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viernes, 4 de agosto de 2023

8. 13. Des mots, de Clerc, & Secretaire, & du Proverbe, Parler Latin devant les Clercs.

Des mots, de Clerc, & Secretaire, & du Proverbe, Parler Latin devant les Clercs.

CHAPITRE XIII.

Au temps passé sous le departement des Gaules furent compris trois especes de gens, dont les aucuns commis au faict & exercice des armes, furent appellez Chevaliers, les autres Druydes qui avoient la charge des bonnes lettres, & de la Religion, & le dernier Ordre fut le commun peuple qui estoit tenu à nomprix. Si de bien pres nous y advisons, quoy que le temps se soit changé, toutes-fois les mesmes façons se sont tousjours maintenuës entre nous, & pour les Chevaliers avons eu en nostre France la Noblesse, au lieu des Druydes, le Clergé, pour le commun peuple les Roturiers, qu' en quelques lieux on appelle gens de pote condition, pour le peu d' estime que l' on en faisoit, & comme si ils eussent tousjours esté exposez sous la puissance de Seigneurs, qui se dit du mot Latin Potestas. Et tout ainsi qu' au temps passé appartenoit aux Chevaliers Gaulois le deduit de la guerre, aussi fait-il à nostre Noblesse Françoise: & comme la Cavalerie Gauloise estoit estimee par dessus toutes autres, aussi l' a tousjours esté nostre Noblesse de France. Voire pour venir à nostre ordre Ecclesiastic, ny plus ny moins que les Druydes prindrent les clefs tant de leur Religion, que des lettres, aussi se lotirent nos Prestres & Religieux, de ces deux articles entre nous, encore que pour bien dire, ils n' en eussent provision que pour leurs portees, n' estant nostre Noblesse aucunement ententive à si loüable subject. Qui fut cause que Maistre Alain Chartier en son Curial accusant la neantise de son siecle: Il y a plus (disoit-il) car ce fol langage court aujourd'huy entre les Curiaux (il entend les Courtisans) que noble homme ne doit point sçavoir les lettres, & tient on à reproche de gentillesse, de bien lire, & bien escrire. Chose mesme que Baltazar de Chastillon Italien improperoit à nostre France en son Courtisan, sous le regne de Louys douziesme. Vray qu' il se promettoit que François Duc d' Angoulesme banniroit cette ignorance quand il seroit arrivé à la Couronne: Prognostic qui fut veritable. Or de cette asnerie ancienne advint que nous donasmes plusieurs façons au mot de Clerc, lequel de sa naïfve & originaire signification appartient aux Ecclesiastics. Et comme ainsi fust qu' il n' y eust qu' eux qui fissent profession des bonnes lettres, aussi par une metaphore nous appellasmes grand Clerc l' homme sçavant, Mauclerc celuy que l' on tenoit pour beste, Clergie pour science, & forgeasmes de là ce proverbe François, Parler Latin devant les Clercs, pour denoter presque ce que les Romains vouloient dire par cet Adage. Sus Minervam. Es grandes Croniques dediees à Charles huictiesme, chapitre 2. parlant de Boëce: L' art de Dialectique, Arithmetique, Geometrie, & Musique qu' il translata, monstrent bien la grande Clergie. Hugue de Bersy, en sa Bible Guyot se mocquant des Advocats de son temps. Et bien sçachez que grand Clergie est en telles gens morte & perie. Et fut appellé Pierre Duc de Bretagne Mauclerc par les siens, comme beste & ignorant, pour le grand prejudice qu' il fit à ses successeurs, par les soubmissions non accoustumees qu' il fit au Roy S. Louys, luy faisant la foy, & hommage. Et est digne d' estre icy remarqué ce que le sire de Joinville en dit: Mais je ne sçay si à juste cause les Bretons luy donnerent tel nom (fait-il) veu qu' il devoit estre bien sage, puis qu' il avoit si long temps estudié à Paris. Jules Cesar n' en avoit pas moins dit de Sylla, que les Bretons firent de leur Duc, quand ayant quitté de son gré, la Souveraineté que les armes luy avoient donnee sur l' Estat de Rome, il dit que Nesciebat litteras: Voulant dire qu' il estoit une beste & ignorant: Mais pour ne perdre de veuë ce que je me suis icy mis en bute, encore passa-l'on plus outre au mot de Clerc: Car il ne fut pas seulement approprié aux bonnes lettres, mais aussi à ceux qui par le ministere de leurs estats faisoient profession particuliere de la plume, comme ceux que nous appellons aujourd'huy Secretaires du Roy, estoient anciennement appellez Clercs, & Notaires du Roy, & de la Couronne de France: Et ne se peut mieux representer la varieté qui se trouva en cette diction que par une Chambre des Comptes, laquelle de tout temps estoit composee de Maistres, Auditeurs, & Greffiers. Des Maistres les aucuns estoient de robbe courte, & les autres de robbe longue, que l' on appelloit autrement Clercs: parce que du commencement ils estoient Ecclesiastics. Les Auditeurs estoient aussi appellez Clercs, chose à mon jugement de tant que de leur premiere escole ils demeuroient au logis des Maistres, pour leur servir de leurs plumes, comme j' ay deduit ailleurs. Et les deux Greffiers aussi Clercs, parce qu' il falloit qu' ils fussent Secretaires du Roy, que l' on appelloit alors Clercs. Il n' est pas que le Controlleur du Thresor ne fust aussi appellé Clerc du Thresor. Car n' y ayant auparavant qu' un Changeur du Thresor, qui estoit celuy auquel aboutissoient toutes les receptes ordinaires de France, on luy bailla en l' an 1316. un homme pour le controller, qui fut appellé Clerc du Thresor. On usa encore du mot de Clergie aussi bien pour escriture, comme pour science. Par l' ordonnance du 6. de Mars 1388. Charles VI. ordonne que les seaux, & les Offices de Clergie des Bailliages & Seneschaussez soient baillez à ferme: Et tout ainsi que les Secretaires du Roy estoient ainsi appellez Clercs, aussi les Seigneurs appellerent leurs Clercs ceux qui avoient en leurs maisons la charge d' escrire sous eux, jusques à ce que ce mot est finalement demeuré à ceux qui escrivent sous les Advocats, Greffiers, Notaires & Procureurs, & commença l' on d' appeller premierement les Clercs du Roy, puis ceux des Princes, & grands Seigneurs, ceux que depuis avec le temps nous avons appellez Secretaires. Car c' est une inepte, & miserable ambition des Seigneurs, qu' avec le temps ils veulent transplanter en leurs familles, & maisons, sinon les dignitez, pour le moins les noms dont les Officiers de nos Rois s' accommodent. Je trouve dedans Monstrelet chapitre 175. Clerc pour Secretaire, & au chapitre 139. il parle d' un Secretaire du Duc de Bourgongne.

