miércoles, 31 de mayo de 2023

3. 3. Dont vient que par succeßion de temps nous avons appellé l' Evesque de Romme, Pape,

Dont vient que par succeßion de temps nous avons appellé l' Evesque de Romme, Pape, & que parlans à luy nous usons de ces mots, vostre saincteté. 

CHAPITRE III. 

Comme la grandeur de l' Evesque de Romme se fust manifestee à chacun, & que sans controverse elle eust obtenu le dessus de tous les autres Evesques, aussi par traicte de temps commencerent de s' insinuer en sa faveur ces grands & magnifiques tiltres de Pape, &, Vostre Saincteté, quand on parle à luy. En quoy, pour n' obmettre rien de l' ancienneté, si je puis, faut noter que les Ecclesiastics faisans au commencement un vœu general d' obeissance, plus ils furent appellez à grands honneurs, plus ils refuserent les haults, & superbes tiltres. Et de faict tous les noms qui eurent cours souz la primitive Eglise estoient plus noms de charge, que d' honneur. Car le mot d' Evesque en Grec ne signifie qu' Intendant, ou ayant l' œil sur quelque chose, le Diacre, ministre, par ce qu' il administroit aux tables des veufves, & orphelins, le Prestre, vieillard, pour monstrer qu' il ne falloit appeller à ceste charge que les anciens. Depuis souz le second aage, nostre Eglise prenant nouvelle discipline par nouvelle devotion, l' on commença de mettre entre nous le mot de Pere, pour gratifier à ceux qui avoient les premiers lieux: Ainsi vint le mot de Patriarche en avant, qui veut dire Prince des Peres: ainsi celuy d' Abbé, qui nesonne autre chose que Pere, dont sainct Hierosme toutesfois se plaignoit sur le cinquiesme chapitre de l' Epistre de sainct Paul aux Galates, disant que les nouveaux Religieux de son temps, par une ambition extraordinaire, & irreguliere, se vouloient attribuer mesme tiltre que nostre Seigneur avoit donné à Dieu son Pere, quand il l' avoit appellé Abba Pater. Tout de ceste mesme façon se planta dans nostrer (nostre) Christianisme, le mot de Pape, lequel aussi ne signifie autre chose que grand Pere, & gaigna ce tiltre du commencement vogue à l' endroict des Evesques, j' entends de ceux qui pour leur aage, ou doctrine, avoient acquis quelque credit, & authorité dessus les autres. Ce que l' on peut descouvrir d' une infinité de passages des Autheurs Ecclesiastics en leurs Epistres: d' un S. Cyprian, sainct Hierosme, S. Augustin, sainct Gregoire, & par especial de Sidonius Apolinaris Evesque de Clairmont en Auvergne, dans les Epistres duquel vous ne le voyez escrire à aucun Evesque, que ce ne soit avecq' ce tiltre de Pape: Et mesmement au livre sixiesme escrivant à sainct Loup, qui avoit tenu le siege de Troye l' espace de cinquante ans, non seulemet il le qualifie Pape, ains Pere des Peres, & Evesque des Evesques. Qui a faict que quelques uns, & paraventure non sans apparence de raison, ont estimé que ce mot de Papa ait esté composé de deux mots. Car comme ainsi fust que l' on appellast quelquefois les vieux peres avec tiltre, & preface d' honneur Patres Patrum, & que par une abreviation on meit à quelques inscriptions Pa. Pa. Aussi avecq' le temps on en composa puis apres ce mot de Papa, & ce encores de tant plus que tombant en la personne du Pape, comme il fit, il sembloit être merveilleusement propre à cest effect, comme celuy qui pour sa dignité se pouvoit vrayement dire être le Pere des Peres. Qui est un discours sinon vray, pour le moins trouvé avecq' quelque belle rencontre. Et ainsi Yves Evesque de Chartres, escrivant au Pape Urbain en sa 12. Epistre l' appelle Patrem Patrum. Cest epithete de Pape estant doncques deferé aux Evesques, qui tenoient quelque rang entre les autres, depuis par tiltre de prerogative singuliere tomba en la personne de celuy, que par succession de temps on respecta par dessus tous les autres Prelats de l' Eglise, le tout en la mesme façon que le mot de sainct ou de Saincteté, que premierement on avoit accoustumé d' approprier à toutes personnes vivantes, qui devotement faisoient profession de nostre Religion Chrestienne, ainsi que nous lisons dans les Actes des Apostres, & en plusieurs passages de S. Paul. Chose depuis fort familiere aux Chrestiens. Comme nous le voyons dans Tertullian, S. Hierosme & autres. 

Depuis avec le temps, ce mot fut specialement adapté aux Evesques: Sidonius au quatriesme livre de ses Epistres, parlant de l' election d' un Evesque, en laquelle y avoit eu de grandes brigues: Sainct Patient, & Euphrone ont en fin éleu, dit-il, Sainct Jean, personnage recommandable en toute honnesteté, humanité, & douceur. Sainct Hierosme escrivant à Florence: Sainct Euagre Prestre vous presente les affectionnees recommandations: Et de la suitte de cecy vint, que quand on parloit aux Evesques, c' estoit avecq' cest honneste Eloge: Vostre Saincteté. Ainsi le trouverez vous par exprés en toutes les Epistres de Cassiodore, toutes & quantesfois que Theodoric, Athalaric, Theodaat, ou Vitige Roys d' Italie, escrivoient à quelques Evesques de leur Royaume. S. Gregoire escrivant, au Patriarche d' Antioche, use tantost de ces mots Vestra beatitudo, tantost de Vestra sanctitas: à l' Evesque de Milan qui tenoit grand lieu dedans l' Italie, Vestra sanctitas: Aux autres communs Evesques Vestra fraternitas. Socrate au sixiesme livre de son Histoire Ecclesiastique s' excuse de ce que parlant des Evesques, il ne les avoit honorez de cest Epithete de Sanctissimes, ou telle autre sorte de tiltres que l' on avoit accoustumé de leur bailler: Au contraire Theodoric par tout le discours de son Histoire ne parle gueres des Evesques, qu' il ne les accompaigne de ces mots, Saincts, ou Beats, encores qu' ils fussent vivans. Et tout ainsi que du peuple Chrestien ce tiltre s' estoit faict particulier aux Evesques, aussi finalement des Evesques aboutit-il en la personne de l' Evesque de Romme: non toutesfois du premier coup. Car dans les Epistres d' Yves, il luy donne diverses qualitez de grandeurs, comme de Beatitude, Paternité, Majesté, & entre autres de saincteté qui luy est pour le jourd'huy aussi commun, comme celuy de Majesté aux Roys, & Monarques: toutesfois les Papes au contraire voulans donner à entendre qu' ils n' affectoient ces grands tiltres, ains faisoient profession d' humilité, sur laquelle leur grandeur avoit pris son premier, & principal fondement, plus ils se trouverent être grands, plus choisirent-ils termes esloignez de l' ambition, & se qualifierent Serfs des Serfs: paroles d' humilité, lesquelles toutes fois n' ont pas moins d' effect dessus nous, que celles qui au pays de Perse estoient donnees à leur Prince, quand on l' appelloit Roy des Roys. Et le premier qui en usa entre les Papes, fut Damase, & l' autre qui luy donna cours, & regne, fut Gregoire premier, tous deux personnages de grand poids, & singuliere recommandation.

3. 2. Comme & vers quel temps le tiltre d' Evesque universel se planta dedans l' Eglise,

Comme & vers quel temps le tiltre d' Evesque universel se planta dedans l' Eglise, & en quelle façon les choses se passerent pour cest esgard. 

CHAPITRE II. 

Tout ainsi que soubs le moyen aage de nostre Eglise le tiltre de Patriarche fut introduict en ces cinq grands sieges: aussi commença l' on de les honorer diversement de ceste qualité de Prelats universels ainsi que j' ay presentement touché: mais comme, les coustumes ne sont pas jettees en moule, ains prennent leur accroissement par un taisible progrez, & alluvion: ainsi ne s' insinua, ce mot tout d' un coup entre nous. Celuy qui en fut premierement honoré, fut le Pape Leon premier de ce nom au Concil general de Chalcedoine tenu sous l' Empereur Marcian par six cens Evesques, où fut condamnee l' heresie Eutichienne. Sainct Gregoire escrivant à l' Empereur Maurice, dit que ce tiltre avoit esté accordé à Leon par le suffrage commun du Concil: toutesfois dans le Concil qui court par nos mains, je n' en trouve un tout seul article: mais bien trouverez vous que ceux du menu Clergé, qui lors presenterent Requestes au Concil, meirent en la suscription d' icelles, Sanctissimo & beatissimo universali Archiepiscopo, & Patriarcha magnae Romae, & sanctae universali Synodo. Tiltre que Leon n' accepta, mais aussi ne le refusa. Je ne voudrois pas certes dire, que ce grand personnage sainct Gregoire se fut mespris: car mesmes il attouchoit de pres ce temps là, & y avroit à penser que le Concil tel qu' il nous est representé, a esté paradventure corrompu par la nonchalance des ans: mais soit l' un, ou l' autre, ce n' est point un petit advantage pour le Pape, voire peut être plus grand de la façon que nous le lisons dans les actes de ce Concil. Car si par le suffrage commun des Evesques ce titre luy eust esté accordé, il sembleroit que c' eust esté à sa solicitation, & poursuitte, comme une qualité qu' il eust ambitieusement mendiée: mais ce tiltre estant emané par l' organe de ce petit peuple: il n' y a homme si aueuglé qui ne voye que ce fut pour un respect, honneur & devotion qu' il portoit singulierement au siege de Rome: voire par dessus celuy de Constantinople, en faveur duquel Anathole Patriarche de ce lieu, fit glacer par brigues, & menees un article, dont la teneur estoit telle, laquelle j' ay icy rapporté mot à mot en nostre langage. En ensuyvant en tout & par tout les Decrets des saincts Peres & la sanction Canonique n' agueres leuë, nous avons advisé d' ordonner & statuer des privileges en faveur de la tres-saincte Eglise de Constantinople, nouvelle Rome. 

Car aussi noz anciens Peres voulurent à bon droict octroyer des privileges au siege de la vieille Romme, par ce qu' elle commandoit: & tout d' une mesme consideration cent cinquante venerables Evesques tres-fidelles serviteurs de Dieu accorderent privileges esgaux au siege de la nouvelle Romme, cognoissant fort bien que ceste ville, qui est honnoree du tiltre de l' Empire, & du Senat, devoit jouyr de pareilles prerogatives que la vieille Romme: voire qu' és choses Ecclesiastiques, elle ne devoit être moins extollée que l' autre tenant le second lieu apres elle. A maniere que les Metropolitains d' Alsacie, & de Thrace, & encore tous les Evesques constituez és pays barbares doivent être ordonnez du sainct Siege de Constantinople: c' est à sçavoir, que chaque Metropolitain avecq' ses comprovinciaux, puisse consacrer les Evesques de sa Province, comme il est statué par les saincts Decrets, & Canons, & que le Metropolitain soit confirmé par le Patriarche de Constantinople, apres que l' election faicte canoniquement luy aura esté rapportee. Duquel article vous ne pouvez recueillir autre chose par cest entrelas de paroles, sinon que le Patriarche de Constantinople voyant que toutes les grandes prerogatives estoient accordees au Pape de Romme, recherchoit tous moyens de l' égaler en authorité sur ceux de son Patriarchat. Et à tant tout ainsi que le menu Clergé avoit au Concil de Chalcedoine donné au Pape Leon le tiltre d' universel: aussi les Patriarches de Constantinople le voulurent puis apres usurper. Qui causa une infinité de dissentions entre les deux Sieges. Car pour bien dire, encores, que ceste qualité eust esté donnee à Leon premier, toutesfois ny luy, ny longuement apres, ses successeurs ne la mirent en usage: mais bien l' Archevesque de Constantinople. Je diray cecy en passant, & peur être ne seray-je desauoué de ceux qui sans passion ont fueilleté l' Histoire Ecclesiastique, que la grandeur du Siege de Romme creut du commencement par la

