martes, 25 de julio de 2023

6. 46. Excellente response d' une femme à an Frere Prescheur, pour induire les hommes à bien faire, seulement pour l' honneur de Dieu.

Excellente response d' une femme à an Frere Prescheur, pour induire les hommes à bien faire, seulement pour l' honneur de Dieu.

CHAPITRE XLVI.

Apres la prise de Sainct Louys vers Damiette, & qu' il se fut retiré en la ville d' Acre, ayant souffert plusieurs indignitez des Sarrazins, l' intention du Roy fut de mettre aux champs une nouvelle armee, pour se revanger des torts & outrages que luy, & ses gens avoient soufferts: A cecy semonds d' avantage par les Ambassadeurs du Souldan de Damas, qui luy promettoient de la part de leur Maistre tout aide. Ce neantmoins ne se voulant du tout confier en eux, il depescha vers le Souldan un Religieux de l' Ordre des Freres Prescheurs, nommé Frere Yves le Breton, homme fort entendu au langage Sarrazinois, lequel ayant sa depesche se retira vers les Ambassadeurs du Souldan, pour les advertir de sa charge. Pendant lesquelles entrefaites est chose fort notable qu' il trouva emmy la ruë une femme fort ancienne, qui portoit en la main dextre une escuelle pleine de feu, & en la senestre une fiole pleine d' eau: A laquelle ce Religieux demanda ce qu' elle vouloit faire de ces deux Elemens contraires: & elle luy feit response, que du feu elle vouloit brusler Paradis, & de l' eau esteindre le feu de l' Enfer. A quoy Frere Yves luy demanda de rechef qui l' esmouvoit de ce dire: Pour autant, respondit-elle, que je voudrois que desormais aucun ne s' induisit de faire bien sous esperance seulement d' un Paradis, ou de mal faire sous la crainte du feu d' Enfer: Mais que nous tous fussions semonds à la vertu, parce que Dieu ainsi l' ordonne, & pour la parfaite reverence que nous devons avoir en luy, qui est le souverain bien, & qui tant nous a aimez, qu' il a pris humaine Nature pour souffrir mort & passion pour nous. Combien que dans ce discours il semblast de prime-face qu' il y eust quelque humeur melancholique en cette femme, comme celle qui feignoit avoir en imagination de consommer choses non jamais perissables: si est-ce que sa resolution estoit fort bonne, & digne de tout homme Chrestien: veu mesmement que les sages Payens, qui n' avoient aucune cognoissance de la vraye lumiere, sinon celle qui leur estoit suggeree dans les tenebres de leur sens naturel, estoient d' advis qu' il ne falloit aimer la vertu, sinon d' autant qu' elle se rendoit de soy-mesme amiable. Et de moy je seray tousjours d' advis qu' il la faut honorer, suivre, & respecter, parce que Dieu nous le commande.

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