Or quant au mot de Secretaire, on l' appropria du commencement à ceux qui pour estre prests des Rois recevoient leurs commandemens, qui furent appellez Clercs du Secré. Ainsi l' apprenons nous d' un reiglement de l' an 1309. par lequel le Roy ordonne qu' il y ait trois Clercs du Secré pres de sa personne, Maistres Raoul de Perreaux, Amy d' Orleans, & Jean de Belut, & 27. Clercs & Notaires. Me faisant cela resouvenir du formulaire, que Cassiodore Chancelier de Theodoric Roy d' Italie mettoit aux provisions des Secretaires du Roy. Imitari debent armaria quae continent monumenta Chartarum. Depuis au lieu de Clercs du Secré on

en fit un mot de Secretaire, furent dits avec le temps les Clercs & Notaires du Roy, comme aussi les Clercs des Seigneurs, vrais Cinges des Rois usurperent: Tellement que de là en avant ces Clercs du Secré furent contraints d' apporter une autre qualité au mot de Secretaire, & s' appellerent Secretaires des commandemens, à la difference des autres: Ce qui fut continué en eux jusques vers la fin du regne de Henry II. lors que nous traitasmes la paix avec Philippe Roy d' Espagne vers l' an 1559. Parce que ceux qui la negotierent, oyans que les Secretaires des commandemens de l' Espagnol, s' appelloient Secretaires d' Estat, comme naturellement les François sont soucieux de nouveautez, nous quittasmes le mot de commandement en ces Secretaires, & commençasmes de les nommer Secretaires d' Estat, ainsi que nous les appellons encores aujourd'huy, ayans laissé ce qui estoit de nostre creu.

domingo, 28 de mayo de 2023

2.8. Des Tresoriers Generaux de France.

Des Tresoriers Generaux de France. 

CHAPITRE VIII. 