saincte vie des saincts Peres qui y presiderent, & par la devotion que les bonnes gens leurs porterent: Et quant à celuy de Constantinople, encores qu' il y ait eu quelques Prelats, gens de bien, si est-ce que la plus-part donnoit ordre d' accroistre ce Siege plus par brigues, & ambition, qu' autrement, & ce pour le lieu qu' ils tenoient pres des Empereurs. Le premier d' entre eux qui le prit à face ouverte, fut un nommé Jean, personnage de grande recommandation, tant en jugement, & doctrine, qu' à bien escrire. Plus ces Prelats se rendoient recommandez en grandeur de sens, plus affecterent-ils de former la grandeur en leurs Sieges, ainsi que vous voyez par ces quatre grands personnages. Leon Evesque de Rome, Cyrille Evesque d' Alexandrie, Chrysostome, & Jean Evesques de Constantinople. Ce tiltre fut non seulement pris par Jean, ains plausiblement accordé par le cinquiesme Concil de Constantinople: auquel Concil le Pape de Rome ne fut appellé, tellement que Jean y presida. Qui me faict presque juger que ce fut pour s' authoriser de ce nouveau tiltre, d' autant que vous y trouverez une infinité de fois ceste qualité d' œcumenique, & universel luy estre donnee, tantost par quelques particuliers du Clergé, tantost par le Concil mesmes, & entre autres y a un acte de telle substance. Domino nostro sanctissimo, & beatissimo, Patri Patrum; Archiepiscopo, & oecumenico Patriarchæ Ioanni, Synodus in hac imperiali civitate congregata, in Domino salutem. Qui est à dire. A nostre Sanctissime, & Beatissime Seigneur, Pere des Peres, Archevesque, & Patriarche universel Jean, tout le Concil de present assemblé en ceste ville Imperiale, desire salut en Dieu. A quoy s' opposa vertueusement, premierement le Pape Pelage second, & apres son decés, Sainct Gregoire son successeur, lequel ayant opinion que l' Empereur Maurice favorisoit aucunement la cause du Constantinopolitain, prit ceste querelle en main, & luy en escrivit vertueusement, ensemble à l' Imperatrix Constance, & specialement escrivant à Maurice, apres avoir recueilly tous les passages de la saincte Escriture, par lesquels on voit que la primauté de l' Eglise avoit esté donnee à sainct Pierre, il adjouste, & tamen universalis Apostolus non vocatur: & vir sanctissimus consacerdos meus Ioannes, universalis Episcopus vocari conatur, exclamare compellor, ac dicere, ô tempora, ô mores, &c. Et toutesfois (dit-il) sainct Pierre ne fut appellé Apostre universel, & reverend Pere en Dieu Jean mon confrere tasche de se faire nommer Evesque universel: Et vrayement je suis contrainct de m' escrier, & dire, ô temps, ô mœurs, &c. Non content de cela, encores escrit-il à Jean qu' il eust à bannir ceste ambition insuportable de sa teste: Et estant advenu à Euloge Patriarche d' Alexandrie d' appeller en l' une de ses lettres, Gregoire Evesque universel, il l' en reprend tres-aigrement. Pour tout cela neantmoins ne laissa le Patriarche de Constantinople de continuer ce tiltre par luy usurpé, en son siege. Et à l' imitation de luy nous trouvons dedans le trente troisiesme livre de Nicephore, qu' au premier Concil d' Ephese, qui fut tenu souz Theodose second, Cyrille Patriarche d' Alexandrie, grand personnage de son temps, & qui fut prié par le Pape Celestin de tenir son lieu, en ceste assemblee se fit donner pareil tiltre d' Evesque universel. Tiltre (dit-il) qui fut usurpé depuis long temps apres par tous les successeurs en ce Siege. Cela fut cause que le Pape ne douta plus de là en avant de prendre ceste mesme qualité, non seulement pour ne descheoir du degré qui luy avoit esté adjugé par dessus le Constantinopolitain, & les autres, mais aussi qu' il estimoit qu' elle luy estoit loyaument deuë: & passerent les choses de façon, que le Grec en langue Gregeoise se faisoit appeler Oecumenique, & le Romain en Latine, Universel. Ce que je dy expressemment pour respondre à ceux qui se persuadent que Maurice premierement adjugea ce tiltre d' Universel au Patriarche de Constantinople, au prejudice de l' Evesque de Romme, & que son successeur Phocas luy osta, pour le rendre au Romain. Encores que je sçache bien que Reginon l' Abbé, & apres luy Adon de Vienne facent mention de ce jugement de Phocas. Car je ne me puis persuader que Nicephore, qui a escrit l' Histoire Ecclesiastique jusques à la mort de Phocas, eust passé par oubliance le jugement de Maurice, luy qui d' ailleurs, pour favoriser son pays a falsifié le Concil de Constantinople tenu souz le grand Theodose, disant qu' en cestuy fut la primauté de l' Eglise adjugee au Patriarche de Constantinople: & sainct Gregoire, qui descouvrit brusquement à Maurice ce qu' il en pensoit, n' eust oublié de luy en toucher quelque mot. Joinct que depuis ces deux Empereurs, ceste qualité passa en tel usage, qu' au sixiesme Concil de Constantinople tenu par l' authorité de l' Empereur Constantin Pogonat, ces deux Prelats, (comme j' ay dit) sont diversement appellez, l' un Oecumenique, l' autre Universel, & neantmoins en ceste concurrence de tiltre, les Legats, & Vicegerans du Pape sont en la soubscription nommez les premiers, & apres eux les Patriarches de Constantinople, Alexandrie, Antioche, & Hierusalem.

Depuis petit à petit, à mesure que les Empereurs de Constantinople decheurent de leur majesté, aussi d' une mesme balance declina l' authorité du Patriarche, comme celuy qui n' avoit tiré sa grandeur que par les brigues des Empereurs. Toutesfois il ne voulut jamais demordre ce tiltre. Car au Concil mesmes de Basle tenu en l' an 1435. Joseph Patriarche Constantinopolitain, envoya une Bulle soubz plomb, dans laquelle il se qualifioit par la grace de Dieu Archevesque Metropolitain, & Patriarche universel de la nouvelle Romme. En fin tout ainsi que nostre Religion Chrestienne a presque perdu son cours par tout le Levant, aussi se sont par mesme moyen esvanouyes, & anichilees les authoritez, prerogatives, & grandeurs de ces quatre grands sieges, esquels on ne peut voir autre chose que l' image d' un Patriarche. Estant la grandeur de l' Eglise universelle devoluë par effect en la dignité Pontificale de Rome. En quoy apres avoir discouru ce qui appartient à l' Histoire, je feray pour conclusion ceste remarque, qui ne desplaira, comme j' espere, à ceux qui sont touchez d' un meilleur enclin envers l' Eglise Catholique. Tout ainsi que nostre Seigneur Jesus Christ appella sainct Pierre premier de tous ses Apostres à sa suitte, aussi luy promeit il de bastir sur luy son Eglise. En consequence de ce grand Arrest, je trouve une chose memorable de luy, qui merite d' être remarquee. Par ce que l' histoire Ecclesiastique nous enseigne, qu' il presida successivement en trois Sieges. Premierement quelque peu de temps a Anthioche, puis en Alexandrie, jusques à ce que finalement il vint confiner, & fa demeure, & sa vie à Romme: Aussi trouvez vous que ces trois sieges furent erigez en Patriarchats, comme premiers, & generaux des Eglises, avecq' celuy de Hierusalem, receptacle des miracles de la Passion de nostre Sauveur. Car quant à celuy de Constantinople, je pense qu' il y eut plus de l' homme pour son progrés, & advancement, que de la Religion: mais tout ainsi que sainct Pierre establit en fin son principal siege dans Romme, & que les deux autres ne luy avoient esté que comme passagers, & transitoires: aussi toutes les puissances des autres Patriarchats sont en fin abouties en ce grand siege de Rome, ainsi que nous avons veu. Au demourant ceux qui principalement provignerent ceste grande puissance entre les Papes, furent Leon, Gregoire, & Nicolas, tous trois premiers de leurs noms, que la posterité ne sçavroit assez dignement recommander. 

3. 1. De la preseance du sainct Siege de Rome, sur l' Eglise Catholique.

De la preseance du sainct Siege de Rome, sur l' Eglise Catholique. 

CHAPITRE I. 

Qui voudra considerer quel fut le premier plant de nostre Religion Chrestienne, apres que nostre Seigneur eut satisfait à tous les mysteres cachez, qui avoient esté long temps auparavant de luy predicts, il trouvera que le dernier, & plus solemnel commandement qu' il donna à ses Apostres, & quasi comme un fideicommis general de son testament: ce fut qu' ils espandissent par tout l' Univers les semences de la saincte parole qu' il leur avoit annoncee. Depuis estant monté au Ciel, & ayant en eux imprimé le caractere du sainct Esprit, la premiere chose qu' ils eurent en recommandation, apres avoir ordonné des affaires de l' Eglise de Hierusalem, ce fut de partager entr' eux par commune devotion tout ce monde. Et leurs estans, & à leurs disciples escheuës diverses Provinces pour cultiver, il seroit impossible de dire, combien fructifia en peu de temps ce nouveau fruict, par la devotion, diligence, & hardiesse de ces bons & vertueux jardiniers. Et encores que chacun diversement selon le pays qu' il avoit à traitter, introduisit diverses ceremonies, & coustumes, si est-ce qu' eux tous raportoient leur creance à une unité de principes. 

Ceux-cy du commencement estoient indifferemment appellez Evesques, ou Prestres. Ainsi l' aprenons nous de sainct Luc, au chapitre 15. & 16. des Actes des Apostres, & au 25. où sainct Paul prenant congé des Ephesiens en la harangue qu' il leur feit, appelle sur la fin Evesques, ceux que sur le commencement il avoit appellez Prestres: Vray que ceste police ne dura pas entr' eux longuement: Voire prit changement dés le temps mesme des Apostres, comme nous aprenons du venerable Beda sur le 10. chap. de S. Luc, disant. Sicut duodecim Apostolos, formam Episcoporum praemonstrare nemo est qui dubitet, sic & hos septuaginta discipulos, figuram Presbyterorum, id est, secundi ordinis Sacerdotes gessisse sciendum est. Tametsi primis Ecclesiae temporibus, ut Apostolica scriptura testis est, utrique Presbyteri, utrique vocabantur Episcopi. Quorum unum, sapientiae maturitatem, alterum, industriam curae pastoralis significat: Passage que l' on ne peut assez solemnizer pour ceste ancienneté. Comme aussi est-ce la verité, que depuis à l' imitation de ceste saincte police, la Religion Chrestienne provignant, & la necessité requerant divers Ministres, non seulement sur les Provinces, mais aussi sur les villes, bourgs, & bourgades, l' on commença petit à petit, d' y establir difference. De là vint que ceux qui avoient l' œil & intendance generale sur les Provinces, furent appellez Evesques: & les autres qui particulierement avoient la charge des quantons des villes, & bourgades, estoient seulement appellez Prestres. C' estoient ceux, qui par la permission de l' Evesque, avoient puissance d' administrer la parole de Dieu, & les saincts Sacremens de l' Eglise, la part qui leur estoit distribuee. Chose qui estoit observee dés le temps mesmes de Tertulian, comme il nous enseigne en son traicté du Baptesme. Nous les avons depuis nommez Curez. Toutesfois, pour autant qu' anciennement l' on ne donnoit l' ordre de Prestrise qu' à ceux qui devoient avoir charge d' ames, & consequemment quelque tiltre: depuis noz Evesques par leur avarice ayans converty en abus ceste honorable coustume, distribuans à toutes occurrences, & sans acception de personnes, ceste charge à uns & autres, entre toutes ces corruptions, encores nous est demouree une image de ceste belle ancienneté. D' autant que nous disons que l' on ne peut appeller aucun aux ordres de Prestrise, qu' il n' ait tiltre, rapportans à je ne sçay quoy de temporel, ce que ces saincts Peres rapportoient au spirituel: & nommons encores Presbitaires les maisons destinees pour l' hebergement des Curez. Aussi entre les Cardinaux de Rome l' on en appelle les aucuns, Prestres, c' est à dire, les Cardinaux qui sont pourveuz des anciennes Cures de Rome, à la difference de ceux qui sont Cardinaux Diacres. On appella par succession de temps le ressort que tenoient les Evesques, Dioceses. Mot dont les anciens Romains usoient quelquefois sur le declin de l' Empire, pour Province: & celuy des Prestres, ou Curez, parroisses, combien que je trouve les Evesques avoir assez souvent appellé leurs Dioceses du nom de paroisses, comme s' ils eussent voulu dire que leur charge estoit une grande Prestrise, & que les Prestres estoient petits Evesques en leurs charges, par une reduction que l' on appelle du grand au petit pied.

Or eurent-ils une coustume fort familiere: car ayans entrepris de gaigner par leurs sainctes exhortations, tout le monde, ils avoient accoustumé de deleguer les plus capables & suffisans aux principales villes de chaque Province: Dont est venu que par une police Ecclesiastique, s' estant nostre Eglise divisee en Patriarches, Archevesques & Evesques, vous voyez les noms des Patriarchats, & Archeveschez és villes, où la domination temporelle avoit plus de lieu: & ceste mesme raison apporta puis apres de grands troubles à la grandeur de l' Evesque de Rome, ainsi qu' il sera dit en son lieu. Cecy à mon jugement, fut cause que Rome estant du temps des Apostres, le siege de l' Empire & ressort general de tout l' Univers: & S. Paul' s' estant transporté en ceste ville par necessité, pour respondre de son faict devant l' Empereur, l' on deputa depuis avec sainct Pierre pour y venir annoncer la doctrine de Dieu: Auquel lieu, comme chacun sçait, apres y avoir faict plusieurs grands miracles, en fin ils porterent un tres-vertueux tesmoignage de leur foy par leurs martyres. Lors se faisoient & long temps apres les assemblees des Chrestiens en cachete, pour eviter la fureur du Magistrat. Car encores que par traitte de temps quelques Empereurs feissent contenance de n' exercer leurs cruautez contre nous, si est ce que telles douceurs n' estoient qu' une amorce pour nous surprendre. D' autant que ceux qui sous cest appast s' estoient trop descouverts en leurs deportemens, à la premiere mutation d' Empereur, il se trouvoit un successeur qui recommençoit de seuir, comme au precedent encontre eux. Tellement que chacun estoit contrainct d' être retenu en ses actions. Et certes l' Eglise Romaine se rend grandement recommandable en ce point cy. Par ce que depuis S. Pierre jusques à Silvestre, qui fut du temps de l' Empereur Constantin, n' y eut Evesque dedans Rome qui ne seellast de son sang le tesmoignage de sa foy. Et encores que quelques uns se trouvassent plus foibles à supporter le premier heurt des persecutions, si est-ce que revenans à leur mieux, & second penser, ils embelissoient leur memoire de quelque beau & brave traict. Comme nous voyons qu' il advint à Marcelin Pape, lors de la grande boucherie & persecution de Diocletian, lequel pour caller la voile à la tempeste qui lors couroit, ayant par crainte immolé aux Idoles, en fit depuis penitence publique aux pieds de l' Eglise. Et non content de ceste confession, pour satisfaire d' avantage à sa conscience, se presenta devant Diocletian, luy reprochant ses cruautez, & sur ce reproche receut volontairement la couronne de martyre. 

