheveux, on se mocqueroit de celuy qui en useroit. Car nous souhaiterions une peine que nous tournons à honneur. Et certes il ne faut point faire de doute que ce fut anciennement une remarque de peine. Dedans le troisiesme livre des loix de Charlemagne, article 9. De conspirationibus quicunque facere praesumpserunt, & sacramento quamcunque conspirationem firmaverunt, ut triplici ratione iudicentur, Primò ut ubicunque aliquod malum per hoc perpetratum fuit, authores facti interficiantur: Adiutores verò eorum singuli alter ab altero flagellentur, & nares sibi invicem procidant, ubi verò nihil mali perpetratum, similiter quidam inter se flagellentur, & capillos sibi invicem tondeant. C' estoit que celuy qui estoit d' une conjuration, si elle estoit arrivee à quelque effect, devoit estre puny de mort, & ses complices condamnez à s' entrefoüeter, & couper les nez les uns aux autres: Et s' il n' y avoit eu que la simple conjuration, sans passer plus outre, encores se devoient ils fustiger, & couper les cheveux les uns aux autres. Et au 4. livre, art. 17. Qui Epistolam nostram quocunque modo despexerit, iussu nostro ad palatium veniat, & iuxta voluntatem nostram, congruam stultitiiae castigationem accipiat. Et si homo liber aut ministerialis comitis hoc fecerit, honorem qualemcunque, sive beneficium amittat, & si servus, nudus ad palum vapulet, & caput ei tondeatur. En l' un & l' autre article avec le fouët on ordonne l' abatis des cheveux, comme peine extraordinaire. Quelques uns disent que soubs ce mot de tondre on entendoit rendre Moine. Qui est une inepte explication. Parce que les esclaves ne pouvoient en France estre rendus Moynes.

Le jugement que je fais de cecy est, que le commun peuple voyant nos Roys faire profession expresse de porter longues perruques, tira tellement cela à honneur, qu' il estima n' y avoir plus grand signe d' ignominie que d' estre tondu: Car naturellement les sujets desirent se composer aux mœurs de leur Roy. Lors de mon jeune aage nul n' estoit tondu, fors les Moines. Advint par mesme adventure que le Roy François premier de ce nom, ayant esté fortuitement blessé à la teste d' un tizon, par le Capitaine Lorges, sieur de Montgoumery, les medecins furent d' advis de le tondre. Depuis il ne porta plus longs cheveux, estant le premier de nos Roys, qui par un sinistre augure degenera de cette venerable ancienneté. Sur son exemple, les Princes premierement, puis les Gentils-hommes & finalement tous les subjects se voulurent former, il ne fut pas que les Prestres ne se meissent de cette partie. Ce qui eust esté auparavant trouvé plein de mauvais exemple. Sur la plus grande partie du regne de François premier, & devant chacun portoit longue chevelure, & barbe raze, où maintenant chacun est tondu, & porte longue barbe. Accordez je vous supplye la bien seance des deux temps. Cela mesme est autresfois advenu dans Rome, voire aux Empereurs: Parce que les quatorze premiers porterent barbe raze, comme l' on voit par leurs effigies, jusques à l' Empereur Adrian, qui premier enseigna à ses successeurs de nourrir leurs barbes.