L' ordre du temps, & la dignité des Tresoriers de France requeroient que je discourusse d' eux, auparavant que de parler des Generaux, toutesfois ayant voulu monstrer que les Generaux avoient pris leur source & origine de l' Assemblee des Estats, je leur ay donné la premiere pointe par le chapitre precedant, pour donner puis apres lieu aux Tresoriers, qui de tout temps & ancienneté avoient l' œil & intendance sur le Domaine. On appelloit anciennement le Domaine de la Couronne, Tresor, comme estant le vray Tresor sur lequel nos Roys devoient establir le fonds de leurs despences. Et de ceste ancienneté encores en avons nous ceste remarque en la Chambre des Comptes de Paris, parce qu' entre les six Chambres des Auditeurs, il y en a une particuliere, que l' on appelle Chambre du Tresor, en laquelle on doit distribuer tous les Comptes concernans le Domaine. La recepte particuliere du Tresor (ainsi le veux-je icy appeller avecq' nos anciens) appartenoit du commencement aux Baillifs & Seneschaux dedans leurs destroicts, & depuis pour ne les destourner de l' exercice de la Justice, on fit des Receveurs particuliers pour cest effect dont les receptes aboutissoient au changement du Tresor, qui en estoit le Receveur general, assisté d' un Controolleur que l' on nommoit Clerc du Tresor. De là vint que celuy qui estoit ordinateur de ces deniers, fut aussi appellé Tresorier de France. Et du commencement n' y en avoit qu' un par tout le Royaume que l' on avoit tiré de la Chambre des Comptes. Sous le regne de Philippes de Valois, on y en adjousta un autre, chose qui se continua longuement. Du temps du Roy Charles le Quint, d' ordinaire il y en eust trois. Et depuis son decés il n' y eut rien si certain que l' incertain en ce nombre, tantost trois, tantost quatre, tantost cinq & six: Puis on les reduisoit au nombre ancien de deux, mais tout soudain l' ordonnance en estoit enfrainte: parce que c' estoient charges dont les Princes, sous l' authorité du Roy gratifioient leurs favoris, aussi bien que de celles des Generaux: Par l' ordonnance du premier de Mars 1388. il fut dit qu' il n' y en avroit que trois, deux desquels seroient tenus de faire leurs chevauchees tous les ans, pour voir en quel estat estoit le Domaine, y remedier sur les lieux, & d' en faire leurs procés verbaux: le troisiesme devoit demourer dans Paris, pour ordonner des deniers qui estoient pardevers le Changeur du Tresor. 

De leur premiere institution & long temps apres ils n' avoient aucune jurisdiction contentieuse, toutesfois se recognoissans plus anciens officiers que les Generaux, mesmes que leur charge estoit beaucoup plus favorable, pour avoir l' intendance des deniers ordinaires, & non extraordinaires, aussi voulurent-ils avecques le temps jouyr de mesme privilege que les autres. 