Je ne trouve qu' adoncques tombast la Primauté de l' Eglise en dispute, ains quelque temps apres que les Apostres furent passez de ce monde en l' autre, le premier ordre de l' Eglise estoit des Evesques, le second des Prestres, & le dernier des Diacres. Et entre les Evesques on faisoit grand estat de ceux qui avoient leurs sieges és lieux, ausquels les Apostres, ou leurs disciples avoient presidé, & entre iceux, de celuy de Rome principalement pour la dignité de la Chaire Sainct Pierre, comme nous l' apprenons expressement de Tertullian en son livre contre les heretiques. Ceste primauté commença d' être aucunement enviee en ce grand Concil de Nice sous Constantin, quand l' exercice de nostre Religion commença d' être faict à huys ouvert. Car lors se trouva l' Evesque d' Alexandrie qui voulut concurrer en seance, avecques celuy de Rome. Depuis ce temps, je ne voy point que le Romain n' ait tenu le premier lieu sur les autres, sans exception ou reserve. A ceste cause trouvons nous dans Optat, qui fut soubs les Empereurs Valens, & Valentinian, en son premier livre, encontre les Donatistes, que Donat heretique, ayant presenté requeste à Constantin pour faire juger sa cause par trois Evesques des Gaules, l' Empereur luy ayant baillé pour juges, Materne Evesque de Colongne, Rhetice Evesque d' Autun, & Marin Evesque d' Arles, ils s' acheminerent à Rome pour decider par expres ceste affaire sous l' auctorité de Militiades Evesque du lieu. Et le mesme Optat, au deuxiesme livre, pressant de pres ses adversaires, qui s' estoient divisez de l' union de l' Eglise, & avoient creé sur eux un Evesque: Vous ne pouvez nier (dit-il) qu' en la ville de Rome ne fust premierement donnee à Sainct Pierre, la chaire Episcopale, en laquelle il a tenu le siege, comme chef de tous les Apostres. Puis il recite par honneur d' une longue suitte, l' un apres l' autre, tous les successeurs de S. Pierre, desquels avoit despendu l' union de l' Eglise universelle. Chose que fait en cas semblable Sainct Augustin en la cent soixante cinquiesme Epistre à Generose. Et Amian Marcellin mesmes, qui fut Ethnique, au quatorziesme livre de son histoire, faisant mention d' une sentence decretale, qui avoit esté donnee contre Athanaise Evesque d' Alexandrie par ses mal-vueillans, à la suscitation & pourchas de l' Empereur Constance, qui estoit Arien, recite que cest Empereur desira sur toutes choses que ceste sentence fut signee de Libere, qui lors siegeoit à Rome: Le passage estant de telle substance. Combien que cest Empereur eust attaint au dessus de son entreprise, & qu' il ne doutast point qu' Athanaise ne fust destitué de son Evesché, toutesfois pour l' authorité que tenoient lors les Evesques de Rome, il eust grandement desiré que Libere souz-signé avecques les autres Evesques contre luy. 

Ce qui fit passer condemnation plus facile à l' Evesque d' Alexandrie, en faveur de l' Evesque de Rome (j' useray de ce mot maintenant, en attendant l' occasion selon l' ordre des temps que je le nommeray Pape tout à faict) ce fut la desunion qui se trouva entre les Eglises du Levant. Deslors mesmes que l' Eglise commença de n' être plus affligee, par la puissance seculiere, elle s' affligea d' elle mesme. Il y avoit un Prestre dans la ville d' Alexandrie, nommé Arius, qui avoit esté degradé de l' ordre de Prestrise, lequel indigné de ce rebut, commença de se faire chef de part. Et de fait, il sema une grande zizanie en Egypte, sur le mystere de la Trinité, dont depuis sourdirent grands troubles, partialitez, & divisions en la Religion Chrestienne, speciallement entre les Eglises du Levant. Presque en ceste mesme saison, Donat remua une autre nouvelle erreur, qui partialisa tous les Afriquains, s' estans ces premiers & seconds heretiques tellement authorisez, qu' ils avoient leurs Evesques à part, les uns Ariens, les autres Donatistes. Il seroit impossible de dire quelle desolation il en vint: par ce que les Evesques está (estan, estant) divisez en sectes, se forgeans Concils sur Concils, & defaisans par un Concil ce qui avoit esté arresté par l' autre, la vraye definition de la foy s' esvanouit presque entr' eux. Et qui est encores un plus grand malheur, pendant que les Prelats n' avoient autres desseins que de ruiner leurs adversaires, au lieu de s' estudier à une reconciliation Chrestienne, & que le Catholic estoit excommunié par l' Arien, & cestuy-cy par le Catholic, division qui continua par une tres-longue traite de temps: Mahommet se meit aux aguets, & sur ce seul divorce, prit argument d' envahir sur nous la plus grande partie de nostre Chrestienté, & des deux Religions en forma une troisiesme, de plus pernicieux effect, & consequence que n' estoit l' Arianisme.

Pendant ces divisions, toutainsi que durant les tribulations premieres de nostre Religion, tous les Evesques de Rome furent martyrs, aussi est-ce un autre poinct tres-grandement loüable, qu' il ne se trouva jamais aucun d' eux, lequel parmy ces dissensions Ecclesiastiques, fut infecté ny de l' heresie Arienne ny de celle des Donatistes, ains demourerent perpetuellement en leur ancienne Religion fermes & stables, ainsi qu' un roch au milieu des vagues. D' avantage lors que les Evesques Catholiques du Levant, ou d' Afrique, contre lesquels on ioüoit à boute hors, estoient exterminez de leurs sieges par les heretiques, ils n' avoient autre plus seur refuge, que par devers l' Evesque de Rome, lequel leur estoit comme leur dernier & souverain port de salut. Or entre les villes qui en furent les plus affligees, ce fut celle d' Alexandrie, où l' heresie d' Arius avoit pris son commencement, en laquelle neantmoins y eut de vertueux Evesques, comme Alexandre, Athanaise, & autres qui porterent vaillamment les chocs, & efforts des ennemis de la foy. Si n' y peurent-ils si bien resister, qu'ls ne fussent tantost bannis de leurs Eglises, tantost restablis, puis chassez comme devant, selon que le bras seculier favorisoit plus ou moins le party Catholic.

La ville de Rome estant la plus asseuree retraitte de tous ces Evesques, comme celle, en laquelle n' estoit ceste des-union: au contraire la ville d' Alexandrie estant combatue de ces flots, cela petit à petit fit choir l' Evesque d' Alexandrie d' un degré, lequel au Concil de Nice s' estoit voulu aucunement apparier à l' autre: & à vray dire, la decroissance de l' un, fut l' augmentation de l' autre. A maniere que de là enavant vous trouverez la grandeur de l' Evesque de Rome beaucoup plus recogneuë qu' elle n' estoit auparavant. De là vient qu' Athanaise est accusé devant Jules Pape, qui donne assignation aux parties pour comparoir devant luy à Rome. Aussi commencerent les Catholics au Levant de faire grand rapport de luy encontre les Ariens. Pour ceste cause ne voulurent-ils point soubsigner les Decrets du Concil tenu à Arimini, par ce entre autres choses que l' Evesque de Rome n' y avoit presté consentement & assistance. Et Socrate historien Ecclesiastique, pour montrer qu' un Concil, qui avoit esté tenu en Anthioche sous l' authorité d' Eusebe Evesque de Nicomedie, lequel avoit grand credit pres de l' Empereur Constance, ne devoit être aprouvé par l' Eglise: Mais a ce Concil (dit-il, au livre I. de son histoire) ne se trouva Jules Evesque de la grande Rome, ny aucun Legat de sa part, combien que la reigle Ecclesiastique commande qu' il ne faille celebrer les Concils outre sa volonté, & sentence. En cas semblable Sosomene au livre troisiesme, dit qu' il y avoit une loy generale en l' Eglise, qui vouloit tous actes estre anullez, qui s' estoient passez au deceu de l' Evesque de Rome. Et le mesme autheur racontant peu apres, qu' Athanaise avoit esté contrainct de se retirer à Rome par la calomnie de ses ennemis, comme pareillement Paul Evesque de Constantinople, Marcel Evesque d' Aurice, Asclepas Evesque de Gaze, nous enseigne que Jules Evesque de Rome ayant entendu les accusateurs des uns, & des autres, & cognoissant que tous ces Evesques fuitifs simbolisoient unanimement au Concil de Nice, les receut tous en sa communion, comme ayant soin d' eux. Et ce à cause de la dignité speciale de son siege (faict-il) & à chacun d' eux rendit son Eglise. Accusant par lettres les Evesques Orientaux de ce qu' à tort ils avoient chassé ces preud'hommes de leurs Eglises, mesmes qu' ils observoient les Decrets du Concil de Nice, & enjoignit à quelques uns d' entr' eux de comparoir par devant luy, pour leur monstrer que le jugement par luy prononcé, estoit juste. Les menaçant au surplus de ses censures s' ils ne vouloient se deporter de tels troubles & novalitez. A quoy les Evesques Ariens firent responce qu' ils recognoissoient l' Eglise Romaine tres-liberale envers tous, comme celle qui tousjours avoit vescu apostoliquement, & qui de tout temps & ancienneté avoit esté destinee mere de pieté: toutesfois qu' il ne les falloit point postposer à elle pour n' avoir ny tant ny de si grandes Eglises, comme elle, veu qu' ils ne luy cedoient nullement en qualité. Desquelles choses l' on peut recueillir que les Catholics portoient lors l' Evesque de Rome sur leurs espaules, pour faire teste aux Ariens: & qu' à l' opposite les Ariens s' en defendoient comme ils entendoient. Car peu après ce mesme autheur nous tesmoigne que les Evesques Orientaux scismatiques excommunierent l' Evesque de Rome, par ce qu' il avoit receu en sa communion Athanaise: & toutesfois que la sentence de l' Evesque de Rome fut de tel poids, que par le moyen d' icelle, Athanaise & Paul r' entrerent dans leurs Eveschez. Et depuis ayant esté Athanaise suivy par les ennemis, & s' estant rendu fuitif à Rome, Jules blasma rigoureusement ceux, qui contre son sceu s' estoient assemblez dans la ville d' Antioche, veu qu' ils sçavoient, ou devoient sçavoir que les saincts Canons defendoient de decreter rien aux Concils, sans son consentement & authorité. Qui est pour revenir à ce que Socrate avoit dit comme cestuy-cy.

Ainsi croissoit de jour en jour à veuë d' œil l' authorité du sainct Siege, luy ayant l' Evesque d' Alexandrie en toutes choses cedé: & neantmoins belle fut la contention de ces deux sieges, par ce que ce qui avoit en ceste façon, authorisé l' Alexandrin entre les autres, estoit que deslors de l' advenement de S. Marc, premier Evesque d' Alexandrie, tousjours avoit esté ceste Eglise autant bien edifiee en bonnes & sainctes institutions, que nulle autre. Et de faict, en icelle furent premierement introduicts les precepteurs, & maistres d' escoles, & nourris aux despens de l' Eglise. Pareillement en ceste ville se poussa une pepiniere de gens Religieux & devots, dont depuis sourdirent les Ordres des Monasteres & Religions, qui entreprindrent d' introduire entre eux une forme de gouvernement, à l' instar de la Republique, qui fut du commencement entre les Apostres. Et vrayement ceste dispute estoit honorable. Par ce que ces deux grands Evesques picquez d' une belle & saincte ambition, ioüoient chacun à qui mieux mieux, l' un pour être collateral, & l' autre pour n' avoir point de compaignon & pareil. Ce que je deduiray maintenant à quelque peu plus de l' homme. 

J' ay dict cy dessus que plus les villes estoient grandes, plus y estoient grands les Evesques, soit que la grandeur & authorité des lieux en fust cause, ou bien que la necessité leur apprit d' y commettre gens, non seulement nourris aux affaires de l' Eglise, ains du monde, lesquels estans tels, gaignoient avec le temps de grands advantages sur les autres. Je trouve sur le declin de l' Empire trois villes, qui devindrent fort grandes par le remuement de menage que fit Constantin de la ville de Rome en Grece: Constantinople, Milan, & Ravenne. Constantinople, pour autant que les Empereurs y establirent leur principal sejour: Milan, par ce que quand l' on trouvoit deux Empereurs fraternisans, dont l' un prit la protection du Levant, l' autre, celle de l' Occident, celuy qui s' habituoit en Italie sejournoit ordinairement à Milan, ou bien passoit les monts pour venir demourer aux Gaules: Ravenne, d' autant que les nations Barbares s' estans desbordees contre l' Empire, & les Ostrogots faits maistres de l' Italie, Theodoric leur premier Roy y constitua sa demeure: & depuis estant ceste nation chassee, & l' Italie commençant d' être gouvernee par un gouverneur, qu' ils appellerent Exarque, il choisit son habitation en la mesme ville. Cela fut cause que les Evesques qui presidoient en ces trois villes, voulurent aussi faire leur profit de l' amplitude & dignité de leurs sejours. Et tout ainsi que leurs villes chacune à leur tour, avoient precedé en superiorité temporelle, aussi soustenoient-ils chacun en leur endroict, le Constantinopolitain devoir precede, ou pour le moins s' apparier avec celuy de Rome, & les deux autres, de ne le recognoistre pour superieur, ains estre francs & exempts de la puissance spirituelle. Voyez je vous prie comme la diversité des siecles apporta diversité de mœurs & d' humeurs. Lors que l' Evesque Alexandrin vouloit estre conservé en sa grandeur, c' estoit en consideration de sa longue ancienneté, & maintenant ces trois villes cy vouloient être authorisees pour leur nouveauté. 

