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martes, 25 de julio de 2023

Livre septiesme. 7.1. De l' origine de nostre Poësie Françoise.

Livre septiesme.

De l' origine de nostre Poësie Françoise. 

CHAPITRE I.

Apres avoir par les six Livres precedens discouru plusieurs particularitez concernans nos anciens Gaulois, & François, les polices, tant seculieres, qu' Ecclesiastiques de nostre France, & à leur suite quelques anciennetez qui ne regardent l' Estat en son general, puis une meslange d' exemples signalez, qui peuvent servir d' edification au Lecteur, il me semble n' estre hors de propos, si je jette maintenant l' œil sur nostre Poësie Françoise. En quoy je pense faire œuvre de merite, de tant plus que si les Poëtes par leurs livres font revivre ceux qui sont morts, j' auray par un privilege special de ma plume, donné la vie à nostre Poësie, recitant son origine, ancienneté, & progrez. Qui est le subject auquel j' ay voüé ce septiesme Livre, & le huictiesme à nostre langue Françoise.

Je diray doncques que la Poësie par nous observee a esté, & est dés pieça en regne dedans nostre France, mais tout d' une autre façon que celle des Grecs & Romains, qui faisoient leurs vers mesurez de certains pieds, & nombres sans rime, & nous faisons les nostres rimez sans nombres, & pieds: Chose commune non seulement au François, mais aussi à l' Italien, Espagnol, Alleman, Anglois, Escossois, & à toutes les nations, qui se meslent de Poëtiser. 

Dont cela soit procedé, je le vous diray au moins mal qu' il me sera possible: Et faut en cecy avoir recours, comme en plusieurs autres choses, aux Romains, desquels sous diverses faces nous rapportasmes plusieurs belles choses à nostre usage, qui ne leur furent pourtant familieres. Quintilian au premier Livre de ses Institutions Oratoires, dit que la Grammaire ne peut estre qu' elle ne soit accompagnee de la Musique, puis qu' elle doit traicter des vers & des rithmes. Qui s' attacheroit seulement à l' escorce de ces paroles, il penseroit qu' il y eust deslors quelques especes de rithmes, dont nous accommodons nos vers, veu que ce passage faict fraterniser les rithmes avecques les vers mesurez Latins: mesmes qu' il dit que par leur douceur, ils avoient grande communication avec la Musique, qui est celle par laquelle on donne le lustre, ou bien (si ainsi voulez que je le die) l' ame à toutes sortes de vers. Toutesfois la verité est que ce mot de rithme n' estoit approprié au vers, comme nous recueillons du mesme autheur, livre 9. & d' Aulugelle livre 15. de ses Veilles Attiques. Diomede le Grammairien voulut depuis passer plus outre. Car il ne douta au premier livre de sa Grammaire Chap. I. de marier la rime & le vers ensemble sous ce titre de Poëtica, Rhithmis, & Metris, mettant par ce moyen l' un & l' autre sous un mesme predicament de la Poësie. Or ce qu' ils appelloient rithmes, estoient certaines clauses que les Orateurs sçavoient mesnager dans leurs Plaidoyez, ou Harangues, pour contenter les aureilles des escoutans: Clauses (dis-je) doux coulantes, mais non liees, & plus libres que les vers mesurez, qui estoient bornez de certaine quantité de pieds, longs, & briefs. Ny pour cela ils n' entendoient que la fin des clauses fust subjette de tomber en paroles de mesme terminaison (qui est toutesfois ce que nous appellons aujourd'huy rithmes en nostre langue) par ce que cela estoit reservé aux Omioteleftes, dont nous parlerons cy apres. De ces clauses doncques nous empruntasmes nos vers, qui se soustiennent, si ainsi voulez que je le die, sans pieds. Lisez ces deux vers de douze à treize syllabes.

Puis que Dieu qui les cœurs des grands Roys illumine, 

Sire vous fait avoir pitié de vos subjects. 

Ou de dix.

Qui voudra voir comme un Dieu me surmonte, 

Comme il r'englace, & r'enflame mon cœur.

Il n' y a aux uns, ny aux autres rien de pareille terminaison aux dernieres paroles, & toutesfois vous ne laissez pas d' y sentir je ne sçay quelle douceur qui ne se peut exprimer: comme mesmes nous voyons que de nostre temps a fait Blaise Viginelle en sa traduction des sept Pseaumes. Je le vous veux representer par un exemple qui de prime rencontre vous semblera ridicule, & neantmoins sert grandement à mon propos. J' ay leu dans un vieux art Poëtique François, qu' entre les especes de nostre Poësie il y en eut une que l' on appelloit Baguenaude, qui sembloit avoir esté de propos deliberé introduite en despit de la vraye Poësie, de quelle marque il baille pour exemple ces vers cy.


Qui veut tres-bien plumer son coq

Bouter le faut en un houzeaux,

Qui boute sa teste en un sac,

Il ne voit goutte par les trouz:

Sergens prennent gens par le nez, 

Et moustarde par les deux bras.


Quand vous lirez un long Poëme faict sur ce moule, vous n' y trouverez ny rithme, ny raison: Ce neantmoins vous y trouverez de la douceur telle que Quintilian entendoit par les clauses bien compassees des Orateurs qu' il appelloit du nom Grec de Rithme. Or outre la douceur qui provenoit de telles clauses, entre les traicts, & affeteries de la Rhetorique, il n' y en avoit point qui chatoüillast tant les aureilles du peuple, que ce que les Grecs appellerent *gr, Les Latins, Similiter desinentia, & nous par adventure non mal à propos, Clauses qui tombent soubs mesmes consonances. C' estoit ce enquoy les Advocats de Rome se joüoient plus de leurs esprits, quand ils vouloient resueiller leurs Juges. Voyez cette piece de Ciceron en son plaidoyé pour Milon, Est enim haec Iudices, non scripta, sed nata lex &c. Vous la trouverez venir au parangon des plus beaux vers de toute l' ancienneté. Ce qui se tourna depuis en telle affectation, & abus, que Lucilius Poëte Satyrique s' en mocqua fort bravement en l' une de ses Satyres, dont Aulugelle rapporte les vers au treiziesme livre de ses Veilles. De là vint que la langue Latine arrivant sur son declin, encores estoit ce une maniere d' escrire infiniment affectee. Ainsi le verrez vous dans les œuvres de sainct Augustin, Symmaque, Sidonius Apollinaris, & Cassiodore, qui pensoient estre des mieux disans de leur temps. Chose mesmement qui s' insinua dedans nostre Eglise: par ce que les Proses que l' on chante en la Messe sont vers rithmez de cinq, six, sept & huict syllabes: Cela à mon jugement fut cause que quand nous entasmes la langue Latine sur nostre Gauloise, nous fismes une meslange de ces clauses choisies que l' on appelloit Rhithmi, & des Omioteleftes, lesquelles unies ensemble, se trouverent si agreables, que l' on les estima outrepasser les vers mesurez des Grecs & Romains. Et à tant se provigna par toute l' Europe en tous les Vulgaires une Poësie telle que nous pratiquons en vers que nous appellons rithmez, par la rencontre, & correspondance qui se trouve aux deux derniers mots, encores que ce ne soit la signification originaire du mot de Rhithmi. De sorte qu' il semble que quand Quintilian faisoit fraterniser en sa langue Latine le Rhithmus & Metrum, dont il parle au premier, & neufiesme livres, c' estoit un taisible prognostic que le mot de rithme seroit quelque jour mis au rang de la Poësie, aussi bien que le vers mesuré, qui estoit ce qu' il appelloit Metrum.