Le plus ancien registre où je trouve être faite mention des Tresoriers sur le fait de la Justice, est de l' an 1390. où je trouve unes letres de l' unziesme Avril, verifiees en la Chambre des Comptes, par lesquelles Charles sixiesme donne Maistres Guy Chrestien, & Pierre de Mets, pour compagnons, à maistres Nicolas de Maulregard, Jean Saulnier, & Matthieu de Liviere, lesquels l' avoient long temps seruy en ceste charge de Tresoriers: Veut que Maulregard & Liviere vacquent & entendent principalement au gouvernement & distribution des deniers: Saulnier, Chrestien, & de Mets à l' expedition & vuidange des procés qui concerneroient le Domaine. Depuis ce temps l' exercice de la Justice demoura pardevers les Tresoriers, les uns estans appellez Tresoriers sur le fait des Finances, & les autres sur le fait de la Justice. Chose qui fut aussi trouvee abusive: & de fait en deux reformations generales de l' an 1404. & l' an 1407. il fut entre-autres choses ordonné qu' il n' y avroit plus que deux Tresoriers de France, ainsi que d' ancienneté, & que de là en avant nul ne seroit plus Tresorier sur le fait de la Justice: Mais bien que s' ils survenoient en leur Chambre quelques differents pour le Domaine; ils pourroient prendre deux Maistres de la Cour de Parlement, ou de la Chambre des Comptes, pour les terminer ensemblément. Ny pour cela ne furent ces estats supprimez tout à fait: Jamais n' y eut en nostre France plus de corruption qu' il y avoit lors, ny plus de corrections: car les mesmes corrections faisoient part de la corruption, n' estans que belles promesses revestuës d' Edict, sans effect. Les Princes & grands Seigneurs abusans de la foiblesse du sens de leur Roy, se donnoient tel jeu qu' ils vouloient, & pouvoient tout ce qu' ils vouloient. Ils faisoient augmenter le nombre des Officiers, en faveur de leurs domestiques, nonobstant les Edicts de suppression, mesmes joüyent à boute-hors, faisans chasser ceux qui estoient en charge, pour leur surroger de leurs gens. Toutes choses estans en desordre, on assembla les trois Estats dans Paris en l' an 1413. où entre autres doleances l' Université de Paris se plaignit, qu' il y avoit six Tresoriers de France sur le fait du Domaine, & quatre sur le fait de la Justice, qui s' estoient infiniement enrichis de la despoüille du pauvre peuple: Pareilles plaintes contre les Generaux des Finances: Surquoy par le premier article de la reformation, le Roy declara qu' il supprimoit tous autres Tresoriers, & Generaux, & qu' il n' y en avroit plus que deux, pardevers lesquels resideroit toute la charge des Finances, de quelque nature qu' elles fussent, qui seroient appellez Commis des Finances, lesquels seroient esleuz en la Chambre des Comptes par le Chancelier, appellez avec luy quelques Seigneurs du grand Conseil, du Parlement, & des Comptes. Quant aux Generaux de la Justice, il y fut pourveu, comme j' ay dit par l' autre chapitre: Mais pour le regard des Tresoriers sur le fait de la Justice, nulle mention. Et depuis ce temps-là je ne voy point que leur jurisdiction ait eu vogue. Tout ainsi qu' elle s' estoit insinuee de soy-mesmes, par un droit de bien-seance, aussi s' anichila-elle de soy-mesme: Ce fut un esclair d' histoire, presque aussi tost amorti, qu' allumé. Et qui de ce en voudra sçavoir la raison, il est aisé de la rendre: Car d' un costé la Cour de Parlement, d' un autre la Chambre des Comptes pretendoient diversement chacune endroit soy, ceste charge leurs appartenir. D' ailleurs les Seneschaux & Baillifs sans foule & oppression des sujets, cognoissoient dedans leurs destroicts de matieres domaniales en premiere instance, & la Cour de Parlement par appel. Il n' en prit pas ainsi aux Esleuz & Generaux: Car les tailles, aides, & subsides, estans charges qu' on levoit extraordinairement sur le peuple, aussi convint-il avoir Juges extraordinaires & nouveaux, pour juger tant en premiere, que seconde instance, les differents qui en provenoient. Au demourant, quant à la Chambre du Tresor, où nous voyons aujourd'huy quelques Conseillers qui jugent du Domaine, c' est une invention moderne trouvee par le Roy François premier, & mise en œuvre pour trouver deniers. Invention qui ne s' estend que dans les limites de la Prevosté & Vicomté de Paris, Bailliages de Senlis, Melun, Briconterobert, Estampes, Dourdan, Mante, Meulant, Beaumont sur Oise, & Crespy en Vallois.

Mais pour ne m' eslongner de mon but, qui est des Finances, en ceste Assemblee des Estats en l' an mil quatre cens treize, le Roy Charles sixiesme avoit, comme j' ay dit, promis, qu' il n' y avroit plus que deux qui sous le nom de Commis ordonneroient des Finances, toutesfois soudain apres la roupture des trois Estats, on ne s' en souvint plus. Vray que depuis ce temps-là il y eut presque ordinairement en ceste France quatre Tresoriers, & autant de Generaux des Finances, qui tenoient grand lieu entre nous: Et continua cest ordre, jusques au temps du Roy François, lequel au lieu du Changeur du Tresor, & Receveur general des Aides, crea en l' an mil cinq cens quarante trois, seize receptes generales, pour recevoir indifferemment toutes sortes de deniers, fussent du Domaine ou des tailles, aides, & subsides. Et apres luy le Roy Henry deuxiesme par son Edict du mois d' Aoust, mil cinq cens cinquante trois, adjoustant une dixseptiesme recepte, voulut aussi qu' il y eust dixsept ordinateurs des Finances, qui ne porteroient plus qualité separee de Tresoriers & Generaux, ains seroient nommez Tresoriers Generaux de la France: Faisant par ce moyen oublier la distinction qu' il y avoit auparavant entre les deniers ordinaires & extraordinaires des Finances. Je vous laisse tout ce qui se passa depuis pour ces Estats, sous le mesme Henry II. & la confusion & chaos que Henry III. apporta non seulement en la multiplication de ces Estats, mais aussi aux creations nouvelles des Eslections & Esleuz, resignant ceste histoire à celuy qui pour ne s' en donner desplaisir, se pourra donner loisir de l' escrire.