Grande & ambitieuse fut la contention de l' Evesque de Constantinople contre le Romain. Celuy là alleguoit la Noblesse de sa ville, pour avoir esté tousjours illustree de la presence de l' Empereur. Que de toutes les villes de l' Empire cette cy se pouvoit dire vrayement Chrestienne: Par ce que deslors que Constantin y avoit planté, & son nom, & son siege, à l' instant mesmes y avoit-il aussi planté la foy & la Religion Chrestienne. Et ne pouvoit-on depuis remarquer temps, sous lequel on eust faict exercice de l' idolatrie, fors quelques mois sous Julian l' Apostat: mais soudain s' estoit cela, par la mort de luy, evanouy en fumee. Soustenant pour ces considerations l' Evesque de Constantinople, qu' il devoit preceder, ou à tout le moins esgaler en tout & par tout, l' Evesque de Rome. Toutes fois contre tout cecy le Romain avoit grandes defences: l' authorité de sainct Pierre entre les Apostres, duquel il estoit successeur, la reverence des saincts Peres de Rome, qui tous avoient esté exposez à mort pour le soustenement du nom de leur maistre, la continuation de leurs successeurs en leur foy sans varier, lors des scismes & divisions de l' Eglise, les preeminences qui luy avoient esté accordees tant au Concil de Nice, qu' autres: & à peu dire, combien que la ville de Constantinople fust reparee de la presence de l' Empereur, si est-ce que la seule memoire de la grandeur ancienne de Rome (bien qu' elle fust lors comme ville-gaste) effaçoit la dignité de ceste ville nouvelle. Aussi voyons nous infinis passages dans les anciens, ausquels parlans de la ville de Rome, ils l' appelloient urbem aeternam, parole qui sortit de la bouche des Payens mesmes, comme si Dieu eust voulu par leur organe predire une autre nouvelle grandeur qu' elle couuoit dans son sein, telle que nous avons depuis veüe. Ce different fut terminé au Concil general de Constantinople, dessous l' Empereur Theodose, où apres avoir condamné l' heresie de Macedonius, il fut arresté que la premiere seance appartenoit à l' Evesque de Rome. Et combien qu' auparavant apres luy, eut lieu l' Evesque d' Alexandrie, puis d' Antioche, puis de Hierusalem, toutesfois il fut ordonné qu' immediatement, apres le Romain, seroit l' Evesque de Constantinople, les trois autres descheans par ce moyen chacun en leur endroict, d' un degré. Cela fut cause que depuis Sozomene, Evagre, & autres autheurs Ecclesiastics parlans de ces cinq sieges, comme des chefs de la Chrestienté, ils suivent tousjours ce mesme ordre d' Evesque de Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche, & Hierusalem. Concil que l' on ne peut dire sans calomnie, n' avoir esté tres-sainct & tres-juste en ce jugement, de tant que l' Evesque de Rome n' y estoit, ny autre pour luy, par l' entremise duquel il eust peu sous main se conserver ceste authorité. Et neantmoins fut ceste primauté confirmee sans contredict par le commun suffrage de 15. Evesques qui y assisterent, comme aussi fut elle ratifiee par l' Empereur Justinian, en sa cent trente & uniesme nouvelle constitution. Grande pitié: l' ambition en cecy fut telle, que les Grecs pour gratifier à leur Patriarche falsifierent ce Concil: & se trouverent quelques uns si impudens de dire, que par ce Concil le premier lieu de l' Eglise fut adjugé à l' Evesque de Constantinople, & le second à celuy de Rome.

Jusques icy tout le different de ces deux Prelats estoit sans plus de la Primauté, & non de la Principauté, & ne s' estoit encores insinué en nostre Eglise à face ouverte le tiltre d' oecumenique, ou universel. Voicy à mon jugement, qui en donna l' ouverture. En ce Concil de Constantinople furent arrestez des degrez Ecclesiastics entre les Prelats, & à ceste fin trouvez nouveaux mots, peu, ou point usitez au precedent. Car au lieu où l' ancienneté respectoit par honneur ces cinq grands sieges, on commença depuis ce Concil à les honorer par police. Car si nous croyons Nicephore, l' on ordonna lors les ordres de Patriarchats, Archeveschez, & Eveschez, c' est à sçavoir que ces cinq grands sieges seroient erigez en Patriarchats, qui auroient sous eux divers Archeveschez, & les Archeveschez des Eveschez. Laquelle police, bien que specieuse, si ne pouvoit elle être du commencement goustee par plusieurs Eglises, craignans que ce nom venerable de Primauté, tant honoré par la primitive Eglise, se tournast en quelque extraordinaire puissance sous le nom de Principauté: & de fait, au Concil de Chartage, qui fut celebré par 217. Evesques, 30. ans apres, auquel fut condamnee l' heresie de Pelagius: entre autres articles, il fut par expres defendu aux Prelats, qui tenoient lieu de Primace, de ne s' intituler Princes des Evesques, ains seulement Primats. Toutesfois ce Decret demoura sans effect, & avec le nouveau nom de Patriarche, qui signifie Prince des Peres, nasquit aussi en l' Eglise une nouvelle puissance. Car au lieu, où auparavant on pourvoyoit aux Archeveschez & Eveschez, par l' advis des Prelats comprovinciaux, les Patriarches commencerent à se donner loy d' en ordonner comme ils trouvoient bon de faire, sans prendre autre advis que d' eux-mesmes. Ainsi lisons nous que S. Jean Chrisostome, Patriarche de Constantinople, voyant qu' il y avoit 13. Evesques en la Licie & Phrygie, qui par voye Symoniaque estoient parvenus à leurs Eveschez, les en priva de tout poinct, & en instala d' autres: voire establit Heraclide en l' Archevesché d' Ephese, & Pansophie en celle de Nicomedie, apres en avoir chassé Geronce. Et à l' exemple de luy Procle l' un de ses successeurs, le siege de Cesaree vacquant au pays de Capadoce, qui estoit l' un des premiers du Levant, & en pourveut Thalasie. Qui estoient traits, non de Primauté, ains de Principauté souveraine. De là vint que quelques uns des patriarches prindrent depuis par succession de temps le tiltre d' oecumeniques, c' est à dire universels, non que par cela ils pretendissent avoir commandement sur toutes les Eglises de l' Univers: mais bien qu' en ce qui dependoit de leurs patriarchats, ils estoient universels, je veux dire qu' ils avoient universellement autant de puissance sur tous les Archeveschez & Eveschez, comme particulierement chaque Evesque dans le destroict de son Diocese: & de fait, c' est à mon jugement errer en l' histoire, d' estimer que depuis le Concil de Constantinople, tenu soubs Theodose le grand, le patriarche de Constantinople eust opinion de donner la loy au Pape de Rome, encores qu' il se feist appeller universel, comme aussi voyons nous qu' au 6. Concil de Constantinople, tenu sous Constantin Pogonat, le Pape de Rome, & le patriarche de Constantinople, sont tous deux diversement appellez Evesques Oecumeniques & universels, dans les mandemens qui leur sont envoyez par l' Empereur. Chose qui eut esté inepte, si on ne les eust estimez universels, chacun en leur endroit dedans leurs destroits & ressorts: toutesfois a fin de n' enjamber sur l' ordre du temps, & que ceste histoire qui depuis a engendré plusieurs divorces en quelques esprits contumax, soit recogneuë de poinct en poinct & par le menu, il me semble qu' elle merite bien son chapitre particulier, pour faire reprendre haleine au lecteur.

LIVRE TROISIESME.

DES RECHERCHES

DE LA FRANCE, 

LIVRE TROISIESME. 

Encores que voulant icy discourir des affaires de nostre France, quelques uns estimeront de prime face que je m' esloigne de mon but, de traverser les montaignes, toutesfois qui repassera sommairement les grandes obligations que nostre Couronne a receu du sainct Siege Apostolic, & celles en contr' eschange que le saint Siege a receu de nous, indubitablement il jugera, que non seulement les discours que je me suis maintenant proposez, ne devoient être escoulez souz silence: mais au contraire que les escoulant, j' eusse faict tort à mon entreprise. Je dy obligations que le sainct Siege a receu de nous: car combien que toute puissance de ce bas être soit establie de Dieu, & specialement ceste cy que nous recognoissons avoir la primauté, & intendance sur nous, si est-ce que les plus grands esclairs se manifesterent par l' aide & instrument de noz Roys. Jamais principauté ne prit traict d' une origine si basse (j' entens basse quant au monde, non quant à Dieu: car elle fut bastie du commencement sur une pauvreté obstinee, sur une affliction continuë, sur un martire juré) & jamais principauté n' arriva à telle extremité de grandeur, tant en temporel, que spirituel, ayant quelquefois faict vacquer les Empires & Royaumes, quand les occasions s' y sont presentees. Et qui est chose plus esmerveillable c' est que les autres Monarchies qui ont voulu accroistre leurs frontieres, l' ont faict par les armes: au contraire ceste-cy, bien que par fois se soit desbandee aux armes, si n' est-elle en ses communes regles retenuë par la force, & violence humaine, ains par la seule parole qui procede de sa puissance absoluë. Je ne veux pas denier que de fois à autres, il n' y ait eu en cecy de l' homme plus que la dignité Ecclesiastique ne requeroit, toutesfois non seulement ne s' est l' Eglise demembree par ce defaut, lors que le chef s' est trouvé malade, mais par un mystere de Dieu admirable, ceste maladie a servy quelquefois d' edification au peuple pour le contenir en devoir. Et si avecq' tout cecy il vous plaist adjouster les obstacles, que receut du commencement ce sainct Siege, encores vous esbahirez vous d' avantage, comment il ait esté possible selon le jugement humain, qu' il soit parvenu à tel accomplissement de grandeur. Car en la premiere distribution des Evesques, le suffrage commun des Apostres tomba sur sainct Jacques dit le Juste, au premier Concil qui jamais fut tenu. D' avantage en ce grand Concil de Nice, qui fut celebré soubz l' Empereur Constantin, semble qu' il y eut un article, par lequel on luy bailla pour compagnon l' Evesque d' Alexandrie: voire que s' il vous plaist passer jusques à nous, combien que nostre Gaule ne fut jamais accusee de desobeissance contre l' Eglise (car entre autres loüanges que sainct Hierosme nous baille escrivant contre Vigilance, c' est que la Gaule n' avoit oncques produit des monstres, voulant dire qu' elle ne produisoit des heretiques) toutesfois je ne voy point soubz toute la lignee de Clovis, que ceste superiorité, & primace fust recogneuë absolument, de la façon que nous avons depuis faict, ains se passoient les choses par Synodes Provinciaux és affaires, où l' authorité du sainct Siege a depuis esté requise: Et noz Roys mesmes avoient bonne part à toutes les Constitutions Ecclesiastiques, ainsi qu' il sera deduit en son lieu. Ce neantmoins chacun sçait la parole qui avoit esté donnee à sainct Pierre, quand nostre Sauveur Jesus Christ luy promeit de bastir sur luy son Eglise, & qu' il luy donnoit les clefs des Cieux. C' est luy qui fut le premier mandé, luy, le dernier commandé par nostre Seigneur montant au Ciel, de bien gouverner ses oüailles, luy auquel d' ordinaire il adresse en particulier sa parole, au millieu de tous ses Apostres, luy qui en contr' eschange se donne la liberté de l' interroger, pendant que les autres se taifent, & quelquefois de le dedire par une abondance de zele: luy, di-je, qui en tous les actes solemnels de son maistre, y est expressement par luy appellé, & sans y être appellé, s' y trouve. Et combien qu' il y ait de fois à autres, & en ses demandes, & en ses actions, quelque fragilité, comme celuy sur lequel nostre Seigneur n' avoit encores espandu les rayons de son sainct Esprit, par le merite de sa passion, si est-ce que non seulement il ne voulut tourner cela au scandale, mais au contraire à l' edification generale de nous tous. C' est pourquoy on ne fit jamais de doute que de la chaire de S. Pierre, despendoit l' union de nostre Eglise universelle. Ains l' aprenons nous de S. Frenee au livre second encontre les heretiques, de Tertulian en son traité contre les Gnostigies, de S. Cyprian en l' Epistre de l' unité de l' Eglise, & en une autre à Jubaïan, de S. Hierosme au livre premier contre Jovinian, en une Epistre à Damase Evesque de Rome de sainct Augustin en l' Epistre cent soixante cinquiesme, & de S. Ambroise escrivant à Sirice Pape, & encores sur le vingtdeuxiesme chapitre de sainct Luc. Mesmes combien que sainct Jacques, eust esté esleu pour presider sur l' Eglise de Hierusalem, si est-ce que pour *cela la surintendance & Primace generale de sainct Pierre entre les Apostres, ne luy feust ostee. Comme de faict en ce premier conseil par moy cy-dessus touché, c' est luy qui ouvre le pas, luy qui fait les propositions, luy qui les resoult, en cela suivy par S. Jacques, & tous les autres Apostres. Et neantmoins toutes ces particularitez n' empescherent pas, que ceste grande Superiorité ne feust quelque temps traversee en ses successeurs. Tellement que quand je voy les longueurs qui se sont trouvees depuis à l' advancement, & progrés de ceste grande dignité, & neantmoins que l' arrest de Dieu ne pouvoit être menteur, je ne puis que je ne la compare presque à la nativité & suitte qui se trouve en la propagation de nous autres. Car tout ainsi que Dieu ayant procreé l' homme à son image, luy donna toutes prerogatives sur tous les autres animaux, & qu' à ceste cause, nature comme grandement empeschee en l' Architecture d' un si grand & laborieux bastiment, esleve ce petit corps avec une infinité de difficultez, lesquelles ne se rencontrent en toutes les autres creatures terrestres: Aussi Dieu voulant authoriser ce sainct Siege de grandes preéminences, pardessus les autres, cela ne devoit être faict qu' avecques longues racines, lesquelles petit à petit ont jetté & espandu leurs effects, de la façon que nous avons veu. Et comme ainsi soit que les choses, qui ont esté preordonnees par un jugement tres-certain de Dieu, ont toutesfois leurs heurts & rencontres fluctuantes & incertaines, ainsi qu' il plaist à sa majesté qu' elles s' acheminent à leur effect determiné: Aussi puis-je dire qu' au present discours si l' on y voit quelques traverses (comme il est malaisé qu' en racontant les histoires des hommes, il ne se trouve en eux passions, & quelquesfois des-mesurees.) Si protesté-je ne le faire en intention de vilipender la grandeur de celuy, que nous avons tousjours recogneu, & recognoissons pour le chef de l' Eglise: ains parce que la necessité de l' histoire me le commande, & que ce sont mesmes fautes à celuy qui descrit l' ancienneté, de pallier un mensonge, comme de taire une verité. Et de ma part, j' estime que combien que la vertu des premiers peres de Romme ait grandement servy pour l' accomplissement, & augmentation de ce Siege, toutesfois les vices, qui se sont depuis trouvez aux uns, & aux autres Papes, n' en ont en riens diminué l' authorité. Voila pourquoy je supplieray tout homme, qui se donnera le loisir de lire ce Troisiesme livre, d' y apporter mesme candeur, tondeur, & syncerité que je fais. 

La maña de la mañica. Sainete de costumbres aragonesas. Chapurriau, retacía, mosto, arrope

ARNICHES, ABATI Y G.a MARÍN


La maña de la mañica

SAINETE
de costumbres aragonesas, 
en un acto, original y en prosa.

COPYRIGHT, BY C. ARNICHES Y J. ABATI, 1921
(N. E. Carlos Arniches Barrera, 1866 - 16-04-1943. 
El 16-04-2023 se cumplen 80 años de su muerte.

La maña de la mañica  SAINETE de costumbres aragonesas,  en un acto, original y en prosa.

Carlos Arniches Barrera, 1866 - 16-04-1943


Joaquín Abati Díaz, 1865 - 30/7/1936

Joaquín Abati Díaz, 1865 - 30/7/1936

)

SOCIEDAD DE AUTORES ESPAÑOLES 
Calle del Prado, núm. 24. 
1921

JUNTA DELEGADA DEL TESORO ARTÍSTICO 
Libros depositados en la Biblioteca Nacional 
Procedencia
N.° de la procedencia 

LA MAÑA DE LA MAÑICA 

Esta obra es propiedad de sus autores, y nadie podrá, sin su permiso, reimprimirla ni representarla en España ni en los países con los cuales se hayan celebrado, o se celebren en adelante, tratados internacionales de propiedad literaria.
Los autores se reservan el derecho de traducción.
Los comisionados y representantes de la Sociedad de Autores Españoles son los encargados exclusivamente de conceder o negar el permiso de representación y del cobro de los derechos de propiedad. 
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Droits de representation, de traduction et de reproduction réservés pour tous les pays, y compris la Suede, la Norvège et la Hollande.

Queda hecho el depósito que marca la ley.


La maña de la mañica 

SAINETE
DE COSTUMBRES ARAGONESAS 
EN UN ACTO Y EN PROSA
ORIGINAL DE
Arniches, Abati y G.a Marín 
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Estrenado en el teatro Reina Victoria Eugenia de San Sebastián el día 11 de Septiembre de 1920. 
Reestrenado en el teatro Eslava de Madrid el día 10 de Febrero de 1921.
 
MADRID
IMPRENTA DE LA CORRESPONDENCIA MILITAR
Pasaje de la Alhambra, 1
TELÉFONO 18-40
1921 


REPARTO
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EN MADRID

PERSONAJES ACTORES

VALENTINA.  Catalina Bárcena.
MARÍA. Ana. M. Quijada.
PILARA. Rafaela Satorres.
ANTÓN. Manuel Collado.
EL TÍO CAVILA. Luis Pérez de León.
SERAFÍN. Manuel París.
GALÁN. Florián Rey.
MOSEN JACINTO.   Juan Martínez Baena.

EN SAN SEBASTIÁN

VALENTINA.  Catalina Bárcena.
MARÍA. Ana. M. Quijada.
PILARA. Rafaela Satorres.
ANTÓN. Manuel Collado.
EL TÍO CAVILA. Luis Pérez de León.
SERAFÍN. Manuel París.
GALÁN. Luis Peña.
MOSEN JACINTO.   Juan Martínez Baena.


Lugar de la acción, un pueblo de la provincia de Zaragoza. Época actual. 

Derecha e izquierda, del actor.
ACTO ÚNICO
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Decoración. Habitación en casa de labradores, con hogar bajo de pueblo. Muebles adecuados. Al foro, una reja y puerta de entrada. Ambas dan a la calle. A la derecha, puerta que conduce al corral. A la izquierda y a los lados del hogar, dos puertas de habitaciones. Es de día. 

Escena primera 


VALENTINA y MARÍA. La primera atiza y avienta con un soplillo la lumbre del hogar. 
(N. E: Se sustituye Valent. por Valentina)
Valentina. (Impaciente.) ¡Pos hija... esta leñica!... ¡Bendito, qué leña! Por supuesto, que ella podrá no arder, pero lo que es quemar la sangre... 
Si así hubiá sido la de San Lorenzo, aún estaría el probe en las parrillas. (Sopla y zarandea en enfadada.) ¡Vaya una fogata!

María. A la leña verde le pasa lo que a vusotras las mozas, que en tomando una terquedá hay que atizaros mucho pa que deis chispas.

Valentina. (Dándole trastazos a la lumbre.) ¡Ya me carga a mí esto hasta el cogote!

María. ¡Amos, no seas así! ¡Sacas el mesmo genio que tu padre!

Valentina. ¿Pos qué genio quié usté que saque...? Y luego, que el que a los suyos parece... (Avienta la lumbre con furia.)

María. A más, que con esas ventoleras no se alanta na... En este mundo endiablao, pa lograr cualquier cosa tié que ser a pizcas... soplico a soplico... 

Valentina. Algo ha dicho usté ahora, madre... ¡Es verdad!... Por eso dicen aquello de "poco a poco hilaba la vieja el copo"... ¡Soplico a soplico!... 
María. Se pué armar un incendio. ¿Pos no lo ves, tonta? Al echale el soplo s’  agacha la llama, pero a seguida revive con más juerza. 

Valentina. Sí, sí... es la verdá... (Avienta la llama pausadamente.) 
Mire usté... poquico a poquico... al prencipio s’ agacha mortecina y a seguida salta y revive con más juerza... ¡Algo s’ aprende!

María. ¡Algo s’ aprende! ¿Qué quiés decir con eso? 
Valentina. Naa... naa... Yo ya me entiendo. Pué que esto me sirva a mí pa lo de... y pa lograr que... en cuanto vean que...

María. Tú ya ti intenderás, pero el diablo que ti intienda (Vase por la izquierda.) 


Escena II 

VALENTINA, en seguida PILARA por el fondo. 

Valentina. ¡Y bien que me entenderá!... ¡Miá aquí estas flores!... ¡Vaya una ocurrencia que tuvo el padre! ¡Cuánto mejor estaban con la Virgen! ¡Y tan majicas que son! Así juntas, entre el clavel, la rosa y las violetas, paicen una familia encariñadica. (Sacando un cardo de entre las flores.) ¡Pero miá este cardo, que s’ ha metido entremedias!... ¿Quién habrá 
puesto aquí esto?... ¡Cardos a mí!... Sí, sí... ¡Hala... a punchar a la calle! (Va a tirarlo por la ventana a tiempo que entra Pilara.)

Pilara. (Entrando.) Chacha, ¿qué haces? 

Valentina. ¿Qué tengo d’ hacer? Tirando a la calle un sinvergüenza de cardo que he encontrao entre las flores.

Pilara. Y mu rebién hecho que está. Pero anda, que otro cardo que s’ ha metido entre vusotros, quisiá yo que echaras más lejos aún que ese.

Valentina. Déjate, que lo hi de echar... que ya ti intiendo... soplico a soplico... güeno, ¿y tú a qué vienes, si no es mal preguntao?

Pilara. Pos yo venía a ver si tu madre me prestaba media librica d’ aceite del fino, pa hacele a mi Robustiano una (unas) sopicas d’ ajo, que hoy es 
el primer día que se levanta de las calenturas.

Valentina. Aceite no sé si quedará, pero si te es lo mismo vinagre...

Pilara. No: a hacele gazpacho no mi atrevo.

Valentina. Güeno, pos déjate, que ya escurriremos. (Busca entre unas botellas.) 

Pilara. Y dime, chacha, aunque no he venido de preguntona, ni muchismo menos, no te fegures... me acaban de contar que hoy viene el tío Cavila a pedir tu mano pa su pupilo Serafín. ¿Es verdá eso?

Valentina. Así paice.

Pilara. ¿Y tú qué vas a icir?

Valentina. ¿Y qué quiés que diga? Ya conoces a mi padre, que en diciendo que dice que mete la cabeza por un lao, aunque sea en una colmena.

Pilara. Ya lo sé, ya... Pero entonces, ¿qué vas a hacer de Galán, que está el probe que se estozuela por tus piazos?

Valentina. No lo sé; pero yo lo que es dejar a Galán, te digo que no lo dejo, porque mi padre tendrá la cabeza dura, pero esto (Indicando la suya.) es puro adoquín.

Pilara. ¿Y tiés pensada alguna cosa pa...? 

Valentina. Tengo, tengo pensau... entre lo que sale de mi natural celebro y algo que mi madre m’ ha dicho hace un momento... ¡Vaya, que yo me
salgo con la mía! Y ese matraco de Serafín se va a tener que marchar más corriendo que una liebre.

Pilara. ¡Miá que tú casada con ese tontainazo!

Valentina. ¡Primero mi aspan! A Galán me tengo aficionada de güena inclinación, y ya puen venir padres... y ya puen venir madres... que ni el Moncayo que me se echara encima.

Pilara. Mu bien hecho. ¡Tú eres una mujer!

Valentina. Eso me creo.

Pilara. Pos si de algo te sirvo...

Valentina. Agradecida. Y aquí tiés el aceite que he podido escurrir. 
(Se lo da.) 

Pilara. Dios te lo pague; y que sea lo tuyo, chacha.

Valentina. Déjate, que con maña... y soplico a soplico...

Pilara. Adiós. (Vase por el foro.)

Valentina. (Abriendo una alhacena.) Con una miaja de calma y dos miajas de habilidá... ¡Ya verás! ¡Yo pa ese piazo e queso!... Ni en soñación... ¡Calla, mi madre!... (Canta y saca de la alhacena una botella de anís, una copa y una torta.) 


Escena III.

VALENTINA y MARÍA. 

María. (Entrando.) ¿Mi hi dejao po aquí las tijeras?
Valentina. No las hi visto. 
María. Pero tú, ¿qué estás sacando de ahí?
Valentina. ¿Qué tengo de sacar? ¿No lo ve? Preparale el aguardiente al padre.  
María. ¡Pero maña! ¿No sabes lo que dijo anoche el médico, que el aguardiente le quemaba los higádos y que no bebiera ni gota?...
Valentina. Pos por eso mesmamente, pa que no lo beba se lo pongo.
María. Amos, no digas tontadas y quita eso d’ ahí. 
Valentina. Yo ya sé lo qui mi hago con el padre. Verá usté como ni lo preba.


Escena IV 

DICHOS y ANTÓN por la izquierda. Sale con una faja muy larga en la mano. Se dispone a arrollársela al cuerpo.

Antón. (A María.) ¿Quiés teneme un poquico pa la faja? 
María. Dame el cabo y a rodar.
Antón. (Dando vueltas y liándose la faja.) Gracias, maña. (Al acabar el enrollado se abraza a su mujer.)
María. Hombre... que está la chica...
Antón. Si es que mi hi mareau con las güeltas. (A Valentina.) ¿Y tú qué haces, mañica? 
Valentina. Pos servile a usté el anís pa que se lo beba ahora mesmo.
Antón. ¿Ahora mesmo?
Valentina. Ahora mesmo.

María. Y yo le hicía que maldita la falta que te hace el aguardiente, que ya oíste anoche a don Fabián, que a tú el aguardiente, alcanforao y en friegas. 
Antón. Pos eso sí que no me convence a mí, porque mira, las friegas ¿pa qué son? Pa que entre el aguardiente por drento de la piel... pos mejor entra de un trago y te ahorras el fregau... que luego, el aguardiente ya se irá onde haga falta.

Valentina. Pos claro; hala, hala, sópleselo usté y menos parloteos. Hala. 

Antón. Güeno, güeno, no lo digas tan juerte, que a mí con humos, ¡ni la gloria! 

Valentina. ¡Hala, hala! ¿Qué humos ni qué berenjenas? Beba y rematau.

Antón. ¿Ah, sí?...

Valentina. Sí, señor. 

Antón. ¿Y si no me da la gana?

Valentina. Hale, hale; déjese de tontadas y a bebelo, que dispués que m’ hi tomao yo el trebajo... no se va a quedar ahí.
Antón. Pos ya has dicho lo bastante pa que no te salgas con la tuya, ea... Y ahura no me lo bebo, sólo pa date en la cabeza. (Valentina mira a su madre con picardía.) ¡Vaya con la cría! ¡A güen lau vienes!...
Valentina. Hija, tamién, qué genio.
Antón. ¡Como que aquí no hay más genio que el mío! Ya lo sabes. Y a llevase el aguardiente... y hemos callau. ¡Pos hombre!... ¡No rispetar ni a los padres!... 
Valentina. Pero, ¿ni un sorbico?
Antón. Ni lamer el corcho... ¡A llevate eso!...
Valentina. Voy, voy. (Lo guarda rápidamente y como asustada.)
María. (¡Lo que sabe esta mañica!) (Antón enciende un cigarrillo, que saca hecho, cebando la mecha con un pedrusco y un eslabón de a libra, 
a bárbaros golpes.) ¡Virgen! ¡Qué mal güele esa mecha!
Valentina. Ya, ya... ¡Qué peste!
Antón. Pos a goler aprisica.
María. ¿Pa qué?
Antón. Pa que se gaste antes la ulor, porque yo no la cambio, y me queda vara y media. (Enseñando la yesca. Al fumar tose fuertemente.) 
¡Dios con la tosecica!... Maña, sácame una pildóra.
Valentina. ¿Las pastillas del médico, verdá?... 
Antón. No, siñor; una pildóra de esas que mandó el veterinario.
María. Pero Antón...
Antón. Que te digo que mi intiende mejor que don Fabián. Acordase del año pasau, cuando caímos malos el burro y yo de la mesma enfermedá y seguimos el mesmo tratamiento. Pos el burro se murió el angelico, y yo tan tieso. Y es que mi naturaleza me la intienden mejor los veterinarios.
Valentina. Pero tome usté la pastilla, que sabe más bien.
Antón. La pildóra, recontra, y no me repliques, que te has güelto más porfiada que mosca en coronilla e calvo
Valentina. Pos anda, que usté!... ¡Hay que ver lo tozudo! (Le da la píldora.) 
Antón. (A María) ¿Onde anda Celipe?
Valentina. A regar el panicico se ha ido ahora mesmo. 
María. Ya sabes que hoy nos toca el agua.
Antón. Es verdá (.) Pos yo no puedo ayudale, que tengo que ir a la zuquerería a encargar unas confituras. 
María. ¿Pero no t’ acuerdas que tién que venir el tío Cavila y Serafín a pedite la mano de la chica drento de un ratico?
Antón. ¡Miá, pos es verdá! ¿Y qué hora es?
María. Tú sabrás.
Antón. ¿Onde está el reló?
María. ¿Onde te lo dejaste anoche? 
Valentina. Toma, si supiera onde se lo dejó, no le calía buscalo mucho.
Antón. ¡Callar!... Por aquí si oye... (Escuchando.)
María. Pos no se ve.
Antón. (Que aguzando el oído escucha en otro sitio.)
Contra ... Pos agora se oye por aquí... 
Valentina. ¡Idiós!... ¿Pos qué brujería es ésta?... 
Antón. ¡Callase, que me paice que me lo oigo en el cuerpo!... ¿No oís un tacatá, tacatá?... 
Valentina. ¿A ver?... (Le ausculta. De pronto le da un palmotazo en la panza.) ¡Aquí está el condenau! 
Antón. ¡Claro! ¿Y cómo lo iba yo a encontrar, llevándolo encima? (Sacándolo del bolsillo.) 
María. Güeno, ¿y qué hora es? 
Antón. (Consultando el reloj que ha sacado.) Las ocho y media... y un cachico.
Valentina. ¿Pero cuánto cacho?
Antón. Pos... como de un tamaño... que ya no me da tiempo de salir de casa. 
Valentina. (Fingiendo alegría.) Eso, eso... no se vaya, padre, no sea que venga el tío Cavila con Serafín y no lo encuentre a usté.
Antón. ¡Qué! ¿Estás mu enamoraíca de ese esastrau?
Valentina. (Fingiendo entusiasmo.) ¡Lo quiero, que ni usté ni naide me podrían quitar este querer del corazón!
Antón. (Picado.) Mujer... ¡eso!... 
Valentina. ¡Ni usté ni naide!
Antón. Ni naide, güeno; pero en lo que a mí toca... 
María. Hombre, más vale que sea así, porque al fin y al cabo va a ser su marido... 
Antón. Sí, sí... pero es que lo ice con una altanería...
Valentina. ¡Qué altanería ni qué cachiporra! Como le sale a una de adrento y na más.
María. Escucha. Antón; ¿a quién buscaría yo pa que partiera una miajica e leña pal horno, no me se vaya a enfriar la masada?
Antón. Echale una voz po el corral al tío Roque, que te mande al mozo.
María. Más valdrá. (Vase por la puerta del corral.)

Escena V
VALENTINA y ANTÓN 

Antón. Güeno, y tú, mañica, a ver cómo te portas ahura cuando venga el tío Cavila con tu novio. 

Valentina. ¿Cómo voy a portame si ya l' hi dicho a usté que ciego por Serafín? Y no es que me se importe que sea mozo rico, y tenga el bolso bien recatau, no siñor; es que limosna que tuviá qu ’ir a pedir con él, m’ iba a pedila por esos caminos de Dios... Que yo no sé qué m’ ha dao ese mozo pa trastorname de esta manera.
Antón. ¡Chacha, me dejas como de estuco!... Que en jamás de la vida podía yo pensame que el puñalico te hubiá llegao tan adrento, porque, vamos... el mozo... como guapo no es pa denguna isposición.
Valentina. Pero es tan salau, que hace usté así y da sed: (Acción de pasarle el dedo y chuparlo.) 
Antón. Sí; pero tiene unos ojos que paicen dos pirdigones de pequeñicos. 
Valentina. Pero los dispara con una puntería, que aquí tengo clavaos los dos pirdigoncicos.
Antón. ¡Chacha! Cómo me alegras, porque yo estaba en que no lo querías cuasi cuasi.
Valentina. Los güenos quereres, cuanto más callaicos, más firmes son. ¡Vaya si lo quiero, padre! ¡Tanto lo quiero, que ya le icía yo a usté antes... que usté, con ser usté, que es mi padre, que es lo más grande y lo más pesao que hay... pos me había usté de icir que no lo quisiera, y con él me tenía que casar, por encima de usté y de to el mundo...
Antón. Mujer... eso... (Casi gritando y golpeando el suelo con el pie.) ¡Repacho! Porque me lo ices de una manera... que yo quiero... pero, ¡amos!... que si yo no quisiera...
Antón. Si usté quiere, de Serafín tengo que ser, y si usté no quiere, de Serafín mesmamente. Esto no tiene remedio, padre, y s’ ha rematau,
que siendo gustosos los dos, ¿a qué peleanos?
Antón. Dirás gustosos los tres... porque yo... claro que quiero, pero amos... (Ridiez, que me carga a mí tanta cabezonería ... y que aunque yo no quisiera... aunque yo no quiera... ¡Pos si yo no quisiera!...)


Escena VI
DICHOS y MARÍA por la izquierda. 

María. (Entrando.) Ice el tío Roque que a seguida va a venir un mozo a partime la leña.
Antón. ¿Pero no te ha dicho cuál? 
María. No mi ha dicho. 
Antón. ¡A ver si se encaja aquí Galán con esa excusa!
Valentina. ¡No lo quiá Dios!... ¡Vaya un piazo e bruto!
María. Hija, ¡tú tamién! ¡Qué palabricas gastas!...
Valentina. ¿Pos pa qué me echaba encima la mula en la fuente antiayer, que estuvo cerca e media hora que no me dejaba llenar la botija?
Antón. Ah, pero ¿te juguetiaba?
Valentina. Me juguetiaba y me icía unas cosas... porque ese es más bruto que el cospillo. ¡Con dicile a usté que cuando va a la iglesia se persina de abajo arriba!
Antón. A tanto no hi llegao yo. Yo empiezo en la barbilla y acabo onde puedo.
Valentina. ¡Cómo será de bruto, que estornuda y se le vuela el pañuelo!
María. ¡El retrato de su padre! 
Antón. Pos no me paicía a mí tan mal mozo.
Valentina. ¡Aquí que no ponga los pies, porque lo estozuelo!
Antón. Oye, oye... esta es mi casa, ¿estamos?; y a más, lo ha llamau tu madre...  
Valentina. ¡Aquí que no ponga los pies ese cigüeño disecau, ea!
Antón. Mira, maña; aquí mando yo, ¿estamos?... y aquí, cuando yo mande que alguno... 


Escena VII
DICHOS y GALÁN por el foro.

Galán. (Entrando.) ¡Ave María Purisma!
María. ¿Tú vienes?
Galán. (Apocado.) Como s’ han ido los demás mozos a entrecavar las patatas y no había otro que viniera...
Valentina. Pos anda, anda, largo, que aquí no haces nenguna falta.
Antón. ¿Y quién eres tú pa espachar a naide?
Valentina. Soy lo que soy. ¡A la calle!
Antón. (Excitándose.) ¿Es que mandas tú aquí?
Valentina. Soy lo que soy. ¡A la calle! 
Antón. El pegote de la cría.
Valentina. Es que pa echar a éste no es menester ser mucha presona. 
¡A la calle! 
Antón. Pos ahora digo que se queda. ¡Pa que veas!
Galán. Es que yo... no quisiera... (Va a marcharse.)
Antón. (Deteniéndole.) Tú te quedas, y se ha rematau. 
Galán. Yo... no siendo del agrado de toos... (Va a marcharse otra vez.)
Antón. ¡Que te quedas hi dicho, ridiez! (Le sujeta.)
Galán. Güeno, güeno.
María. ¡Hala, hala, pasa al corral, a lo tuyo!
Galán. Ya voy... pero yo no sé qué le tengo hecho a Valentina, que se pone con mí que paice un fajo de aliagas.
Valentina. Calla, calla, que eres más tonto que el chorro de las canaleras. 
Galán. ¡Qué matica e cardos! 
Valentina. Pos miá que tú... Se pué hacer corcho de tu pellejo, conque miá que arbolico serás.
Galán. ¿Pero no está usté oyendo, tío Antón?
Antón. No le hagas caso. Esta es como su madre, que el único piropo que m’ ha dicho en su vida ha sido llamarme riumático, que no sé lo que es.
Galán. Pos es pa dale una contestación de a vara.
Antón. De a cuarta se la dí yo. Amos, amos al corral. Gracias que con mi genio las tengo asustaícas, y aquí no s’ hace más que lo que yo quiero, que si no... (Vanse Antón y Galán por el corral.)

Escena VIII 
VALENTINA y MARÍA 

María. Hijica, me tiés asombrada, que no me s’ alcanza la mira que te llevas pa icir lo que no sientes.
Valentina. Pos hacer lo que me paizca, que caa caminico, madre, hay que andalo con sus pasos calculaos.
María. Sí, güeno; pero...
Valentina. ¿Usté no me icía que con maña se enciende el fuego? Pos con maña se logra el deseo de un buen querer. Le va usté a mi padre por las malas y salimos escalabazaus... pos con maña ya me las compondré yo pa enzarzar a unos con otros, que se deshaga lo de Serafín y arreglame con Galán, que es el que es de mi agrado.
María. ¿Tanto lo quieres?
Valentina. Lo quiero; pero tampoco se lo digo a las claras. A cada campanica, su son.
María. ¡Bendito, lo que sabís las mozas de hoy en día, que talmente paice que nacís enseñadas!
Valentina. Yo estoy en que pa las mañas del querer toas las mujeres nacemos catredáticas.
María. ¡Bendito, bendito! (Vase por la derecha.)
Valentina. (Mirando hacia el corral.) ¡El sale! 


Escena IX 
VALENTINA y GALÁN

Galán. (Entrando.) Chacha, venía a icite...
Valentina. Hale... a partir leña...
Galán. Es que venía a icite que qué oronda estarás porque vienen a hacete la petición...
Valentina. Mucho que te se importará a tú. (Se ríe.)
Galán. Anda, que estarás más güeca que una lenteja con cuco.
Valentina. Tampoco es pa menos; ¡hale, a partir leña!
Galán. ¡Claro, con un novio tan boyante que paice un almú con patas! (Se ríe.) 
Valentina. Pa valer más que tú, cualquiera es güeno; que a tú, si te ponen unos alambricos, sirves pal tiligrafo.
Galán. Te llevas un maño pa lucilo en las fiestas del Pilar.
Valentina. Con las onzas de oro que le sobran, se puen comprar vainte moñacos como tú. ¡Hale al corral!
Galán. No, si tú... ya sé que tiés de corazón una hucha de hurta-ineros.
Valentina. Yo tengo lo que me paice, y Serafín tié posibles, y no tú, que eres un espellejau.
Galán. Oye, mal astral, lo que soy yo...
Valentina. Güeno, ¡a partir leña!... (Mirando a la calle.) Que ya le tengo aquí... ¡Míralo po ande viene!... ¡Con to ringorrango! No me dirás que no está hecho un jaque... y hoy viene hasta guapo... ¡ay, cómo lo quiero!...
Galán. (¿Pero será verdá que lo quiere?... ¡Idiós!... Y si lo quiere a él, ¿por qué me busca a mí pa pelease conmigo?)
Valentina. ¡Mialo que resalao!
Galán. ¡Pero si a ese lo escalzas y es una tenaja!... ¡Miá que icime eso!... ¡Maldita sea!... (Vase por el corral.)


Escena X
VALENTINA, SERAFÍN y el TÍO CAVILA por el foro.

Serafín. (Feísimo, abotijado, vestido de fiesta.) ¡A la güena e Dios!
Cavila. (Que le sigue.) ¡Güenos y regüenos por esta casa!
Valentina. ¡Alante!
Cavila. Hola, mañica. ¿Onde anda tu padre?
Valentina. Por ahí trajina.
Cavila. ¿Y tu madre?
Valentina. Güena. ¿Y la tía Sinforosa? 
Cavila. Güena. ¿Y tú? 
Valentina. Güena. (A Serafín.) ¿Y tú? 
Serafín. Güeno.
Cavila. Güeno... pos amos a sentanos.
Serafín. Güeno. (Se sientan.)
Cavila. Güeno... ¿y qué te paice el maño?
Valentina. ¿Pos qué va a paiceme? (Baja la cabeza fingiendo rubor, después de mirarle y sonreír.) 
Serafín. ¡Je!... (Riendo por cortesía después de mirarla y sonreír con una sonrisa idiota.)
Cavila. (A Serafín.) ¿Entiendes?... Cuando una moza no sabe lo que le paice un mozo y se mira los zapaticos... ¡Güena siñal!
Serafín. ¡Je!... 
Valentina. ¡Je!... (Imitándole con sorna.)
Cavila. Me paice, me paice que vals a hacer una parejica que va a ser la envidia del pueblo.
Valentina. ¡Je!... (En otro tono más guasón.)
Cavila. ¡Ya has visto cómo s’ ha puesto de majico, naa más que pa venir a vete!
Valentina. Es un fegurín luminao. Está pa recortalo y pegalo a la paré.
Cavila. (A Serafín.) Pos anda que ella, tampoco está pa tirala.
Serafín. Está pa tirala... pa tirala a lo alto y ponese debajo a recogela...
Cavila. (Riendo.) ¡Miá el alicortau éste!
Valentina. ¡Je!... (Indignada.)

Escena XI
DICHOS, MARÍA y ANTÓN por la izquierda. Después GALÁN (oculto).

Antón. ¡Hola, maño!... Tanto güeno po esta casa.
Cavila. Hola, Antoñejo.
María. Adiós, tío Cavila.
Antón. (A Serafín.) ¿Y tú tan reondico?
Serafín. ¡Je!...
María. Sentaros, sentaros.
Antón. (A Valentina.) Chacha; sácate la retacía y el chapurriau, que tomen una copica.
Valentina. Voy.
Cavila. Que no se incomode. 
María. No es incomodo.
Valentina. (Que saca lo pedido y sirve.) ¡Qué va a ser! (Al tío Cavila.) ¿De cualo?
Cavila. De éste. (Le sirve Valentina.) 
Valentina. (A Serafín.) ¿Y tú, salao?
Serafín. Metá y metá. Más metá de éste que del otro.
Valentina. Tiés güen gusto. (Le sirve.)
Serafín. ¿Ti tiembla el pulso?
Valentina. ¡De vete a tú!...
Antón. (Bebiendo. A Cavila.) ¿Qué te paice?...
Cavila. ¡Qué güeno es!... ¡Y qué juerza tié el ladrón!... Yo tamién hago un chapurriau que no tié parecido.
Antón. ¿Que no?
Valentina. Este lleva metá de anís y metá de arrope.
Cavila. Hombre, tamién hago yo un arrope que no hay otro que se le iguale. 
Antón. ¿Que no?
Valentina. (Mirando a su padre.) ¡Dice que no! Nosotros lo hacemos del mosto mejor. Este es de la viña moscatel.
Cavila. Pos no será tan majo como el de la mía del Pizarral.
Antón. ¿Que no? 
Valentina. Padre, dice que no... 
Cavila. Miá tú que da un vinico claretico, claretico como agüica dorada; pero anda, anda, metete con él, que no tendrás frío, no.
Antón. (Irónico y molesto.) ¡Tú siempre tiés de lo mejor en to!
Valentina. Se lo fegura él.
Cavila. Es que se pué prebar. Díselo a unos franceses que vinieron por vinos esta Sanmiguelada, que al pronto paicía que lo tomaban a broma, y luego no hacían más que icir, le li, le li... que creo que es que pedían la cama.
Valentina. Pos a un inglés que prebó del nuestro tuvieron que llévaselo en una pollera, pa que no se matara po el camino.
Antón. Conque compara.
María. Güeno, güeno; dejase de peleas y no metamos la burra en las coles, y amos a lo que estamos, que es lo e los chicos, ¿no sus paice?
Serafín. Mejor será.
María. Eso digo yo.
Antón. ¡Por mí!... El es el que tié que escomenzar. 
Cavila. Güeno, pos ya sabís que yo soy el tutor de éste... Y como tú m’ has dicho que no verías con malos ojos que tu chica... amos... y éste... me dijo que viniera a iciros... pos... pos vusotros diráis...
María. Yo por mí no digo na; pero sí digo que a ver lo que icen ellos, que son los interesaos.
Antón. Claro... por más que mi chica, lo que yo le diga... Pero amos.
Cavila. Pos éste, cuando m’ ha hecho dar este paso...
Serafín. ¡Je!...
Antón. (A Serafín.) ¿Quié icirse que tú... quiés a la Valentina? 
Serafín. ¡Más que el enterraor a las pestes!
María. (A Valentina.) ¿Y tú qué ices a esto?
Valentina. Pos eso tamién... que yo... pos... al preguntale a una... no sé si me esplico... 
Antón. ¡Repacho!... Como esplicate... no creas que mucho... ¿Quié icise que tú quiés casate con éste... no?
Valentina. Yo querer... amos... una cosa es querer... y otra... pero amos... ¿qué va a icir una?
Antón. Güeno... en resumidas cuentas... ¿Tú lo quiés pa marido?
Valentina. Hombre, yo... como querelo pa marido... no es que vayamos a icir una cosa ni otra... pero ustés s’ harán cargo...
Antón. ¡Idiós!... ¡Esvanza d’ una vez a ver si te entendemos, porque yo... 
Valentina. ¡Pos me paice que hablo bien claro!... Y como yo tengo palabra, pos digo, lo dicho y na más.
Cavila. Güeno, pero ¿qué es lo que has dicho?
Valentina. Pos eso... porque claro... una no sabe hablar de estas cosas... y una... ustés s’ harán cargo.
María. Güeno, pos en vista de lo satisfatorio del resultao... ahí sus quedáis. (Vase.). 
Cavila. Hasta dispués. 
 
Escena XII
DICHOS menos MARÍA

Cavila. (A Serafín.) Amos, ¿estás contento? 
Serafín. ¡Je!...
Cavila. Tanto que viniera, que viniera... pos ya he venido. ¡Too llega, menos la nariz al chato! 
Antón. El mocico tenía prisa, ¿eh? 
Cavila. Este, onde le ves, tan encogido, es como un reló de paré; por juera paice parao, y por drento no le escansa un menuto la maquenaria.
Antón. ¡Himos d’ hacer una boda que deje memoria! 
Cavila. Eso de mi cuenta corre.
Antón (Ofendiéndose.) ¡Como que nesecito yo a naide! ¡Aún ha e nacer el que mi haiga de ganar a hacer las cosas con rumbo cuando me pongo!
Valentina. Eso de seguro, que pa hacer las cosas como mi padre...
Cavila. Pos lo mismo digo, porque miá que yo, en diciendo esta casa se echa po la ventana, no queda ni el solar.
Valentina. Pos cuando lo ice mi padre, echa la suya y la de al lau.
Antón. Di que sí... Aunque no tuviá otra y tuviese que agarrame a un perro jornal... ¡Rejudas!... ¿Se habrá visto alboroque más juerte que cuando se me casó la entenada?...
Valentina. Que aún se está haciendo lenguas to el pueblo, y va pa cinco años. 
Cavila. Amos, Antón, que cuando la boda de mi hermana, me paice a mí que naa tuvo que envidiar a la de tu entená ni a nenguna.
Valentina. ¡Pero qué va usté a comparar una con otra! ¡Valía más el aguardiente que tiramos nosotros por los suelos pa que goliera...!
Antón. Y yo merqué una de pasteles que se empachó hasta la bandeja. 
Antón. No, si pa tú, ya se sabe que no hay na como lo tuyo.
Cavila. Es que se pué prebar, ridiós.
Valentina. Y tamién se pué prebar lo de mi padre.
Cavila. No te metas tú ahura.
Antón. Se mete porque puede, ¿entiendes?... Y a cualquier hora te puedo prebar yo a tú...
Cavila. ¿Pero qué me vas a icir tú a mí?
Valentina. ¡Pero es que usté se lo quié icir to!
Serafín. (Interviniendo.) Güeno, hombre, güeno... no custionar... s’ ha rematau y a beber... que si esto se enreda, estoy viendo que queamos malicamente.
Cavila. Tiés razón, porque éste...
Antón. Pos miá que tú... (Valentina les sirve vino y beben.)
Cavila. Conque golviendo a la cosa, aquí lo prencipal es que los chicos se quieran. 
Antón. De mi chica, yo respondo.
Cavila. Y yo de éste, porque ya ves tú, si no la quisiera, con lo que hereda este chico de sus padres... Pos si se le hubiá antojao casase en 
Zaragoza con una señorita e sombrero y faldica d’ esas hasta la rodillera... 
Antón. No te lo niego, pero tamién te digo que mi chica no ha nesecitao sombrero pa tener güen recau de pretendientes.
Valentina. Y si a cortar la falda vamos, el día que yo quiera me dejo ésta en la metá... 
Antón. Pretendientes que, no dispreciando a naide, paleaban las onzas de oro. 
Cavila. Hombre, éste, tanto como palear las onzas, no las palea, pero a tu corto conocimiento comprenderás que igual por igual, siempre se casa mejor un mozo que una moza. 
Valentina. ¿Pero usté oye, padre? 
Antón. Pos mira, Cavila; basta que tú ices eso, te vu a icir yo a tú, que si habís venido en el entender de que mi ibais a hacer un favor con llevaros la chica, sus podíais haber escusao el viaje.
Valentina. Porque han de saber ustés que a mi padre no le hago yo ni miaja de estorbo en casa, y mientras él viva y tenga puños pa trebajar, y vainte duros pa comprar simientes, no nesecito yo a naide.
Cavila. No, hombre, no... si estorbo ya lo sabemos que no le haces, pero como paice que quieres dar a entender que ha tenido otros pretendientes de más categoría... ¡caa uno defiende su parte! 
Antón. Si no hubiás dicho tú primero que podía haberse casao mejor con una señorita de sombrero, naide te hubiera puesto las peras a cuarto.
Valentina. Pero, tío Cavila, el que ice lo que no debe, oye lo que no quiere, y yo ciego por Serafín, pero disprecios tampoco puedo aguantalos.
Antón. Porque dispreciala a la chica, es dispreciame a mí.
Cavila. Pos si empezamos de esa manera, vamos a rematar pronto, porque pa mi genio...
Antón. ¡Pos no te reprimas, no, que pal mío!... ¡Y vaya!... Ya se ha rematau... ¡Qué gibar! ¡Yo no aguanto esto!... Conque hacer cuenta que no habís venido. (Todos se levantan.) 
Valentina. (Con mal disimulada alegría.) Pero padre, ¡que estoy loca por él!
Antón. ¡Aunque revientes! ¡Pos güenas tripicas tengo yo! 
Cavila. ¡Repacho, pues las mías no se quedan atrás! ¿Estamos? 
Serafín. (Aterrado.) ¡Tío Cavila!...
Cavila. Caa uno con su caa una. (Indican el mutis.) 
Antón. Así mesmo. Casualmente m’ has ido a tocar un punto...
Cavila. (Indicando.) Ya verás como no es tan fácil que encuentres con quien casala. 
Antón. ¡Se casará con decisáis, si me da la gana!
Cavila. ¡Ya lo veremos! ¡A quear con Dios! (A Serafín.) Hale, a la calle.
Serafín. (Aterrado.) ¡Pero tío Cavila!... 
Cavila. (Llevándole a empujones.) A la calle hi dicho, ridiós, que a mí no me pisa naide...
Serafín. Pero si es que... 
Cavila. Ajuera... (Vase empujando a Serafín.) 



Escena XIII
ANTÓN y VALENTINA 

Valentina. ¡Ay, padre, que se lo lleva!... (Fingiendo dolor.)
Antón. Déjalo que se lo lleve y lo rife a cachos, si quiere...
Valentina. Si es que m’ ha quitao el corazón.
Antón. ¡Ya te compraré otro! Nos han gibao los escalfecidos esos. Gracias a Dios aún no peinas canas, ni te corre por ná miaja e prisa.
Valentina. (Llorando amargamente.) ¡Lo que más hi sintido es lo que han dicho que no encontraré con quien casame!...
Antón. Tamién me ha molestao a mí eso, no creas. 
Valentina. Y que lo irán diciendo por to el pueblo.
Antón. Pos ya verá to el pueblo que no es verdá, porque como yo pueda, te caso mañana mesmo, aunque no sea más que pa dales en la morrera a esos muciégalos.
Valentina. Sí, eso es fácil decilo, pero no hacelo... porque ¿con quién me caso, padre, con quién me caso?...
Antón. ¡Qué sé yo, ricontra!... Con uno... con cualisquiera... ¡con el primero que venga!...
Valentina. (Corriendo rapidísima hacia la puerta del corral, donde se oye ruido de partir leña.) ¡Galán! ¿Pero aún estás partiendo leña?... (Gritando bastante.) 

Escena XIV
DICHOS y GALÁN

Galán. (Sudando, con el hacha en la mano. Cara de asombro.) Ya estaba acabando. ¿Me nesecitan pa alguna cosa?... (Pausa. Se miran todos.)
Antón. (Pensativo.) ¡Ridiez!... Oye, Galán...
Galán. Mande usté. (Se acerca.)
Antón. ¿Los majuelos de Capuchinos son de tu padre, y dispensa la curiosidá?
Galán. Y los de al lau, que se los dejó mi tía.
Antón. ¡Contra!... ¿Y el pradico del Soto el Cura, no era de tu madre? 
Galán. Es mío. Y el de al lau, que lo compré al tío Mingo.
Antón. Y aceite habráis cogido mucho.
Galán. Doscientas arrobicas y la prensa trebajando...
Antón. ¡Repacho!... Ven aquí, Galán... ¿Te gusta mi chica y la de al lau... digo, mi chica sola?, y dispensa la pregunta.
Galán. (Pudoroso.) ¡Que si me gusta!... ¡Más que un rial de salchichón! 
Antón. Pos asiéntate aquí y aguarda. (Lo sienta y va a buscar a Valentina, que está en otra silla, fingiendo que llora.) Oye, mañica... (Valentina levanta la cabeza.) ¿Qué te paice de Galán?
Valentina. (Fingiendo asombro.) ¿Cómo que qué me paice?
Antón. Amos, ¿que si haríais güenas migas tú y él?
Valentina. (Haciéndose la tonta.) ¿Cómo migas?... ¿Migas pa qué?
Antón. Amos, que... en resumidas cuentas, ¿que si haríais güen marido y mujer él y tú? ¿Mi intiendes ahura?
Valentina. (Como aterrada.) ¿Quién? ¡Casame yo con ese espellejau!... Con cualquiera antes que con ese; ¡primero me meto en un convento!
Antón. Tú no te metes en denguna parte.
Valentina. Pos con ese no me caso, padre... ni que quiera usté, ni que quiera naide. 
Antón. Mira, Valentina, no escomiences con cabezonerías, que ya me conoces.
Valentina. ¡Pero si no puedo velo ni en pentura!
Antón. Pos si yo te lo mando, ya te guardarás mu bien de espanturrialo. Es un mozo honrau a carta cabal, y miá que le va la hacienda e sus padres. 
Galán. Y la de al lau.
Valentina. Aunque palee las onzas no lo quiero. 
Antón. ¿Ah, sí? Pos ya mi hi hartau yo; ¡hale!... Y ahura te casas con él a la juerza. (A voces.) Galán... ¿estará conforme tu padre con lo que sea de tu gusto?
Galán. ¡Más contento que yo!...
Antón. Pos te casas con ésta. 
Galán. ¡Pero si ella no me quiere!... Si no tié pa mí palabra güena. No me deja caer de zopenco y de zaburdo y de too lo pior.
Valentina. ¿Y tú, pa qué me ices desgarbada y pisaburros cuando tropiezo con tú?
Galán. ¿Y tú, pa qué me hacías comparanzas con mi cabeza y el bolo del barandau?
Antón. Vaya, a callase, que me da a mí la gana de que éste sea mi yerno, y no hay más.
Valentina. Pues no lo quiero y no lo quiero, aunque mi hagan la juerza que mi hagan; eso es. (Hasta el final de la escena, todo a grandes voces.) 
Antón. Aquí no se ha dicho naa de juerza. Conque decide ahura mesmo u te escrismo. (Coge un garrote de un rincón.) 
Valentina. Que no, y que no, y que no.
Antón. (Amenazador.) ¡Maldita sea!... (Blandiendo el palo.)

Escena final
DICHOS y MOSEN JACINTO vestido de sacerdote, pero cubierto con un gorrito en vez del sombrero de teja. Luego MARÍA.

Mosén. (Entrando.) ¿Pero qué es esto?... ¿Qué ocurre en esta casa para esos lloros y esas voces? 
Antón. Naa, Mosén Jacinto; esta cría que mi ha tomao a mí po’ el palillo e la gaita. 
Mosén. ¿Pues qué ha hecho? 
Valentina. Pos que mi padre me quiere casar contra mi gusto, y yo no quiero. 
Mosén. ¿Eso es verdad?
Antón. No lo es.
María. (Saliendo.) Sí que lo es, señor cura, y en el fondo la chica tié razón. A mí me gusta mucho Galán, pero si ella no lo quiere...
Galán. Si ella no me quiere...
Antón. ¡Pero te quiero yo y basta!... ¿Es que le propongo yo algún desaliñau u algún malhechor?...
Mosén. Hija mía, ten reflexión y no te dejes llevar de los ciegos impulsos de tu testarudez.
Valentina. ¿Sí?... (Con ingenuidad llena de malicia.)
Mosén. ¿Qué puede querer un padre para sus hijos sino el bien y la felicidad en este mundo?... 
Valentina. ¿Sí?...
Mosén. Quieren que te cases con Galán, que es honrado y bueno; pues confórmate. 
Valentina. ¿Sí?...
Mosén. Sí, hija mía, sí, y es preciso que lo aceptes. 
Valentina. (Mirándole y lloriqueando.) ¡Si no hay otro remedio!...
Mosén. Si hoy no estas encariñada con él, ya verás luego cómo el tiempo y la bondad de los dos conciertan vuestras voluntades haciendo nacer un cariño que será como la bendición del cielo, por haber sido sumisa y obediente al mandato paterno.
María. Pero si no se quieren.
Antón. Tú te callas.
Valentina. (Con mucha violencia, como temiendo que su madre le estropee la combinación.) ¡Usté se calla, madre!... ¡Calle!...
Mosén. Conque dadme las manos. 
Los dos. ¿Pa qué?
Mosén. (Juntándoselas.) Para que os prometáis el uno al otro un amor honesto y grande y os queráis siempre con fidelidad y constancia.
¡Estréchale la mano, Valentina! 
Valentina. Si no hay otro remedio... (Obedece.)
Galán. ¡Ay!...
María. ¿Qué es eso?
Galán. ¡Cómo mi ha apretau, ridiez!
Antón. ¡Lo que no hace un sacerdote...!
Galán. ¡Yo reviento de gozo! Valentina, ¿me querrás siempre?
Valentina. Si no hay otro remedio... ¡Hasta que me muera!
Mosén. Conque disponeos a formar aquí vuestra casita para fundar una familia. Ahí tenéis añosa y emparrada la cepa que plantaron vuestros padres. A su sombra celebraron los felices acontecimientos de sus sencillas vidas. Sed dichosos y honrados como ellos para que hagáis honor a vuestra fe y a vuestra sangre. 
Valentina. ¡¡Si no hay otro remedio!!...
Antón. ¡Mi hi salido con la mía! (Muy satisfecho.)
Valentina. (Abrazándose a Galán.) (¡Que se cree usté eso!) 
- Telón. 

FIN DE LA OBRA 


OBRAS DE CARLOS ARNICHES
Casa editorial. 
La verdad desnuda. 
Las manías. 
Ortografía. 
El fuego de San Telmo. 
Panorama nacional. 
Sociedad secreta. 
Las guardillas. 
Candidato independiente. 
La leyenda del monje. 
Calderón. 
Nuestra Señora. 
Victoria. 
Los aparecidos. 
Los secuestradores. 
Las campanadas. 
Vía libre.
Los descamisados. 
El brazo derecho. 
El reclamo. 
Los Mostenses. 
Los Puritanos. 
El pie izquierdo. 
Las amapolas. 
Tabardillo. 
El cabo primero. 
El otro mundo. 
El príncipe heredero. 
El coche correo. 
Las malas lenguas. 
La banda de trompetas. 
Los bandidos. 
Los conejos. 
Los camarones. 
La guardia amarilla. 
El santo de la Isidra. 
La fiesta de San Antón. 
Instantáneas.
El último chulo. 
La Cara de Dios. 
El escalo. 
María de los Ángeles. 
Sandías y melones. 
El tío de Alcalá. 
Doloretes.
Los niños llorones. 
La muerte de Agripina. 
La divisa.
Gazpacho andaluz. 
San Juan de Luz.
El puñao de rosas.
Los granujas.
La canción del náufrago. 
El terrible Pérez. 
Colorín colorao... 
Los chicos de la escuela. 
Eos pícaros celos.
El pobre Valbuena. 
Las estrellas.
Los guapos.
El perro chico. 
La reja de la Dolores.
El iluso Cañizares.
El maldito dinero.
El pollo Tejada. 
La pena negra.
El distinguido Sportman.
La noche de Reyes.
La edad de hierro. 
La gente seria.
La suerte loca. 
Alma de Dios.
La carne flaca. 
El hurón. 
Felipe segundo.
La alegría del batallón. 
El método Górritz.
Mi papá. 
La primera conquista. 
El amo de la calle. 
Genio y figura.
El trust de los Tenorios.
Gente menuda. 
El género alegre. 
El príncipe Casto. 
El fresco de Goya. 
El cuarteto Pons.
La pobre niña. 
El premio Nobel. 
La gentuza. 
La corte de Risalia.
El amigo Melquiades. 
La sombra del molino. 
La sobrina del cura.
Las aventuras de Max y Mino.
El chico de las Peñuelas. 
La casa de Quirós.
La estrella de Olympia.
Café solo.
Serafín el Pinturero.
La señorita de Trevélez.
La venganza de la Petra. 
¡Que viene mi marido!
El agua del Manzanares. 
Las lágrimas de la Trini.
Las grandes Fortunas. 
La mujer artificial.
El conde de Lavapiés. 
La maña de la mañica. 
Los caciques.
No te ofendas Beatriz... 

OBRAS DE JOAQUÍN ABATI

Monólogos 

Causa criminal (de actor). - La buena crianza o Tratado de urbanidad (ídem). - Un hospital (ídem). - Las cien doncellas (ídem). - La cocinera (de actriz) *. - El Himeneo (ídem). - El Conde Sisebuto (ídem) *. - El debut de la chica (ídem). - La pata de gallo (ídem). 

Comedias en un acto

Entre Doctores. - Azucena. - Ciertos son los toros . - Condenado en costas *. - El otro mundo. - La conquista de Méjico. - Los litigantes. - La enredadera. - De la China. - Aquilino Primero *. - El intérprete. - El aire. - Los vecinos. - Café solo. - La maña de la mañica. 

Comedias en dos actos

Doña Juanita. - Los niños. - Tortosa y Soler (R.). - El 30 de Infantería (R.). - El Paraíso. - La mar salada. - La gallina de los huevos de oro (magia). - La bendición de Dios. - Mi querido Pepe. - La gentil Mariana.  
- Jesús, María y José. - Las lágrimas de la Trini.

Comedias en tres o más actos

Tortosa y Soler. - Los hijos artificiales. - Fuente tónica *. - Alsina y Ripoll. - El 30 de Infantería. - Los reyes del tocino (firmada con pseudónimo). 
- El gran tacaño. - Los perros de presa. - Genio y figura. - La alegría de vivir. - La divina providencia. - El premio Nobel. - El orgullo de Albacete. - El cabeza de familia. - La piqueta. - El tren rápido. - El infierno. - El río de oro. - El viaje del rey. - Ramuncho. - Las grandes fortunas. - No te ofendas, Beatriz. 

Zarzuelas en un acto

Los besugos. - Los amarillos. - El tesoro del estómago. Lucha de clases. 
- Las venecianas (la música). - Tierra por medio. - El Código penal. - Tres estrellas *. - EL trébol. - La taza de the. - El aire (R.). - La hostería del laurel. - Mayo florido. - Los hombres alegres. - ¡Mea culpa! La partida de la porra. - El verbo amar. - El potro salvaje. - España Nueva. - El dichoso verano. - Sierra Morena. - Las alegres colegialas.

Zarzuelas en dos actos

El asombro de Damasco. - Baldomero Pachón. - La corte de Risalia. - El conde de Lavapiés. 

Zarzuelas y operetas en tres o más actos

La mulata. - La Marcha Real *. - Los viajes de Gulliver. El sueño de un vals. - La viuda alegre *. - El velón de Lucena. - La mujer artificial.

Las obras marcadas con asterisco, o no se han impreso, o están agotadas. - Las marcadas con (R.) son refundiciones.

Precio: DOS pesetas.